Commission des affaires économiques

Réunion du 15 mai 2019 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Comme chaque année à cette période, il me revient de vous présenter ce matin le bilan de l'application des lois relevant du champ de compétences de notre commission. Nous adoptons des lois, mais encore faut-il qu'elles soient appliquées et pour cela que toutes les mesures réglementaires attendues soient prises en temps et en heure.

Cet exercice est aussi primordial que délicat : il convient d'analyser quantitativement mais aussi qualitativement les textes règlementaires pris au cours de l'année écoulée. Il s'agit d'apprécier si ces textes répondent aux attentes que nous avons formulées dans les lois que nous avons adoptées.

Le rapport établi cette année porte sur quatorze lois promulguées entre 2010 et le 30 septembre 2018. Concernant la méthodologie, je vous rappelle qu'afin d'apprécier l'objectif d'une parution des textes d'application dans les six mois suivant la promulgation d'une loi, seules les mesures réglementaires publiées jusqu'au 31 mars 2019 entrent dans le champ d'étude de notre bilan et par construction les lois promulguées avant le 30 septembre 2018. La loi « Egalim » et la loi « ELAN », qui ont été promulguées respectivement le 30 octobre et le 23 novembre 2018, ne seront donc prises en compte dans le bilan statistique qu'à partir de l'année prochaine. Mais évidemment, je ne manquerai pas de vous communiquer dès ce matin des premiers éléments sur leur mise en application.

Sur les quatorze lois dont l'application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, cinq sont totalement applicables. Les taux d'application des neuf lois partiellement applicables varient de 76 % à 98 % avec une moyenne qui avoisine les 90 %. Pour autant, on ne doit pas automatiquement en déduire une bonne applicabilité de ces lois. Car il y a décret et décret. Parfois un seul manque... et c'est tout un pan de la loi qui n'est pas applicable. Par ailleurs, l'évolution des statistiques réserve des surprises.

La loi ALUR a, par exemple, vu son taux d'application augmenter significativement à la suite de la promulgation de la loi ELAN : en réalité, cette hausse ne reflète pas une mise en oeuvre accélérée de la loi, mais une abrogation de certaines de ses dispositions. Dix-sept mesures d'application de la garantie universelle des loyers sont, en effet, devenues sans objet. L'article 154 de la loi ELAN a tout simplement abrogé cette garantie qui, de fait, n'a jamais été appliquée.

Je ne passerai pas en revue l'ensemble des lois sous forme d'inventaire, mais je me limiterai à quelques « focus » sur les plus emblématiques d'entre elles. La seule loi promulguée durant la session 2017-2018 et examinée au fond par notre commission est la loi « Hydrocarbures » du 30 décembre 2017, qui organise l'arrêt progressif, d'ici à 2040, de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures sur le territoire national. La mise en application de la loi apparaît globalement satisfaisante : au 31 mars 2019, les douze textes réglementaires parus - dont dix l'ont été dans les six mois suivant la publication de la loi - ont permis d'atteindre un taux d'application de 76 %.

Il faut en particulier se satisfaire de la mise en oeuvre rapide de la réforme du stockage du gaz qui a permis d'assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz pour l'hiver 2018-2019 et à laquelle le Sénat a largement contribué. En revanche, aucun des quatre rapports demandés par le législateur avant la fin de l'année 2018 n'a encore été remis.

L'article 12 habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances, d'ici au 30 décembre 2018, sur trois sujets et notamment l'extension du mécanisme d'interruptibilité à des clients raccordés aux réseaux de distribution et le fait de rendre optionnelle la compensation financière versée aux consommateurs finals interruptibles. Or force est de constater que la seule ordonnance parue sur le fondement de cette habilitation ne comporte pas ces deux derniers points. Le fait que le Gouvernement ne fasse pas usage des habilitations qu'il a pourtant expressément demandées conforte notre commission dans le contrôle très vigilant qu'elle exerce sur l'opportunité du recours aux ordonnances : elle continuera, chaque fois qu'il est possible, à leur préférer une législation directe et, à défaut, à encadrer strictement les délais comme le champ de l'habilitation.

J'en viens à présent à la loi ELAN. Elle n'est donc pas comprise dans nos statistiques cette année. Pour autant, je me dois de vous citer quelques chiffres : le projet de loi déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale comportait soixante-cinq articles. À l'issue de la navette parlementaire, le nombre d'articles a été multiplié par plus de trois pour atteindre 234 articles. Quatre-vingt-quatre renvois à des mesures réglementaires (y compris les ordonnances) auxquels s'ajoutent cinq demandes de rapport ont été recensés.

Quatorze mesures d'application (hors ordonnances) ont été prises à ce jour, dont six non prévues par la loi. Soixante-quinze dispositions sont, en l'état, inapplicables faute de parution des textes d'application. Il ne s'agit pas à ce stade de porter une appréciation sur l'absence des mesures d'application dès lors que le délai de six mois après la publication de la loi, au terme duquel toutes les mesures réglementaires doivent avoir été prises, n'est pas tout à fait échu - il le sera, cela dit, dès le 23 mai prochain...

Le Gouvernement a transmis au Parlement en début d'année un tableau de programmation des mesures d'application de la loi avec un échéancier prévisionnel de mise en application des différentes dispositions. Un double constat s'impose : les délais indiqués dans le tableau de programmation des mesures d'application de la loi ne seront manifestement pas respectés, certaines mesures attendues en mars n'ayant toujours pas été publiées ; le Gouvernement envisage de prendre au moins vingt-deux mesures d'application non prévues par la loi. Il nous faudra être attentif aux délais d'adoption de ces mesures et veiller à ce qu'ils soient raisonnables afin de ne pas retarder l'application des dispositions législatives concernées.

Aussi, la loi ELAN comprend dix habilitations à légiférer par ordonnances. Notre commission sera particulièrement vigilante en la matière. En effet, l'an dernier, le rapport sur l'application des lois de notre collègue Valérie Létard avait montré que non seulement le recours aux ordonnances ne permettait pas de légiférer plus vite, mais que dans un certain nombre de cas le Gouvernement n'utilisait pas l'habilitation qui lui avait été donnée, voire préférait finalement légiférer selon la procédure législative ordinaire.

La loi « Égalité et citoyenneté » qui a été promulguée en janvier 2017 offre un exemple intéressant en matière d'usage des ordonnances. L'article 117 habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans un délai de deux ans pour deux sujets : procéder à une nouvelle rédaction du livre IV du code de la construction et de l'habitation relatif aux habitations à loyer modéré afin d'en clarifier la rédaction et le plan ; codifier dans le code de la construction et de l'habitation les dispositions propres à l'allocation de logement familiale et à l'allocation de logement sociale.

Le Gouvernement n'a pas publié dans le délai prescrit la première ordonnance de clarification du code de la construction. Quant à la seconde ordonnance, la loi ELAN a accordé un délai supplémentaire de six mois au Gouvernement pour qu'il puisse finir de rédiger l'ordonnance de codification. L'habilitation à légiférer par ordonnance ne rime donc pas toujours avec rapidité ou efficacité, d'où notre souhait souvent répété d'inscrire autant que possible directement dans la loi des dispositions importantes plutôt que de privilégier un renvoi à une ordonnance.

Même si la loi Egalim n'est pas prise en compte dans notre bilan cette année, je souhaite évoquer le fait que notre commission a très tôt entamé ses travaux de contrôle sur cette loi, en missionnant un groupe de suivi, présidé par notre collègue Daniel Gremillet, afin de suivre à long terme, et non dans un calendrier contraint, les effets de cette loi. Une vigilance particulière sera portée sur le fait que les textes d'application prévus par la loi soient bien pris et que les ordonnances respectent le champ d'habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement.

L'idée n'est pas de produire un rapport au bout de quelques mois et de ne plus suivre les effets de la loi, mais bien de mesurer les effets directs et indirects de cette loi sur l'ensemble des acteurs du monde agricole pendant plusieurs années, de les comparer avec les objectifs initiaux du législateur, et, le cas échéant, d'apporter les correctifs nécessaires à la loi.

Je voudrais pour terminer évoquer la résolution renforçant les capacités de contrôle de l'application des lois qui a été adoptée en séance publique le 7 mai dernier, à l'initiative de notre collègue Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ce texte, qui modifie le Règlement de notre assemblée, confie au rapporteur un « droit de suite » : il lui reviendra en effet de suivre l'application de la loi après sa promulgation et ce jusqu'au renouvellement du Sénat. Notre Règlement mentionnera désormais que les commissions permanentes contribuent à l'élaboration du bilan annuel de l'application des lois, ce qui consacre dans les textes cet exercice qui a été mis en place par le Sénat dans les années 1970.

J'aimerais effectuer une dernière remarque générale, qui sort quelque peu du champ de ce bilan. Nous entendons régulièrement des réflexions sur le temps parlementaire et sa prétendue lenteur : le délai pour le vote d'une loi serait trop long, alors que même la procédure accélérée est désormais devenue la norme. Mais il faut rappeler, je crois, que pour l'effectivité d'une loi et sa pleine mise en application, il s'écoule là aussi plusieurs mois - voire des années - jusqu'à ce que tous les décrets attendus soient publiés. En outre, l'argument de célérité souvent invoqué pour les habilitations à légiférer à ordonnance n'est guère plus convaincant, nous l'avons encore vu à travers les exemples évoqués ce matin...

En outre, dans le contexte de préparation de la réforme constitutionnelle, parmi les quarante propositions du groupe de travail sur la révision de la Constitution présidé par Gérard Larcher - dont les travaux pourraient constituer une source d'inspiration utile - je souligne deux propositions qui concernent notre sujet : l'inscription dans la Constitution au sein d'un nouvel article 37-2 de l'obligation de prendre les mesures réglementaires d'application des lois, en consacrant le rôle du Parlement dans le contrôle de l'application des lois et l'évaluation de leur mise en oeuvre ; la possibilité donnée aux présidents des deux assemblées ainsi qu'à soixante députés ou sénateurs (ce nombre pouvant être ajusté en fonction du nombre de parlementaires) de saisir le juge administratif, en l'espèce le Conseil d'État, en l'absence de publication des mesures réglementaires d'application d'une loi dans un délai raisonnable.

Pour conclure, je ne saurais que trop vous recommander de prendre connaissance du bilan sectoriel détaillé qui procède à une analyse fouillée de l'application de toutes les lois que nous suivons : il sera mis en distribution au début du mois de juin, avant le débat en séance publique qui interviendra le mercredi 12 juin à 8 heures en salle Clemenceau, avant le début des réunions de commission. C'est notre collègue Valérie Létard qui, en tant que présidente de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, centralise les contributions de toutes les commissions et rédige un rapport global. Je lui souhaite beaucoup de courage pour ce travail très utile et vous remercie de votre attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Une remarque pour plaider en faveur du maintien du nombre de parlementaires afin d'exercer cette mission de suivi et d'évaluation des politiques publiques en rapport avec les lois que nous votons : je ne suis pas certain qu'il nous sera forcément possible de faire mieux en étant moins nombreux, dans l'hypothèse d'une diminution de 20 à 30 % de notre effectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons à notre ordre du jour deux nominations de rapporteurs. Je vous propose la candidature de M. Daniel Gremillet en tant que rapporteur du projet de loi relatif à l'énergie et au climat. J'indique au passage que je plaide en conférence des Présidents afin d'essayer de trouver un calendrier acceptable pour l'examen de cette loi, qui sera inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire de juillet. Je souhaite que nous puissions avoir un délai raisonnable entre la transmission du texte par l'Assemblée nationale et son passage en commission, sans pour autant allonger la durée de la session extraordinaire. Il faudra au besoin reculer la date de la commission mixte paritaire au mois de septembre, comme nous l'avions déjà fait pour le projet de loi « ELAN ».

M. Daniel Gremillet est désigné rapporteur.

Sur la proposition visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles, je suis saisie de la candidature de Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia est désignée rapporteur.

La réunion est close à 11 h 50.