Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens

Réunion du 19 juin 2019 à 15h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • directeur
  • directeurs généraux
  • ingénierie
  • intercommunalité

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Notre mission d'information poursuit ses travaux avec l'audition de M. David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France. M. Le Bras est accompagné de Mme Katia Paulin, déléguée générale adjointe.

L'Association des directeurs généraux des communautés de France a été créée en 1992. Cette date est intéressante, à la fois dans l'histoire française, mais aussi européenne. Votre association rassemble les directeurs généraux des communautés de communes, d'agglomération et urbaines. Elle cherche à faire émerger un mouvement unifié de professionnels de l'intercommunalité - elle compte aujourd'hui environ 1 000 cadres dirigeants - et à valoriser une vision constructive de l'intercommunalité de projet.

Dans un contexte marqué, depuis quelques années, par le transfert aux régions de l'autorité de gestion de la quasi-totalité des fonds européens, ainsi que par la fusion des régions, notre mission d'information s'interroge sur la place de l'intercommunalité. Quelles sont, notamment, les conséquences de ce transfert sur les structures intercommunales ? Les intercommunalités sont au coeur de ces problématiques. En effet, elles portent des projets de territoires. Or, les fonds européens visent justement à financer de tels projets. Nous souhaitons également connaître les difficultés que rencontrent les intercommunalités sur le terrain.

Nous vous avons adressé un questionnaire qui peut constituer le « fil conducteur » de votre intervention. Je vous propose de vous donner la parole pour un propos liminaire d'une dizaine de minutes, puis j'inviterai mes collègues, en commençant par notre rapporteure, Colette Mélot, à vous poser des questions.

Cette audition fera l'objet d'un compte rendu publié.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Madame la Présidente, permettez-moi d'apporter quelques précisions relatives à notre association. Nous représentons également les directeurs généraux des services des métropoles. Par ailleurs, il y a un peu plus d'un an, nous avons élargi nos statuts aux directeurs de territoires de projets : les directeurs de communes nouvelles, d'agences d'urbanisme, de pôles métropolitains, de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR), de schémas de cohérence territoriale (SCOT) et de parcs naturels régionaux.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Nous avons adressé votre questionnaire, lundi matin, à notre réseau d'un millier d'adhérents. Nous fonctionnons toujours selon cette méthodologie. En moins de 24 heures, nous avons reçu 44 réponses de directeurs généraux des services (DGS). Ce taux de réponse, dans un délai aussi court, est exceptionnel.

La note que je vous transmettrai sera la synthèse de ce que font remonter les directeurs généraux (DG) d'intercommunalité sur la sous-consommation des fonds européens. Objectivement, le terme qui m'a marqué dans une bonne moitié des contributions est celui de « mitigé ». On reconnaît la plus-value du transfert de la gestion des fonds aux régions, dans une logique de proximité. Il y a un ADN commun entre les intercommunalités, les régions et l'Europe. Les attentes étaient très nombreuses, et la déception est forte. J'ai procédé à une analyse sémantique. Après le mot « mitigé », celui qui revient le plus est « catastrophique ». Sur les 44 réponses recensées, j'ai eu très peu de réponses positives - 4 ou 5.

Ont été notamment regrettés : des transferts inadaptés, un personnel manquant d'expertise, la temporalité et les retards dans les versements. En outre, on nous a beaucoup parlé des logiciels Osiris, Isis et Synergie comme frein à l'efficacité de gestion. Les directeurs généraux tempèrent en raison du contexte de fusion et d'extension du périmètre des régions. Ils considèrent par ailleurs qu'il y a eu une amélioration depuis un an. Les régions s'adaptent à cette responsabilité nouvelle. Toutefois, la gestion est encore perfectible. La consommation du programme LEADER est très faible.

De manière synthétique, la gestion des fonds européens ne fonctionne pas suffisamment bien aujourd'hui. Mais, l'attitude des régions qui cherchent à améliorer leur technicité est jugée dans la majorité des cas positive. Pour les directeurs généraux d'intercommunalité, il est nécessaire de laisser aux régions encore un peu de temps. L'attitude est donc bienveillante. En 2023, à la fin de cette programmation, on pourra dresser un bilan plus exhaustif.

De manière générale, les directeurs généraux d'intercommunalité partageaient les conclusions de la Cour des comptes : le transfert de l'autorité de gestion aux régions était mal anticipé et partiel. En outre, les processus sont beaucoup trop complexes. J'ai repris dans la note des verbatim de directeurs généraux d'intercommunalités décrivant clairement le cheminement d'un dossier une fois déposé, ainsi que les relations qu'ils entretiennent avec la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Vous avez eu 44 réponses, avec une tonalité mitigée. Quels territoires vous ont répondu ? S'agit-il de régions qui sont issues de fusion ou plutôt de régions dont le périmètre n'a pas évolué ? Les remontées venaient-elles plutôt de territoires ruraux ou urbains ? Enfin, peut-on penser que ceux qui n'ont pas répondu sont satisfaits de la gestion des fonds par les régions ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Il y a toujours un biais lorsque l'on procède à une consultation de nos adhérents.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

En effet, peuvent vous répondre seulement ceux qui ont des récriminations à partager...

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Les 44 réponses proviennent de presque toutes les régions. Le discours de DGS bretons - la Bretagne n'a pas connu de modification de son périmètre - est beaucoup plus positif sur le travail régional. Certes, ils regrettent la complexité des processus, mais ils ont déjà des habitudes de travail avec les équipes en place. Les interlocuteurs n'ont pas changé, permettant une plus grande fluidité dans les transmissions des dossiers. Leur traitement est donc plus rapide. La fusion des régions a eu un réel impact sur l'efficacité régionale.

Plusieurs directeurs généraux d'intercommunalités rurales nous indiquent ne pas disposer de l'ingénierie suffisante pour pouvoir répondre à une grande partie des appels à projets. Ils peuvent bénéficier de l'aide d'un pays ou d'un PETR. Dans le cas contraire, ils nous expliquent ne plus répondre à ces appels à projets. Certaines expériences sont intéressantes à ce sujet : ainsi, la métropole de Rouen met à disposition une partie de son ingénierie pour aider les territoires périphériques à répondre aux appels à projets.

Les communautés d'agglomération disposent en interne de l'ingénierie nécessaire. Il est intéressant de constater, dans les remontées d'informations, la mise en place d'alliances de communautés d'agglomération, qui ne passe pas forcément par la création d'une structure ad hoc - un syndicat par exemple. Elles mutualisent leurs ingénieries pour répondre aux appels d'offres.

Une vraie distinction existe cependant entre le rural et l'urbain. Pour des raisons d'ingénierie et de ressources, certains territoires ne peuvent plus répondre aux appels à projets. Enfin, certains territoires d'agglomération ne répondent que si le montant de l'aide versée est jugé suffisamment important. L'engagement nécessaire pour répondre est tel - notamment parce qu'il est parfois nécessaire de faire appel à un cabinet extérieur -, qu'il n'y a de rentabilité que si le montant obtenu est substantiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Que pensez-vous du recours à des prestataires extérieurs ? Comment sont-ils recrutés ? Quel est l'échelon le plus pertinent - région, département, intercommunalité - pour accompagner les porteurs de projet ?

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Du temps a été perdu en raison de la fusion des régions puis des élections régionales. Mais surtout, il n'y a pas eu une fusion des programmes opérationnels au sein d'une nouvelle grande région. Cela a posé un problème aux nouveaux exécutifs.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Sur nos 44 réponses, quatre nous indiquent avoir fait appel à un soutien extérieur. Il s'agit de communautés d'agglomération. Les cabinets ont été recrutés sur des dossiers complexes ou lorsque la rédaction de la demande présentait une spécificité particulière. Dès lors, la collectivité a décidé de s'appuyer sur un cabinet spécialisé. Ces cabinets ont été recrutés via un marché public. Mais, au final, très peu de DGS nous ont indiqué recourir à un prestataire extérieur. Il s'agit d'ailleurs d'une des questions pour lesquelles nous avons obtenu le moins de retour. Les quatre intercommunalités ayant répondu par l'affirmative à cette question nous ont précisé qu'elles souhaitaient disposer d'une ingénierie en interne pour être plus réactives. Le recours à un prestataire externe était donc très ponctuel et porte sur des points bien précis. En outre, ces intercommunalités disposent de moyens financiers pour pouvoir recruter ces prestataires externes. Cela fait également partie des intercommunalités qui s'allient pour mutualiser les personnels travaillant sur ces sujets. Et comme précédemment, nous sommes plutôt dans des régions dont les périmètres n'ont pas évolué.

Les régions où le transfert de l'autorité de gestion est jugé globalement le plus positivement sont la Bretagne, l'Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

L'intérêt de recourir à un cabinet externe serait pour les DGS d'intercommunalité plutôt en début de programmation afin de détecter les opportunités et de constituer et former les équipes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Avez-vous eu des retours concernant le suivi des dossiers et les délais de paiement ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Les délais moyens convergent vers deux ou trois ans. Ces délais sont très longs. Beaucoup de porteurs de projet n'ont pas les moyens de survivre pendant ce laps de temps. Des associations notamment mettent la clé sous la porte. Dans d'autres cas de figure, les régions vont compenser ces délais afin d'assurer la survie de telle association ou de telle microentreprise. Une intercommunalité nous a notamment indiqué gérer actuellement plus de 130 projets ; deux seulement avaient obtenu un versement effectif des fonds européens sur les trois dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Disposez-vous des délais d'instruction et de réponse, entre le moment où l'intercommunalité dépose un dossier et la réponse définitive d'acceptation ?

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Le délai moyen de réponse est de dix-huit mois.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Des expériences de projets transfrontaliers sont relatées, permettant de disposer d'éléments de comparaison internationale. Ainsi, dans un projet avec l'Espagne, le délai d'instruction a été de six mois de l'autre côté des Pyrénées. Pourquoi cela prend-il autant de temps en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Est-ce parce que l'on travaille différemment dans ces pays ?

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Nous disposons de quelques éléments de réponse pour le Royaume-Uni. Ce pays consomme tous ses crédits, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, contrairement à la France, il n'y a pas d'empilement administratif. Par ailleurs, il adopte une position de principe en n'ajoutant pas de règles à celles imposées par l'Union européenne. La réglementation britannique reste à un niveau de généralités, d'énoncés des principes, sans ajouter de normes nationales.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Nous avons eu une réponse très intéressante d'une intercommunalité située en Bourgogne-Franche-Comté. Elle montre comment la région a complexifié la réglementation. Les directeurs généraux nous indiquent que cette complexification s'est faite dans un souci de protection. La région veut absolument tout contrôler afin de ne pas être pénalisée lors de l'audit.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Hier, lors des auditions, le contraire nous a été indiqué. On nous a notamment dit que la France n'appliquait stricto sensu que ce que demandait l'Europe. La règle était la même quels que soient les pays de l'Union européenne, et les contrôles sont les mêmes quels que soient les montants. Or, le discours que vous tenez est tout autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Les règles identiques sont au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je ne vois pas comment la région peut réussir à complexifier les règles. En outre, cela signifie que la complexification est plus ou moins importante selon les régions. Or, les régions sont pilotées par des élus qui se plaignent de la surtransposition et des contraintes normatives. Je ne vois pas comment des élus régionaux de leur plein gré complexifient les procédures.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Les directeurs généraux d'intercommunalité nous indiquent qu'à chaque strate, à chaque niveau de décision, des normes sont ajoutées.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

En fonction de la taille de l'intercommunalité, certains projets sont-ils mieux portés en raison de la présence de compétences en interne ? Nous sommes en effet passés d'intercommunalités de petite taille à des intercommunalités de grande taille avec la présence d'une ingénierie. La taille influence-t-elle sur le taux de réussite du projet ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Nous avons évoqué précédemment la fusion des régions. Cette dernière a impacté la prise de responsabilité des nouvelles régions et l'efficience dans le traitement des dossiers. On nous dit la même chose pour les intercommunalités. Celles qui ont fusionné ont eu besoin - et ont toujours besoin - d'un laps de temps d'adaptation. Elles sont aujourd'hui moins efficaces. Les directeurs généraux de grandes intercommunalités ayant récemment fusionné nous le disent. Ils doivent davantage manager l'ingénierie. On a fusionné des territoires ayant leurs propres cellules. Il faut recréer une culture commune. On pourrait penser de prime abord que la fusion engendre une ingénierie plus performante. Sur le terrain, il apparaît que ce n'est pas forcément le cas aujourd'hui.

Plusieurs directeurs généraux d'intercommunalité nous expliquent que la région a complexifié, par exemple, la norme européenne sur les équivalents de subventions brutes et sur les prêts à taux zéro. La région adopte toujours la position la plus dure, alors qu'elle pourrait faire preuve de plus de souplesse dans l'interprétation du droit européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

L'objectif du directeur général de région est que la mission réussisse. Or, il participe à complexifier le système. Je ne vois pas comment, en pleine conscience, les élus régionaux, leurs directeurs généraux, et de manière générale toute la chaîne décisionnaire, décident de complexifier la réglementation applicable. Un directeur général a également un rôle de conseil auprès des élus pour lesquels il travaille.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Il faudrait interroger les DGS de région. Les retours dont je vous fais part ici sont ceux des DGS d'intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Monsieur Le Bras a indiqué de manière intéressante que les régions cherchent à se protéger. Tant que l'État était instructeur des dossiers et autorité de gestion, c'est lui qui portait la responsabilité. En effet, l'autorité de gestion doit rendre des comptes à la Commission européenne, et éventuellement rembourser des crédits mal utilisés. L'État disposait d'une possibilité d'amortisseur plus importante que les régions en cas de sanctions. Pour les régions, il s'agit d'une responsabilité nouvelle. En Nouvelle-Aquitaine, les fonds européens représentent 2,5 milliards d'euros, soit une année budgétaire supplémentaire. En cas de problème sur des projets importants, cela pourrait représenter un risque budgétaire significatif. D'où cette volonté de se protéger.

Vous avez indiqué que chaque strate rajoute sa norme. Nous devons creuser cet aspect.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

À mon avis, l'une des raisons de mettre en place des règles rigoureuses au départ est de pouvoir subventionner de gros projets régionaux en fin de programmation. L'État faisait de même. Les vieilles habitudes ont la vie dure. Cette pratique avait été dénoncée par l'Union européenne car l'État faisait de la subsidiarité au lieu de faire de la complémentarité. La France avait même été condamnée pour cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Certains projets sont éligibles. Je ne vois pas de quoi veut se prémunir la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Aujourd'hui, dans la mesure où l'on connaît la liste des projets éligibles, n'est-il pas plus simple de respecter une telle liste, plutôt que de proposer de très nombreux projets, avec peu de chances de succès ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

L'audition du commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), hier, a permis d'illustrer les questions que se posent les régions et leur volonté de se protéger face à des incertitudes. Ainsi, en termes de marché public, qu'est-ce qu'une aide publique au sens communautaire ? Jusqu'où va la contrepartie ? À partir de quand commence l'aide ? Ce sont des questions que se posent les régions. De même pour le Fonds social européen (FSE), est-il nécessaire de faire signer et contresigner des listes de présence, pour un seul stagiaire ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

De nombreux directeurs généraux d'intercommunalité s'interrogent sur la façon dont sont définis les critères d'éligibilité. Selon eux, il y a un défaut de transparence sur les critères initiaux permettant de savoir si un projet pourra être sélectionné. Ce sentiment est récurrent. En outre, il existe un problème plus global : les régions se cherchent. Il existe une entente historique entre les régions et les intercommunalités. Les intercommunalités et les directeurs généraux, relatant les propos de leurs élus, nous disent que la région n'assume pas un véritable leadership. La région pilote par les normes, par la définition de critères. Les appels à projets sont à sens unique. Les intercommunalités ne contribuent donc pas à la co-construction des règles d'éligibilité, ce qu'elles regrettent. Ce point dépasse d'ailleurs largement la seule question des fonds européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Est-ce que l'on retrouve cette problématique dans toutes les régions, qu'elles soient ou non issues de fusion ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Les régions qui n'ont pas fusionné fonctionnent un peu mieux. Cela se passe relativement bien en Bretagne. J'ai également le sentiment qu'il en est de même dans le Centre-Val de Loire. Il est vrai que la fusion a ajouté de la complexité. Mais, dans toutes les régions, on constate un changement de posture.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

La région n'assure pas son rôle d'animateur sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

La situation est-elle différente en Ile-de-France par rapport aux autres régions qui n'ont pas fusionné ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

La région Ile-de-France se caractérise par les rapports entre la métropole et la région, ainsi qu'entre les établissements publics territoriaux, la métropole et la région. Le jeu institutionnel et le jeu d'acteurs complexifient le lien entre ces trois strates institutionnelles. Intrinsèquement, il n'y a pas de raisons qu'il y ait des difficultés. Mais le jeu d'acteur est tellement complexe, et il y a tellement d'enjeux, que cela entraîne des blocages sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

L'association que vous dirigez a-t-elle un rôle de conseil ? Pouvez-vous apporter à vos adhérents un guide de bonnes pratiques et les aider ? Ce sujet paraît beaucoup préoccuper les directeurs généraux.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Comme je l'ai dit initialement, nous avons été très surpris du taux de réponse. D'ailleurs, nous continuons à recevoir des réponses.

Nous avons une plateforme collaborative. Tous les directeurs généraux de notre association peuvent se connecter et déposer des questions, ou faire part de leurs problèmes. La communauté répond. Nous avons une rubrique sur l'Europe, où ont lieu des échanges sur les fonds européens : les délais, les pièces à fournir, les devis, etc.

Nous n'avons pas publié de guide. Toutefois, c'est potentiellement envisageable. Objectivement, c'est grâce à cette audition que nous nous sommes aperçus de l'importance de ce sujet. Cela nous a interrogés et nous en avons discuté avec notre président hier, afin d'être plus présents sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Hier, le CGET nous a indiqué que 70 % des fonds européens étaient consommés. Nous étions ainsi dans la moyenne européenne. Qu'en est-il des 30 % restants ? Pourquoi n'arrive-t-on pas à aller plus loin ? Nous comprenons dans vos propos qu'il existe de nombreux freins. Avez-vous connaissance des projets auxquels les collectivités ont renoncé ? Y a-t-il des types de projets particuliers ? Ce taux de renonciation est-il élevé ? Vous avez évoqué les associations. Le frein principal est l'avance de trésorerie, ainsi que le cofinancement. Pouvez-vous nous donner un ressenti ou des éléments plus factuels sur ces points ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Nous avons des cas de figure où des directeurs généraux nous disent avoir arrêté un projet car la difficulté ou les délais étaient tels que cela prenait trop temps ou coûtait trop cher. Le projet a été mené autrement, en sollicitant d'autres fonds, en cherchant des alliances avec d'autres territoires. Si le projet est vraiment important, on s'efforce de trouver des solutions. La note mentionne un certain nombre de projets qui ont été abandonnés, notamment en matière culturelle, ou encore un projet de maison médicale qui n'a pas abouti en raison des délais.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Cela concerne également les acteurs privés. Nous avons un exemple de projet qui a été arrêté, en raison de la cessation d'activité d'une plateforme logistique de produits bio.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vous avez fait référence au ressenti de certains élus, vis-à-vis de décisions régionales trop verticales et « descendantes », ainsi qu'à leur volonté d'être plus associés et de mettre en place une meilleure co-élaboration des cahiers des charges et des procédures. Cette problématique n'est pas limitée aux seuls fonds européens. Cette co-construction permettrait-elle, en toute objectivité, et au-delà de l'implication politique, une plus grande efficacité quant à la consommation des fonds européens ?

Est-il possible de procéder à une analyse qualitative, sur un certain nombre de projets, permettant de mettre en avant que la lourdeur de la procédure, le délai excessif pour l'obtention des fonds européens est la raison de l'échec de ce projet ? Ou bien, ce projet était-il fragile dès le départ, et n'aurait de toute façon jamais vu le jour ? Tous les fonds européens n'ont pas pour objectif d'être là en accompagnement d'urgence et de sauvegarde ou de réalisation de tel ou tel projet. Cela rejoint le débat que nous avons eu hier sur la manière dont nous percevons l'utilisation des fonds européens en France. Ces fonds doivent-ils servir à des politiques structurantes, avec de véritables effets de levier ? Dans cette perspective, le fait de souffrir de délais importants rendant nécessaire un avancement de trésorerie est moins handicapant. Au contraire, les fonds européens doivent-ils être considérés comme un fonds public existant parmi d'autres ? Il serait intéressant de disposer, sur un ou deux cas, d'une étude qualitative sur les raisons de l'échec d'un projet.

Je me souviens d'un projet que j'ai fait en lien avec la mission locale. Cette dernière a touché une subvention du FSE au bout d'un an et demi ou deux ans. Elle a obtenu 150 000 francs à l'époque. Si on a fait ce projet, c'est parce que nous avions les reins suffisamment solides. Aujourd'hui, dix ou quinze ans après, je me dis que si nous n'avions pas eu les fonds nous aurions quand même mené à terme ce projet. Ces fonds m'ont-ils amené plus de soucis que d'autres sources de financement ? Je le pense, si on compare la somme touchée aux avances de trésorerie nécessaires et aux difficultés rencontrées.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Il y a une multiplicité d'acteurs pour le FSE. Il y a au minimum quatre acteurs, en allant parfois à 7 ou 8. Il est donc normal que cela prenne du temps. En revanche, les directeurs généraux des intercommunalités sont étonnés des délais pour les autres fonds, maintenant qu'il existe un seul guichet - la région.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Aujourd'hui, les directeurs généraux et les élus intercommunaux nous indiquent que l'on ne peut pas avoir le même traitement pour tous les territoires. Il est donc nécessaire de travailler avec la région avant de développer du sur-mesure adapté à chaque intercommunalité. Bien évidemment, c'est très compliqué à mettre en place. En effet, dans les grandes régions, il y a entre 100 et 150 intercommunalités.

Les directeurs généraux nous indiquaient pouvoir obtenir des financements, mais pour des projets inutiles pour leurs territoires. Ils savaient ainsi que la région abondait des fonds sur certains thèmes, la filière bois par exemple. Or, cela ne les intéressait pas, donc ils n'ont pas candidaté. En revanche, ils avaient des besoins sur d'autres thèmes pour lesquels il n'y a pas eu d'appels à candidature.

Vos propos relatifs aux projets structurants sont justes. Je ne pense pas que tous les projets aient vocation à être financés par les fonds européens. Il faut se recentrer sur les projets structurants et qui contribuent au développement des territoires. Il existe de très nombreux micro-projets. Je peux vous citer un exemple : un financement pour une manifestation culturelle. L'intercommunalité voulait faire venir un chanteur. La région lui a demandé un devis. En outre, l'intercommunalité a été contrainte de demander un devis à un autre chanteur. Au final, la manifestation n'a pas lieu car cela était trop compliqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Cette réflexion sur une utilisation des fonds européens pour financer tout type de projets est particulièrement importante pour le programme LEADER. La raison même de ce programme est la lutte contre la désertification des territoires reculés. Au départ, il s'agissait d'une initiative communautaire qui est ensuite devenue un programme. Les territoires posent leurs candidatures au programme LEADER. Un cahier des charges est rédigé aujourd'hui par la région - autrefois par l'État, voire par l'Union européenne directement. Il faut être cohérent avec les attendus des fonds. Le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le FSE sont des fonds structurels. Le programme LEADER est un programme financé par les fonds du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Nous devrons faire une distinction entre ces différents fonds. Deux enjeux différents doivent être pris en compte : d'une part, porter des projets structurants pour les territoires, d'autre part permettre aux territoires de s'approprier l'Union européenne. Or, ce deuxième point ne peut pas se faire uniquement via les grands programmes numériques, ou d'infrastructures.

Nous vous avons interrogés sur la coopération territoriale. On dit souvent en France que la coopération territoriale est le parent pauvre des fonds européens et de la dimension européenne. On considère ainsi l'Europe comme un guichet supplémentaire, comme des fonds publics comme les autres. Vous avez indiqué que les choses se passaient relativement bien en Bretagne ou en Occitanie. Or, ce sont des territoires où il existe des programmes avancés de coopération territoriale.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Cela fait également partie des questions pour lesquelles nous avons eu très peu de réponses. Nous avons un exemple, en région Occitanie, de coopération transfrontalière avec l'Espagne. Le directeur général de l'intercommunalité indique avoir participé au même projet que les Espagnols. Ces derniers ont déjà été payés depuis un certain temps maintenant, alors que l'intercommunalité française ne l'est toujours pas.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Sur le même projet, 70 % des versements ont été effectués côté espagnol, contre 4 % en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Peut-être vais-je me faire l'avocat du diable afin d'essayer de comprendre ce retard, mais n'y a-t-il pas aussi de la part des instructeurs, au niveau européen, l'idée de se dire que la France peut attendre un petit peu avant de recevoir le paiement ? En effet, le dossier est le même. Ce n'est pas une question de projet, de normes, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Un élément de réponse réside dans le fait que l'instructeur du dossier n'est pas européen.

Chez les Espagnols, la dimension européenne est utilisée comme un levier. Dans la tradition française, nous utilisons les fonds européens comme un guichet supplémentaire. Sur certains programmes, la France a fait de la subsidiarité. Nous avons également constaté pour un certain nombre de projets que le désengagement de l'État a été compensé par des subventions européennes. A contrario, j'ai vu des pratiques régionales où il a été décidé de limiter le cofinancement européen à 20 % afin de pouvoir y mettre du cofinancement étatique. Les fonds structurels et leur valeur ajoutée ne sont pas mis en exergue.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

En Auvergne-Rhône-Alpes, un directeur général d'intercommunalité nous explique que la sous-mesure 19-3 du programme LEADER du programme de développement rural de l'ancienne région Rhône-Alpes prévoyait une aide à la préparation et la mise en oeuvre d'activités en matière de coopération. Cette ligne n'est plus soutenue par la nouvelle région qui priorise désormais la mesure 19-2 : l'aide à la préparation et à la mise en oeuvre dans le cadre de la stratégie locale de développement. L'agglomération ne peut obtenir des fonds car la ligne du programme correspondant à son projet n'est plus ouverte.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

En matière d'ingénierie, nous avons l'exemple du Grand Angoulême qui souhaitait aider les territoires voisins. La région n'a pas accepté de mettre à disposition son ingénierie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

Pensez-vous que la future Agence nationale de cohésion des territoires puisse accompagner les territoires par de l'ingénierie et les aider à monter les dossiers ? Ce projet a été proposé par l'ancien ministre Jacques Mézard afin d'accompagner les communes.

Debut de section - Permalien
Katia Paulin, déléguée générale adjointe de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Comme la DATAR ?

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Idéalement, ce serait bien. Mais je pense qu'il y a un manque de pensée territoriale au sein de cette agence. Nous n'arrivons pas à discerner la stratégie qu'elle va adopter. Pour rappel, la DATAR permettait à l'État de développer une vision pour les territoires.

Je ne suis pas sûr que la future Agence soit suffisamment dotée en ingénierie pour pouvoir faire un accompagnement des territoires. Au mieux, ce sera un observatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

À mon avis, il ne faut pas non plus faire preuve d'angélisme sur la période de la DATAR. Mais, il est vrai que la gestion régionale des fonds européens fait peser davantage les orientations politiques de l'autorité gestionnaire sur les programmes ouverts. J'ai l'impression que l'on ressent davantage les bascules politiques sur un territoire régional qu'au niveau national.

Debut de section - Permalien
David Le Bras, délégué général de l'Association des directeurs généraux des communautés de France

Paradoxalement, certains directeurs généraux expriment le besoin d'une plus grande verticalité. Afin d'éviter que la couleur politique de l'autorité de gestion puisse influencer l'attribution des fonds, ils appellent à l'instauration de quelques règles partagées sur l'ensemble du territoire.

La réunion est close à 16h00.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.