Mes chers collègues, nous auditionnons cet après-midi la ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu, sur les crédits prévus par les programmes 219 « Sport » et 350 « jeux Olympiques et Paralympiques 2024».
Cette audition est importante. Elle intervient à un moment particulier puisque la loi de finances pour 2020 constituera le premier exercice budgétaire complet de la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) dont les modalités d'organisation territoriale ont été définies cet été dans un projet de loi qui a été largement enrichi par le travail parlementaire. Le Sénat a joué un rôle particulier.
Je me permets, madame la ministre, de vous remettre un exemplaire du rapport d'information de nos collègues Claude Kern et Christian Manable, qui ont émis de nombreuses recommandations concernant la mise en oeuvre de la gouvernance territoriale de la nouvelle agence. Je vais maintenant vous laisser la parole pour un propos introductif. Après quoi, notre rapporteur pour avis, Jean-Jacques Lozach, vous posera une première série de questions.
Avant de commencer, je souhaite revenir sur le drame qui a touché treize de nos soldats au Mali. Je présente mes sincères condoléances à l'un de vos collègues, Jean-Marie Bockel, que je connais personnellement et qui a été le maire de ma ville. Nous partageons tous sa douleur de père.
« Le sport est un bon médecin, mais il est surtout un excellent professeur », c'est avec ces mots que le Premier ministre a choisi de parler de la place du sport dans notre société. Le sport est un bien commun. Il rime avec épanouissement personnel et plaisir. C'est aussi un élément clef du lien social.
Depuis 2017, le Président de la République et le Gouvernement confirment leur engagement derrière le sport français et la mobilisation de l'État pour Paris 2024. Dans un contexte budgétaire où il convient de redonner du pouvoir d'achat aux Français, nous poursuivons notre effort en faveur du sport. Le budget exécuté en 2018 a permis de constater une dépense publique inédite en faveur du sport depuis dix ans. Le budget 2019 a vu l'augmentation de nos crédits d'intervention et le budget 2020 sera le budget le plus important du ministère depuis 2006.
En 2020, l'augmentation de 9,8 % des crédits représente un budget de 710 millions d'euros. Il s'agit d'un acte fort. Plus de 297 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances (PLF) au titre des actions portées par l'administration centrale du ministère. Un peu plus de 129 millions seront dirigés vers les équipements en lien avec les jeux Olympiques et Paralympiques. Enfin, 284 millions seront versés à l'agence nationale du sport, soit un montant équivalent à celui de 2019. Le budget que je vous présente aujourd'hui maintient aussi les augmentations budgétaires que vous avez votées l'année dernière, notamment un plan de 15 millions d'euros dédié à la lutte contre les noyades.
Avec ce budget, nous avons les moyens de réaliser nos ambitions pour le sport français. Par exemple, dans le contexte de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo, nous prévoyons une hausse de 10 % des primes aux médaillés ainsi qu'à leurs accompagnants, plutôt qu'un système d'exonération fiscale. Le Sénat a fait preuve de sagesse en ne votant pas ce week-end l'amendement qui lui était proposé pour le remettre en place. Les sportifs doivent payer des impôts et leur staff bénéficiera également de la prime, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Nous continuerons aussi de soutenir l'accueil sur le territoire de grands événements sportifs avec un budget de plus de 6 millions d'euros.
Pour les Jeux de 2024, nous devons, dès à présent, imaginer l'après. Le financement des équipements de proximité de la pratique sportive via l'agence a permis de soutenir 250 équipements et 15 000 associations en 2019. La stabilisation de la contribution de l'État à l'agence permettra de maintenir ces équilibres. Dans le budget 2020, 90 millions d'euros seront consacrés au développement de la haute performance au sein de l'agence afin de déployer une nouvelle vision du soutien à nos athlètes et à leurs accompagnants. Ce seront de nouvelles aides, plus justes et mieux ciblées sur les acteurs de la performance.
On peut noter une hausse de 7,5 % du budget dédié à la lutte contre le dopage. En deux ans, l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) aura connu une augmentation de sa subvention de 18 % sans compter la subvention accordée au titre du déménagement vers Orsay en 2022. La question du dopage est un sujet sensible et central comme vous avez pu le constater. La santé de nos athlètes constitue un sujet important pour moi et je serai intraitable. La Fédération française d'athlétisme est donc en train de concevoir un nouveau modèle d'organisation et de surveillance. C'est le travail que je mène avec Dominique Laurent et l'AFLD. Sur ce sujet, je suis en discussion, depuis plusieurs mois, avec Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, au sujet de l'avenir du laboratoire de l'AFLD qui se trouve actuellement dans les locaux du centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) de Châtenay-Malabry. Il était important que le laboratoire puisse rester dans ce lieu jusqu'au déménagement afin que son homologation ne soit pas remise en cause. Orsay a été désigné par les experts et les inspecteurs généraux comme la meilleure option pour accueillir ce laboratoire. Mon travail a consisté à convaincre de la pertinence de l'analyse du ministère et de l'AFLD. Les travaux qui auront lieu sur le site du Creps de Châtenay-Malabry lui permettront de devenir un centre de préparation aux Jeux. Ils vont pouvoir se poursuivre sans perturber l'activité du laboratoire. Aujourd'hui, j'ai saisi les services de l'État pour évaluer les conditions juridiques et financières du maintien du laboratoire sur le site. Je vous tiendrai informés.
Les politiques du sport en France ne s'arrêtent pas aux portes de mon ministère. Nous avons réuni, le 4 novembre dernier, autour du Premier ministre, un comité interministériel consacré à l'héritage des jeux Olympiques dans notre pays. Nous avons bâti, avec les autres ministères, un programme qui regroupe 170 mesures pour développer la place du sport dans l'ensemble des politiques publiques.
Ma volonté est que le sport puisse intervenir en lien avec d'autres politiques publiques, en particulier en faveur de la santé. Il facilite, par exemple, la récupération après les traitements médicaux lourds. J'ai milité auprès du Premier ministre et du Gouvernement pour que la lutte contre la sédentarité devienne une thématique nationale, comme le sont l'égalité entre les femmes et les hommes ou les violences faites aux femmes. Nous voulons développer le sport sur ordonnance ou la labellisation sport-santé.
Un autre axe de nos travaux concerne les acteurs sociaux sportifs, le développement du sport féminin, la lutte contre l'homophobie dans le sport et les discriminations.
Je me félicite que le Sénat ait repris, lors du débat sur le PLFSS, la mesure 21 sur la promotion du sport en entreprise, annoncée par le Comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques le 4 novembre dernier, même si cet aspect a été éludé dans certaines communications... C'est dommage. Plus nous jouerons collectif, plus nous servirons le sport français. J'ai demandé à mes équipes de travailler dans la plus parfaite collaboration avec chacun d'entre vous.
Je prendrai trois exemples concrets de mesures nouvelles prises cette année et qui ne dépendent pas directement du ministère des sports : la mise en place d'un programme de recherche appliquée dédié à la haute performance, doté de 20 millions d'euros, avec Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; l'inscription d'un volet sport dans les contrats de ville avec Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement ; un plan d'investissements au sein du programme d'investissements d'avenir de 55 millions d'euros pour l'écologie et les innovations dans le sport. Ces mesures nourrissent le sport français et son écosystème. Nous allons pouvoir bâtir un héritage solide et concret de Paris 2024. Cela ne concerne pas uniquement le ministère des sports ; le comité national olympique et sportif Français (CNOSF), avec son programme « héritage », et le comité d'organisation des jeux olympiques (COJO) sont aussi parties prenantes. Il s'agira aussi d'équipements sportifs nouveaux ou dont la rénovation sera lancée.
En 2020, pour conclure, nous devrons répondre à de nombreux défis. Je pense notamment à la déclinaison territoriale de l'ANS que vous avez évoquée et qu'il faudra articuler avec la nouvelle organisation territoriale de nos services appelés à rejoindre l'éducation nationale. Nous avons réussi à bâtir une agence d'État en offrant notamment une place inédite aux collectivités territoriales. Je pense que cet aspect sera cher à la Haute assemblée. Dans les semaines à venir, nous devrons assurer son développement dans nos régions et je sais pouvoir compter sur votre expérience et votre exigence.
Pour conclure, j'évoquerai la future loi sur le sport qui accompagnera la transformation de notre modèle sportif. Elle devrait voir le jour à la fin du premier semestre 2020. Il s'agit de développer la pratique sportive, de simplifier le rapport des associations sportives avec les pouvoirs publics, de rendre la France plus attractive et dynamique dans le secteur de l'économie du sport, et d'accroître l'éthique et la régulation du sport. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans les semaines à venir et je suis à votre disposition pour vous écouter.
Effectivement ce budget est en hausse aussi bien en ce qui concerne le sport, avec le programme 219, qu'en ce qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques, avec le programme 350. Mais cette augmentation est aussi trompeuse. Le changement de périmètre ministériel rend difficiles les analyses comparatives d'une année à l'autre. L'augmentation significative du programme « Sport » est consécutive à un changement du périmètre et au transfert de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cela représente la bagatelle de 121 millions d'euros et augmente donc significativement le budget du programme.
On peut se demander si l'ANS va disposer de tous les moyens humains et financiers nécessaires pour faire face à ses missions. Dans sa plaquette, l'ANS évoque un budget de 291 millions d'euros en 2019 et de 284 millions pour 2020. Il est donc en légère baisse. Nous sommes cependant tout à fait conscients qu'un ensemble de ministères travaille à l'écosystème du sport.
J'ai plusieurs questions. Le rapport des tiers de confiance sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) n'a pas encore été rendu public mais plusieurs scénarios sont envisagés. Envisageriez-vous de maintenir tout ou partie des CTS ou de les transférer vers les fédérations ? Confirmez-vous la réduction de 42 équivalents temps plein (ETP) au sein de ces CTS ? Cela concernerait malheureusement les fédérations non sportives, celles qui ont le plus besoin de CTS.
Lors de nos auditions, nous n'avons pas relevé de relations très fraternelles entre les acteurs du sport de haut niveau, qu'il s'agisse de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), le pôle haut niveau de l'agence nationale, les directeurs techniques nationaux (DTN) ou les fédérations sportives. Il y a quelques jours, vous avez organisé un séminaire olympique sur la haute performance. Quel est votre sentiment à quelques mois de jeux Olympiques de 2020 ?
Vous nous avez rassurés sur la lutte antidopage. Sur une période récente nous sommes toutefois passés de 10 000 à 8 000 contrôles. De plus, désormais, ces contrôles ciblent les sportifs de haut niveau et excluent les sportifs amateurs. Cela nous inquiète. Le modèle économique de l'AFLD est également un sujet sur lequel nous souhaiterions revenir.
Enfin, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les maisons sport-santé ? J'ai vu qu'un appel à projets avait été lancé par le ministère des solidarités et de la santé mais cela reste flou.
Nous avons fait l'effort de présenter un budget à périmètre constant dans un souci de transparence. Sans cela, la hausse réelle serait de 36 %. Cette hausse de 10 % correspond à ce qui va être mis en place pour les jeux Olympiques. Nous assumons cette augmentation car il s'agit de construire des équipements qui bénéficieront à la France et à ses territoires après les Jeux.
La diminution de 42 ETP est comparable à celle que nous observons dans les autres ministères et administrations. Jusqu'à présent le corps des CTS était préservé de cette diminution des effectifs des fonctionnaires de l'État qui est de 2,6 %. Pour ces 42 ETP, nous avons choisi de privilégier les départs à la retraite. Cela impacte le corps des CTS dont l'âge moyen est de 55 ans. Il est donc urgent de réfléchir à une transformation car, dans de nombreuses fédérations, les CTS payés par l'État représentent la seule main d'oeuvre. Ce corps regroupe différents métiers et nous devons discuter de l'avenir de chacun d'entre eux avec les fédérations. Aujourd'hui, ces discussions sont conduites par des tiers de confiance et un rapport nous sera remis début décembre. Mon travail cette année a été de faire mieux comprendre, y compris au Premier ministre et au Gouvernement, l'importance de cette transformation.
Concernant le haut niveau, le partage de responsabilités est déstabilisant. C'est notre travail aujourd'hui de faire travailler tout le monde ensemble. La semaine dernière, nous avons ainsi réuni les cadres et les entraîneurs.
Une première labellisation verra le jour à la fin de cette année pour les maisons sport-santé. Des initiatives ont déjà été sélectionnées. J'en ai déjà visité quelques-unes et je continue ce tour de France. Vendredi, je me rendrai à Biarritz où le sport sur ordonnance existe déjà depuis des années. L'objectif est d'atteindre 500 maisons sports-santé en 2022 puis 1 000 en 2024.
Désormais, le laboratoire français pourra aller contrôler les sportifs français à l'étranger. L'affaire Clémence Calvin nous montre que ce sujet soulève de nombreuses questions. Les sportifs ne s'attendaient pas à être contrôlés lorsqu'ils étaient en stage à l'étranger et cela leur permettait d'échapper à notre vigilance. Nous devons donc informer les entraîneurs et les sportifs et soutenir l'AFLD, financée à 99 % par l'État, dans ses missions. Les contrôles à l'étranger représentent un coût supplémentaire et le transfert des contrôles va s'opérer vers le haut niveau. C'est un choix assumé. Pour le sport amateur, nous apporterons notre soutien à la prévention du dopage. Nous espérons que les efforts conjoints du ministère et de l'AFLD serviront aussi à informer le grand public. L'AFLD a bénéficié d'un accompagnement de la part du ministère. Concernant l'évolution de son modèle économique, celui-ci repose sur une diversification des ressources.
Le Sénat est à vos côtés, madame la ministre. Le Sénat soutient le sport.
Concernant le budget, l'augmentation affichée est liée au souhait de la France d'honorer son engagement par rapport aux jeux Olympiques. Toutefois, depuis 2017, la baisse du budget représente 11 % de crédits.
Vous annoncez une stabilité du budget de l'ANS mais ses crédits passent de 291 millions en 2019 à 284 millions en 2020. Il s'agit donc bien d'une baisse de 7 millions. J'entends qu'elle sera compensée par la trésorerie mais je ne suis pas certain que « taper dans la trésorerie » soit une bonne solution.
Pouvez-nous confirmer que les frais de fonctionnement de l'agence sont bien prévus et à quelle hauteur ?
Ce week-end le Sénat a voté un amendement concernant la taxe Buffet afin d'augmenter le budget de l'ANS. Le mouvement sportif, professionnel comme amateur, attend un signe de votre part. Quelle est votre position sur cet amendement ?
Votre dossier de presse indique 45 millions d'euros en faveur des équipements sportifs territoriaux, mais, à la page suivante, il est dit que 15 millions seront consacrés au plan « aisance aquatique » : ces deux enveloppes sont-elles bien cumulatives, ou bien les 15 millions seront-ils imputés sur la première enveloppe de 45 millions ?
Nous aurons des discussions en séance sur le sport en entreprise : comme l'an passé, nous déposerons un amendement sur les critères permettant à l'Urssaf de considérer la mise en disposition de personnels et d'équipements sportifs comme des avantages en nature. Soutiendrez-vous notre proposition ?
Nous voulons aussi soutenir les sportifs de haut niveau grâce au mécénat d'entreprise. Vous avez signé hier 100 pactes de performance avec le groupe BPCE, qui réunit la Banque populaire, les Caisses d'épargne et Natixis. Notre amendement, qui sera vraisemblablement cosigné par l'ensemble des groupes, vise à légaliser une pratique courante par laquelle des entreprises se lient aux sportifs. Quelle sera là encore votre position ?
Je ne reviendrai pas sur le budget de l'ANS qui, en réalité, est en baisse. Je regrette la mascarade intervenue à l'Assemblée nationale avec l'adoption, puis le rejet, à la suite d'une deuxième délibération demandée par M. Darmanin, d'un amendement qui déplafonnait la taxe affectée sur les paris sportifs. Outre la grave atteinte qu'elle constitue pour la démocratie, cette décision prive l'ANS de moyens supplémentaires pour intervenir correctement dans les territoires. Cela est d'autant plus incompréhensible que les activités taxées sont en pleine expansion.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont vous envisagez la mise en oeuvre de la convention entre l'État et l'ANS, prévue par le code du sport, qui prévoit une trajectoire pluriannuelle ascendante des crédits en ligne avec les besoins identifiés par le mouvement sportif ?
L'ANS, qui a la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), est quasi exclusivement financée par l'État. Pourriez-vous nous éclairer sur les négociations à venir avec les autres parties prenantes du GIP pour élargir son financement ?
La Cour des comptes a pointé les défaillances de l'éducation physique et sportive (EPS) en milieu scolaire, dans le contexte notamment de lutte contre la sédentarité et de promotion des modes de vie plus actifs. Les heures de cours baissent, la discipline est malmenée dans les programmes scolaires. Envisagez-vous un plan de développement pluriannuel des programmes d'EPS. Confirmez-vous l'ouverture de 1 500 postes aux concours de professeurs d'EPS dès cette année ? C'est une urgence ! Je me réjouis enfin de l'augmentation des primes pour les athlètes médaillés aux jeux Olympiques de 2020. Toutefois, ne serait-il pas possible, pour plus de simplicité, de prévoir leur déductibilité de l'assiette de l'impôt sur le revenu ?
Les primes seront soumises à l'impôt à la source. J'ai expliqué pourquoi nous avions préféré augmenter les primes plutôt que de les rendre déductibles de l'impôt sur le revenu.
Le sport à l'école est une priorité du Gouvernement. Je vous invite à interroger M. Blanquer sur la création de 1 500 postes de professeurs d'EPS dans l'éducation nationale. J'ai fait une offre de services à M. Blanquer. Il n'existe pas de cours d'EPS dans le premier degré, mais nous avons des associations sportives qui s'investissent dans les territoires : quatorze fédérations ont déjà signé une convention avec l'éducation nationale pour intervenir dans certaines écoles primaires. J'aimerais que l'on généralise ce type de collaboration entre le monde associatif et l'école. J'ai plaidé pour un temps scolaire partagé où les associations sportives pourraient intervenir sur des sujets identifiés à l'avance en commun avec les équipes éducatives : on pourrait imaginer une semaine dédiée à l'aisance aquatique, une semaine pour apprendre à rouler à vélo, une semaine d'initiation au sport collectif, etc. Les associations pourraient accueillir les enfants, avec un emploi du temps défini dans le cadre d'un projet pédagogique coconstruit avec les professeurs des écoles. Avec le dédoublement des classes, une partie de la classe pourrait suivre une activité sportive une semaine, encadrée par les éducateurs sportifs, tandis que l'autre partie de la classe continuerait à suivre les cours. Avec des effectifs réduits, l'enseignement est plus efficace. Dans le cadre de la réforme des services déconcentrés, les agents du ministère des sports seront rapprochés des recteurs et des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen). Cela permettra de proposer une nouvelle ingénierie territoriale, de nouveaux projets éducatifs territoriaux, inscrits sur le temps scolaire. L'intervention des associations sportives est reconnue. Le ministère des sports finance déjà 6 000 postes d'éducateurs.
L'ANS a été créée sous la forme d'un GIP pour lui permettre de bénéficier de fonds venant de sources diverses. La stabilisation du budget de l'agence constitue un signe fort, la contribution nette de l'État est identique, au centime près, à celle de l'an passé. Elle s'élève à 284 millions, auxquels s'ajoutent 7 millions issus du fonds de roulement de l'agence - l'année dernière les 7 millions provenaient du fonds de roulement du Centre national pour le développement du sport (CNDS).
En ce qui concerne le suivi pluriannuel du budget des sports, l'Assemblée nationale a voté la création d'un jaune budgétaire sur le sport, qui permettra de mettre en évidence l'ensemble des actions des différents ministères en faveur du sport et de ses acteurs.
Sur le sport en entreprise, nous publierons avec Agnès Buzyn une circulaire sur l'exonération de charges sociales pour les mesures de soutien au sport par les employeurs. Votre amendement sera donc satisfait.
Une circulaire n'a pas la même portée qu'une loi ! Une loi rassurerait davantage les entreprises.
Certes, mais cela relève du pouvoir réglementaire. Une circulaire suffit à instaurer une exonération de charges sociales. Les entreprises concernées ne seront pas redressées par l'Urssaf.
Votre autre amendement vise à uniformiser les dispositifs de soutien par les entreprises aux sportifs de haut niveau en privilégiant le mécénat. Nous avons plutôt voulu préserver la diversité des formes de soutien. Certains sportifs préfèrent un partenariat avec une entreprise, d'autres préfèrent le recours au mécénat, la différence tenant à la possibilité, ou non, d'utiliser l'image du sportif et de nouer d'autres formes de collaboration. D'autres types de contrats, comme les contrats d'insertion professionnelle, peuvent aussi intéresser des sportifs qui souhaitent garder un lien avec l'entreprise et préparer leur reconversion. C'est pourquoi nous souhaitons conserver la diversité des formes de soutien et mettre l'accent sur la publicité autour de ces dispositifs. Le guichet unique du sport que nous voulons mettre en place, et qui serait installé dans les Creps, pourrait servir de centre d'information et d'orientation, en éclairant les jeunes qui hésitent encore entre carrière sportive ou poursuite des études. On espère ainsi multiplier les vocations. Ce guichet unique pourrait aussi renseigner les familles sur les études ouvertes aux sportifs de haut niveau, les possibilités de financement d'une carrière sportive grâce à l'aide des entreprises, les possibilités de reconversion, etc.
Je vous confirme que l'enveloppe de 15 millions d'euros pour le plan d'aisance aquatique s'ajoutera à l'enveloppe de 45 millions destinée à financer les équipements sportifs territoriaux. L'enveloppe sera destinée exclusivement aux piscines, sachant que certaines d'entre elles ont aussi pu postuler à des projets financés par l'enveloppe de 45 millions s'il s'agit d'équipements structurants.
Ma question ne sera pas originale et portera sur les crédits de l'ANS. Après deux années de baisse, le budget des sports restera à un niveau modeste, en dépit des jeux d'écriture et des mouvements de crédits destinés à assurer le respect de nos engagements financiers en vue des Jeux de 2024. Pourtant les taxes affectées au sport font preuve d'un rare dynamisme : le produit de la taxe Buffet augmentera de 25 millions d'ici à 2021 ; le produit de la taxe sur les paris sportifs a augmenté de 80 % depuis 2015. Ces sources de financement issues du sport professionnel devraient bénéficier plus largement au sport amateur et non abonder le budget général de l'État. Peut-on envisager une hausse des fonds alloués à l'ANS proportionnelle à la hausse du rendement des taxes affectées au sport ? Cela permettrait de soutenir la pratique du sport dans nos territoires.
Ma deuxième question concerne la réorganisation des services de l'État et le rattachement auprès du ministère de l'éducation nationale des personnels des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des directions départementales de la cohésion sociale. Ne redoutez-vous pas, madame la ministre, de voir les missions de ces personnels diluées au sein de ce ministère pour servir à concrétiser le projet présidentiel de service national universel ? Cette réforme n'affaiblira-t-elle pas votre ministère ? Elle nourrit les craintes de tous ceux qui entrevoient sa disparition prochaine.
Mes propos ne seront pas non plus originaux et rejoindront beaucoup de ceux qui ont déjà été tenus. Cela devrait alerter le Gouvernement... Comme le mouvement sportif, nous sommes nombreux à être choqués par ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Le mouvement sportif est composé de bénévoles qui se démènent avec des bouts de ficelle tous les matins. La mesure qui était proposée ne semblait pas indécente au regard de l'argent brassé par le sport. Nous persévérerons pour faire adopter cette mesure. Les inégalités sont de plus en plus insupportables aux yeux de nos concitoyens.
L'ANS reste sous-financée. Je crains que les collectivités territoriales qui continuent à s'engager dans le sport en dépit de leurs propres difficultés budgétaires, ne soient encore davantage mises à contribution, dans un contexte de nouvelle organisation du sport dans les territoires et de vieillissement des équipements.
Enfin, je voudrais vous alerter sur les difficultés récurrentes de financement des sportifs de haut niveau. Les jeunes athlètes peinent à progresser dans leur discipline faute de moyens. Ils sont souvent aidés par leurs fédérations mais celles-ci ont moins de moyens à cause des dépenses engagées pour les jeux Olympiques. C'est paradoxal.
Tout a été très bien dit par mes collègues. Vous avez dit que ce le budget du sport n'avait jamais été aussi élevé, mais si l'on retire le transfert de la masse salariale des CTS et le programme relatif aux jeux Olympiques, les crédits sont beaucoup moins conséquents ! Mais je tiens à saluer votre combat contre Bercy et aurai donc tendance à voir plutôt le verre à moitié plein que le verre à moitié vide. 2020 sera l'année de vos premiers Jeux en tant que ministre. J'espère que la France occupera une belle place.
Les fédérations sportives sont inquiètes, car elles sont mal en point financièrement, à l'exception de la Fédération française de tennis ou de la Fédération française de football qui ont une situation budgétaire excellente grâce aux droits de télévision. Ne serait-il pas possible de déplafonner les taxes affectées ? Les crédits des fonds territoriaux de l'ANS dédiés aux activités sportives dans les territoires ont baissé de 27 % depuis 2018. Nous serons très attentifs à la future loi sur le sport en 2020. La France mérite une grande loi.
La pratique du e-sport, ou sport électronique, se développe, notamment chez les jeunes. Les enjeux financiers sous-jacents sont importants, car beaucoup d'éditeurs de jeux sont des entreprises françaises, tandis que les paris sportifs augmentent. La future loi sur le sport comportera-t-elle des mesures visant le e-sport ? Le modèle classique d'accompagnement des activités physiques peut-il être adapté, y compris à travers des parcours sport-études, à cette nouvelle discipline ?
On mesure la qualité d'un budget non seulement au montant des crédits mais aussi à la qualité des politiques qu'il finance. Vous avez évoqué le dopage. Or j'ai le sentiment que toutes les disciplines ne sont pas contrôlées de la même manière et que les sports collectifs sont moins visés que les sports individuels. Qu'en pensez-vous ?
La France est candidate à l'organisation des Gymnasiades ou jeux Olympiques du sport scolaire de 2022. La région Normandie est volontaire pour les accueillir. Le 30 novembre, on saura qui de la Russie, de la Serbie, de l'Azerbaïdjan ou de la France organisera ces jeux. Ce projet semble formidable, permettant de mobiliser les jeunes deux ans avant les jeux Olympiques. La région Normandie est très motivée. Reste la question du budget. Il semble que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse s'interroge sur la volonté des collectivités territoriales intéressées de participer financièrement à l'organisation de ces Gymnasiades. Leurs engagements ne seraient pas jugés assez précis et, dès lors, le Gouvernement ne soutiendrait pas le projet avec beaucoup d'ardeur. Qu'en est-il ? Comment avez-vous défendu ce projet ?
Comme pour la candidature de Paris pour les jeux Olympiques, nous avons cherché à organiser le plus possible d'événements pour faire la preuve de nos capacités d'organisation et susciter l'engouement auprès du public. Nous voulions aussi profiter de la dynamique créée par l'attribution des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024, car organiser des événements sportifs c'est aussi investir dans le sport et l'avenir du sport. L'organisation des Gymnasiades permet d'intéresser des jeunes qui ne sont pas nécessairement engagés dans une aventure sportive de haut niveau mais qui pratiquent un sport de manière régulière, dans un cadre scolaire ou associatif. Cela permet de faire vivre l'esprit olympique : la compétition dans le respect de l'autre, le partage, et non la performance à tout prix. Telles sont les valeurs que nous voulons faire partager sur tout le territoire. Organiser les Gymnasiades serait une grande chance, à cet égard, pour la France. Effectivement, la question des coûts devra être abordée, car il n'est pas question que l'État assume seul le coût d'un tel événement.
La région Normandie a clairement exprimé sa volonté de participer au financement de cette manifestation.
Les Jeux à Paris créent un appel d'air pour tous les sports. Toutes les fédérations viennent vers nous pour organiser des tournois de qualification olympique, des championnats d'Europe, des championnats du monde, etc. Nous avons un budget de 6 millions d'euros pour soutenir les événements sportifs, ce qui n'est pas considérable si l'on considère l'importance des fees, ces sommes exigées par les fédérations internationales en contrepartie de l'organisation de compétitions, qui atteignent parfois des montants extraordinaires - 700 000 euros, par exemple, pour organiser le championnat d'Europe de volley-ball - tandis que les fédérations conservent encore le pouvoir de céder les droits de la compétition à des sponsors de leur choix. Ces pratiques sont discutables. Peut-être que la présidence du Conseil européen par la France, en 2022, sera-t-elle l'occasion de lancer un dialogue constructif avec les fédérations européennes et internationales sur ces clauses parfois exorbitantes. Nous allons aussi réactiver le Comité français du sport à l'international, qui réunira les fédérations et les territoires pour définir la stratégie de la France en matière d'organisation de compétitions internationales.
Le e-sport se développe. Des événements ont été organisés à Paris. Cette discipline a repris le mot « sport » sans discussion préalable avec le ministère. Ses responsables ont rencontré les membres de mon cabinet. Ils ont fait valoir leur volonté de structurer une filière, à l'image des filières d'accès à la haute performance dans le sport. Je suis consciente que contribuer au développement de cette discipline revient à promouvoir le fait de passer du temps devant un écran à jouer, même si cela mobilise d'autres compétences qui peuvent s'avérer très utiles pour une insertion dans la vie active ensuite, notamment en informatique. Il faut que nous leur apportions - ce qu'ils recherchent d'ailleurs - le moyen de pratiquer davantage d'activités physiques, une aide pour décrocher des écrans, y compris pour préparer les compétitions. Notre expertise peut être à cet égard intéressante ; en retour, nous souhaiterions un engagement de leur part sur la thématique de la lutte contre la sédentarité et un effort de communication autour de l'aspect inclusif de la discipline vis-à-vis des personnes handicapées.
Monsieur Savin, les taxes ne représentent qu'une petite partie du budget des sports : le produit de la taxe Buffet augmente de 30 millions alors que la hausse de notre budget est de 65 millions, grâce au concours du budget général de l'État. Les taxes ne suffiraient pas à couvrir le budget, elles n'en représentent que 20 %. Si on modifiait le système des taxes, les équilibres avec le budget général évolueraient. Quant à votre amendement, il ne garantit nullement que les contributeurs visés soutiendront directement et spontanément le sport amateur.
Je comprends votre réaction après le vote de l'Assemblée nationale. Nous voulions simplement dire que nous avons les moyens de nos ambitions. Le budget est défini en fonction des besoins. L'ANS est née en avril. Elle doit aujourd'hui se structurer. L'année qui vient sera consacrée à la discussion des projets de territoires et des projets fédéraux. Inutile donc d'octroyer des fonds qui ne seront pas dépensés avant la fin de l'année. En réalité, il ne faut pas minimiser l'enjeu. La création de l'ANS bouleverse totalement le paysage. Les fédérations devront en effet revoir leurs politiques et leurs déclinaisons territoriales. Les régions devront coordonner leur budget « sport » avec celui de l'État et celui des fédérations. C'est une année complexe, de structuration du modèle, qui s'ouvre. Donner plus de moyens que ce qui était nécessaire dans ce contexte aurait constitué, à mon sens, un geste irresponsable. Je me suis d'ailleurs positionnée contre un amendement venant de notre majorité à l'Assemblée nationale.
- Présidence de M. Jacques Grosperrin, vice-président -
Je suis totalement opposée à l'idée selon laquelle il faudrait utiliser absolument un budget d'ici la fin de l'année pour justifier sa reconduction l'année suivante.
Je suis favorable au contraire à un budget qui corresponde à des projets définis en toute responsabilité par des fédérations et des collectivités avec lesquelles nous avons travaillé. Une fois les projets établis, nous savons accorder les moyens nécessaires pour que les actions se réalisent.
Le service national universel est, quant à lui, une belle opportunité, y compris pour nos agents qui pourront proposer leurs compétences en ingénierie territoriale dans le cadre de ce projet. Le ministère des sports a la chance de disposer d'agents de catégorie A compétents pour monter des projets en ingénierie territoriale. Cette expertise sera valorisée encore davantage pour organiser le SNU. Celui-ci constitue aussi une initiative intéressante pour nos jeunes. Réunir des jeunes d'une même catégorie d'âge, autour du sport spécifiquement, est bénéfique - je ne parlerai pas de tous les autres bienfaits que nous pouvons trouver dans le SNU. Ce sera l'occasion de parler à ces jeunes des enjeux de santé, de la reprise d'une activité physique à un âge où nous savons qu'ils décrochent la plupart du temps, et de l'importance de pratiquer le sport en général.
L'importance du sport et des activités collectives a été bien mise en avant lors de la première expérimentation du SNU par les jeunes eux-mêmes qui y ont participé, et le sera de nouveau cette année. Les activités sportives proposées leur permettent en effet de se retrouver. Pour tout vous dire, dans la première élaboration de l'expérimentation nous n'avons pas été aussi associés que je l'aurais voulu. Je pense en effet que nous avons beaucoup à apporter avec le sport. Ce point est d'ailleurs ressorti d'un sondage mené auprès des jeunes. Nous pourrons désormais y consacrer toutes nos forces.
Les agents des ministères s'inquiètent de la mobilisation attendue autour du SNU. Ils se demandent comment ils pourront assumer leurs autres tâches si tous leurs efforts se trouvent ainsi accaparés. Mais je pense que le SNU constitue précisément une formidable occasion pour faire le reste : parler du sport « bon pour la santé des jeunes », donner aux jeunes les premières armes pour s'insérer, notamment dans les métiers du sport - sur lesquels ils veulent souvent se positionner mais au sujet desquels ils manquent souvent d'information -, ou encore s'adresser à une catégorie d'âge où l'on passe souvent les premiers diplômes comme le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ou le brevet de secourisme, qui sont souvent de premières étapes vers des diplômes fédéraux, pour évoquer les métiers correspondants.
Le SNU est également l'occasion d'envisager l'entrée dans ces métiers comme un complément à la vie active des jeunes concernés. Ils pourraient aussi avoir des diplômes sportifs complémentaires susceptibles de les aider à financer leurs études voire de les conduire vers une reconversion professionnelle à une période de leur vie où ils pourraient avoir envie de retourner vers le sport.