Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol

Réunion du 26 février 2020 à 14h00

Résumé de la réunion

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  • ARS
  • accident
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mes chers collègues,

Nous débutons cet après-midi studieux par l'audition des représentants de trois unions régionales des professionnels de santé (URPS) de Normandie. Nous terminons ainsi notre cycle d'auditions et entrons dans la phase de rédaction de notre rapport.

Nous auditionnons donc M. Didier Le Flohic et Mme Maryvonne Le Floch qui représentent l'URPS des pharmaciens, M. François Casadei, président de l'URPS des infirmiers et M. Bruno Burel représentant l'URPS des médecins.

Je rappelle que les Unions régionales de professionnels de santé ont été créées dans le cadre de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009, dite loi HPST.

Ces URPS fonctionnent sous le régime associatif et sont au nombre de dix par région, dont trois nous intéressent plus particulièrement aujourd'hui : médecins libéraux, pharmaciens d'officine et infirmiers.

Elles contribuent à l'organisation et à l'évolution de l'offre de santé au niveau régional. À ce titre, elles participent aux actions de prévention, de veille sanitaire, de gestion de crises sanitaires, de promotion de la santé et d'éducation thérapeutique.

L'incendie de l'usine Lubrizol et la dispersion d'un nuage de fumées à grande échelle, ainsi que des odeurs qui ont persisté et créé un réel émoi pendant plusieurs semaines, constituent un cas en grandeur réelle de la mission qui vous est confiée.

Comment avez-vous été parties prenantes à la gestion des conséquences sanitaires de cet accident ? A la lumière de cette expérience, nous aimerions également connaître votre sentiment sur la gestion de cette crise et enfin savoir si des pistes d'amélioration pertinentes peuvent être envisagées. Le but de notre rapport n'est pas seulement de dresser un constat factuel des événements mais bien de formuler des propositions pour l'avenir.

Notre seconde préoccupation touche aux conséquences sanitaires de long terme, qui constituent évidemment une inquiétude majeure pour les populations. Le Gouvernement a annoncé la mise en oeuvre d'une vaste enquête déclarative de santé, qui devrait démarrer début mars ; quelle appréciation portez-vous sur cette procédure ?

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander de prêter serment.

Je rappelle que tout témoignage mensonger devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Je vous demande collectivement de lever la main droite et de vous engager à dire toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Le Floch, MM. Burel, Casadei et Le Flohic prêtent serment).

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Les infirmiers ont été impactés très vite car leur tournée de soins démarrent dès six heures du matin. La patientèle et les collègues ont d'abord ressenti une angoisse importante face aux odeurs et aux fumées dont la toxicité restait inconnue. Cette angoisse était importante pour des personnes présentes à leur domicile, hors de structures hospitalières ou spécialisées dans lesquelles les règles de confinement sont plus faciles à mettre en place.

Nous avons reçu un premier message d'alerte en provenance de l'agence régionale de santé (ARS) vers 11 heures du matin que nous avons immédiatement répercuté. Nous avons également diligenté une enquête auprès de nos collègues infirmiers pour connaître leur avis. Inutile de vous dire que les retours immédiats n'ont pas été bons car tous étaient dans l'ignorance de la toxicité des produits.

Cette réaction paraît normale car il n'est pas évident au début d'un tel accident de connaître le niveau de dangerosité des phénomènes. Nous avons donc organisé, vers la mi-janvier, une enquête similaire pour connaître l'avis de nos collègues avec un recul plus important sur le suivi sanitaire de la population et l'implication des infirmiers libéraux avec une grille d'évaluation en lien avec nos collègues médecins et pharmaciens.

Debut de section - Permalien
Didier Le Flohic, président de l'URPS Pharmaciens de Normandie

Les officines assez éloignées du lieu de l'accident n'ont pas été très impactées par celui-ci : peu ou pas de questionnement de la patientèle, pas d'achat en masse de masques de protection ni de délivrance de collutoires ou autres médicaments liés aux affections respiratoires.

Pour les pharmacies situées à proximité du foyer de l'incendie ou sur le parcours du nuage, les réponses sont différentes. Ces pharmaciens sont d'ailleurs étonnés car c'est la première fois qu'ils sont sollicités de manière officielle sur l'événement et ses conséquences.

Parmi les officines les plus proches du site, en raison de la mise en place d'un périmètre de sécurité, une pharmacie est restée fermée. Les autres, situées à environ 500 mètres de l'usine Lubrizol, ont adapté leurs horaires ainsi que la présence de leur personnel soit à cause d'une impossibilité de rejoindre l'officine soit en raison de la mise en place d'un confinement, ou enfin par la volonté du pharmacien de protéger son personnel.

Nos confrères regrettent l'absence d'interlocuteur officiel, de consignes claires. Ils se sont adaptés à la situation grâce aux informations recueillies dans les médias ou bien sur le site internet de l'ARS. Un sentiment d'abandon domine parmi les pharmaciens.

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Comme mes collègues infirmiers et pharmaciens ont déjà exprimé des idées que je partage, je me contenterai de vous apporter un témoignage « local » puisque je réside dans le centre de Rouen, sous le panache de fumée et donc aux premières loges de l'événement, avant de répondre aux questions de la commission.

Le jour même, l'accès autoroutier à la ville par l'ouest était interdit mais les habitants de la métropole rouennaise se sont déplacés malgré les messages radiophoniques incitant à demeurer chez soi. Les gens se sont rendus à leur travail et, pour les cabinets médicaux, près de la moitié des consultations a été assurée.

Concernant les informations reçues par les médecins, un message de l'ARS nous a été adressé en fin de matinée que nous avons redirigé par courrier électronique. Cependant, un nombre important de médecins a regretté l'absence d'information le jour même...

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Quelle était la teneur des informations transmises ?

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

L'information envoyée par l'ARS était relativement vague comme je vous l'ai indiqué dans le dossier que je vous ai transmis avant notre audition. Comme indiqué par M. Casadei, on ne savait rien sur les substances ni sur le niveau de toxicité des émanations. L'essentiel était de ne pas se déplacer. Même si l'air à Rouen jusqu'au plateau Nord était irrespirable, les gens se déplaçaient avec des écharpes.

Il faut faire une différence entre la proximité du sinistre marqué par les odeurs et l'irritation ressentie dans les zones plus éloignées dans lesquelles le panache et les retombés de suies constituaient l'élément le plus visible.

Ni les cabinets médicaux ni les hôpitaux n'ont été saturés de consultations. Nous n'avons pas constaté un pic de pathologies respiratoires. Dès le lendemain, l'âcreté de l'air avait pratiquement disparu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Considérez-vous avoir été associés de manière optimale à cet événement ? Si un tel accident se renouvelait, que faudrait-il améliorer dans la transmission de l'information ?

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Si nous avons reçu des informations tant de l'ARS, de la préfecture que des différents médias, le problème des URPS a été leur transmission à nos membres. Les URPS ne disposent pas d'une base complète de données de tous les professionnels de leur branche respective. L'adhésion à une URPS se fait sur la base du volontariat. L'échange de fichier est difficile dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Une idée qui pourrait être retenue, sur le modèle de la messagerie sécurisée MAILIZ proposé par les différents ordres des professionnels de santé, serait l'ouverture d'une messagerie sécurisée pour les infirmiers qui, par ailleurs, est devenue une obligation aux termes de l'avenant n°6 de notre convention avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).

La transmission de l'information doit se faire par des alertes sur les smartphones des patients avec des messages clairs sur la conduite à tenir (demeurer chez soi, ne pas se rendre à l'hôpital par exemple...).

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

En effet, le vrai problème réside dans les moyens d'alarme et d'information des populations. Jusqu'à présent il y avait des sirènes mais d'autres moyens existent qu'il faut tous actionner (messageries, sms, ...). Pour les professionnels de santé, il faudrait rendre obligatoire un système de communication unique à partir duquel on pourrait communiquer de façon immédiate, avec des consignes précises. Ce système ne peut être optimal que si les professionnels ont le réflexe de consulter régulièrement leurs messageries sécurisées, ce qui n'est pas toujours le cas.

Debut de section - Permalien
Didier Le Flohic, président de l'URPS Pharmaciens de Normandie

Je précise que les téléphones personnels des pharmaciens sont référencés en cas de risque nucléaire. Pourquoi n'utiliserions-nous pas cette base de données pour d'autres risques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Vous disiez que les infirmiers libéraux commençaient leur journée très tôt, dès 6 heures du matin pour certains, et que vous n'aviez été avertis qu'à 11 heures ; il vous a donc fallu maîtriser l'inquiétude de vos patients. Ce long délai est bien curieux et ne doit pas se renouveler.

Concernant le suivi des patients, quelles évolutions constatez-vous, six mois après l'incendie, pour ceux qui ont été exposés à ce nuage de fumée, et au-delà, pour reprendre les propos d'une personne auditionnée par la commission, considérez-vous que les personnes les plus impactées ont été les pompiers ? Ils étaient en effet directement exposés et équipés d'un masque en papier non adapté au niveau de gravité des circonstances.

Lorsque l'on exerce auprès d'une usine Seveso à seuil haut, n'êtes-vous pas intégrés avec l'ARS, au moins une fois par an, à un réseau donnant des consignes claires à adopter envers vos patients lors de telles catastrophes ?

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Nous avons, en effet, formulé cette proposition au sein des comités avec l'ARS. Des simulations régulières sont indispensables, pour parfaire la communication et sa diffusion car, comme vient de le rappeler le Docteur Burel, tous les professionnels ne sont pas assidus dans la consultation de leur messagerie.

Nous avons tout relayé sur le site de l'URPS et d'après les résultats d'une de nos enquêtes, 50 % des infirmiers consultent le site de l'URPS, et 40 % celui de l'ARS.

Concernant le suivi immédiat des patients, et à la question « Avez-vous ressenti le besoin de consulter un médecin pour vous-même ou vos patients dans l'immédiat ? », 96 % des infirmiers ont répondu négativement pour eux-mêmes mais 93 % ont répondu l'inverse pour leurs patients car beaucoup de personnes âgées ou vulnérables soignées à domicile ont demandé à consulter.

Comme cela a aussi été signalé dans une des enquêtes, n'avoir qu'à 11 heures l'information d'une éventuelle toxicité sans savoir s'il fallait se protéger, notamment pour les patients suivis à domicile, a été très mal vécu par les infirmiers. Ce délai a également engendré des rumeurs.

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

J'ajouterai que le 26 septembre, les premières consignes de l'ARS ont été données à 10 h 57 mais individuellement beaucoup de médecins ont cherché les informations. Les médias annonçaient que les entrées Est et Ouest de Rouen étaient bloquées mais aucune autre information.

Dans un deuxième temps, un certain nombre de familles, notamment les femmes enceintes et allaitantes, sont venues consulter. Nous ne pouvions leur donner que des consignes de prudence.

Aujourd'hui encore, personne ne connaît l'ensemble des substances qui ont brûlé et ce qu'elles deviennent en brûlant.

A quoi les patients ont-ils été exposés ? Selon moi il y a deux accidents : celui du 26 septembre, où les produits de combustion se sont répartis dans le Nord-Est de Rouen provoquant des odeurs âcres, durant 8 à 10 jours, et ensuite, pendant quatre mois, des gaz chimiques liés à des réactions chimiques, d'une autre toxicité, ont touché d'autres populations.

Vous avez évoqué l'enquête en population qui va être lancée non pas en mars mais en juin...

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Oui mais le groupe santé animé par Santé publique France auquel je participe est en retard.

Je n'ai d'ailleurs pas pu obtenir qu'il y ait deux enquêtes, une sur l'incendie et ses conséquences, et l'autre sur les conséquences des réactions chimiques des 1 400 fûts, dont certains très endommagés qui persistent encore et qui ont touché une autre population. C'est absurde sur un plan scientifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je donne la parole à Mme Bonnefoy, rapporteure, pour aborder la deuxième partie, très importante pour nous, relative aux mesures prises pour évaluer les conséquences sanitaires de l'accident.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Oui et M. Burel vient de répondre à ma première question concernant la présence d'odeurs encore aujourd'hui. La population en est-elle inquiète ? D'où viennent ces odeurs, alors qu'il n'y a plus de combustion ?

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Elles proviennent de réactions chimiques de tous les produits stockés dans les hangars des deux entreprises concernées, Normandie Logistique et Lubrizol ; ils représentent environ 9 000 tonnes sur chacun des sites.

Les derniers fûts ont été éliminés il y a seulement une dizaine de jours mais il reste encore du nettoyage.

Il ne s'agit donc pas de la combustion, même si cela n'est pas plus rassurant. Et elles touchent d'autres populations. Par exemple, la commune du Petit-Quevilly, proche de Lubrizol mais située au Sud, n'est pas touchée par le panache, mais l'est par les gaz depuis quatre mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Que pensez-vous du suivi de ces populations, exposées dans le temps par une toxicité chronique ? Y avez-vous été associé ainsi qu'à la mise en place d'une vigilance sanitaire importante à long terme, par l'ARS ou d'autres autorités sanitaires ? Est-il nécessaire de mettre en place un registre de morbidité à l'échelle du département voire au-delà ?

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

D'après l'enquête diligentée à quatre mois de l'événement, 86 % des infirmiers pensent qu'un suivi à long terme est nécessaire ainsi qu'une évaluation. Encore faut-il savoir ce que l'on doit évaluer. 95 % sont favorables à un registre de morbidité avec des critères pré-établis fiables.

Les infirmiers libéraux en Seine-Maritime traitent 40 000 patients par jour. La grille d'évaluation devrait être établie par des experts et intégrer les personnes les plus fragiles, celles qui ne consultent plus et qui représentent 20 % de la population. Pour le moment, nous ne sommes pas sollicités.

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Non, c'est encore possible, car même si l'état de la population semble bon, les signes de toxicologie hépatique ou néphrologique peuvent apparaître plus tard.

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Ce que vient de dire M. Casadei est très important. Nous nous sommes surtout intéressés aux conséquences aiguës de l'accident (toxicité hépatique ou néphrologique) ; maintenant il s'agit d'étudier la toxicité chronique.

Nous sommes consultés et nous enchaînons les réunions, avec l'ARS et Santé publique France, mais nos avis ne sont pas toujours pris en compte.

Je reviens sur l'enquête déclarative de santé qui sera lancée en juin prochain : elle ne traitera que du ressenti des populations. Il ne s'agit pas du tout d'une enquête de santé publique.

La plupart des produits chimiques et pétro-chimiques, quand ils brûlent et se déposent, sont des perturbateurs endocriniens. Un suivi à long terme est donc indispensable.

Il faut, selon moi, tenir plusieurs registres : sur les malformations foetales et celles des enfants, sur les fausses couches, sur les cancers tous âges confondus, sur les pathologies liées aux modifications hormonales. Ces registres doivent différencier les personnes exposées aux fumées toxiques immédiates et celles exposées à la toxicité chronique. Ils doivent aussi cibler des zones. Par exemple, la zone Nord-Est qui comprend toutes les communes touchées par les retombées de suie, comporte des substances différentes.

J'ajoute que l'ARS et la préfecture ont décidé de ne faire des dosages sanguins que si des traces anormales de différentes substances étaient trouvées dans la terre. Or, le professeur Cicolella a expliqué qu'on ne pouvait déduire les pathologies liées aux dioxines repérées dans le sang à partir de prélèvements des sols. La seule méthode est donc le dosage sanguin.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

N'est-il pas trop complexe de tenir plusieurs registres ? Un seul, à plusieurs critères et grilles d'entrée, ne suffirait-il pas ?

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Vous avez sans doute raison, monsieur le président. Il faudrait que des groupes de travail d'experts (épidémiologistes, toxicologues,...) le décident et non pas le ministère ou la préfecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Confirmez-vous que la politique mise en place en matière de suivi sanitaire et de prélèvements aujourd'hui est insuffisante ?

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Elle ne me paraît en effet pas adaptée pour en tirer les conclusions nécessaires.

Je pense surtout qu'il faut lever les angoisses permanentes de la population des secteurs concernés. Il faut pouvoir leur apporter des réponses.

Debut de section - Permalien
Didier Le Flohic, président de l'URPS Pharmaciens de Normandie

Les pharmaciens n'ont jamais été contactés par l'ARS pour leur donner des réponses aux questions quotidiennes des personnes.

Debut de section - Permalien
Maryvonne Le Floch

Je ne travaille pas très loin du Petit Quevilly et dès le premier jour de l'accident, un afflux de patients nous ont dit vouloir quitter les lieux immédiatement. Nous nous sommes sentis abandonnés par l'ARS, malgré le communiqué de 11 heures, même actuellement. La recherche d'informations reste à notre initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Vous vous constituez donc votre propre réseau d'informations ?

Debut de section - Permalien
Maryvonne Le Floch

Oui, alors que des patients évoquent des fuites radioactives... Sans oublier les informations véhiculées par les réseaux sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Il est incroyable que les pharmaciens dont les officines sont proches d'entreprises Seveso n'aient pas été informés en amont des conduites à tenir. Des réunions publiques en présence d'élus sont pourtant prévues dans le cadre du risque nucléaire. Ne pourrait-on pas prévoir, en amont, dans toutes les pharmacies de France, des informations à donner pour soulager la population ?

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

La différence avec le nucléaire, c'est que l'on connaît son fonctionnement. Dans le cas présent, des centaines de substances sont entrées en combustion. Les simulations dont on dispose ont été faites en laboratoire à des températures moindres que celles de l'incendie.

En revanche, les associations de défense de l'environnement prétendent que les différents sites Séveso ont des procédures d'alerte différentes car prévues par les industriels. À Rouen, il y a un défaut d'organisation au départ.

Tout est à revoir en amont. Il est bien difficile de donner des informations quand on ne sait pas réellement ce qui se passe.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

Notre collègue Christine Bonfanti-Dossat a évoqué la situation sanitaire des sapeurs-pompiers. Lorsqu'ils interviennent sur un sinistre, ils sont malgré tout équipés d'appareils respiratoires isolants. La question me semble davantage être celle du suivi sanitaire des policiers nationaux et municipaux qui ne disposent ni de formation ni d'équipements adéquats : avez-vous eu l'occasion, lors de vos consultations, de les recevoir et d'évoquer le suivi qui leur est proposé ?

En termes d'alerte, vous évoquez l'absence globale de réseau. C'est pourtant arrivé un jeudi matin et non un 15 août à 15 heures ! Êtes-vous en capacité de gérer une permanence dans une situation plus critique un dimanche après-midi ou un samedi soir ?

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Notre profession a une obligation de continuité de soins, comme les pharmaciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

Je l'entends mais il y a quand même moins de médecins, d'infirmiers et de pharmaciens un dimanche après-midi qu'un jeudi matin.

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Non il y a autant d'infirmiers dans la mesure où il y a autant de patients à voir et nous sommes organisés pour assurer une continuité 7 jours sur 7.

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Je crois que vous avez raison, Monsieur Martin. S'il y avait un gros problème un 15 août à 15 heures, il y aurait un vrai souci avec les médecins. Notre système de garde fonctionne à peu près mais il n'y a pas assez de praticiens. Il faudrait peut-être prévoir une sorte de réserve sanitaire.

Je reviens sur votre remarque sur les personnels de secours : à part ceux qui sont intervenus dans les vingt premières minutes, les autres avaient effectivement l'équipement nécessaire. Par contre, la question des policiers a disparu avec le nuage...

Debut de section - Permalien
Didier Le Flohic, président de l'URPS Pharmaciens de Normandie

Les pharmaciens ont aussi un service de garde mais sont susceptibles de manquer de certains produits, nos grossistes n'ayant pas de système de garde. Une intervention massive pourrait s'en trouver décalée de vingt-quatre heures.

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Nous sommes 7 jours sur 7 sur le terrain, encore faut-il savoir pour quoi et avec quels moyens on peut agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Depuis l'accident, un point avec l'ARS a-t-il été fait sur votre vécu en tant que professionnels de santé et comment participez-vous aux réunions organisées régulièrement à la préfecture ?

Monsieur Burel, vous êtes également membre du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst). Que pensez-vous de la reprise d'une partie de l'activité sur le site de Lubrizol ?

Enfin, pensez-vous que l'ouverture d'un traitement de données de santé spécifique, fondé sur le voisinage de l'accident avec une dérogation partielle à l'anonymat des données pour un suivi plus affiné des personnes éventuellement exposées, serait opportune ?

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

Concernant votre dernière proposition, un traitement de données serait tout à fait opportun avec anonymisation des données.

Quant au Coderst, il est composé de 26 membres. Seuls 4 membres, dont j'ai fait partie, ont voté contre la reprise partielle de Lubrizol. Pour des raisons de santé d'abord et principalement, car il subsiste trop d'inconnues. Peut-on se permettre, dans de pareilles conditions, de redémarrer une industrie ?

Alors même que l'on veut développer le patrimoine touristique de l'agglomération, ne fallait-il pas envisager un déménagement, d'autant qu'un éco-quartier est en cours d'aménagement à proximité de ces installations classées Seveso ?

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Lors d'une audition, la directrice générale de l'ARS de Normandie a reconnu le dysfonctionnement autour de l'information et de la communication. Depuis, un travail a-t-il été enclenché ?

Je suis très intéressée par tout ce que vous avez dit sur le suivi dans la durée, car cet accident constitue un vrai enseignement dans ce domaine. Nous sommes plus habitués à ce que les incidents industriels provoquent des victimes immédiates, voire des morts, mais les pouvoirs publics n'ont pas encore intégré dans leur action la gestion du risque sanitaire à long terme.

Je suis très sensible à vos propos sur les registres. Comment peut-on faire entendre la nécessité de les mettre en place ? Si les autorités publiques continuent de s'y refuser, y aurait-il des moyens plus indépendants de le faire malgré tout ? Et enfin, peuvent-ils être codifiés, c'est-à-dire prévoir une marche à suivre pré-définie pour chaque type d'accident ?

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Au niveau de l'URPS, ce problème de communication immédiat nous a effectivement fait réagir. Nous avons engagé un prestataire qui a fait du « phoning » auprès de tous les cabinets médicaux normands pour tenter de référencer un maximum de messageries, voire de téléphones portables. On a ainsi augmenté notre panel de personnes à alerter. Pour information, même l'ARS et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) n'ont pas toutes les adresses de messagerie des professionnels de santé.

A l'instar de l'obligation de se référencer auprès de nos ordres professionnels, il faudrait faire de même auprès de l'URPS pour que l'alerte puisse être lancée en amont et touche 100 % des professionnels.

Debut de section - Permalien
Didier Le Flohic, président de l'URPS Pharmaciens de Normandie

Au niveau de l'ARS, elle s'est très légèrement améliorée puisque quelques réunions en préfecture nous ont été proposées mais nous en sommes informés le mardi soir à 20 heures pour le lendemain à 9 heures !

Debut de section - Permalien
Maryvonne Le Floch

Cela rejoint ce que j'ai dit précédemment. L'information ne nous parvient pas de façon naturelle. Les comptes rendus ne nous sont pas transmis systématiquement. Nous restons démunis face aux questions de la patientèle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je souhaiterais vous poser une dernière question : si vous étiez ministre de la santé ou directeur général de l'ARS de Normandie, quelles mesures prendriez-vous pour améliorer le suivi sanitaire des populations concernées de près ou de loin ?

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

La mise en place de registres spécifiques avec une grille d'évaluation des populations touchées.

Debut de section - Permalien
Bruno Burel, représentant de l'URPS Médecins de Normandie

En réponse à la question de Madame Brulin, tout ce qu'on a évoqué aujourd'hui l'a déjà été en différentes réunions mais pour autant nous ne sommes pas toujours suivis, comme ma demande de mettre en place deux enquêtes en population car il y a bien eu deux accidents.

J'attends beaucoup des résultats de votre commission d'enquête parlementaire car il ne ressort rien du comité de transparence à la préfecture.

Debut de section - Permalien
François Casadei, président de l'URPS Infirmiers Normandie

Encore faut-il aussi définir la notion de « vulnérabilité » des populations et prendre en compte celles d'entre elles qui se trouvent en établissements hospitaliers et en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).