La commission a procédé, conjointement avec la commission des finances et la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Mme Neelie Kroes, commissaire européen en charge de la concurrence.
l'a remerciée de venir exposer sa vision de la politique européenne de la concurrence et a évoqué les nombreuses questions liées à cette politique : sa compatibilité avec l'émergence, ou la réémergence, du thème de la politique industrielle en Europe, la politique des concentrations, la notion de marché pertinent, les aides d'Etat, les sujets sectoriels comme ceux de l'énergie, des services postaux ou du transport ferroviaire. Il a également rappelé que, lors de sa récente audition, M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l'énergie, avait souhaité laisser le soin à Mme Neelie Kroes de répondre à certaines questions portant sur les aspects concurrentiels de la politique de l'énergie.
a noté que la France, qui se donnait pour ambition d'entreprendre, de créer, d'innover, de « travailler plus pour gagner plus », semblait quelquefois avoir peur de la concurrence et de la politique européenne de la concurrence. Pourtant, elle a besoin d'une saine concurrence pour moderniser son économie, favoriser sa croissance, améliorer le pouvoir d'achat de ses citoyens.
De même, la France semble parfois avoir peur de la mondialisation. Elle compte pourtant un grand nombre de « champions mondiaux » et profite de l'ouverture des marchés et de la demande des pays émergents.
Pour Mme Neelie Kroes, il faut combattre les préjugés contre la concurrence, qui est un instrument de politique économique susceptible de dynamiser encore l'économie française, afin de permettre à la France de continuer à tenir son rang dans un monde en mutation.
Relevant que la richesse d'un pays venait des entreprises, du talent des hommes et des femmes au service de projets économiques, elle a remarqué qu'il fallait que le marché soit libre et ouvert pour que chacun puisse entreprendre et être récompensé de son travail et de ses mérites : pour cela, une politique de la concurrence est essentielle. Pourtant, en France, la concurrence est trop souvent associée à des faillites, des délocalisations, des pertes d'emplois. On donne l'impression que le marché sanctionne les plus faibles et que l'Etat est le seul recours. Il s'agit là d'une mythologie éloignée de la réalité : il faut regarder le réel et se garder de la naïveté comme de l'idéologie aveugle. La concurrence favorise la croissance et la confiance permet de saisir les opportunités. Mme Neelie Kroes a considéré que ses effets bénéfiques étaient révélés a contrario des situations où elle n'existait pas, mentionnant les Etats membres qui avaient vécu pendant 40 années sous l'influence de l'économie soviétique.
Elle a affirmé que le modèle économique européen était fondé sur le postulat qu'entre la « jungle et la tyrannie » existe l'économie sociale de marché. La politique de la concurrence en est un des instruments de régulation : l'idée n'est en effet pas de promouvoir le laisser-faire mais la libre entreprise et l'efficacité. A cet égard, Mme Neelie Kroes a dit partager l'opinion exprimée par M. Daniel Cohn-Bendit qui affirmait préférer voir, dans une économie de marché, une concurrence non faussée plutôt que la confiscation, à son avantage exclusif, du pouvoir économique par un monopole.
Indiquant que la Commission avait essayé de mesurer l'impact de la politique de concurrence européenne, Mme Neelie Kroes a souligné que les économies directes réalisées par les consommateurs en 2007 grâce aux actions menées dans les domaines du contrôle des ententes, des abus de position dominante, des concentrations et de la libéralisation pouvaient être évaluées à 13,8 milliards d'euros, soit un montant supérieur au coût du « paquet fiscal » adopté l'été 2007 en France.
Elle a donc estimé que pour augmenter sa croissance, la France devait développer la concurrence, gage de baisse des prix, de meilleurs choix offerts aux consommateurs, et qui constitue une assurance contre les défis de la mondialisation, comme en témoignent les résultats obtenus dans les secteurs des télécommunications, du transport aérien, de l'électronique. Selon l'OCDE, a-t-elle ajouté, la généralisation dans toute l'Europe des politiques les plus favorables à la concurrence permettrait d'augmenter de 3 % le PNB par habitant.
Récusant tout clivage artificiel entre politique de la concurrence et politique industrielle, Mme Neelie Kroes a jugé qu'elles étaient, au contraire, complémentaires, pouvaient concourir à accroître le potentiel économique européen dans son ensemble et constituer des investissements pour notre avenir à long terme.
La concurrence stimule la croissance et l'innovation et des conditions de concurrence équitables peuvent apparaître comme une expression moderne des principes d'égalité et de fraternité, en permettant aussi de donner sa chance à chacun, dans un esprit de « fair-play » et de sportivité. Affirmant faire clairement le choix de la concurrence contre celui du protectionnisme, Mme Neelie Kroes a précisé qu'elle défendait la concurrence équitable et la liberté d'entreprendre, mais non le laisser-faire.
Remarquant que des conditions de concurrence équitables n'empêchaient pas la réciprocité, Mme Neelie Kroes a annoncé qu'en août 2008 les autorités chinoises mettraient en oeuvre des règles de concurrence inspirées des règles européennes : l'Europe a soutenu la Chine et celle-ci lui rend la pareille en prenant part au dialogue international. L'Union européenne a également obtenu des avancées dans le domaine de la propriété intellectuelle et compte demander la réciprocité en matière de normes environnementales et de gouvernance : la stratégie d'accès au marché de l'énergie en est une preuve, comme les projets de code de bonne conduite pour les fonds souverains. Refuser le protectionnisme signifie, en effet, vouloir appliquer les mêmes règles à tous.
a également noté que des conditions de concurrence équitables ne faisaient pas obstacle aux choix économiques et sociaux nationaux, comme le montrent les exemples suédois ou finlandais, mais des niveaux élevés de protection sociale ne sont possibles que sur une base économique solide.
Enfin, elle a observé que des conditions de concurrence équitables étaient un facteur d'efficacité et offraient le moyen de baisser les prix et de répondre aux préoccupations croissantes des citoyens en matière de pouvoir d'achat, se félicitant que le gouvernement français semble partager ce jugement en proposant de renforcer la concurrence et le rôle de l'autorité nationale compétente en matière de contrôle de la concurrence.
En ce qui concerne les aides d'Etat, Mme Neelie Kroes a déclaré qu'elles pouvaient créer des distorsions de concurrence, mais que la Commission européenne admettait aussi, dans certains cas, leurs bienfaits. Elle a par exemple autorisé des régimes d'aides très généreux en faveur des PME, de la recherche ou de préservation de l'environnement. Elle a ainsi permis aux PME de disposer de davantage d'aides, plus rapidement et dans de plus nombreux domaines, tels que les zones franches urbaines, les aides aux jeunes entreprises innovantes, aux pôles de compétitivité, ou aux énergies renouvelables.
Evoquant les concentrations, elle a souligné que la Commission ne se montrait pas « dogmatique » et bloquait moins de 1 % des opérations proposées, notant que les entreprises françaises avaient bénéficié de cette politique, qu'elle les autorisait à procéder à des acquisitions, telle celle de KLM par Air France, ou les protégeait de la création de positions dominantes, telle celle qui aurait résulté de la fusion Ryanair - Aer Lingus.
a ensuite insisté sur le fait que la France avait des raisons d'aborder avec confiance la libre concurrence et l'ouverture de la concurrence à l'économie mondiale :
- elle est dans une situation démographique favorable, avec un taux de fécondité en progression favorisant l'accroissement de sa population active, alors que beaucoup de pays sont confrontés à la contraction de leur main-d'oeuvre ;
- la France dispose de leaders mondiaux qui tirent profit de la mondialisation. De l'industrie du luxe (LVMH) à la grande distribution et aux services de restauration (Carrefour et Sodexho) en passant par les transports (Alstom, Airbus), l'énergie (Total, Areva), la construction (Lafarge, Saint-Gobain, Bouygues), les entreprises de services à l'environnement (Suez), les cosmétiques (L'Oréal) ou l'hôtellerie (Accor), les entreprises françaises sont omniprésentes, et ce succès s'explique par une attitude commune : ne pas envisager l'avenir avec appréhension, mais avec audace, esprit d'entreprise et en sachant saisir les opportunités ;
- le spectre des délocalisations est « une erreur statistique ». S'il faut aider certaines entreprises à se réorienter, et assurer un accompagnement social du changement, les chiffres sont formels : les délocalisations représentent moins de 8 % des pertes d'emplois en Europe, moins de 4 % en France. Par comparaison, la mondialisation crée des centaines de milliers d'emplois et l'on estime que les économies résultant du commerce mondial pourraient rapporter à chaque ménage plus de 5.000 euros par an.
Relevant que l'on pouvait multiplier les exemples de réussite française dans la mondialisation - France 24, nouvel acteur de l'actualité internationale, Renault-Nissan, constructeur automobile rentable, les 2 500 entreprises françaises qui se sont implantées aux Etats-Unis - et invoquant sa propre expérience professionnelle des entreprises françaises, Mme Neelie Kroes a établi, à cet égard, un parallèle avec son pays, les Pays-Bas, qui après avoir connu son « âge d'or » financier et commercial au XVIIe siècle, faisait aujourd'hui un « retour en force ».
Remarquant que cet esprit d'entreprise était le « véritable visage de la mondialisation », elle a souligné que la France et l'Europe « tiraient leur épingle du jeu » même dans des secteurs où on ne les attendait pas : ainsi la France est-elle exportateur net de services commerciaux et l'Europe maintient-elle, en dépit de la concurrence à bas prix, sa part de la production manufacturière mondiale.
Affirmant sa conviction que la France, consciente de son rôle moteur, réagirait comme une grande nation aux défis et aux potentialités issues de la concurrence mondiale, elle a déclaré que « tourner le dos » à la mondialisation et aux marchés concurrentiels serait « tourner le dos » à la vie, et à l'avenir de l'Europe. En imprimant sa marque à ces marchés, l'Europe assurerait sa prospérité pour les années à venir.
Citant la formule de Jean Monnet, « nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes », elle a espéré que se rejoignent les visions européenne et française de l'économie de marché, et réaffirmé que la politique de la concurrence était un atout pour l'Europe et pour la France.
Cet exposé a été suivi d'un large débat.
Donnant acte à Mme Neelie Kroes de son « acte de foi » dans la concurrence, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que « le diable est souvent dans les détails » et qu'il fallait mesurer tous les enjeux de la mondialisation. Convenant que les phénomènes de délocalisations s'estompaient, il a relevé qu'il fallait en revanche se préoccuper désormais des « non-localisations » : au terme du premier cycle de leur développement, les entreprises amorçaient un nouveau cycle hors du territoire national ou même européen.
Au sujet de la politique de l'énergie et de la « séparation patrimoniale », M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, évoquant les grandes entreprises françaises du secteur de l'énergie, a souhaité savoir si un compromis sur « la troisième voie » était envisageable. En matière de transports ferroviaires, il a demandé si un premier bilan de la libéralisation du transport de fret dans des pays comme la France avait été établi, si la Commission poursuivait l'objectif d'une libéralisation totale du trafic des passagers et à quelle échéance.
a rappelé que le commissaire Andris Piebalgs avait exposé la philosophie du « troisième paquet » de libéralisation du marché de l'énergie. Elle a indiqué que lorsqu'elle avait succédé au commissaire Mario Monti, la Commission européenne avait procédé à une étude du secteur de l'énergie dans les 25 Etats membres composant alors l'Union européenne, étude qui avait révélé certains obstacles à une concurrence équitable, et permis de constater qu'un certain nombre de grandes entreprises ne s'étaient pas comportées comme elles l'auraient dû. La Commission avait donc souhaité s'attaquer à ces obstacles. Soulignant que l'énergie était un sujet important pour les particuliers, mais aussi pour les entreprises des secteurs industriels et de l'énergie, elle a relevé que le principal problème tenait au fait que les mêmes personnes maîtrisaient la fourniture et les infrastructures de distribution de l'énergie. Dans certains cas, cela avait entraîné de véritables abus de position dominante et donc le lancement de procédures en manquement.
a indiqué, en particulier, que l'entreprise allemande E-ON avait largement abusé de sa position dominante en empêchant l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs qui n'avaient pas accès aux réseaux.
C'est pourquoi la Commission a estimé que la meilleure garantie était la séparation patrimoniale. Mme Neelie Kroes a remarqué que la « troisième voie » n'irait pas sans poser quelques problèmes, raison pour laquelle la Commission n'y était pas fondamentalement favorable : elle a néanmoins souligné qu'elle aborderait cette question de façon ouverte, l'essentiel étant de parvenir à offrir un égal accès au marché et de prévenir les abus de position dominante au détriment des consommateurs. Rappelant qu'E-ON avait proposé de s'engager à se séparer de son réseau de distribution, Mme Neelie Kroes a souligné que cette solution pouvait offrir des opportunités très positives, par exemple pour l'amélioration du réseau. Elle a noté que la distribution pourrait être placée sous le contrôle d'un opérateur national, mais que des fusions « transfrontalières » pouvaient également être envisagées si elles étaient conformes à la réglementation communautaire, ce qui irait dans le sens de la constitution d'un véritable marché unique.
Elle a par ailleurs rendu hommage au travail accompli dans le secteur des transports par le commissaire Jacques Barrot, lorsqu'il était en charge de ce secteur.
Après avoir rappelé que la politique de l'énergie était un enjeu majeur pour l'avenir de l'Union européenne et compterait parmi les sujets importants qui seraient examinés pendant la présidence française, et sans doute au-delà, M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, s'est inquiété des fortes réticences de la Commission européenne à l'encontre des contrats d'approvisionnement à long terme ou de la constitution de groupements d'achats, au motif qu'ils pouvaient favoriser les opérateurs historiques et jouer au détriment des nouveaux opérateurs.
Estimant comme Mme Neelie Kroes qu'il fallait se garder de toute naïveté, il a fait observer que le marché de l'énergie n'était pas un marché de concurrence pure et parfaite et que le secteur de la production était dominé par des oligopoles jouissant d'un pouvoir de négociation considérable. Il a donc demandé si les contrats à long terme ne pouvaient pas être un moyen d'assurer un certain équilibre entre vendeurs et acheteurs.
a demandé à ce propos quelle serait la juridiction compétente en cas d'entente entre deux vendeurs étrangers, tels Gasprom et les producteurs algériens.
a précisé que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) serait compétente, puis a confirmé l'importance pour l'Europe de la question de l'énergie et de la dépendance de l'Europe à l'égard de sources d'énergie situées hors d'Europe.
Estimant que Gasprom ne devrait pas être autorisé à être à la fois fournisseur et détenteur des infrastructures de distribution, elle est convenue avec M. Hubert Haenel de la nécessité de construire des entreprises fortes dans le secteur de l'énergie. Cependant, les grandes entreprises doivent aussi se conformer à des règles égales pour tous, et le jeu n'est plus équitable si les contrats à long terme, qui peuvent être avantageux pour ceux qui les signent, sont un obstacle pour d'autres, comme l'a montré l'exemple de la Belgique. C'est pourquoi la Commission a attaqué ces contrats et pris une décision dans le cas de la Belgique, estimant qu'il fallait chercher à trouver un équilibre sur le marché de l'énergie en recourant à la fois aux contrats à court et à long terme.
Evoquant le consortium Exeltium, qui réunit 35 sociétés électro-intensives liées au producteur EdF par un contrat d'approvisionnement de très long terme, Mme Neelie Kroes a indiqué qu'elle s'interrogeait sur la compatibilité de l'échéance de ce contrat, supérieure à 24 ans, avec les règles européennes de concurrence, et que d'intenses discussions étaient en cours avec EdF et le gouvernement français pour raccourcir éventuellement cette durée. Elle a ajouté que la Commission européenne reconnaissait l'importance du positionnement mondial des industriels concernés, et dès lors l'utilité de disposer d'approvisionnements pérennes, mais qu'il n'en était pas moins nécessaire de respecter le cadre communautaire de la concurrence. Ce constat ne s'appliquait d'ailleurs pas au seul consortium Exeltium.
a estimé que les propos de Mme Neelie Kroes tendaient à illustrer une position selon laquelle la concurrence serait une fin en soi, alors qu'il s'agissait plutôt d'un moyen permettant d'atteindre un certain optimum économique. Abordant la question des tarifs de l'énergie, il a indiqué que son traitement par la Commission avait suscité de nombreux débats et causé un certain trouble dans les esprits. Il a rappelé que la France avait investi massivement pour garantir l'autonomie de ses approvisionnements énergétiques, et avait mieux réussi que certains de ses partenaires européens. Il a déclaré ressentir une impression de réelle incompréhension, de la part de la Commission européenne, s'agissant du modèle français de tarification des usagers domestiques et industriels. Compte tenu des réponses trop souvent floues apportées par la Commission ou la Cour de justice des communautés européennes, il s'est demandé si les tarifs réglementés français étaient condamnés et si la Commission s'était forgé une réelle doctrine.
Evoquant les nombreux dispositifs d'aide concernés par le règlement de minimis, il s'est également interrogé sur les moyens que la Commission mettait en oeuvre pour en assurer le respect, à moins que ce contrôle fût du ressort des autorités nationales.
a affirmé avoir toujours exprimé clairement sa perception de la concurrence qu'elle concevait comme un instrument et non comme un objectif en soi. C'est une condition nécessaire de la réussite de l'Agenda de Lisbonne et de la mise en place de l'égalité des conditions de jeu. Etablissant une analogie avec le football, elle a décrit son rôle comme celui d'un arbitre susceptible de décider des sanctions, le non-respect des règles du jeu étant préjudiciable à l'ensemble des parties, en particulier pour les consommateurs, assimilables aux spectateurs.
Concernant les tarifs réglementés, elle a reconnu que la France avait fait preuve de courage en misant sur le nucléaire pour assurer son indépendance énergétique et en tirer aujourd'hui un réel profit, et que les ménages et opérateurs économiques avaient un même intérêt à disposer d'une énergie sûre et abordable. Elle se devait néanmoins de veiller à éviter toute concurrence déloyale, les tarifs réglementés pouvant constituer, à l'instar des consortiums, une barrière à l'entrée par la fixation d'un prix bas et inférieur au prix de revient d'un opérateur, EdF, majoritairement détenu par l'Etat. Si elle admettait la pratique des tarifs réglementés pour les ménages et les petites et moyennes entreprises, elle a estimé qu'elle était plus contestable à l'égard des grandes entreprises.
Puis, en réponse à M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui rappelait que sur un marché libre le prix de revient correspondait au coût marginal du dernier kilowatt-heure produit par une centrale thermique polluante, elle a considéré que les tarifs réglementés bénéficiaient à tous, sans distinction de situation, et dès lors avantageaient finalement les plus gros consommateurs, et que la preuve n'avait pas été apportée que de tels tarifs aboutissaient à des conditions aussi favorables que celles d'un marché libre.
Concernant l'application du règlement de minimis, elle a indiqué que le contrôle de son respect était décentralisé auprès des Etats, et qu'elle préférait faire d'abord confiance à ce système avant d'envisager une action de la Commission en cas de dérapage.
Se référant à la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 relative à la banalisation de la distribution du Livret A, et à l'argumentation développée par Mme Neelie Kroes, Mme Nicole Bricq a contesté le caractère urgent des dispositions du projet de loi de modernisation de l'économie, décidées, selon elle, sans réelle concertation avec les acteurs concernés et qui n'étaient pas rendues nécessaires par une injonction ou sanction de la Commission.
Précisant que le groupe de travail du Sénat sur ce projet de loi avait permis de mieux appréhender les enjeux de cette libéralisation, elle s'est interrogée sur la conformité aux règles de concurrence de l'absence de comptabilité distincte et de la compensation, via le taux de rémunération, accordée aux établissements bancaires de manière uniforme et sans considérer leurs obligations différenciées au regard du service public de l'accessibilité bancaire, qui reposerait désormais sur la seule banque postale. Elle a également rappelé que les fonds d'épargne ne seraient plus exclusivement centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations et permettraient aux banques, dans un contexte financier heurté, d'accéder à une nouvelle source de liquidité, et s'est demandé si cet avantage ne présentait pas le risque d'une distorsion de concurrence, susceptible d'être qualifiée d'aide d'Etat.
a déclaré être une « admiratrice » du Livret A et que l'ouverture de sa distribution pourrait exercer un impact positif sur le financement du logement social. Elle a exprimé ses doutes sur l'intérêt du maintien de la commercialisation par les trois réseaux historiques, qui ne permettait pas d'établir une égalité des conditions de jeu et considéré qu'il était nécessaire d'offrir aux consommateurs une faculté de choix du distributeur et d'en retirer tous les avantages.
Elle a ajouté qu'il était encore trop tôt pour déterminer si les modalités de cette libéralisation étaient constitutives d'une aide d'Etat, et que ses services étudiaient la conformité des dispositions du projet de loi aux exigences de la Commission européenne.
a contesté le bien-fondé de la décision de la Commission de mai 2007 et a soutenu la perspective d'un recours juridictionnel. Il a considéré que le régime de distribution exclusive du Livret A n'avait pas causé la faillite des autres banques ni empêché un établissement de capter en France une partie substantielle de l'épargne des ménages. Il a estimé que ce système, et sa contrepartie du droit au compte bancaire pour tous, garantissaient le financement du logement social et l'accessibilité bancaire, d'ailleurs assimilés par la Commission européenne à des services d'intérêt économique général. Rappelant que la Commission européenne n'avait pas exigé la remise en cause de la centralisation intégrale des fonds auprès de la Caisse des dépôts et consignations, il a relevé que le projet de loi de modernisation de l'économie mettait fin à la nécessaire contrepartie que constituait cette centralisation et permettait aux banques d'améliorer leur haut de bilan, ce qui pouvait apparaître comme une distorsion de concurrence.
a rappelé que ce débat sur la généralisation de la distribution du Livret A se déroulerait lors de l'examen de ce projet de loi par le Parlement.
a indiqué, en tant que commissaire européen, ne faire aucune distinction entre les Etats qui serait notamment de nature à ménager les entreprises néerlandaises et qu'elle se devait de garantir les conditions d'un marché équitable dans le respect des libertés de prestation de service et d'établissement figurant dans le traité. Elle a estimé que les droits spéciaux dont bénéficiaient les trois distributeurs du Livret A et du Livret bleu constituaient un obstacle aux gains de parts de marché par les autres banques. Elle a rappelé que la Commission n'avait aucunement l'intention de remettre en cause le financement du logement social et ne faisait que veiller à ce que ce service public n'introduise pas de biais concurrentiel. Les nouvelles modalités de centralisation des fonds d'épargne font donc partie des points à examiner dans le dialogue entre la Commission et le gouvernement français.
Rappelant qu'en qualité de ministre, il avait contribué à libéraliser le secteur français des télécommunications, M. Gérard Longuet a jugé que l'analyse faite par la Commission européenne du marché français de l'énergie traduisait une « incompréhension totale » et un « fossé culturel ». Il a exposé qu'il n'y avait pas un type de kilowatt-heure mais trois, profondément différents sur les plans technique et économique : celui du développement durable qui était largement subventionné et n'avait pas encore fait ses preuves, celui de la production thermique et celui de la production nucléaire. Le nucléaire s'est révélé non rentable pendant 25 ans, dans un marché qu'il a reconnu comme étant fermé, et mobilise aujourd'hui des investissements élevés, alors que la production thermique est structurellement différente en ce qu'elle dépend exclusivement du cours du pétrole. Le choix du nucléaire fait par la France est sociétal et politique, et a contrario les pays qui n'ont pas fait ce choix doivent en assumer les conséquences et en payer le prix, sans contraindre la France à partager la rente que peut désormais constituer l'énergie nucléaire.
a déclaré qu'elle était parfaitement consciente des oppositions d'ordre politique que suscitait le nucléaire, et qu'elle n'entendait pas remettre en cause les tarifs dont bénéficiaient les consommateurs mais ceux des grands industriels, qui ressortissaient aux aides d'Etat, facteur de concurrence déloyale entre les grandes entreprises européennes, en ce qu'ils étaient inférieurs au coût de revient et en partie financés par des taxes parafiscales.
a rappelé que le prix de marché reposant sur le coût marginal du kilowatt-heure des centrales fonctionnant à l'énergie fossile était dès lors susceptible d'excéder largement le coût du kilowatt-heure nucléaire. Il en résultait pour EdF une forme de rente, que l'on pouvait à certains égards considérer comme un profit injustifié.
a considéré qu'elle n'était pas responsable des profits d'EdF mais devait s'assurer que le prix de marché correspondait au prix coûtant, et a indiqué qu'elle exposerait clairement sa position dans un courrier.
Se fondant sur le pragmatisme dont entendait se prévaloir la Commission européenne, M. Daniel Raoul a considéré que l'examen des faits illustrait que toutes les expériences antérieures de libéralisation totale d'un secteur avaient conduit à une forte augmentation des prix pour tous les consommateurs et à une situation de sous-investissement dans les infrastructures de réseau, que le principe de séparation patrimoniale pourrait aggraver. Il s'est demandé comment la Commission européenne pouvait maintenir sa conception dogmatique de la concurrence, sans apporter la preuve que celle-ci contribue à la sécurité des approvisionnements énergétiques ni satisfaire à l'exigence de proportionnalité qui irrigue le droit communautaire.
a rappelé que la politique communautaire de concurrence n'était pas un dogme mais un instrument, le meilleur qui soit, et qu'il pouvait souffrir des exceptions, selon la définition des activités, ainsi qu'en témoignait la notion de service d'intérêt économique général. L'importance du secteur de l'énergie ne justifiait pas, selon elle, que la concurrence y fût entravée, dès lors qu'il demeurait possible, dans tout secteur libéralisé, de tenir compte de certaines spécificités. Elle a ajouté que, si les opérateurs historiques de l'énergie avaient donné l'impression de « jouer le jeu », cela s'était révélé trompeur car reposant sur des ententes et un sous-investissement manifeste, auxquels il était possible de remédier efficacement par la séparation patrimoniale. Elle a ainsi considéré que les consommateurs allemands avaient payé un prix excessif pour conforter le positionnement d'E-ON.
La Commission fonde son analyse sur le marché européen de l'énergie dans sa globalité, qui constitue un échelon plus pertinent que les marchés nationaux pour garantir des approvisionnements de long terme, et que des fusions transfrontalières doivent contribuer à conforter.
Citant l'exemple canadien, M. Gérard Larcher a estimé que la métallurgie électro-intensive disparaîtrait en Europe d'ici à 20 ans si l'on poursuivait la tendance actuelle en matière de politique tarifaire de l'énergie, avec un impact récessif en aval sur un secteur tel que l'aéronautique. Puis il s'est félicité de la création prochaine en France, par le projet de loi de modernisation de l'économie, d'une autorité de la concurrence disposant d'un statut conforme à ce qui était pratiqué dans tous les autres Etats membres. Il a cependant relevé que l'autorité politique conserverait un pouvoir d'appréciation selon des motifs de service public ou des intérêts économiques, et s'est demandé si l'on ne devait pas également, par un « parallélisme des formes », envisager une autorité politique européenne pouvant agir pour des considérations d'intérêt général, plutôt que de s'en remettre au seul recours juridictionnel devant la Cour de justice des communautés européennes.
s'est demandé si le maintien d'un pouvoir de décision politique en France était compatible avec les exigences européennes en matière de concurrence.
En réponse, Mme Neelie Kroes a fait valoir les contacts étroits et quotidiens que la Commission européenne entretenait avec le réseau des autorités nationales de concurrence, qui fonctionnait de manière satisfaisante en distinguant clairement les compétences de la Commission de celles des régulateurs nationaux. Elle a ajouté qu'une grande partie des projets de fusion relevait de ces autorités, bien que celles-ci aient parfois tendance à s'en remettre à la Commission européenne pour régler certaines difficultés. En cas de contentieux, son cabinet s'appuyait sur la jurisprudence du Tribunal de première instance et de la Cour de justice des communautés européennes.
Revenant sur les consortiums électro-intensifs, elle a déclaré avoir bien conscience des enjeux de compétitivité pour les industries concernées, mais qu'en cette matière, il importait de respecter une ligne claire et d'assurer la prévisibilité et la transparence de la réglementation, dans le respect des dispositions du traité.
Evoquant le « principe de réalité », M. Claude Saunier a déploré que la Commission européenne, en dépit de son attachement louable aux principes de concurrence, ne les abordât que sous un angle intra-européen, qui ne reflétait pas l'environnement réel des grands groupes européens. Il s'est, dès lors, demandé comment la Commission articulait la construction européenne en matière de concurrence avec les pratiques avérées de « dumping » - fiscal, bancaire ou environnemental - au plan mondial.
a reconnu que ces pratiques constituaient un véritable défi, auquel elle était particulièrement attentive, mais qu'il était nécessaire de recueillir préalablement un assentiment large des Etats membres avant de pouvoir persuader les partenaires extra-européens d'adopter des règles semblables, sur le fondement de la réciprocité. Elle a fait valoir que des échanges fructueux avaient eu lieu avec des pays tels que l'Australie, la Chine et la Russie, ces deux derniers pays ayant adopté une loi inspirée du modèle européen de régulation de la concurrence. Le véritable enjeu réside, cependant, dans la mise en oeuvre concrète de ces nouvelles législations et l'adoption effective de sanctions en cas de manquement.
Rendant hommage au rôle des commissaires Andris Piebalgs et Peter Mandelson dans les négociations commerciales internationales, elle a néanmoins considéré qu'on ne pouvait pas tout attendre de ces négociations ni de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, et qu'une action bilatérale était également indispensable pour promouvoir un traitement équitable et réciproque en matière de concurrence. Citant l'exemple de la Corée du Sud, elle a estimé que ces questions de concurrence devaient pouvoir être traitées dans les conventions bilatérales, de manière souvent plus efficace et aisée que par une négociation multilatérale.
Faisant référence à une récente discussion avec les dirigeants d'une grande société finlandaise, elle a souligné le défi concurrentiel que représentait la Chine, qui dispose désormais d'importants moyens financiers et humains en recherche et développement, lui permettant d'innover et non plus simplement de copier les créations occidentales. Il est nécessaire de relever fortement le niveau de la recherche en Europe et de mettre en place des règles communes de concurrence, le protectionnisme n'étant pas, en tout état de cause, une réponse adéquate.
a évoqué d'autres situations en marge des règles communautaires de concurrence, tel que le renflouement d'une grande banque par l'Etat en cas de risque systémique. Il a fait valoir l'importance de la loyauté dans le commerce international, et a appelé M. Peter Mandelson, commissaire européen en charge du commerce, à mieux en tenir compte. Il a ajouté que le contexte actuel de délocalisations rendait plus difficile la conciliation des aspirations du consommateur - des prix bas et une concurrence efficace - avec celles du salarié - un salaire décent et une bonne couverture sociale.