Notre Assemblée a été saisie d'un texte qui comprenait un article liminaire et dix-huit autres articles. Elle en a ajouté cinquante-quatre, adoptant le texte en première lecture le jeudi 9 juillet.
Le Sénat, pour sa part, a adopté trente-huit articles conformes. Il a supprimé par ailleurs six articles, en a modifié vingt-neuf et en a ajouté soixante-treize, adoptant le texte en première lecture le dimanche 19 juillet.
Notre commission mixte paritaire est donc chargée d'élaborer un texte sur les cent-huit articles restant en discussion.
Il convient, avant de débuter, d'exposer un point de méthode concernant le texte que nous allons examiner. Une commission mixte paritaire (CMP) est simultanément saisie du texte adopté par l'Assemblée nationale et du texte adopté par le Sénat. Elle peut, sur chaque article restant en discussion, choisir l'une ou l'autre des rédactions, ou encore retenir une rédaction de compromis, proposée par les rapporteurs ou tout autre membre de la CMP.
Toutefois, dans le cas présent, et de la même manière que lorsque nous avons examiné, en avril, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, afin de faciliter l'élaboration d'un compromis, les deux rapporteurs, d'un commun accord, ont souhaité déposer sur le bureau de la CMP une rédaction de compromis globale : cette rédaction récapitule l'ensemble des articles du projet de loi de finances rectificative (PLFR), y compris ceux qui ont déjà été adoptés conformes et ne peuvent donc plus être modifiés ; elle retient parfois la rédaction de l'une ou de l'autre assemblée, et parfois une rédaction différente de ces deux premières. À chaque fois, le texte mis à notre disposition par les rapporteurs signale l'origine de la rédaction.
Merci de votre accueil. Je laisse les rapporteurs généraux nous présenter leurs propositions.
Nous avons examiné ce projet de loi de finances rectificative dans des conditions rapides, ce qui n'a pas fait obstacle à l'adoption par le Sénat de plusieurs avancées importantes.
Ce texte entérine un déficit et un endettement publics en hausse. Avec un esprit aigu de responsabilité, le Sénat a adopté les mesures de soutien à l'économie proposées par le Gouvernement et le renforcement des dispositifs prévus dans les deux premières lois de finances rectificatives, notamment le prêt garanti par l'État et le fonds de solidarité. Nos regrets ne portent donc pas sur ce qui est inscrit dans le texte, mais sur ce qui ne s'y trouve pas, à savoir des mesures de relance.
Le redimensionnement du plan de soutien porté par le Gouvernement ne nous apparaît pas à la hauteur des enjeux. Nous avons un désaccord de calendrier avec le Gouvernement sur le moment de la relance et sur le choix d'attendre la prochaine loi de finances.
J'ai proposé des mesures de relance à hauteur de 40 milliards d'euros, ou deux points de PIB, afin de donner dès à présent de la visibilité aux ménages et aux entreprises. Attendre l'année 2021 pourrait entraîner des pertes supplémentaires de recettes fiscales et risquerait de mettre notre pays en décalage par rapport à l'Allemagne. Nous prenons néanmoins acte du choix du Gouvernement d'attendre cet automne pour présenter ses mesures de relance.
En première lecture, nous avons pour autant adopté plusieurs mesures de relance pour les entreprises et les ménages, que ce soit avec un dispositif de carry-back, un suramortissement accéléré pour les avions, les navires et les poids lourds, pour faciliter la transition énergétique de ces moyens de transport, ou encore avec le renforcement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), pour soutenir l'investissement des ménages, et avec la contemporanéisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), pour soutenir l'investissement des collectivités territoriales.
Pour relancer la consommation des ménages, nous avons proposé des chèques-loisirs pour les plus modestes. Ces chèques ne seraient pas affectés à la consommation générale, avec les risques associés de fuite vers les importations, mais à la consommation dans les secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire comme ceux du tourisme et de la culture.
Nous avons souhaité réinjecter les 75 ou 100 milliards d'euros d'épargne forcée dans l'économie, avec l'assouplissement du dispositif Madelin, du plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME), de l'assurance vie, et des modalités de déblocage de l'épargne salariale.
Nous avons également voté un dispositif de soutien à l'emploi par la création d'un dispositif exceptionnel d'aide à l'embauche, dont le montant serait majoré pour les jeunes.
Au Sénat, ces mesures ont généralement été adoptées à une large majorité, à l'issue d'un débat approfondi. Malheureusement, peu subsistent dans la proposition de compromis que nous vous présentons ; mais nous prenons date : par expérience, le Sénat a souvent raison très tôt. Je constate d'ailleurs que le Conseil d'analyse économique (CAE) a récemment fait des propositions qui rejoignent les nôtres s'agissant de l'importance, dans la relance, de l'investissement et de l'emploi.
Le texte de compromis que nous avons élaboré a été préparé dans un état d'esprit constructif : il s'agit de soutenir les plus fragiles. Avec M. Saint-Martin, nous sommes parvenus à de nombreux points d'accord : le résultat peut être perçu comme imparfait, comme dans tout compromis, mais il présente selon moi l'avantage d'apporter une solution à deux points sur lesquels le Sénat avait de fortes réserves.
Le premier de ces sujets est la compensation des pertes de recettes des collectivités territoriales. S'agissant de l'avance sur les pertes de recettes des départements, nous retenons la version du Sénat avec une clause de « retour à meilleure fortune » : le remboursement ne pourra intervenir qu'à compter de l'année au cours de laquelle le produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) représentera au moins l'équivalent de celui perçu en 2019. La situation sera variable d'un département à l'autre.
Pour les communes, il est désormais prévu de financer avec l'enveloppe d'un milliard d'euros ouverte par le présent texte au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) des projets en principe couverts par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Nos deux assemblées ont eu un long débat sur la compensation prévue par l'article 5, notamment au profit d'Île-de-France Mobilités (IDFM). Parmi les propositions du Sénat, le texte qui vous est proposé conserve la modification des paramètres de calcul, de sorte que soient aussi prises en compte les hausses de taux intervenues entre 2017 et 2019, notamment pour financer le pass Navigo unique.
Néanmoins, il demeure un désaccord - et plusieurs élus franciliens m'entourent - : le montant de l'acompte ne correspond sans doute pas à la réalité de la baisse de recettes du versement mobilité (VM). Aujourd'hui, les transports fonctionnent, mais les recettes tarifaires se sont également effondrées, en raison de l'absence des touristes et de la crainte des passagers locaux. Initialement, aucun acompte n'était même prévu dans le texte.
Le Président du Sénat m'a demandé de faire état de la conversation qu'il a eue avec le Premier ministre hier : un prochain texte financier permettra de régler le solde sur la base des pertes réelles. Le Président Gérard Larcher l'a bien noté !
Il ne faudrait pas que l'investissement, en particulier dans le matériel roulant, soit la variable d'ajustement d'IDFM.
Le deuxième sujet qui trouve sa réponse est le renforcement du soutien aux entreprises les plus fragilisées, avec l'extension à l'ensemble des entreprises de moins de 250 salariés des dispositifs de remise partielle de dette sociale. L'article 18 a donné l'occasion d'examiner de nombreux amendements. Nous trouvons une solution pour les employeurs de moins de 250 salariés ne figurant pas dans la liste S1 et écartons toute distinction entre les secteurs dès lors que s'observe une baisse de 50 % du chiffre d'affaires. Mieux vaut un cadre général : prévoir des cas particuliers, c'est prendre le risque d'en oublier. J'y vois un apport essentiel du Sénat.
La rédaction de compromis conserve également les dispositions adoptées au Sénat en faveur du renouvellement des équipements de la police et de la gendarmerie nationales, de la modernisation des moyens des centres régionaux des oeuvres universitaires sociales (CROUS), de l'apprentissage, de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et de l'investissement industriel.
Nous nous réjouissons de la décision du Gouvernement de prévoir des crédits pour la prime à l'embauche de jeunes. Le Sénat avait certes voté une enveloppe plus importante, mais celle que nous allons voter n'en est pas tellement éloignée. Il reviendra ensuite au pouvoir réglementaire de préciser ce dispositif, dont nous partageons le but.
Je relève également avec satisfaction l'inclusion des occupants du domaine public des établissements de santé, tels les cafétérias ou kiosques à journaux, dans les dispositions en matière de redevances domaniales, l'élargissement des bénéficiaires du crédit d'impôt pour un premier abonnement à un titre de presse, l'élargissement du champ d'application du label de la Fondation du patrimoine, l'extension au 31 décembre 2020 de la date à laquelle les travailleurs non-salariés peuvent demander un déblocage exceptionnel de sommes placées sur un produit d'épargne retraite, l'amélioration juridique et opérationnelle de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) pour les donations en faveur de jeunes pousses, la hausse des moyens du plan « France très haut débit », la prise en compte de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) dans la stratégie de l'État actionnaire au même titre que la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ou encore la prorogation jusqu'au 31 décembre 2023 du crédit d'impôt pour les investissements en Corse.
Une proposition de rédaction visera à étendre le bénéfice des dispositions relatives à l'apprentissage aux étudiants en master : la conférence des présidents d'université nous avait notamment alertés sur ce point.
Le rapporteur général du Sénat a bien fait état de l'esprit qui est le nôtre : nous partageons la volonté d'aboutir à un compromis, ce qui n'a rien d'évident car ce texte diffère des deux précédents projets de loi de finances rectificative. De nombreux sujets nécessitent des débats approfondis et suscitent des divergences d'opinions qui sont tout à fait respectables.
Ce PLFR me paraît se situer au carrefour de l'urgence et de la relance. J'entends bien que certains puissent être déçus de ne pas voir l'ensemble des mesures de relance dans ce texte, mais il faut respecter les séquences d'une crise économique et utiliser les bons outils de relance le moment venu. À ce stade, il faut se concentrer sur les mesures d'efficacité : le soutien à la trésorerie des entreprises, le soutien financier aux ménages les plus fragiles et la compensation des collectivités territoriales les plus touchées en 2020 ainsi que des autorités organisatrices de la mobilité.
Je me félicite que le Sénat ait pris les devants sur les mesures de soutien à l'emploi des jeunes : nous en proposons une version légèrement modifiée. Le texte en ressort amélioré par rapport à la version initiale.
L'effort budgétaire de ce PLFR, tous types de mesures confondus, atteint 26 milliards d'euros après les 110 milliards d'euros cumulés des deux précédents collectifs budgétaires. Le débat d'orientation des finances publiques nous donnera prochainement l'occasion de mettre cet effort en perspective.
Je souhaite rappeler la philosophie qui a guidé l'examen de ces trois textes budgétaires successifs. Le premier PLFR avait été adopté très rapidement par nos deux assemblées, car il comportait des mesures de soutien immédiat de trésorerie. Le Sénat avait procédé à un vote conforme au texte issu de l'Assemblée, et je le remercie à nouveau pour ce signal important. Le deuxième PLFR avait débouché sur une CMP conclusive, autorisant une publication rapide du texte.
Ce troisième PLFR a donné lieu à l'examen à l'Assemblée nationale de plus de 2 000 amendements, et nous avons adopté cinquante-quatre articles additionnels. Au Sénat plus de 1 000 amendements ont été examinés, jusqu'à tard ce dimanche, et soixante-treize articles additionnels ont été adoptés. Par comparaison, nos deux chambres n'avaient eu à examiner que 400 amendements environ sur le deuxième PLFR.
Il a donc fallu passer de longues heures pour choisir lesquels des articles additionnels pourront être conservés ou non : trente-huit articles étant conformes, nous avions à nous accorder sur cent-huit articles encore en discussion.
Avec le rapporteur général du Sénat, nous avons tâché de construire un projet de texte qui combine le meilleur de ce que nos deux assemblées ont adopté.
Les avancées sont essentiellement des reprises des initiatives du Sénat qui vont dans le bon sens. Aucune ne me pose de problème de fond. Je souhaite souligner trois points importants.
Concernant Île-de-France Mobilités, le texte conserve la méthode de calcul proposée par le Sénat. C'est une avancée importante qui tient compte de la dynamique importante du versement mobilité en Île-de-France. En retenant les taux de l'année 2019, on obtient une meilleure simulation des pertes de recettes et donc une meilleure compensation de l'État. L'aide complémentaire à Île-de-France Mobilités atteindrait 180 millions d'euros selon la dernière simulation réalisée hier avec la direction générale des finances publiques.
Il s'agit d'une aide supplémentaire substantielle et non pas d'un simple avantage supplémentaire de trésorerie, contrairement à l'augmentation de l'acompte. Des différents amendements adoptés au Sénat, il s'agit du mieux disant pour Île-de-France Mobilités, puisque les autres propositions n'avaient qu'un effet sur la trésorerie : l'augmentation de l'acompte, par exemple, est neutralisée par le solde de tout compte et le système d'avance remboursable sur les pertes tarifaires n'aurait pas constitué une aide directe mais, à nouveau, une simple mesure de trésorerie. En modifiant la méthode de calcul de l'aide, nous proposons un accompagnement supplémentaire effectif par l'État.
Deuxième point saillant, l'article 18 qui a donné lieu à de longues discussions à l'Assemblée nationale comme au Sénat et qui, pour la première fois, sectorise des annulations de charges sociales. Le Sénat a proposé d'étendre le dispositif de remise partielle de cotisations sociales aux entreprises pouvant aller jusqu'à 250 salariés et non plus uniquement 50 salariés. Je souscris entièrement à cette avancée.
Enfin, concernant l'article 4, je suis d'accord pour allonger la durée pendant laquelle les indépendants peuvent réclamer le déblocage de leur épargne retraite. La mise en oeuvre par l'administration ne sera pas simple. Mais, comme le Président Woerth le rappelle souvent, lorsqu'il y a une volonté politique, il revient à l'administration de la traduire dans les faits.
Il ne s'agit pas des seules mesures que nous proposons de retenir. Le rapporteur général du Sénat en a énumérées plusieurs, notamment, à l'article 7, une aide plus importante aux départements ou encore, à l'article 18 ter, la prorogation à fin 2023 du crédit d'impôt pour investissement en Corse, sujet dont nous avions longuement parlé à l'Assemblée nationale et que nous avons aujourd'hui l'occasion d'inscrire dans les faits.
Je vous propose donc d'adopter ce texte de compromis.
Vous avez abordé tous les sujets : ce qui est intéressant, c'est de voir les différences qui se créent entre les majorités des deux assemblées. Vous avez évoqué le problème de calendrier, le problème des exonérations de charges, qui était un point important dans les discussions à l'Assemblée, la question d'Île-de-France Mobilités, pour laquelle nous partions de loin, puisqu'il n'y avait rien dans le texte initial du Gouvernement. Sur ces sujets, nous arrivons à des compromis, qui ont le mérite d'exister. Nous nous retrouverons lors du projet de loi de finances initiale et de l'examen des mesures de relance. Je me félicite également que le texte comporte certaines mesures en faveur des jeunes.
La réunion est close à 10 h 20.