Au cours d'une seconde réunion, tenue dans l'après-midi, M. Jean François-Poncet, président, a rappelé que la commission, sur proposition de plusieurs de ses membres, avait décidé, à l'unanimité, de constituer, en son sein, un groupe de travail sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie. Ce groupe, qui sera présidé par M. Jean Faure, comportera des représentants de l'ensemble des groupes politiques du Sénat représentés à la commission. A la suite de ses travaux, un rapport d'information sera présenté dans le courant du premier semestre 2008.
a ensuite présenté une communication sur la mission effectuée par une délégation de la commission à New York à l'occasion de la 62e assemblée générale de l'ONU.
a tout d'abord rappelé que cette délégation, qu'il conduisait, était composée de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et de MM. Robert del Picchia, Jean-Pierre Plancade, et Yves Pozzo di Borgo, M. Jacques Legendre s'étant joint à la délégation au titre de la francophonie.
Puis il a présenté les personnes que la délégation avait rencontrées :
- pour l'ONU :
- M. Ban Ki Moon, Secrétaire général de l'ONU ;
- M. Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général adjoint chargé du département des opérations de maintien de la paix ;
- M. Orr, Secrétaire général adjoint pour la coordination des politiques et de la planification stratégique ;
- M. Kemal Dervis, administrateur du PNUD ;
- M. Richard Barrett, chef du groupe des experts auprès du comité des sanctions contre Al-Quaïda et les talibans.
- pour les représentants permanents :
- M. Vitaly Churkin, représentant permanent de Russie ;
- M. Zalmay Kalilzad, représentant permanent des Etats-Unis ;
- M. Riyad Mansour, observateur permanent de Palestine ;
- M. Richard Carmon, représentant permanent adjoint d'Israël ;
- M. Nirupam Sen, représentant permanent de l'Inde ;
- M. Joao Manuel Guerra Sagueiro, représentant permanent du Portugal, au titre de la présidence de l'Union européenne ;
- M. Thomas Matussek, représentant permanent de l'Allemagne.
Par ailleurs, des entretiens ont eu lieu avec M. Jean-Maurice Ripert, représentant permanent de la France, avec M. Jean-François Dobelle, représentant permanent de la France auprès de la conférence du désarmement, et avec le général Tranchand, chef de la mission militaire.
a indiqué que le principal enseignement des entretiens était qu'après une période d'éclipse, l'ONU était indiscutablement de retour, mais qu'elle demeurait une organisation fragile.
Après les difficultés rencontrées au cours des années 90 en Somalie, au Rwanda, en Bosnie et en Irak, l'ONU est replacée au coeur de l'actualité avec 18 opérations de maintien de la paix auxquelles se rajouteront celles prévues au Darfour et ou Tchad. Ces 20 opérations compteront 140 000 hommes sur le terrain et utiliseront un budget de 7,5 milliards de dollars. L'ONU et ses agences sont impliquées dans la plupart des grands dossiers planétaires (terrorisme, changements climatiques, sida, développement, désarmement, diversité culturelle etc.).
Il existe pourtant également des causes de fragilité et en particulier l'enlisement de la réforme du Conseil de sécurité. Aucun des nouveaux grands pays émergents, comme l'Inde ou le Brésil, ou de grands pays industriels, comme le Japon et l'Allemagne, n'y sont présents ; de même l'Afrique et les pays arabes n'y sont suffisamment représentés. Il existe donc un très réel problème de légitimité du Conseil de sécurité. L'exclusion de ces pays et, en particulier de l'Inde, pourrait aboutir à des décisions de développement des relations bilatérales hors ONU.
Pour sortir de l'impasse, on envisage une solution intermédiaire de 10 ou 15 ans, qui permettrait d'augmenter le nombre de sièges des membres permanents sans droit de veto, en maintenant le nombre total des membres du Conseil de sécurité à 24 au maximum, de manière à permettre l'exercice d'une présidence tournante en deux ans. A l'issue de cette période intermédiaire, une conférence d'examen devrait aboutir à une structure définitive du Conseil de sécurité.
De plus, certains des autres organismes de la famille onusienne ne correspondent plus à la réalité internationale. Tel est le cas, en particulier, du FMI. L'ONU est confrontée à un véritable problème de représentativité.
En second lieu, la multiplication des opérations de maintien de la paix, si elle a permis de replacer l'ONU au centre de l'activité internationale, suscite également des inquiétudes qui se cristallisent sur la question du Darfour et la mise en place de la force hybride. Rien n'indique aujourd'hui que le gouvernement soudanais, qui n'a accepté que du bout des lèvres le déploiement de cette force, coopérera pleinement au succès de cette mission. La composition même de cette force, entre des contingents venant de l'Union africaine et ceux venant d'autres parties du monde, pose problème. De plus, des difficultés sont apparues sur la fourniture de certains matériels, notamment les moyens de transport héliportés, qui sont indispensables à la mobilité de cette force.
D'autres difficultés existent et, en premier lieu, le fait que la décision de la mise en place d'une opération de maintien de la paix est prise par le Conseil de sécurité, mais que les décideurs ne sont pas les fournisseurs de contingents, qui proviennent majoritairement de pays comme l'Inde, le Pakistan ou le Bangladesh. En second lieu, la scission, décidée par le nouveau Secrétaire général de l'ONU, du département des opérations de maintien de la paix (DOMP) et la création d'un département consacré au soutien logistique (le DAM) ont entraîné des interrogations qui ont conduit un certain nombre de pays a réaffirmer la prééminence du DOMP sur l'ensemble du dispositif, y compris sur le soutien. Enfin, on ne peut que constater la faiblesse de l'expertise militaire du Conseil de sécurité. Il existe bien un comité militaire auprès du DOMP, composé de 50 experts, mais dont le Conseil ne peut dépendre. Il est nécessaire de créer auprès du Conseil de sécurité une expertise autonome, solution soutenue par la France, alors que la Russie lui préférerait une réactivation du comité des chefs d'état-major prévu à l'article 47 de la charte des Nations unies.
D'autres fragilités sont apparues, comme par exemple la crise du régime de non-prolifération avec le nucléaire iranien. En dernier lieu, et malgré le développement très inégal des pays appartenant au groupe G77, on continue de trouver une césure nord-sud qui oppose les pays développés aux pays en développement et aux pays émergents.
En conclusion, M. Jean François-Poncet, président, a constaté que la France était extrêmement active à l'ONU et avait un grand intérêt à promouvoir la réforme de cette institution dont elle est l'un des membres importants, avec un siège permanent au Conseil de sécurité, assorti du droit de veto. Son statut de membre permanent lui permet d'exercer son influence au-delà de l'ONU, au sein de l'Union européenne ou du G8. Outre l'absence de réformes, une autre cause de fragilisation de la position française se trouve dans la faiblesse des contributions volontaires qui restent marginales (de l'ordre de 90 millions d'euros), montant très inférieure à celui des contributions de la Grande-Bretagne et des autres pays européens.
a souligné le grand intérêt de la mission effectuée par la commission, qui permet de confronter les analyses des principaux représentants permanents à New York et d'obtenir ainsi une vision globale sur les principales questions internationales actuelles.
Elle a partagé les analyses de M. Jean François-Poncet sur la fragilité de l'ONU et la nécessité de renforcer cette organisation, qui existe principalement aujourd'hui par le maintien de la paix et la coordination opérationnelle du développement. Elle a également relevé les faiblesses des opérations qui sont en cours de mise en place au Darfour et au Tchad, notamment en raison de la lenteur du processus de décision. Elle a enfin souligné que le PNUD était sans doute l'organisme des Nations unies qui fonctionnait le mieux et obtenait le plus de résultats.
a également manifesté son inquiétude quant à la réussite de l'installation de la force hybride au Darfour. S'agissant de la représentation de la France aux postes de responsabilité de l'ONU, il a constaté qu'on arrivait à un changement de génération et a souhaité que la commission suive attentivement cette question.
S'agissant des opérations de maintien de la paix, M. Robert del Picchia a fait remarquer que l'un des problèmes qu'elle pouvait rencontrer tenait au fait que l'ONU ne payait pas directement les soldats des contingents mis à sa disposition, mais les Etats.
a souligné la grande compétence de l'administrateur du PNUD, mais il a relevé que le plan stratégique qu'il avait présenté avait été repoussé par les pays du Sud, ce qui entraînait une certaine fragilisation de cet organisme.
tout en constatant qu'il n'était pas anormal qu'une institution vieille de 60 ans ne soit plus adaptée, a souhaité que les observations sur l'affaiblissement de la structure soient soulignées dans le rapport de la commission et qu'il importait de redonner légitimité et représentativité à l'ONU.
A M. Robert Hue, qui constatait la détérioration, deux ans auparavant, des rapports entre les Etats-Unis et l'ONU, M. Jean François-Poncet, président, a indiqué que les déboires rencontrés en Irak et dans la résolution du conflit israélo-palestinien avaient entraîné une grande impopularité des Etats-Unis dans le monde. La prise de conscience de l'administration actuelle ne signifiait néanmoins pas une conversion au multilatéralisme. Les réticences des Etats-Unis sur le protocole de Kyoto ou la Cour internationale de justice subsistent.
Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme sur l'affaire de l'Arche de Zoé.
a rappelé que la commission avait souhaité entendre Mme Rama Yade sur les conséquences de l'affaire de l'Arche de Zoé, qui a eu un certain nombre d'incidences sur les relations entre la France, le Tchad et le Soudan. Il a ajouté que cette affaire montrait la nécessité d'un système d'alerte efficace quand les ONG, dont le rôle et l'action sont globalement utiles, s'engagent dans des dérives importantes.
a rappelé l'historique d'une affaire qui est au coeur de l'actualité depuis le 25 octobre. Depuis six mois, le ministère des affaires étrangères a mis en garde cette association contre le caractère illégal de ses projets et a alerté, à de nombreuses reprises, les familles. Les organisations humanitaires ont été mobilisées. Le ministère a signalé l'association l'Arche de Zoé au Parquet de Paris, le 9 juillet, et a contribué à l'enquête de la brigade de la protection des mineurs, au mois d'août. Le responsable de l'association a été convoqué pour de nouvelles mises en garde qui se sont heurtées à une fin de non-recevoir. Enfin, les ministères dont la compétence étaient en relation avec l'opération annoncée, et notamment le ministère de l'intérieur et le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, ont été alertés. L'ambassadeur au Soudan, puis au Tchad a été mobilisé, puisqu'il s'est avéré le 27 septembre que l'Arche de Zoé pourrait agir au Tchad, et non au Soudan comme cela avait été envisagé initialement.
Il convient de signaler que, dans ces deux pays, les organisations humanitaires consultées, et en particulier, au Tchad, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), ont indiqué, à de multiples reprises, que l'association « Arche de Zoé » était inconnue et n'opérait pas sur place. Ceci parce que ce n'était pas l'Arche de Zoé qui agissait au Tchad, mais une autre association, « Children Rescue ». Cette dernière affirmait ne pas préparer l'expatriation d'orphelins, mais travailler au traitement sanitaire et à l'instruction d'enfants. Cette association disposait des autorisations tchadiennes reposant sur la description d'un projet utile.
Au traumatisme subi par les enfants et aux conséquences internationales de ces actes irresponsables s'ajoute la perte de confiance dans les acteurs de l'humanitaire.
a indiqué qu'une cellule de crise, de suivi et d'information avait été mise en place au Quai d'Orsay sous son autorité et qu'elle s'est d'abord préoccupée de la santé et du bien-être des enfants installés à l'orphelinat d'Abéché. L'une des premières tâches a été de suivre le travail de la commission quadripartite travaillant à l'identification des enfants, en majorité d'origine tchadienne et qui n'étaient pas des orphelins.
Parallèlement, les Français arrêtés ont été mis sous protection consulaire renforcée. La justice tchadienne a décidé de libérer les journalistes qui n'étaient intervenus que dans le cadre de leur profession. Le Président de la République s'est impliqué fortement. Les familles d'accueil ont été rencontrées ainsi que les familles des Français arrêtés. Le lieu de leur jugement n'est pas encore fixé, la justice tchadienne étant souveraine. Toutefois, la convention de coopération judiciaire franco-tchadienne sera mise en oeuvre autant que possible. Le président de la République a clairement indiqué sa préférence pour un jugement en France.
De plus, le Président Déby a assuré que cette affaire n'affectait pas le déploiement de l'opération Eufor. Le ministère des affaires étrangères a engagé une intense activité diplomatique, en particulier pour informer nos partenaires européens de notre position et des actions qui avaient été engagées par la France. Il convient également de réagir aux tentatives d'instrumentalisation de cette affaire par le gouvernement soudanais auprès de l'ONU, où il la dénonce comme un « crime contre l'humanité ».
En conclusion, Mme Rama Yade a appelé à la sérénité, à éviter les polémiques inutiles et les surenchères, dans l'intérêt de la justice et de notre pays.
A la suite de cette intervention, M. Didier Boulaud s'est interrogé sur les conditions de transport des membres de l'Arche de Zoé par avion militaire.
a souhaité obtenir des informations sur les conséquences de cette affaire sur la communauté française au Tchad et dans d'autres pays africains.
a rappelé les termes de la lettre qu'il avait adressée au président de la commission pour demander l'audition du ministre des affaires étrangères et du ministre de la défense. Il a rappelé que cette affaire s'inscrivait dans un contexte particulier, puisque les Etats-Unis avaient qualifié les événements au Darfour de génocide, ce qui avait bien évidemment entraîné un accroissement de la tension internationale. Il a souligné que cette dramatisation était dangereuse et que le terme de génocide était galvaudé depuis le Rwanda afin de conforter des thèses au niveau international. Il a constaté la grande discrétion du ministre des affaires étrangères sur cette affaire.
A M. Didier Boulaud, Mme Rama Yade a indiqué que, comme l'avait indiqué le ministre de le Défense, l'armée était habituée à transporter les ONG et leur matériel quand celles-ci disposent des autorisations nécessaires du pays où elles exercent leur activité. C'était bien le cas de Children Rescue, dont la feuille de route n'était pas d'exfiltrer des enfants, mais de les soigner et de les éduquer sur place.
S'agissant des ONG, la secrétaire d'Etat a considéré qu'il serait normal que les ONG acceptent un droit de regard dès lors que l'Etat apporte un certain nombre de facilités financières ou matérielles, notamment en termes de transports. Elle a ajouté qu'elle avait proposé une réflexion en ce sens aux ONG, à laquelle pourraient être associés les parlementaires.
Elle a estimé que l'affaire de l'Arche de Zoé (Children Rescue) pouvait avoir des conséquences importantes sur la situation et la sécurité des 1 500 Français au Tchad et sur nos compatriotes en Afrique. Des instructions de grande prudence ont été données à nos ressortissants.
A M. Robert Hue, Mme Rama Yade a rappelé que M. Bernard Kouchner s'était exprimé avant et pendant son séjour en Asie et qu'il avait notamment rappelé que l'action humanitaire ne pouvait se faire dans l'anarchie. La secrétaire d'Etat a indiqué que le gouvernement français, contrairement à celui des Etats-Unis à des organisations comme «Urgence Darfour », ne qualifiait pas les événements au Darfour de génocide. En revanche, la France considère que des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre ont été commis. C'est du reste sur ce fondement que la Cour pénale internationale a été saisie et a inculpé un certain nombre de personnes. Elle a rappelé qu'en quatre ans le conflit avait fait 200 000 morts. Aujourd'hui le gouvernement soudanais instrumentalise cette affaire en retournant contre l'Arche de Zoé les accusations de crimes contre l'humanité.
s'est interrogée sur le niveau réel des informations dont disposaient les autorités françaises. Elle a constaté que la communauté française appliquait déjà des règles de prudence du fait de la nature du régime politique au pouvoir au Tchad. Elle regretté que cette affaire détériore encore l'image de la France en Afrique. Elle a appelé à veiller à ce que les aspects humanitaires du soutien aux prévenus ne donnent pas l'impression qu'on légitimait une action de type criminel.
a partagé les interrogations de Mme Cerisier-ben Guiga sur l'identification et le suivi des responsables par les autorités françaises sur place. Elle s'est interrogée sur les mesures concrètes de soutien aux familles des enfants et aux familles d'accueil. Elle a appelé à une grande vigilance de la France sur les adoptions négociées hors des circuits officiels et en violation absolue du droit international.
Faisant état de témoignages qu'il avait reçus, M. André Trillard a indiqué que les familles d'accueil avaient été sciemment abusées par les responsables de l'Arche de Zoé.
a rappelé que les autorités françaises intervenaient dans le cadre d'un Etat souverain, le Tchad, qui connaissait de plus une certaine instabilité. Elles ne disposaient donc pas de toutes les facilités d'information qu'on leur prête improprement.
Compte tenu de l'impact sur l'image de la France et sur la sécurité de nos ressortissants que peuvent avoir les actions de certaines ONG, il est normal que ces dernières prennent conscience de leurs devoirs et de leurs responsabilités. Un certain nombre de réflexions, engagées bien avant l'affaire de l'Arche de Zoé, portent sur une auto-régulation efficace ou peut-être l'obtention d'un label à certaines conditions.
L'assistance apportée aux prévenus ne signifie en aucune façon une absolution de leurs responsabilités. En tout état de cause, si l'application de la convention de coopération judiciaire le permet, et avec l'accord des autorités tchadiennes, un jugement en France sera rendu, dans le respect de la procédure en vigueur au Tchad.
S'agissant des enfants, une commission quadripartite (HCR, Unicef, Croix-Rouge et autorités tchadiennes) a procédé à leur identification. Dans une deuxième phase, il s'agit d'identifier et de retrouver leurs familles. Ce processus est en cours.
a considéré qu'il n'y avait pas lieu de mettre en cause les services et les militaires français qui se sont trouvés en présence de personnes qui ont sciemment cherché à tromper et qui disposaient des autorisations nécessaires à l'exercice de leurs activités au Tchad. Il a rappelé que les responsables de l'association étaient poursuivis pour exercice illégal de l'activité d'adoption.