Présidence de Mme Annick Petrus, vice-présidente -
Chers collègues, dans le cadre de notre étude sur le logement outre-mer dont les rapporteurs sont Victorin Lurel, Micheline Jacques et Guillaume Gontard, la délégation sénatoriale aux outre-mer organise cette après-midi une table ronde dédiée à la situation du logement à La Réunion. Le président Stéphane Artano, actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon, et malheureusement retenu aujourd'hui par des obligations, vous prie de bien vouloir l'excuser ainsi que notre collègue Nassimah Dindar, ne pourra se joindre à nous pour raisons de santé. Elle a néanmoins souhaité transmettre une contribution aux rapporteurs pour nourrir leurs réflexions.
Nous vous remercions vivement d'avoir accepté de participer à cette importante table ronde qui concerne le département d'outre-mer le plus peuplé et où les besoins quantitatifs de logement restent considérables, tant dans le secteur du logement social que dans celui du logement intermédiaire, malgré les évolutions que vous pourrez nous préciser.
Pour échanger avec les rapporteurs, une trame indicative vous a été adressée. Si vous êtes d'accord, nous procéderons selon l'ordre suivant. En premier lieu, je donnerai la parole à M. Gilbert Annette, maire adjoint de Saint-Denis et délégué au logement qui remplace Mme Éricka Bareigts, retenu pour d'autres obligations, M. Jérôme Bodino, directeur général de la Société publique locale Avenir Réunion, M. Jean-Louis Grandvaux, directeur général de l'Établissement public foncier de La Réunion, M. Érick Fontaine, administrateur de la Confédération nationale du logement (CNL). Après cette première série d'interventions, les rapporteurs pourront demander des précisions complémentaires et les trois invités répondront. Dans un second temps, s'exprimeront nos trois autres intervenants, M. Jacques Durand, directeur général de la SIDR et président de l'ARMOS, M. Denis Chidaine, délégué de l'Association des maîtres d'ouvrage sociaux (ARMOS) océan Indien et M. Gilles Tardy, directeur général de la Société anonyme d'habitations à loyer modéré de La Réunion (SHLMR). Comme précédemment les rapporteurs reprendront la parole pour des éclairages complémentaires. Enfin, les autres sénateurs présents pourront également prendre la parole et échanger avec les intervenants.
Nous espérons que ces interventions nous permettront d'avoir une vision synthétique de la situation dans cette collectivité, que vous pourrez compléter par la suite avec vos réponses écrites. Cette séance fait l'objet d'une captation vidéo pour être retransmise en direct sur le site du Sénat et consultable en vidéo à la demande.
La Réunion rencontre des difficultés à répondre aux besoins de logement de ses habitants. Derrière cette absence de réponses satisfaisantes, des tensions sociales laissent présager une dégradation de la situation dans certains quartiers, du fait même de la surpopulation dans les logements. Cette surpopulation est sans doute une cause majeure de l'échec scolaire, alors même que nous avons fait des efforts colossaux en matière d'éducation. Un deuxième point à souligner est la ghettoïsation de certains quartiers, avec des tensions très fortes.
L'origine du problème de logement à La Réunion réside dans la rareté et le coût du foncier. Je me permets de rappeler une proposition faite par le Président Larcher, alors président de la commission des affaires économiques, sur la possibilité de transformer les terrains constructibles bon marché et les mettre à disposition des collectivités. Cette proposition inspirée des Pays-Bas et du Danemark n'a pas abouti. Le foncier est un élément pénalisant dans ce contexte d'augmentation de la population et du nombre de ménages. Dans cette équation, les projets ont du mal à voir le jour.
Par ailleurs, je souhaite porter à votre attention l'inadéquation entre les réglementations et le mode de vie réunionnais. En effet, ces normes d'habitabilité en vigueur (nombre de personnes par pièce par exemple) sont incohérentes avec un mode de vie ouvert vers l'extérieur. Transposer les normes métropolitaines à l'habitat de La Réunion est une contrainte pénalisante évidente qui surenchérit les logements et les loyers. Ce point doit faire l'objet d'un approfondissement. Il est impératif de réviser et d'assouplir ces normes pour attribuer plus facilement des logements aux familles.
Depuis une dizaine d'années, de gros efforts ont été menés pour faciliter la construction de logements sociaux. Cependant, compte tenu de l'âge du parc et des plaintes des locataires, l'heure est aujourd'hui à la réhabilitation.
Le problème de fond demeure la compatibilité du loyer avec le pouvoir d'achat des familles. Ce département est marqué par la pauvreté des habitants avec 40 % de la population en dessous du seuil de pauvreté et un taux de chômage massif. Au vu des conditions économiques, il serait pertinent d'adapter un modèle pour rendre les loyers acceptables pour ces familles et ainsi répondre aux besoins de logement. Les efforts sont continus depuis ces dix dernières années. Même si des logements sont encore considérés comme habitats insalubres, les bidonvilles ont toutefois été éradiqués.
Pour terminer mon propos, je dirais que l'amélioration des conditions de vie et la maîtrise des loyers sont des dossiers majeurs de politique publique.
À La Réunion, la planification domine avec les SAR, SCoT, PLH et PLU. Tous ces plans se superposent et amènent au final de la confusion dans la mise en oeuvre. Cela devient contraignant et très technocratique. Ces documents sont constamment en révision et font perdre beaucoup de temps à la réalisation des projets. Plus de simplicité et de clarification seraient nécessaires à ce niveau.
Les récents regroupements des bailleurs sociaux ont provoqué des incertitudes avec un temps d'arrêt et un repli sur les ventes en l'état futur d'achèvement ou VEFA. Or une VEFA est avant tout du logement. Encore faut-il structurer la ville, prévoir des équipements publics, au risque d'entraîner des problèmes d'aménagement du territoire.
Nous constatons également que les volontés sont différentes en fonction des communes. Certaines estiment que le logement social, « c'est mieux chez les autres ». Il est important de prendre cet aspect en compte. À La Réunion, il n'est pas envisageable de construire sans les maires. Dans l'Hexagone, cela se conçoit aisément avec des EPCI très puissantes. La Réunion ne compte que 24 communes et 5 EPCI. Il faut vraiment trouver le moyen d'associer les maires à tous les niveaux de la construction de logement social. Ce sont eux qui donnent les permis, qui établissent les PLU et qui sont attentifs aux attributions. Sans les maires, il est impossible de faire du logement social.
J'attire votre attention sur la hausse des coûts de construction. Cette augmentation se répercute sur le coût de sortie des opérations avec une incidence directe sur les personnes aux revenus très limités. Il est primordial de trouver le moyen de maîtriser ces coûts de construction.
Par ailleurs, les perspectives démographiques sont à fiabiliser. Les études prévoyaient un million d'habitants en 2020. Nous ne sommes finalement que 860 000 avec des évolutions dans les ménages, des cohabitations, davantage de personnes âgées et de personnes seules, plus de familles nombreuses regroupées dans des petits logements. Tout cela est à prendre en compte pour des adaptations locales. Nous ne pouvons pas décliner la même politique de logement dans l'Hexagone et à La Réunion.
Je suis sévère sur le nombre de réglementations qui s'empilent, des délais administratifs bien trop longs, des contentieux qui se multiplient avec beaucoup trop d'intervenants dans la filière du logement. Nous avons tendance à ne plus savoir qui décide quoi, et il est finalement plus facile de protéger que de développer. La filière doit se remettre dans une dynamique de construction et de développement, car les attentes de la population sont nombreuses. Je ne pense pas que ce soit un problème de financement ni d'aide, mais surtout un problème de coordination et de volonté. Il faut trouver le moyen d'associer les maires qui vont les chevilles ouvrières de cette politique du logement.
En ce qui concerne la politique foncière, nous agissons pour le compte de toutes les collectivités de La Réunion, en associant l'État, les bailleurs sociaux, la SAFER. Aucun problème de financement n'est à déplorer dans notre structure. Nous bénéficions d'une trésorerie importante, d'un stock important de 350 hectares de terrain disponibles pour réaliser des opérations sur La Réunion. Toutefois ces terrains achetés à des prix maîtrisés (53 € le m2) ne sont pas aménagés. Les rendre opérationnels au plus vite représente un coût considérable. Mais cela est nécessaire pour lancer de grandes opérations. L'enjeu sera de trouver des solutions pour aménager les terrains à des coûts maîtrisés pour bénéficier de coûts de sortie abordables.
La SPL Avenir Réunion est une société qui intervient exclusivement pour ses actionnaires. Nous menons des opérations d'amélioration de l'habitat pour le compte du département de La Réunion qui est notre actionnaire majoritaire. Dans le cadre de cette mission, nous réalisons des améliorations légères, de l'ordre de 12 000 € de travaux avec un plafond de 20 000 €, financés à 100 % par le département. Face à des améliorations nécessitant des travaux plus lourds, les dossiers sont réorientés vers les opérateurs agréés par l'État pour mobiliser la LBU.
Nous intervenons sur des travaux de sécurité physique, de santé, d'hygiène, d'accessibilité et d'adaptation des logements et d'extension en cas de surpeuplement. Le public prioritaire est celui des personnes âgées avec la question de leur maintien à domicile et des personnes handicapées. La particularité de l'intervention du département sur l'amélioration de l'habitat est d'agir autant pour les propriétaires, les locataires du parc privé sous conditions de ressources du propriétaire que pour les occupants à titre gratuit, pour les personnes ayant construit sur un terrain communal.
En termes de volume, la SPL est dimensionnée pour traiter à peu près 900 dossiers par an. Toutefois, la demande est bien supérieure. Les dossiers se sont accumulés d'année en année avec des délais d'attente de plus en plus longs, alors même que la procédure en elle-même est relativement rapide avec le département. Dans le cadre de son plan de relance économique et social, le département de La Réunion a décidé en juillet 2020 de doubler son intervention pour l'amélioration de l'habitat et de passer de 100 à 200 millions d'euros sur les cinq prochaines années (2021 à 2025), avec pour objectif d'améliorer 20 000 logements et de participer aux opérations d'amélioration en complément de la LBU. Avec une montée en charge progressive, le département pourrait financer ou cofinancer 4 000 logements. Au niveau de la SPL, nous nous sommes donc dimensionnés pour réaliser dans un premier temps 1 400 dossiers par an, ce qui nous permet de voir le stock enfin diminuer et donc d'espérer atteindre des délais raisonnables.
Lors de nos interventions, principalement sur de l'habitat individuel, nous constatons encore de nombreux logements indignes, voire des situations vraiment dramatiques, avec des personnes âgées vivant dans des logements sans salle d'eau et sans sanitaires.
La plus grande difficulté pour nous aujourd'hui dans l'exercice de cette mission est l'intervention pour des occupations à titre gratuit où seul le département finance. Face à des interventions qui ne relèvent plus de l'amélioration légère, mais nécessiteraient des travaux bien plus lourds, hors mobilisation de financement type LBU, ces dossiers sont dans l'impasse. Ce sont des situations où les personnes âgées refusent le relogement, car elles ne parviennent pas à se projeter ailleurs que dans l'habitation qu'elles occupent depuis des dizaines d'années.
D'autres difficultés se rajoutent encore, comme le traitement de l'amiante qui alourdit les processus et augmente les coûts, et bientôt viendra le cas du plomb.
Nous avons des défis importants à relever à La Réunion. 350 000 personnes sont en dessous du seuil de pauvreté, les salaires sont bas, le nombre de personnes âgées a doublé et 35 % de la population est couvert par les allocations logement.
En premier lieu, je souhaite mettre en lumière le sujet de la réhabilitation. 25 000 à 30 000 logements doivent être réhabilités. L'enjeu est important pour la santé des occupants puisque beaucoup de ces logements sont indignes. Cela engendre des problèmes d'éducation avec des enfants qui traînent dans la rue. Se pose aussi le problème de l'amiante.
En deuxième lieu, j'attire votre attention sur les logements vacants dans le privé. Nous faisons un travail sur le repérage de ces logements. Notre objectif est d'accompagner les propriétaires pour rendre ces logements habitables et disponibles à la location. Nous travaillons avec Action Logement, la CAF et d'autres partenaires qui interviennent dans le logement privé.
Nous constatons que La Réunion ne manque pas de financements (Action Logement, LBU, les collectivités...), mais plutôt d'un véritable commandant à bord pour le « bateau Logement ». En revanche, des financements complémentaires seraient nécessaires pour soutenir les collectivités dans leur aménagement du territoire. En effet, la construction de logements engendre des coûts importants pour les collectivités : construction de routes, des réseaux, des équipements publics. Nous pourrions imaginer une dotation spécifique de l'État pour les collectivités dédiée à l'aménagement du territoire.
Je souhaite aborder un autre point important. La politique de l'ANRU n'est peut-être pas adaptée à la situation réunionnaise. Compte tenu de nos spécificités, quand nous sommes amenés à démolir des immeubles sur un quartier, il serait pertinent de pouvoir reconstruire dans ces mêmes quartiers. En effet, ces logements concernent des personnes à très bas revenus, souvent très âgées, qu'il est difficile de reloger ailleurs et très attachées à leur vie de quartier et la solidarité de l'entourage. Le frein est l'impossibilité de reconstruire des LLTS. Pour les logements détruits dans le cadre de l'ANRU, il faudrait permettre aux élus locaux, aux bailleurs sociaux, de pouvoir aménager comme ils le souhaitent le secteur de l'ANRU. Cette mesure permettrait de remettre de l'humain au centre de nos préoccupations.
Un fléau à La Réunion est la qualité des logements construits. Nous déplorons de plus en plus de dégradation sur des logements neufs, des logements qui au bout de quelques mois deviennent indécents. C'est une difficulté pour les locataires et les bailleurs également. Nous courrons le risque d'avoir dans 10 ans une situation catastrophique dans les logements neufs, augmentant encore le nombre de logements à réhabiliter. Dans ces milliers de logements, nous voyons apparaître des conditions de vie déplorables, un renfermement des locataires qui ne reçoivent plus leurs familles, des enfants dans la rue, des problèmes de sécurité et de santé pour les occupants.
L'allocation logement est également un sujet de préoccupation. Nous ne bénéficions pas de la même allocation logement qu'en Métropole. Nous disposons de l'allocation personnelle au logement et non pas d'allocation personnalisée au logement. Elle me paraît plus favorable dans l'Hexagone qu'à La Réunion. Une étude devrait être diligentée pour repérer ces différences, dans le cadre de cette situation sociale extrêmement tendue. Selon les études, nous sommes la troisième région de France dans laquelle le prix du loyer est le plus élevé au m2 par rapport à la surface habitable. Avec un loyer trop important, les conditions de revenus des locataires ne permettent pas d'accéder à ce type de logement. Un T2 s'élève à 500 euros charges incluses. Ni un RSA célibataire ni un retraité ne peuvent en bénéficier. La question à se poser est pour qui finalement ces logements sont-ils construits ?
Enfin, le dernier point concerne l'accession sociale à la propriété. Les dispositifs ALS doivent être maintenus et même intensifiés avec des aides plus importantes et un meilleur suivi de la part de l'État. Nous déplorons aujourd'hui un grand nombre de dossiers avec des déclarations d'ouverture de chantier, toujours pas démarrés depuis 3 ans. Cela pénalise à la fois les bénéficiaires et l'État. Il faut réfléchir à des solutions pour aider les bailleurs sociaux à baisser les prix de ces logements sociaux. La vente de logements sociaux n'est pas un grand succès, car le prix de vente demeure un frein à l'achat.
La problématique du logement est importante. Nous nous apercevons au fil des auditions à quel point chaque territoire a ses spécificités propres. La presse locale de ce matin indiquait que sur 30 000 demandes de dossier d'accession du logement, seules 7 000 à 8 000 aboutissent chaque année. Je peux comprendre effectivement la détresse dans laquelle se retrouvent les intéressés.
Vous avez mis en avant le coût de revient des logements et la problématique des normes. Selon vous, comment diminuer les coûts des logements et poursuivre le travail d'adaptation des normes aux réalités du territoire ? Comment assurer cette mixité sociale dans les projets de construction et de réhabilitation ? Comment faire adhérer la population locale dans la mise en place de la réorganisation des quartiers ? Concernant les déclarations de chantiers qui n'ont pas abouti depuis 3 ans, selon vous, est-ce un problème lié à la professionnalisation des entreprises du bâtiment ? Sont-elles assez nombreuses ? Comment réussir à diminuer la durée des chantiers ?
Ma question porte sur le coût de l'aménagement du foncier porté par les communes et l'établissement public foncier de La Réunion (EPFR). Pensez-vous qu'il faudrait mettre en place un fonds alimenté par l'État, la région, le département et les EPCI pour lever ce frein ?
Concernant les six périmètres ANRU à La Réunion, serait-il bon de mettre en place des régies de quartiers ou des associations qui pourraient oeuvrer pour l'amélioration des habitations des personnes âgées dans ces quartiers ?
Notre population est vieillissante. Cependant la loi n'autorise pas la construction de résidences autonomie. Selon vous, faudrait-il changer la loi en demandant la création de résidences autonomie ou de résidences personnes âgées à caractère social ?
La Réunion est un peu un laboratoire pour les outre-mer, notamment sur ce sujet du logement. J'ai entendu l'intervention de la CNL, sur les différences de traitements entre l'Hexagone et nous. J'ai personnellement essayé dans la loi Egalite réelle d'harmoniser les prestations, les plafonds, les allocations en fonction de la taille des familles. Bercy s'y est opposé ouvertement. À chaque PLFSS, nous n'hésitons pas à déposer des amendements pour harmoniser. Des simulations doivent être faites ainsi que des études d'impact pour mesurer les avantages et les inconvénients. J'espère que notre rapport pourra faire des propositions en faveur d'une harmonisation entre l'Hexagone et nos territoires. Nous sommes preneurs de propositions sur ces sujets, car c'est un point important.
En ce qui concerne les aides des agences nationales, j'aimerais avoir une évaluation concrète des actions de l'ANAH et des opérations ANRU. Comment sont-elles vécues ? Quelle nouvelle proposition présenter pour améliorer ces interventions ?
Concernant le montage des dossiers, constatez-vous des difficultés bureaucratiques ? Au dernier moment, des architectes conseils viennent-ils signaler des éléments à reprendre retardant ainsi les dossiers ? J'aimerais entendre le quotidien vécu par les opérateurs sociaux. Il se dit que les crédits ne sont pas consommés, car les collectivités et les bailleurs sociaux n'ont ni l'ingénierie ni les experts. Or, des rapports parlementaires pointent la lenteur bureaucratique et la multiplicité d'obstacles. J'aimerais avoir votre point de vue sur ce point.
Je souhaite aussi aborder la gouvernance à La Réunion de la politique du logement. Nous ne sommes pas dans le cadre des dispositions de la loi Élan pour le regroupement des opérateurs. Confirmez-vous l'existence des opérateurs surnuméraires ? Qu'en pensez-vous ? Faut-il les regrouper ? Si oui, comment et dans quelles conditions ? Quels sont vos liens avec CDC Habitat qui pourrait à elle seule consommer la LBU ? En termes de gouvernance, avez-vous des propositions à faire pour consommer davantage la LBU, pour accélérer les dossiers, pour mieux coordonner l'action de certaines sociétés ?
Je souhaite revenir sur la question des normes auxquelles les différents territoires ultramarins sont confrontés. J'ai été co-rapporteure avec Mathieu Darnaud sur les risques naturels majeurs pour la délégation aux outre-mer. Lors d'un déplacement en 2018 dans le cadre de ce rapport, un glissement de terrain a eu lieu et deux jeunes sont décédés. Constatez-vous aujourd'hui une volonté de mise en conformité par rapport à la topographie des îles ?
Concernant les matières premières que vous utilisez, avez-vous tout ce qu'il vous faut sur le territoire ? Le faites-vous venir par cabotage ? La loi climat veut limiter les cabotages pour réduire les gaz à effet de serre. De même pour le plan Climat-air-énergie territorial, le travail est en cours dans la plupart des EPCI mais comment appréhendez-vous cet ensemble de problématiques compte tenu des mesures et normes pas toujours adaptées à nos territoires ? Comment arriverez-vous à gérer les matières premières avec toutes ces mesures qui arrivent ? Avez-vous des préconisations à faire ?
Je partage tous vos propos. Il serait pertinent de prioriser deux ou trois aspects et constituer des groupes de travail pour élaborer des solutions et faire tomber les freins. Nous devons obtenir du national la reconnaissance des difficultés et l'objectif est d'améliorer les financements pour loger nos populations au même titre que les populations de l'Hexagone.
Je partage également les préoccupations qui ont été relevées.
Nous n'avons pas de problème pour maîtriser le foncier. Nous pourrons encore en maîtriser beaucoup plus demain. Nous disposons actuellement de 350 hectares de stock, avec un potentiel de 18 000 logements. Cependant, pour sortir les opérations, le processus est très difficile, très long et très cher.
Pour illustrer mon propos, je peux citer un programme de constructions que nous démarrons sur un terrain de 90 hectares. Le coût d'aménagement de ce terrain est de 60 millions d'euros. Il faudra donc dégager des financements mais nous rencontrons de nombreux obstacles. Il est primordial de lever les lourdeurs technocratiques. Il faut un pilote dans l'avion pour arriver à avancer de façon opérationnelle et rapide. Nous ne pouvons pas nous permettre d'acquérir des terrains et de les garder pendant 10, 15, voire 20 ans sans rien en faire. Nous pouvons nous appuyer sur des opérateurs sociaux, des professionnels compétents. Il ne s'agit pas tant un problème de financement que de l'absence de véritable chef d'orchestre. Certes aménager les terrains a un coût conséquent et la proposition de M. Lurel de réfléchir à un fond partagé est intéressante. Mais aujourd'hui tous les fonds ne sont pas consommés. Les freins sont à d'autres niveaux. Il faut trouver les moyens de les lever. C'est plus une question de méthode, de gouvernance et de mise en oeuvre de cette gouvernance que de financements supplémentaires.
Il était important de disposer d'un fonds, d'une dotation pour accompagner les collectivités sur l'aménagement lors de la construction de quartiers et de réseaux.
Les déclarations d'ouverture de chantier des constructions en accession sociale, qui n'aboutissent pas sont un véritable problème. Aujourd'hui des centaines, voire des milliers de dossiers en amélioration ou en accession sont bloqués faute de suivi. Pourtant ce sont des chantiers pour lesquels l'État a déjà versé des fonds. Cela pénalise les familles parce que les prêts pour l'accession deviennent caducs et les coûts de construction ne cessent d'augmenter. Il faut se saisir de ce problème.
Nous allons passer au second temps de notre table ronde et donner la parole à M. Jacques Durand.
La SIDR représente 20 000 logements sur l'île. Nous sommes globalement d'accord avec les propos précédents. Effectivement La Réunion déplore une situation atypique : un taux de chômage et un seuil de pauvreté trois fois supérieur à celui de l'Hexagone, un taux de logement social qui atteint les 25 %. Nous utilisons les mêmes règles que dans l'Hexagone alors que la situation n'est pas identique. Le cas de l'ANRU est criant : nous avons beaucoup de foncier dans des quartiers non constructibles en logement social. Nous menons un combat permanent avec les services de l'État sur ce sujet.
En plus de normes européennes, nous devons rajouter des RTAA DOM et des normes anticycloniques suite au cyclone Irma. Cela devient excessif. Et au final, nous constatons que des collectivités se retranchent derrière un taux SRU atteint sur leur territoire pour limiter la construction de logement social.
Le nombre de demandeurs de logements sociaux ne cesse d'augmenter ces dernières années : il était de 27 000 en 2016, il est aujourd'hui de 33 000. Nous attribuons 5 500 logements, avec un parc à 7 % de rotation (12 % dans l'Hexagone). Une étude indiquait un besoin de 7 500 logements à La Réunion, dont 4 500 logements sociaux. Nous en avons construit entre 1 600 et 2 200 sur les quatre dernières années.
Il est nécessaire de se préoccuper du foncier et d'adapter nos constructions. L'adaptation majeure concerne les coûts. Nous sommes contraints d'aller chercher des terrains diffus à des coûts astronomiques, rendant difficile la construction de logements sociaux. Les situations géographiques des terrains impactent également les coûts. Accès, réseaux, fondations spéciales peuvent représenter plus de 25 % de la construction. Avec un coût des terrains qui représente 25 %, celui des voiries également 25 %, force est de constater que déjà 50 % des coûts correspondent à des problématiques liées au foncier. La stratégie concernant le foncier adapté n'est pas uniquement communale. Celui-ci est également soumis au projet d'aménagement global de l'île de La Réunion.
Les bailleurs sociaux doivent construire la ville avec les collectivités et non pas implanter des logements sans une réflexion globale. Ils doivent prendre en compte les problèmes de transports, de commerces, de centres commerciaux, d'emplois, d'équipements publics. Il faut donc une vraie stratégie politique de l'aménagement à La Réunion.
L'acceptabilité de la population du logement social baisse toujours pour les mêmes raisons. Sur ces terrains diffus, les habitants font des recours contre nos permis alors même qu'ils sont accordés et les collectifs viennent s'opposer à la construction de logement social, tout ceci par manque de politique d'aménagement.
Tous ces facteurs expliquent pourquoi une opération met énormément de temps à aboutir. De plus, nous sommes confrontés à la fragilité de la filière du bâtiment. Nos appels d'offres sont infructueux, pas forcément du fait des entreprises. La formation professionnelle est en cause et nous sommes en manque de plaquiste ou de carreleur par exemple. Les petites entreprises ont disparu. La moitié des entreprises font faillite au milieu du chantier, et quand elles ne font pas faillite, le délai de chantier prend un an de plus en construction.
Les coûts d'aménagement et la fragilité de la filière du BTP sont deux enjeux majeurs. Nous organisons des groupes de travail avec la CAPEB, la Chambre des métiers, la Délégation régionale des bâtiments et travaux publics, avec des architectes, pour essayer de rédiger un cahier des charges qui soit adapté à La Réunion, avec les matériaux utilisables, les matériels maîtrisés par les entreprises locales, des modes constructifs maîtrisés, alternatifs à de l'ossature bois ou métallique.
Je partage les constats énoncés par Jacques Durand. Je voulais attirer votre attention sur un point. Si la volonté de construire est présente, nous rencontrons cependant un certain nombre de difficultés. Les études menées par l'INSEE révélaient un besoin de 7 500 logements à construire chaque année dont 4 500 logements sociaux. Par manque de financement d'État, le nombre de logements réalisés est de 2 000 chaque année. Ce chiffre traduit un blocage de la chaîne du logement. En février 2021, le taux de vacance de logements sociaux est inférieur à 1 %. Le taux de suroccupation des logements est lui de 15 %, avec un taux de rotation de 6 %, ce qui est extrêmement faible.
La situation évolue rapidement. Pour faire face à ce blocage, il faut une politique coordonnée avec les maires et les EPCI. Les bailleurs sociaux sont tous convaincus que la solution ne pourra être trouvée qu'ensemble, avec une programmation du logement social, et une évolution de la ville qui respecte l'environnement et les compositions sociales. Par le passé, les politiques de financement du logement social permettaient d'établir des loyers plus abordables qu'aujourd'hui. Les loyers les plus bas qui étaient autour de 4 euros le m2 passent à 6,60-7 euros, parce que les financements ne nous permettent plus d'établir des loyers suffisamment abordables pour toutes les catégories de population et en particulier pour les familles monoparentales, avec un ou plusieurs enfants, ayant un reste à vivre très limité. Pour certaines catégories de population et certaines structures familiales, l'aide au logement n'est pas suffisante pour stabiliser les ménages.
Les quartiers neufs affichent des loyers plus élevés que par le passé. Les quartiers anciens, eux, restent sur des loyers abordables mais inévitablement, nous constatons un effet mécanique avec l'appauvrissement des populations qui sont dans les quartiers les plus anciens. L'ANRU est un levier pour lutter contre cet effet, mais il n'est pas le seul. Lorsque nous intervenons hors des quartiers prioritaires, les modes de financement sont insuffisants pour lancer rapidement la rénovation du parc. Le Plan d'Investissement Volontaire d'Action Logement a choisi une extension du périmètre en outre-mer pour la réhabilitation du parc, mais cela reste insuffisant.
Face à la volonté de rénovation du parc, le tissu des entreprises à La Réunion n'est pas forcément adapté à de la rénovation en milieu occupé. Il faudrait la formation d'un certain nombre d'entreprises pour participer à cette relance de la rénovation des quartiers.
Pour compléter les précédents propos, j'insisterais sur le vieillissement de la population. Une difficulté réglementaire est l'impossibilité de financer les résidences autonomie pour loger des personnes âgées non dépendantes. Elles pourraient être des solutions adaptées à la problématique de vieillissement de la population, les besoins en la matière étant croissants. Nous rencontrons des difficultés non seulement pour ces résidences autonomie, mais également pour les maisons relais et sur les MJT, qui s'adressent à un public jeune sur lequel les besoins sont encore importants. Enfin, une autre difficulté réside dans notre allocation logement foyer, très inférieur à l'APL foyer de l'Hexagone. Pour un couple, le différentiel restant à payer est de 165 euros. Cette situation ne permet pas aux structures gestionnaires de ces foyers (MJT, maison relais, maison autonomie) d'équilibrer leurs budgets de fonctionnement. Le Département et la Région ont tous deux insisté sur ces problématiques.
Vous apportez des réponses à quelques interrogations que j'avais notamment sur les différences de traitement entre l'Hexagone et les outre-mer. J'ai entendu les difficultés de coordination évoquées. Auriez-vous des propositions à faire en matière de gouvernance, de coordination, de domiciliation locale des décisions ? Souhaitez-vous apporter des propositions de territorialisation ou de décentralisation locale ?
En termes de financement, auriez-vous des propositions d'amélioration des prêts existants. Rencontrez-vous des problèmes de garantie ? La situation des collectivités territoriales vous permet-elle de garantir une partie des emprunts que vous, bailleurs sociaux, proposez ? Auquel cas, si les collectivités ne peuvent pas le faire, pouvez-vous vous adresser à la Caisse Générale du Logement Locatif Social ? Est-ce que vous traitez avec eux ? Concernant les taux, faut-il harmoniser ou abaisser les taux pratiqués par la CGLLS ? Le FRAFU est-il un dispositif qui fonctionne ? Que faire pour améliorer la consommation des crédits ?
Par ailleurs, j'aimerais un éclairage sur le coût des loyers. Quelle est la situation de La Réunion ? Les loyers sont-ils dans la moyenne ou plus élevés ? Observez-vous des différences majeures entre l'Hexagone et nous, notamment en tenant compte des revenus des ménages ? Vous bailleurs sociaux, quels sont vos rapports avec les associations de locataires ? Quel est le service rendu ? Disposez-vous d'enquêtes sociales ? Les rapports sont-ils conflictuels ? Le dialogue est-il entretenu ? Une baisse de certains loyers est-elle envisageable lorsque l'équilibre financier est positif ? Est-il envisageable de faire plus d'action sociale dans certains ensembles ?
Vous avez évoqué des problèmes d'inadaptation des normes aux spécificités locales et de modification de la réglementation. Dans le cadre d'un travail sur la différenciation territoriale, pensez-vous que l'on puisse intégrer des données particulières à ces spécificités locales ? Dans les territoires insulaires ou ultramarins, la réglementation nationale a de plus en plus de mal à s'adapter, d'autant plus que nous sommes soumis aux risques naturels et au réchauffement climatique.
À quel montant faut-il fixer l'aide de l'État pour répondre à la demande et avoir des loyers correspondant aux revenus des ménages ?
Je reviens sur le montage des dossiers. Entre le crédit d'impôt et la défiscalisation, quelles sont vos difficultés ? Est-ce que la défiscalisation fonctionne vraiment ? Le crédit d'impôt serait plus efficace que la défiscalisation selon la Cour des comptes. Est-ce la fin de la défiscalisation ? Souhaitez-vous cela ou est-ce que les deux leviers peuvent encore coexister ?
Vous indiquiez que vos appels d'offres étaient déclarés infructueux. Pouvez-vous en préciser les motifs ? Une enquête de l'Autorité de la Concurrence sur le coût des entrants, des matériaux de construction estime qu'il faudrait davantage de concurrence et de contrôle sur le coût des matériaux importés. Avez-vous des propositions à faire en termes de contrôle des prix, voire d'administration des prix ?
Nous allons vous rassurer sur la consommation des crédits cette année. L'ensemble des crédits disponibles pour la construction et la réhabilitation (LBU ou financement complémentaire de crédit d'impôt) a été consommé. Nous espérons que 2021 sera identique.
Concernant la question des normes, le plan logement outre-mer (PLOM) dans sa déclinaison locale a prévu un certain nombre d'actions. Ces normes sont impactantes pour une série d'acteurs et la réponse ne peut pas être si simple quant à l'impact de la suppression ou l'amélioration des normes. Cela nécessite un travail de coordination de l'ensemble des acteurs pour que les réflexions aboutissent à des solutions efficaces, à la fois en termes de construction et l'habitabilité des logements. Ces deux axes doivent faire l'objet d'une concertation avec tous les acteurs du territoire et le PLOM semble être un cadre pertinent pour répondre à ces sujets.
Sur la question du crédit d'impôt, le dispositif nous satisfait pleinement. C'est ce qui a permis de débloquer les opérations ambitieuses de réhabilitation du patrimoine de plus de 20 ans d'âge, avec des loyers plus bas que l'ensemble du patrimoine, et avec une population plus pauvre et plus âgée, la participation contributive des ménages ne permettant pas une augmentation de loyer ou très peu. Le crédit d'impôt peut aller jusqu'à 40 % pour un montant maximum de 50 000 € de travaux. C'est cela qui nous permet de débloquer les opérations de réhabilitation. À ce jour, le crédit d'impôt ne concerne qu'une partie du parc, les logements qui sont dans la partie prioritaire pour la politique de la ville. De ce fait, deux immeubles semblables, le premier en QPV, le second, de l'autre côté de la rue, mais pas en QPV, ne seront pas traités de la même manière. Nous n'avons donc pas les moyens de faire la même réhabilitation, les mêmes services pour les habitants, ce qui est complètement incompréhensible pour eux. Pour les bailleurs, l'enjeu est d'obtenir un crédit d'impôt sur l'ensemble du parc de plus de 20 ans d'âge.
Je reviens sur la question des loyers des logements sociaux. À La Réunion, ces derniers sont entre 40 et 50 % moins chers que dans le privé. Est-ce que pour autant cela permet à chaque ménage d'avoir un reste à vivre suffisant ? Pour une partie oui, pour une autre non. L'idée de l'aide personnalisée au logement est pertinente. Cependant, face à la baisse brutale de l'APL dans l'Hexagone, il faudrait faire une étude sur les barèmes afin de s'assurer que l'aide ne devienne pas alors défavorable pour les outre-mer si nous entrons dans le pot commun. La difficulté n'est pas tant le montant des loyers que l'aide au logement insuffisante pour certains ménages, en particulier pour les petits logements et les familles monoparentales avec un ou deux enfants.
Concernant les appels d'offres, nous avons les dépenses d'un côté qui couvrent le foncier, les études, les coûts du bâtiment, etc. De l'autre côté, vous avez la LBU qui représente à peu près 10 % du financement, 1 % de crédit d'impôt et 60 % des fonds propres des bailleurs, mais surtout des prêts de la Caisse des Dépôts. Le loyer correspond au remboursement des fonds propres ou des prêts de la Caisse des Dépôts.
Avez-vous des prêts Action Logement qui pourraient se substituer aux prêts CDC ?
Je termine sur les appels d'offres. L'estimation qui est donnée au niveau de l'appel d'offres est l'estimation des travaux dans ces modèles économiques. Avec 20 % de plus aux dépenses, le modèle ne fonctionne plus. En complément, nous travaillons avec Action Logement sur des prêts adaptés moins chers. Notre seule solution est d'augmenter les loyers. Sinon nous ne pourrons plus construire de LTS. En effet, pour couvrir des coûts de construction au prix actuel, nous sommes obligés de faire du PLS ou du LLS. Nous sommes dans un système contraint où toute augmentation des travaux a un impact sur le montant des loyers. Il faut trouver des solutions au niveau de la construction et de matériaux.
En effet, nous constatons un phénomène d'envolée des prix sur le gros oeuvre de l'ordre de 20 %. Cela se traduit par un surcoût sur l'opération de 8 %. Ce chiffre est énorme. Cela explique le nombre d'appel d'offres infructueux. La principale raison est le prix du gros oeuvre.
Je reviens sur la satisfaction client. Conformément à la convention d'utilité sociale, les bailleurs sociaux, de façon récurrente, pratiquent des enquêtes de satisfaction, avec un objectif à atteindre. Ces chiffres sont suivis avec attention.
Concernant la collaboration avec les associations de locataires, nous travaillons depuis plusieurs années sur cette concertation. Pour illustrer mes propos, pendant la crise du Covid, nous avons travaillé avec les associations de locataires pour identifier des pistes et favoriser la situation des locataires qui se retrouveraient en difficulté financière pendant la phase de confinement. Cela a d'ailleurs fait l'objet de la signature d'une charte. Ce travail de concertation fonctionne bien.
Je reviens sur les logements vacants. Nous comptabilisons 30 000 logements vacants dans le privé alors que la demande des primo-accédants est de l'ordre de 15 à 16 000. Nous menons une étude à la CINOR pour identifier ces logements, la raison de leur disponibilité et prévoir un accompagnement des propriétaires privés pour relouer ces logements. Une fois que le logement vacant est identifié et le propriétaire sensibilisé, il sera ensuite conventionné avec l'ANAH pour le louer à un prix abordable qui correspond à un loyer inférieur au social.
Par ailleurs, des collectivités possèdent du foncier. Ne peut-on pas imaginer dans le cadre d'un bail réel solidaire, que les collectivités au lieu de vendre leur foncier aux bailleurs, obtiennent une compensation financière de l'État pour baisser le coût des loyers ? Cette compensation financière encouragerait peut-être certaines communes à signer un bail réel solidaire.
Nous n'avons pas dans les outre-mer la taxe sur les logements vacants. Est-ce que vous la demandiez ? Ou à travers un accord avec l'ANAH qui pourrait apporter une aide aux programmes ?
Concernant l'application de la loi SRU, le SAR (Schéma d'aménagement régional) et la CDPENAF (commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers) posent-ils des problèmes ? Je prends le cas de la Guadeloupe, qui compte de nombreuses communes payant des amendes, car elles n'ont pas pu atteindre les 20 ou 25 % de logements sociaux. Certaines communes ont une surface agricole considérable, mais gelée par le SAR. En ZAP (Zone Agricole Protégée), il est impossible de déclasser les terrains, alors même que nous dénombrons suffisamment de terres agricoles restantes. La construction est impossible, car cette commission CDPENAF rend un avis conforme et non pas un avis simple. Nous constatons souvent une impasse avec l'amende qui s'impose aux communes, par l'application de ces trois contraintes : la protection forte du SAR, l'obligation de faire du 25 % de logements sociaux et l'impossibilité de déclasser. Connaissez-vous ce phénomène et avez-vous des solutions pour desserrer cet étau ?
Sur la taxe locale des logements vacants, je n'ai pas souhaité aller jusqu'à la confrontation avec les bailleurs privés. L'idée est de les accompagner, de les aider à louer ces logements. Car même si cette taxe pour les logements vacants est appliquée, je ne crois pas que cela sera suffisant pour les inciter à louer. Je suis davantage pour la discussion. Je souhaite leur faire comprendre qu'en passant par une association d'intermédiation locative, ils auront 85 % de déduction fiscale sur le prix des loyers. Nous comptons énormément sur Action Logement. Je ne crois pas à la taxe sur les logements vacants.
Je le crois aussi. Les collectivités ou vous bailleurs, pourriez-vous m'apporter une réponse ? Quelles sont vos difficultés avec la loi SRU ?
Après examen du respect des obligations, actuellement, seules six communes respectent leurs obligations sur la SRU et d'autres sont sur une trajectoire pour réaliser leurs objectifs. Certaines communes se retranchent derrière cette satisfaction d'avoir atteint leur objectif, alors même que les besoins sont très au-delà de ce taux minimal.
Nous arrivons au terme de notre table ronde. Je remercie nos invités pour leur présence, la clarté de leurs réponses et leur contribution au débat. Que soient remerciés ici aussi nos rapporteurs ainsi que nos collègues Victoire Jasmin et Viviane Malet pour la pertinence des échanges et réflexions. N'hésitez pas à nous fournir par écrit tout élément qui pourrait nous être utile pour compléter le rapport.