La commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Accueillant M. Bernard Kouchner, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la commission souhaitait recueillir ses analyses sur la Corée du Nord, l'évolution de la situation au Proche-Orient à la suite du changement de la position américaine et le Pakistan.
a souligné que l'essai nucléaire nord-coréen avait suscité une rupture de l'équilibre et un regain de tensions dans la région. Dans ce dossier, la France a travaillé à l'adoption d'une résolution plus contraignante du Conseil de sécurité des Nations unies et recherché à cette fin un changement d'attitude de la Chine. S'interrogeant sur les objectifs du président nord-coréen, il a estimé que cet essai était davantage à usage de politique intérieure que de politique étrangère.
s'est interrogée sur les objectifs poursuivis par le régime nord-coréen et sur l'efficacité d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a souhaité connaître l'analyse du ministre sur la décision de la Corée du Sud d'adhérer à l'initiative de sécurité contre la prolifération (PSI).
a considéré que cette adhésion à un dispositif défensif regroupant près de cent Etats était une réaction naturelle. Il était bien plus provocateur de nier l'existence d'une ligne d'armistice ou de cet armistice lui-même. Dans cette situation, il a souligné la nécessité de renforcer le multilatéralisme. Même si la puissance de l'essai était limitée, elle doit susciter l'inquiétude. Il a exprimé sa conviction que le dictateur nord-coréen ne recherchait que la réaffirmation de son propre pouvoir, au mépris des conditions de vie du peuple nord-coréen.
observant que les sanctions suscitaient, à l'exemple de ce qui se passe en Iran et dans la bande de Gaza, un raidissement des autorités et une dégradation des conditions de vie des populations, a souhaité que les sanctions puissent distinguer le peuple de ses dirigeants.
a rappelé qu'il avait été très longtemps hostile aux sanctions qui affectent les populations tout en soulignant que ces sanctions permettaient, le plus souvent, de repousser la perspective d'une guerre. Il a indiqué qu'il était possible d'adopter des sanctions ciblées et que, dans le dossier nord-coréen, la Chine serait la clé pour y parvenir.
a souligné le caractère très dégradé de la situation sur le terrain mais aussi les signaux encourageants issus de récents contacts avec les Egyptiens. Du côté israélien, il semble que la fermeté du Président américain Obama ait porté ses fruits. Le report de la visite à Paris du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s'explique par l'évolution de la situation intérieure israélienne.
Il a indiqué que le discours du président américain, prévu le 4 juin au Caire ne porterait pas sur le processus de paix, mais sur les relations entre les Etats-Unis d'Amérique et le monde musulman.
Dans un contexte où tout donne le sentiment que personne ne croit à l'Etat palestinien, la stratégie est de demander le gel de la colonisation en attendant la reprise des négociations. Le premier danger pour Israël serait de ne pas permettre la constitution d'un Etat palestinien. Après son discours du Caire, le président américain devrait déterminer une position très ferme et les premières déclarations de l'administration américaine sur la colonisation ont été très claires.
Le conseil de la France dans ce dossier a été de ne pas imposer une feuille de route trop stricte et de soutenir la mise en oeuvre du texte proposé par le parti travailliste sur l'évacuation des colonies et l'indemnisation. Alors que l'environnement est en train de changer, il faut impliquer les Etats membres de l'Union européenne et ne pas se contenter d'attendre la levée du blocus de Gaza.
a estimé que, dans la région, la ligne de partage décisive, beaucoup plus profonde que les rivalités nationales, était l'opposition entre sunnisme et chiisme.
Les élections libanaises détermineront peut-être une position nouvelle, l'ambassadeur syrien a récemment gagné le Liban, ce qui constitue un progrès important. Mais rien ne pourra progresser dans la région, sans la constitution d'un Etat palestinien, qui ne peut se faire qu'avec le Président Mahmoud Abbas en l'absence d'autres interlocuteurs. Les positions israéliennes devront certainement évoluer.
s'est interrogée sur la cohérence entre les positions prises par le ministre sur la colonisation et l'Etat palestinien et l'engagement de la France en faveur du processus de rehaussement de la relation entre l'Union européenne et Israël. Alors que le Gouvernement israélien affiche clairement son opposition à la solution des deux Etats et au processus de paix, le moment est certainement venu pour la France de clarifier ses positions et de faire savoir si elle continue à soutenir le processus de rehaussement en le dissociant de l'attitude des Israéliens dans le processus de paix et en se privant ainsi d'un levier important.
a rappelé que le rehaussement des relations entre l'Union européenne et Israël devait se situer dans le cadre du processus de paix et qu'une proposition identique avait été faite aux Palestiniens qui l'ont acceptée. En l'absence d'accord du Parlement européen sur l'accès d'Israël aux programmes communautaires, ce processus se borne à l'organisation de réunions politiques. S'il n'y a plus de processus de paix, le rehaussement sera réexaminé. Aucune décision n'a au demeurant été prise pour le moment. Un conseil d'association Union européenne-Israël se tiendra à la suite du conseil affaires générales-relations extérieures du 15 juin 2009. M. Bernard Kouchner a estimé que, si le rehaussement avait pu constituer un moyen de pression positif, son interruption ne représenterait pas un moyen de pression considérable. Il semblait préférable de s'impliquer dans la construction et l'existence d'un Etat palestinien.
a souligné que le développement des colonies de peuplement israéliennes en territoire palestinien conduisait à s'interroger sur la possibilité d'y établir un Etat. Devant cette situation, il a estimé que l'hypothèse selon laquelle le démantèlement des colonies devait être un préalable à la constitution d'un Etat pourrait laisser place à une séquence qui verrait le tracé des frontières placer ces colonies sous souveraineté palestinienne.
n'a pas jugé cette solution satisfaisante. Il a estimé que le Premier ministre israélien devrait certainement modifier la position sur laquelle il avait été élu. En toute hypothèse, la proportion des territoires échangée devrait rester faible. La visite de M. Ehoud Barak aux Etats-Unis devrait contribuer à éclaircir la situation. Les meilleurs interlocuteurs du côté palestinien restent MM. Mahmoud Abbas et Salam Fayyad, même s'ils sont affaiblis par la politique du Gouvernement israélien.
a réaffirmé que le moment de vérité était venu dans ce dossier. D'un côté, la nouvelle administration américaine a mis un terme à sa politique de soutien inconditionnel à Israël et s'engage en faveur de la création d'un Etat palestinien, tandis que, de l'autre côté, le Premier ministre israélien prend des positions très raides. Entre l'administration américaine, qui a les moyens de se faire entendre, et le Gouvernement israélien, qui reste figé, on devrait assister à une confrontation.
a exprimé sa conviction que l'Etat palestinien était le principal garant de la sécurité d'Israël.
a considéré que le régime nord-coréen méritait des sanctions. Il a invité le ministre à la fermeté face à Israël qui manifeste son indifférence face aux positions françaises et européennes. Face à une politique israélienne détestable et à un changement de l'administration américaine qui a pris des positions courageuses, il est nécessaire de s'exprimer clairement.
a estimé qu'il fallait soutenir en Israël les forces qui croient dans la paix.
a considéré que le message des autorités françaises devait être plus clair et que, si l'on en croyait certains articles de presse, le soutien à la création d'un Etat palestinien pourrait être plus ferme.
a réaffirmé que la position constante du ministère des affaires étrangères et européennes était bien le soutien à la création de cet Etat.
a considéré que le ministre avait clarifié la position française et qu'il était regrettable que, dans ce dossier, l'Europe ne soit pas en mesure de parler d'une seule voix.
a souhaité savoir dans quelle mesure le conflit israélo-palestinien affectait le processus d'Union pour la Méditerranée.
a indiqué que la situation politique n'était pas favorable au processus d'Union pour la Méditerranée, mais que les efforts de la diplomatie française et les rencontres techniques se poursuivaient, une réunion étant prévue à Paris le 25 juin 2009 sur les questions d'environnement.
a ensuite interrogé le ministre des affaires étrangères et européennes sur l'évolution de la situation au Pakistan et en Afghanistan.
a salué la détermination des autorités pakistanaises à combattre les taliban et à les repousser des régions du pays récemment passées sous leur contrôle. Il a évoqué les opérations en cours dans la vallée de Swat et la perspective d'une reprise prochaine, par l'armée pakistanaise, de la ville de Mingora qui en est la capitale. Il a souligné la nécessité de venir en aide aux personnes déplacées, au nombre de 2 400 000, tout en observant qu'il ne s'agissait pas à proprement parler de réfugiés aux termes du droit international. Il a également observé que, en dépit de cette situation humanitaire difficile, l'opération militaire actuelle semblait plutôt bien comprise par la population pakistanaise. Il a insisté sur le nécessaire soutien au Président Zardari.
a estimé qu'il était essentiel d'obtenir l'appui des populations dans la lutte contre les taliban. À cet égard, le mode d'action des forces françaises engagées en Afghanistan auxquelles il venait de rendre visite lui a paru exemplaire. Il a également souligné l'impact très important, aux yeux des populations, des améliorations concrètes que pouvaient apporter les projets d'assistance en matière d'éducation, de santé ou d'agriculture, ces projets devant, autant que faire se peut, être pris en charge par des responsables locaux.
Enfin, il a considéré que le bon déroulement du processus électoral du mois d'août 2009 serait un facteur crucial pour la réussite de l'engagement international en Afghanistan.
a fait état des réticences de certaines organisations non gouvernementales (ONG) à voir les forces internationales s'engager sur le terrain humanitaire.
a répondu qu'un clivage existait de longue date à ce sujet parmi les ONG. Il a néanmoins estimé que l'intérêt des actions civilo-militaires était aujourd'hui beaucoup plus largement reconnu par les ONG et que les militaires ne devaient aucunement être exclus du champ humanitaire, même s'ils ne peuvent bien entendu en avoir l'exclusivité.