La mission a procédé à l'audition de Mmes Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration, et Marie-France Laroque, directrice de cabinet de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a d'abord rappelé que le besoin de financement de la Cnav s'élèvera à 8,2 milliards d'euros en 2009 et qu'il devrait atteindre, selon les derniers chiffres disponibles, 10,7 milliards en 2010 puis 14,5 milliards en 2013. Le conseil d'orientation des retraites (Cor) avait pour sa part évalué, en 2006, ce besoin de financement à 5,9 milliards d'euros en 2012 (en euros 2006, soit 0,29 point de Pib de l'époque), 12,9 milliards en 2020 (0,54 point de Pib) et 44,5 milliards en 2050 (1,08 point de Pib).
Afin d'estimer les économies résultant d'un report de l'âge légal de départ en retraite, la Cnav a élaboré plusieurs scénarii consistant en un relèvement progressif de l'âge de référence de soixante à soixante et un ans, de soixante à soixante et un ans et demi et de soixante à soixante-deux ans, sur la base d'une hausse de la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein à 41,5 annuités. Cet exercice s'appuie sur des hypothèses fortes, notamment en matière d'emploi : l'âge moyen de sortie du marché du travail s'établissant à cinquante-huit ans et demi pour les hommes et à cinquante-neuf ans pour les femmes, 63 % des assurés n'étaient plus, en 2006, en situation d'emploi à la liquidation de leurs droits. L'année précédant leur départ en retraite, 29,2 % avaient validé quatre trimestres au titre du chômage, 1,8 % quatre trimestres au titre de la maladie, 11,9 % au titre de l'invalidité, tandis que 20,1 % n'avaient pas validé de trimestres.
Dans la perspective d'un report de l'âge légal de départ à la retraite, la Cnav a préféré retenir, pour ses prévisions, l'hypothèse que ces assurés valideraient des périodes de non-emploi plus longues qu'aujourd'hui, même s'il est envisageable, à plus long terme, que l'entrée dans le chômage ou dans l'invalidité soit repoussée d'autant. Quant aux assurés encore en situation d'emploi au moment de faire valoir leurs droits à retraite, on suppose là encore une permanence des comportements, le maintien plus tardif en activité devant se traduire par un gain de 300 000 personnes supplémentaires en emploi à l'horizon 2020.
Enfin, le relèvement de l'âge de départ a des effets positifs sur les ressources de la caisse, à travers la perception de cotisations supplémentaires, mais augmente a contrario le niveau moyen des pensions servies, de 1 % environ d'ici à 2050.
Ainsi, sous l'hypothèse d'un passage progressif à quarante et une annuités et demie pour bénéficier d'une retraite à taux plein en 2020, le report à soixante et un ans de l'âge légal à raison d'un trimestre par an améliorerait le solde de la Cnav de 2,7 milliards d'euros par an jusqu'en 2020, puis de 2,2 milliards jusqu'en 2050. En cas de relèvement à soixante et un ans et demi ou soixante-deux ans, ces gains seraient portés respectivement à 4,4 milliards ou 6,6 milliards par an d'ici à 2020, puis à 3,9 milliards ou 5,7 milliards d'ici à 2050. En tout état de cause, il est clair que le seul relèvement de l'âge de référence ne permettra pas de combler le besoin de financement du régime. Si l'on choisit de le combiner à une augmentation de la durée de cotisation au-delà de quarante et une annuités et demie, on améliorera sans doute le solde mais au détriment des jeunes générations dont on voit mal comment elles pourront bénéficier d'une retraite à taux plein compte tenu de leur entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail.
Abordant les effets des mécanismes de surcote et de décote sur les comportements des assurés, Mme Danièle Karniewicz a ensuite indiqué que ces dispositifs commencent à produire leurs effets, 12,9 % des assurés ayant bénéficié d'une surcote en 2009 - mais souvent à hauteur de quelques dizaines d'euros supplémentaires -, le recul n'étant cependant pas encore suffisant pour en apprécier les effets définitifs. A la seule lumière du ressenti des assurés, il est manifeste que l'inquiétude devant les réformes annoncées et le manque de lisibilité du système incitent certains à anticiper leur départ pour bénéficier des règles actuelles. La crainte de ne pas être assuré d'un niveau de vie décent à la retraite est particulièrement prégnante chez les plus jeunes et remet en cause, à leurs yeux, la crédibilité même du régime par répartition.
Malgré les progrès récents en la matière, un effort supplémentaire de valorisation des seniors dans l'entreprise est aussi indispensable car de trop nombreux salariés expérimentés ont encore le sentiment, à tort ou à raison, d'être poussés à la retraite par leur employeur.
Si les partenaires sociaux n'ont pas arrêté, à l'heure actuelle, d'éventuelles propositions communes dans le cadre du rendez-vous 2010, il se dégage néanmoins une vraie problématique autour du niveau de vie à la retraite et du taux de remplacement des pensions, qu'elles soient servies par le régime de base ou par les régimes complémentaires. Alors que la référence retenue par la Cnav se situe théoriquement, pour une carrière complète, à 50 % du plafond de la sécurité sociale, le taux de remplacement n'atteint d'ores et déjà plus que 43 % du dernier salaire, sous l'effet combiné de l'indexation des pensions sur les prix et de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années d'activité pour le calcul du salaire de référence. La définition d'un niveau de pension minimal, en deçà duquel l'on ne pourrait descendre, serait sans doute de nature à apaiser les craintes des assurés.
a enfin regretté que les périodes validées mais non cotisées - chômage, maladie, invalidité, etc. - ne soient pas compensées à la Cnav à hauteur de leur coût réel : ainsi, un trimestre validé au titre du chômage n'est compensé qu'à 90 % du Smic. Une plus juste évaluation de ces périodes produirait, pour la caisse, des marges de manoeuvre supplémentaires loin d'être négligeables.
Après être convenu de la dégradation progressive du taux de remplacement, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a fait observer que la caisse de retraite des personnels de la SNCF a déjà mis en place une pension minimale forfaitaire, accessible après vingt-cinq ans de service, dont le montant est assez élevé.
Les jeunes générations se préoccupant de plus en plus tôt des conditions de leur retraite future, la Cnav a-t-elle une approche spécifique de ces publics ?
Compte tenu des besoins de financements actuels et à venir, la seule modification des paramètres ne saura suffire à rétablir l'équilibre du système et l'on ne peut pas plus espérer de la mobilisation des actifs du fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont le montant n'est en aucune façon à la hauteur de l'enjeu.
Quelles solutions concrètes, en matière de taux comme d'assiette des cotisations, la Cnav envisage-t-elle pour consolider ses ressources ?
Tout en précisant que le conseil d'administration de la caisse ne s'est pas prononcé sur ces questions, Mme Danièle Karniewicz a considéré qu'une réflexion globale sur le financement de la protection sociale, et pas seulement de la retraite, est plus que jamais nécessaire. Les changements d'assiette parfois envisagés pour alimenter des risques - maladie, famille - dont la couverture est traditionnellement plus socialisée permettraient par exemple de dégager des cotisations supplémentaires pour la retraite, pour laquelle il importe, dès lors qu'on l'assimile à un salaire différé, de maintenir un lien fort avec un niveau de cotisation défini en proportion du revenu d'activité.
S'il n'existe pas de consensus, parmi les partenaires sociaux, sur les modalités d'un élargissement éventuel de l'assiette des cotisations - qui pourrait porter, selon les cas, sur la consommation, la valeur ajoutée ou les revenus financiers -, il reste que l'évolution de la masse salariale, marquée notamment par un tassement considérable de la grille des rémunérations, met en péril le financement du système de protection sociale.
Considérant l'entrée tardive des jeunes sur le marché de l'emploi et l'allongement comme la professionnalisation des stages requis dans de nombreux cursus universitaires, Mme Danièle Karniewicz s'est dite favorable, à titre personnel, à ce que soit ouverte la possibilité, pour ces périodes de stages, de cotiser pour la retraite.
Le fait que certains régimes s'engagent sur un niveau de prestations définies, alors que la Cnav ne fonctionne qu'à cotisations définies, pose un vrai problème en termes d'équité entre assurés. A cet égard, la garantie d'un minimum de pension pour les salariés du privé améliorerait la lisibilité du système et partant, l'acceptabilité d'efforts supplémentaires pour le sauvegarder.
Au regard du niveau moyen des pensions, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a invité chacun à ne pas alimenter un débat qui consisterait à opposer des retraités pauvres à d'autres qui le seraient un peu moins.
Les projections du Cor et de la Cnav montrent bien que le report de l'âge légal de départ en retraite ou la hausse du nombre d'annuités requises pour bénéficier d'une retraite à taux plein ne couvriraient au mieux qu'environ 10 % des déficits attendus à l'horizon 2050. Dans ce contexte, les effets sur l'emploi des exonérations de charges sociales, qui privent le système de protection sociale de plusieurs dizaines de milliards d'euros de recettes, mériteraient d'être attentivement évalués.
Concernant les plus jeunes, il est logique, dès lors que les périodes de stages ne permettent pas de cotiser, que les organisations étudiantes militent pour la création d'une allocation d'autonomie ouvrant droit, entre autres, à cotiser en vue de la retraite.
Lors de son audition par la mission, Jean-Michel Charpin avait évoqué l'idée de faire jouer le système des décotes et surcotes non seulement sur la durée de cotisation mais aussi sur l'âge de départ en retraite. Qu'en pense la Cnav ? Enfin, le basculement vers un système par points ou en comptes notionnels permettrait-il de rééquilibrer financièrement les régimes de retraite ?
a fait part de sa préoccupation face à l'écrasement des salaires et des pensions auquel on assiste depuis quelques années. Cette situation fait naître, parmi nos concitoyens, une inquiétude majeure quant au niveau futur de leur retraite et nourrit chez les plus démunis un doute généralisé sur la pérennité du système de protection sociale.
Considérant l'allongement régulier de l'espérance de vie et l'entrée de plus en plus tardive des jeunes générations sur le marché du travail, Mme Muguette Dini s'est interrogée sur la nécessité d'aller, à terme, au-delà des hypothèses considérées par la Cnav pour le report de l'âge légal de départ en retraite. Comment ne pas envisager d'évoluer progressivement vers un âge de référence plus éloigné, qui pourrait être de soixante-dix ans à l'horizon 2050 ?
a rappelé que toute proposition de baisse des exonérations de charges dont bénéficient les entreprises se voit systématiquement opposer le risque des destructions d'emplois qu'elle engendrerait à coup sûr. Or, connaît-on l'impact réel de ces exonérations sur la compétitivité de nos entreprises ? Quel système de financement pourrait permettre de concilier cet impératif de compétitivité avec l'exigence d'un haut niveau de protection sociale ?
Après avoir estimé que le tassement des grilles salariales a aussi des effets négatifs sur l'implication des salariés dans leur travail, Mme Danièle Karniewicz a indiqué que l'effet massif et direct des exonérations de charges sur l'emploi reste, selon elle, à démontrer. Compte tenu du niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires français, tout effort supplémentaire devra nécessairement être partagé entre les entreprises et les salariés, ces derniers étant prêts à l'accepter si la pérennité du système leur est garantie.
S'agissant d'un report de l'âge légal de départ en retraite au-delà de soixante-deux ans, des scénarii alternatifs peuvent sans doute être envisagés ; en tout état de cause, la perspective de devoir travailler jusqu'à soixante-dix ans décrédibiliserait totalement le système aux yeux des jeunes générations.
Par ailleurs, lorsque les employeurs proposent des conventions de stages d'une durée de huit mois, ne serait-il pas plus logique de les convertir en contrats à durée déterminée permettant de cotiser pour la retraite ?
Quant à la perspective de basculer vers un système par points ou en comptes notionnels, elle pourrait se justifier pour améliorer la lisibilité ou la justice du régime de retraite mais sûrement pas pour résoudre la question du financement. Le recours à la capitalisation ou aux comptes notionnels conduit par ailleurs inévitablement à la baisse du niveau des pensions ; quel que soit le système retenu, il importera de répartir équitablement la charge entre employeurs et salariés, et entre les salariés eux-mêmes.
La mission a procédé à l'audition de MM. Jean-François Lequoy, délégué général, Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes, et Gérard Ménéroud, directeur général adjoint de CNP Assurances, et Mme Annabelle Jacquemin-Guillaume, attachée parlementaire de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a tout d'abord évoqué la place du marché de l'assurance dans le système français de retraite. La loi Fillon de 2003 avait notamment pour objectif de permettre l'accès de chacun à des produits d'épargne qui préparent sa retraite ; ils peuvent être organisés soit de manière individuelle par l'intermédiaire des plans d'épargne retraite populaire (Perp) ou des contrats « loi Madelin », soit de manière collective au sein des entreprises. Ce dernier type de produits est également multiforme, avec des contrats dits « article 83 », obligatoires et à cotisations définies, « article 82 », facultatifs, ou encore « article 39 », à prestations définies. Cet ensemble (12 milliards d'euros de cotisations en 2009, pour un encours total d'environ 125 milliards) a connu un réel développement, mais reste naturellement marginal, puisque, avec 6 milliards de prestations en 2009, il représente entre 2 % et 3 % de celles des régimes par répartition (environ 250 milliards).
Au-delà des contrats spécifiquement dédiés à la préparation de la retraite, l'ensemble des produits d'assurance-vie (environ 140 milliards d'euros de cotisations en 2009) contribue à cet objectif, puisqu'environ 30 % des Français disent en contracter un dans ce but.
a précisé que plusieurs types de contrats se prêtent parfaitement à cela, notamment ceux qui permettent des sorties partielles en capital.
a estimé que l'assurance est appelée à jouer un rôle croissant dans le système de retraite, en raison de l'érosion prévisible du taux de remplacement des régimes par répartition. En outre, les produits proposés répondent à deux préoccupations importantes : la préparation de la retraite, bien sûr, mais aussi le financement de l'économie par une épargne longue, particulièrement cruciale en phase de sortie de crise. Ce mode de financement est vertueux, car il est stable et à horizon lointain. Par ailleurs, les nouvelles règles prudentielles internationales, dites « solvabilité II », pourraient se révéler défavorables aux marchés des actions, sauf dans le cadre de produits d'épargne retraite.
a rappelé que la stabilité des régimes par répartition dépend de l'évolution de la masse salariale, qui est naturellement corrélée au dynamisme économique. Dans ces conditions, l'amélioration des conditions du financement de l'économie contribue également au bon fonctionnement des systèmes de retraite.
En ce qui concerne le rendez-vous 2010 sur les retraites, M. Jean-François Lequoy a précisé que les assureurs en attendent principalement le perfectionnement des mécanismes existants et une amélioration des produits.
a estimé que le débat classique tendant à opposer la répartition et la capitalisation ne repose sur aucune réalité, la seconde ne pouvant naturellement pas remplacer la première. En fait, la capitalisation peut uniquement compléter la répartition pour les personnes les plus prévoyantes, si bien que les assureurs ne demandent nullement la disparition des régimes par répartition. Pour autant, les taux de remplacement de ces derniers vont baisser, d'où l'importance de permettre à ceux qui veulent conserver leur niveau de vie de pouvoir le faire par des dispositifs adaptés. Le marché de l'assurance a développé les outils nécessaires pour cela.
Dans le cadre du rendez-vous 2010, les évolutions demandées sont donc marginales :
- rendre plus lisible et plus simple la rente viagère. Alors que très peu de personnes connaissent son régime fiscal, l'effort des pouvoirs publics en termes d'exonérations doit être mieux mis en valeur ;
- améliorer les conditions de la rente viagère, en autorisant des combinaisons entre une transmission partielle du capital et le versement d'une rente, dispositifs sur lesquels s'appliquent des fiscalités fort différentes. En effet, la rente viagère souffre d'une appréhension naturelle : mourir prématurément et donc perdre le bénéfice, y compris pour ses héritiers, d'années d'épargne. Une telle mesure permettrait de mobiliser une plus grande part des réserves accumulées ;
- simplifier les modes de fonctionnement des Perp et des plans d'épargne retraite (PER), tout en conservant le souci de protéger les assurés ;
- rendre plus liquides les sommes épargnées, par la possibilité de sorties partielles en capital, notamment lorsque les assurés se trouvent en difficultés financières ponctuelles ou lors de situations personnelles tendues. Cette mesure lèverait un frein à l'investissement ;
- favoriser les versements facultatifs dans les dispositifs collectifs en entreprise, sans remettre en cause leur caractère obligatoire ;
- permettre aux employeurs, dans des conditions à définir, d'abonder les plans individuels de leurs salariés, notamment dans les très petites entreprises pour lesquelles créer un contrat collectif occasionne des frais de gestion trop élevés par rapport à leur taille.
a indiqué qu'il est en effet souvent saisi de la question de la simplification des plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco). En ce qui concerne le rendez-vous 2010, le sujet principal est celui du financement et de la continuité du lien entre les pensions et les revenus salariaux. Il est vrai que l'opposition habituelle entre répartition et capitalisation est factice : certains régimes par répartition disposent de provisions et la Suède a créé, dans son nouveau système en comptes notionnels, qui reste par répartition, une dose de capitalisation collective pour atténuer les chocs démographiques ou économiques. Dans ces conditions, ne serait-il pas envisageable d'introduire une part d'épargne retraite - terme préférable à celui de capitalisation - dans le système français pour maintenir le taux de remplacement ?
a également mentionné l'exemple suédois, pour savoir quelle sont les parts respectives de la répartition et de la capitalisation. Par ailleurs, quel est le taux de couverture des Français par des produits d'épargne dédiés à la retraite ?
a précisé que deux millions d'épargnants ont contracté un Perp et 850 000 un produit « loi Madelin », mais que le monde de l'assurance-vie est nettement plus large, puisque quinze millions de Français environ y ont recours.
a estimé possible d'introduire une dose de capitalisation ou de réserves dans les systèmes par répartition, mais elle ne pourra constituer qu'un complément : en effet, un point d'amélioration du taux de remplacement à l'échéance 2020 nécessiterait de collecter 10 milliards d'euros par an d'épargne, alors même que le flux annuel d'épargne des Français s'élève à 200 milliards. Prendre une telle mesure de manière obligatoire permettrait de couvrir les personnes qui n'ont pas les moyens d'épargner. Mais est-ce à ce type de dispositif de financer la solidarité entre les différents niveaux de revenus dans un système par répartition ? La question se pose déjà avec acuité dans les régimes de base et complémentaires, puisque 30 % des prestations versées par la Cnav n'ont pas eu de contreparties en termes de cotisations et 15 % pour l'Agirc - Arrco. A ce niveau, le problème de l'origine du financement des mécanismes de solidarité nationale, revenus salariaux ou impôt, devient essentiel. Ainsi, si la réforme du fonds de solidarité vieillesse (FSV) n'avait pas soustrait 5 milliards d'euros de CSG, on peut penser que les équilibres financiers de la Cnav seraient aujourd'hui différents.
a soulevé le cas des personnes qui ne seraient pas suffisamment « prévoyantes », selon l'expression utilisée précédemment, c'est-à-dire en fait ceux qui n'ont pas les moyens d'épargner. En Allemagne, la réforme « Riester », du nom du ministre des affaires sociales du gouvernement Schröder, a introduit une part complémentaire par capitalisation pour compenser la baisse du taux de remplacement ; le niveau élevé des aides de l'Etat, qui sont en outre d'autant plus importantes que les revenus des personnes sont faibles, vise à l'universalité de la couverture de cette part complémentaire. En définitive, un système par capitalisation permettrait-il de compenser totalement pour tous les citoyens la baisse du niveau des prestations ?
a estimé que la réforme « Riester » en Allemagne a entraîné une complexité importante et de grandes difficultés dans le pilotage du système. Elle s'est en fait attaquée au principal paramètre, l'âge de départ à la retraite. En France, l'âge légal est passé à soixante ans en 1982 et, depuis, l'espérance de vie a crû de sept années : comment répartir ces gains d'espérance de vie entre la période d'activité et le temps passé en retraite ? La loi Fillon a engagé un arbitrage sur cette question et l'âge effectif de liquidation de la retraite est maintenant de 61,5 ans ; en outre, cet âge a progressé de huit mois entre 2008 et 2009, ce qui donne des indications sur les comportements de la société. Qui plus est, l'espérance de vie continue de progresser, d'environ un trimestre par an. Il serait donc nécessaire que l'âge effectif de départ en retraite tende plutôt vers 62,5 ans.
a estimé que la réforme allemande répond à un objectif qui existe également en France : compléter ses revenus durant la retraite et orienter plus d'épargne vers des dispositifs ad hoc. Pour autant, le meilleur moyen d'oeuvrer en ce sens est de rendre ces outils plus simples, plus lisibles, plus attractifs, en diminuant les contraintes de gestion et les rigidités. Au total, l'amplification des contrats d'épargne retraite a un effet positif sur l'économie, et donc sur les équilibres des systèmes par répartition.
a ajouté que les travaux du conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent que les mesures de réformes déjà prises tendent à amplifier la baisse du taux de remplacement lorsque les revenus des assurés augmentent : cette baisse est donc une fonction croissante des revenus. Ce sont en conséquence les personnes dont les revenus sont supérieurs au plafond de la sécurité sociale qui voient leur taux de remplacement diminuer le plus ; or, ce sont elles qui parallèlement peuvent épargner durant leur vie active. Pour les catégories les moins favorisées, il est nécessaire de prévoir un financement par la solidarité nationale, en distinguant clairement les recettes assises sur le travail et celles en provenance de l'impôt.
Enfin, la mission a procédé à l'audition de MM. Gérard Ménéroud, président de l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco), Bernard Van Craeynest, président de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et Jean-Jacques Marette, directeur général de l'Agirc et de l'Arrco, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a d'abord rappelé les grandes lignes de l'histoire de ces deux régimes de retraite complémentaires, élaborés progressivement pour les cadres puis pour l'ensemble des salariés du secteur privé et étroitement articulés entre eux. Depuis la convention collective de 1947, les négociations ont toujours été menées dans un cadre professionnel. Au début des années 1990, les partenaires sociaux, qui gèrent à parité - patronat et salariés - ces régimes, ont décidé de simplifier et rationaliser leur organisation, en raison d'un trop grand émiettement des structures. Aujourd'hui, on compte ainsi une quinzaine de groupes de protection sociale en France métropolitaine au lieu de cinquante-cinq précédemment et quatre à cinq plateformes informatiques au lieu de quarante-cinq. Tous les ajustements nécessaires ont été régulièrement arbitrés par les partenaires sociaux qui ont pris des décisions courageuses. Afin de préparer les évolutions démographiques, les excédents des années 1996-2010 ont été accumulés sous forme de réserves.
Dans un système de retraite par points, comme celui de l'Agirc-Arrco, trois instruments peuvent être utilisés pour le pilotage : le taux de rendement des régimes, l'âge effectif et le niveau de cotisation. Ces instruments rendent le régime par points supérieur au système des comptes notionnels qui ne dispose que de deux paramètres d'ajustement et dont le mécanisme automatique impose des décisions dures à accepter. Au total, les régimes Agirc-Arrco sont des systèmes réellement gérés dans lesquels la solidarité est prise en compte et pour lesquels les partenaires sociaux ont su faire passer des décisions courageuses.
En 2010, les deux régimes connaîtront un résultat négatif de 1,3 milliard d'euros. Or, les réserves accumulées depuis quinze ans s'élèvent à 60 milliards, ce qui permettra d'éviter que les nécessaires mesures de rétablissement de l'équilibre des régimes ne soient trop brutales. Dans ces régimes, les changements ont toujours été mis en oeuvre avec progressivité, pédagogie et sens des responsabilités.
a rappelé les conditions de la création de l'Agirc en 1947, dans le but de faire bénéficier les salariés dont le salaire était supérieur au plafond de la sécurité sociale d'un système complémentaire de retraite. L'Arrco a ensuite été créée en 1962, sur les mêmes bases, pour l'ensemble des salariés. Aujourd'hui, 14 millions d'assurés sont affiliés à l'Arrco et 3,9 millions à l'Agirc. L'Arrco a versé, en 2009, 39,6 milliards d'euros d'allocations et perçu 41,5 milliards de cotisations ; l'Agirc a versé 20,5 milliards de prestations et perçu 20,8 milliards de cotisations. Les points accordés par l'Agirc interviennent sur la part du salaire qui dépasse le plafond de la sécurité sociale, augmenté de 10 %. Or, depuis une quinzaine d'années, ce plafond s'est accru très rapidement et dans des proportions supérieures à la croissance de l'économie et à la croissance des salaires. En conséquence, de plus en plus de ressortissants Agirc ont des salaires inférieurs au plafond de la sécurité sociale et au salaire charnière : ces salariés dits « fantômes », qui représentaient 14 % des assurés au début des années 1990, en représentent aujourd'hui 34 %. C'est la raison pour laquelle a été mise en place une garantie minimale de points (GMP) qui, pour 745 euros par an, ouvre droit à l'acquisition de 120 points.
a précisé que, pour les ressortissants de l'Arrco, la retraite complémentaire représente un tiers de la retraite totale ; pour les affiliés de l'Agirc, cette proportion est supérieure, soit environ les deux tiers ; pour l'ensemble des salariés du secteur privé, la retraite complémentaire compte pour 40 % de la retraite totale. Par ailleurs, la très grande sensibilité de ces régimes à la conjoncture économique doit être soulignée. Ainsi, en 2006, on estimait que les réserves accumulées ne seraient pas consommées avant 2025 ; aujourd'hui cet horizon s'est rapproché à 2017-2018.
a souhaité savoir si l'on pourrait aller plus loin dans le rapprochement des régimes, par exemple en instaurant une meilleure harmonisation des taux de cotisation et des taux de rendement avec l'Ircantec, dont les différences ont été récemment soulevées à l'occasion de l'examen du dossier de La Poste. Comment favoriser une plus grande transparence dans la gestion des régimes de retraite et quelle doit être la place de l'Etat au regard notamment de celle des partenaires sociaux ? L'avantage du système par comptes notionnels est qu'il permet à l'assuré de choisir son âge de départ en retraite et son niveau de retraite ; est-il possible de garantir cette même liberté dans un régime par points ?
a estimé qu'avant de rebâtir la structure, il faut en assurer l'étanchéité ; autrement dit, la priorité est d'abord de rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite, puis d'en améliorer l'organisation. Les partenaires sociaux ont toujours pris leurs responsabilités dans la gestion des régimes complémentaires. Lorsque l'Etat est présent, comme à la Cnav ou à l'Ircantec, les contraintes ne sont pas les mêmes et les décisions d'ajustement ne sont prises que partiellement. Le conseil d'administration de la Cnav ne prend pas de décisions, il ne rend que des avis. A titre d'exemple, le taux de rendement de l'Ircantec est le double de celui de l'Agirc-Arrco mais sans réelle justification démographique ; cela signifie que les responsabilités ne sont pas prises. A l'Agirc-Arrco, la préoccupation permanente est de maintenir près de la moitié de la retraite des salariés dans un système équilibré. C'est pour respecter cet objectif que les entreprises ont accepté un doublement de leurs cotisations en vingt ans tandis que les salariés acceptaient, au cours de la même période, une division par deux du taux de rendement. Pour l'ensemble des régimes, il convient de viser un équilibre pérenne tout en gérant la solidarité.
a dit ne pas croire à la possibilité d'un grand système universel de retraite permettant des économies de gestion substantielles. Même dans cette hypothèse, les économies ne seraient pas, à son sens, à la hauteur des enjeux financiers du système de retraite.
a précisé que les frais de gestion du régime Agirc-Arrco s'élèvent à 1,6 milliard d'euros.
a indiqué que l'Agirc-Arrco n'a pas une organisation géographique ; depuis 1971, les centres d'information, de conseil et d'accueil des salariés (Cicas) départementaux servent en effet de guichet d'accueil unique pour les régimes de retraite complémentaire, en collaboration avec les caisses régionales d'assurance maladie (Cram). En matière de frais de gestion, le coût unitaire de gestion constaté à la Cnav est très proche de celui de l'Agirc-l'Arrco ; les frais de gestion du régime additionnel de la fonction publique sont particulièrement bas mais cela est en grande partie dû au fait qu'il a encore très peu d'allocations à verser du fait de sa création récente.
a demandé quelles pourraient être les pistes à explorer pour rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite. Sans promouvoir une fusion des régimes, n'est-il pas possible au moins de renforcer l'articulation entre les systèmes ? Quelle doit être la place des partenaires sociaux et de l'Etat dans un système rénové ?
a constaté que des efforts importants et partagés ont déjà été accomplis par les entreprises et les salariés ; toutefois, avec la crise qui conduit à un écrasement des salaires et des retraites, existe-t-il encore des marges d'évolution ? L'union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) semble indiquer que les efforts consentis par les entreprises seront plus difficiles : cela signifie-t-il que les cotisations des salariés seront relevées ?
a souhaité savoir à qui pourrait être confiée la gestion du régime général une fois celui-ci rééquilibré. Il a demandé des précisions sur les négociations en cours entre l'Ircantec et l'Agirc-Arrco à propos du personnel de La Poste, ainsi que sur les liens entre les comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et ceux de la Cnav.
a estimé que si la part de CSG affectée au FSV n'avait pas été modifiée, les recettes de la Cnav seraient supérieures de 5 milliards d'euros cette année.
a fait valoir que cette décision a été actée en contrepartie d'une prise en charge, par la branche famille, des majorations de retraite pour enfants.
a considéré que, même avec cette contrepartie, la réduction des recettes du FSV n'a pas été neutre pour la Cnav. Les négociations avec l'Ircantec, dont le conseil ne comporte pas de représentants des employeurs mais seulement des salariés, devraient aboutir à un équilibre. Le principe retenu est que les ajustements entre les régimes se feront sur données réelles et année après année ; il est en effet impossible de s'appuyer sur des prévisions fiables de recrutement par La Poste jusqu'en juin 2050 et, a fortiori, au-delà. Il est urgent de dépassionner ce dossier pour lequel une solution sera trouvée d'ici au 30 juin.
a regretté la campagne assez sournoise menée sur cette question qui a pour seul résultat d'angoisser les assurés. L'objectif est de parvenir à un accord et à une convention ; celle-ci devra être agréée par l'Etat et il est essentiel qu'elle ne soit pas remise en cause à ce stade.
a fait observer qu'entre partenaires sociaux, la résolution des problèmes se fait de façon professionnelle et dans une perspective de long terme. L'Etat est contraint par des rythmes et des contraintes politiques qui lui font privilégier le court terme, ce qui n'est pas favorable à une bonne gestion. C'est pourquoi il serait préférable que le conseil de la Cnav soit un vrai conseil de gestion.
a rappelé que si l'âge légal de départ en retraite pour le régime général est de soixante ans, il est de soixante-cinq ans pour les régimes complémentaires ; il existe néanmoins dans le cadre de ces derniers un mécanisme, géré par l'association pour la gestion de la structure financière (ASF), pour couvrir la tranche d'âge soixante/soixante-cinq ans. Ce mécanisme a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2010 ; ne pas savoir ce qui va intervenir ensuite est anxiogène pour une part importante de la population. L'effort de pédagogie qui a accompagné la réforme de 2003 a permis d'instaurer un pilotage régulier du système en fonction des évolutions économique et démographique. Il est important de donner de la visibilité pour les décennies à venir.
L'allongement de la durée de cotisation, au motif qu'en vivant plus longtemps on doit travailler plus longtemps, parait impossible tant que ne sont pas recréées les conditions d'un bien-vivre et d'un bien-être au travail. La pression du court terme, l'évolution des rythmes de travail, la recherche toujours accrue de la rentabilité et de la performance, les nouvelles hiérarchies ont en effet détérioré les conditions de travail, dans les grandes entreprises mais également dans les relations des grandes entreprises avec leurs sous-traitants. On voit apparaître un salariat à deux vitesses, avec des petites entreprises sans marge de manoeuvre et sous pression pour produire moins cher, plus vite et de meilleure qualité.
L'une des pistes à retenir pourrait être de cumuler le critère de l'âge et celui du temps d'activité pour obtenir une retraite à taux plein, soit aujourd'hui 60 ans et 41 annuités, ce qui ferait un total de 101 à répartir de façon libre, un peu comme dans le système italien.
Enfin, au-delà du régime de base et des régimes complémentaires, il convient de s'interroger sur le développement d'un système d'épargne retraite obligatoire pour tous les salariés, le système actuel du Perco n'en touchant en effet qu'une partie.
a souhaité savoir quels sont les éléments déclencheurs du mal-être au travail et s'ils se retrouvent dans les pays voisins.
a mis ces difficultés sur le compte de la mondialisation économique, de l'internationalisation des groupes et des échanges ; la concurrence se développe désormais jusqu'entre les salariés eux-mêmes. Plus rien n'est protégé, même la matière grise est très facilement délocalisable : comment rivaliser avec les 250 000 ingénieurs formés annuellement en Inde et en Chine ?