Nous accueillons les représentants d'Aéroports du Grand Ouest (AGO), que nous avons souhaité entendre dans le cadre des auditions spécialisées que nous menons sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, l'un des quatre projets pour lesquels notre commission d'enquête étudie la mise en oeuvre de la séquence éviter-réduire-compenser (ERC). Nous nous rendrons d'ailleurs sur le site de Notre-Dame-des-Landes le vendredi 17 février prochain.
AGO est une filiale de Vinci Airports, chargée de la réalisation de l'aéroport.
Nous souhaitons pouvoir apprécier l'efficacité et surtout l'effectivité du système de mesures compensatoires existant et identifier les difficultés et les obstacles éventuels qui ne permettent une bonne application de la séquence ERC.
Nous entendons M. Vincent Le Parc, directeur d'Aéroports du Grand Ouest, M. Nicolas Brousse, directeur général adjoint chargé de la maîtrise d'ouvrage du futur aéroport du Grand Ouest, et Mme Aurélie Rifflart, responsable environnement d'Aéroports du Grand Ouest.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Vincent Le Parc et Nicolas Brousse et Mme Aurélie Rifflart prêtent successivement serment.
Pouvez-vous nous indiquer, à titre liminaire, les liens d'intérêt que vous pourriez avoir avec les autres projets concernés par notre commission d'enquête.
Comme vous l'avez rappelé, Vinci Airports est actionnaire de la société Aéroports du Grand Ouest et, par ailleurs, le groupe Vinci est actionnaire de la société concessionnaire de la ligne Sud-Europe-Atlantique entre Tours et Bordeaux. Je n'ai pas, à titre individuel, de liens d'intérêt avec les autres projets.
Je n'ai pas non plus de liens d'intérêt avec d'autres projets.
Je n'ai pas non plus de liens d'intérêt avec d'autres projets.
Nous vous remercions de nous donner l'opportunité de présenter notre démarche volontariste et nos engagements en matière de développement durable dans le cadre du projet du futur aéroport souhaité par l'État. Nous sommes tous les trois représentants de la société Aéroports du Grand Ouest (AGO), société concessionnaire qui intègre l'exploitation de l'aéroport de Saint-Nazaire, la conception et la construction du futur aéroport du grand ouest et l'exploitation de l'aéroport sur le site de Nantes-Atlantique aujourd'hui et sur celui de Notre-Dame-des-Landes demain.
AGO a pleinement intégré la dimension environnementale depuis le début de son implication dans ce projet, c'est-à-dire depuis notre réponse à l'appel d'offres. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles l'État a retenu notre proposition.
Dès cette offre, nous avons proposé un aéroport à haute qualité environnementale, grâce à une conception simple, efficace et intégrée dans son environnement. Par exemple, nous avons conçu une aérogare à plat, qui minimisera le recours aux équipements énergivores comme les escalateurs ou les ascenseurs ; de même, la toiture de cette aérogare, végétalisée, permettra d'éviter les éclairages artificiels en journée et de rafraîchir les bâtiments naturellement.
Nous avons fait le choix de positionner l'aérogare au milieu des deux pistes prévues dans l'appel d'offres, ce qui permettra, d'une part, de réduire le temps de roulage des avions et, d'autre part, de permettre leur stationnement à proximité immédiate de l'aérogare, limitant ainsi la consommation de carburant et les émissions de gaz à effet de serre.
Tous ces fondamentaux, prévus dès la conception, feront du futur aéroport du grand ouest le premier aéroport « haute qualité environnementale » en France.
Les partis pris forts qui ont été les nôtres en matière d'environnement, dès l'origine du projet, continuent de nous animer aujourd'hui et ils se retrouvent dans toutes les actions que nous avons pu entreprendre depuis 2011.
Nous respectons pleinement les cadres fixés la loi, en particulier le code de l'environnement. La concrétisation la plus parlante de notre engagement réside dans la prise, le 20 décembre 2013, des arrêtés préfectoraux qui valident toutes les études et les processus administratifs réalisés jusqu'à aujourd'hui.
Je vous rappelle deux dates essentielles : le 9 avril 2009, le lancement de l'appel d'offres intégrant les dossiers des engagements de l'État issus de l'enquête publique ; le 29 décembre 2010, l'attribution du contrat de concession à notre société, qui s'est traduit par une prise d'effet au 1er janvier 2011.
Dès avril 2009, l'appel d'offres a défini les principales caractéristiques du projet à prendre en compte, en particulier le nombre de pistes, leur implantation et la capacité des installations en nombre de passagers.
C'est donc en tant qu'acteur concessionnaire que nous intervenons aujourd'hui, maître d'ouvrage sur la partie de la plateforme aéroportuaire, aux côtés de deux maîtres d'ouvrage, la direction générale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) des Pays-de-la-Loire pour la desserte routière, et la direction des services de navigation aérienne pour la tour de contrôle.
Enfin, la démarche ERC, est au coeur de notre engagement environnemental.
Pour la partie « éviter », je ne reviendrai pas sur ce qui est de la responsabilité de l'Etat et s'est traduit, après le débat public et l'enquête publique, par la déclaration d'utilité publique (DUP). En revanche, nous préciserons plus en détail comment notre réponse à l'appel d'offres a permis de limiter la surface aménagée et le choix de site de Notre-Dame-des-Landes, des deux pistes et de leur orientation.
L'étape « réduire » consiste à diminuer au maximum l'incidence du projet sur l'environnement, notamment en adaptant nos modes de réalisation et nos calendriers de travaux.
Après avoir mis en oeuvre l'évitement et la réduction, les incidences résiduelles sur la biodiversité doivent être compensées. À cet égard, nous avons fait le choix d'une méthode exigeante, en optant pour une approche fonctionnelle plutôt que surfacique.
En conclusion, nous sommes déjà engagés dans la démarche ERC, alors même que, depuis cinq ans, les accès au site nous sont empêchés ou se font dans des conditions de sécurité précaires pour nos salariés et nos partenaires. Je citerai notamment l'agression, le 26 mai 2014, de l'un de vos partenaires chargé du suivi des cours d'eau, qui a donné lieu à un dépôt de plainte. En dépit de ces difficultés, nous sommes disponibles pour un redémarrage des travaux dès que l'État nous en donnera le calendrier.
La séquence ERC se base sur un principe essentiel : on passe d'une phase à une autre lorsque tout a été mis en oeuvre pour que la première phase aboutisse.
L'un des facteurs clef du succès de notre démarche ERC est l'association, dès le démarrage du projet, de l'ensemble des services de l'État (police de l'eau, DREAL, Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema)) et de nos bureaux d'études environnementaux (Biotope) pour se donner les meilleures garanties de cohérence et de complétude de nos dossiers, dont l'instruction a débouché sur la prise des arrêtés préfectoraux en décembre 2013.
Ces arrêtés préfectoraux ont été contestés à plusieurs reprises mais à chaque fois confortés par la justice, en particulier le 14 novembre 2016 par la cour administrative d'appel.
L'autre facteur de succès est la démarche coopérative que nous avons eue avec la profession agricole. Nous nous sommes d'abord basés sur le protocole conclu entre l'État et la chambre d'agriculture concernant les libérations d'emprises lorsque des exploitations agricoles s'y trouvaient. Il est à noter que pour 31 exploitations sur 35 présentes sur le site, un accord amiable a pu être trouvé. Un protocole de compensation vise à réguler les relations entre la profession agricole et AGO, dans le cadre de la mise en place de mesures de compensation.
La première et principale mesure d'évitement est le choix du site qui a été réalisé par l'État à partir d'une étude multicritères.
Pour la deuxième partie de la démarche, qui nous incombait, nous avons cherché à optimiser la conception. Dans le cadre des éléments du cahier des charges, nous avons en particulier évité le plus possible la dispersion des équipements sur le site et l'empreinte au sol des installations.
Dans le cadre de l'avant-projet des services de l'État, l'aménagement à l'ouverture prévoyait 762 hectares aménagés, ramenés à 535 dans notre avant-projet sommaire, soit une réduction de plus de 15 %.
Tout à fait.
À l'ouverture.
Au final, nous sommes à 646 hectares.
Oui.
Le deuxième volet de la séquence, la réduction, intervient lorsqu'il n'y a plus de mesures d'évitement possible et consiste en la réduction des incidences sur les éléments environnementaux.
À titre d'illustration, j'évoquerai le cours d'eau de l'Épine, situé à l'extrémité est de la piste sud, qui, compte tenu de l'implantation des pistes, aurait vu 100 mètres de son tracé imperméabilisé. Nous avons fait le choix de dériver le cours d'eau.
Nous avons également exclu toute coupe de bois entre le 10 mars et le 15 juillet afin de préserver la nidification des oiseaux, et évité les périodes de reproduction des amphibiens pour les comblements de mares lors des terrassements.
Nous avons également pris des mesures complémentaires d'accompagnement de transferts d'espèces (flûteau nageant, amphibiens, tritons, grands capricornes).
Ces deux phases ont été saluées par la commission locale de l'eau du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) de la Vilaine, dans son avis du 3 juillet 2012, qui s'est dite « satisfaite des réponses apportées dans le dossier pour éviter et réduire les impacts ».
J'en viens au volet compensation des atteintes résiduelles. Cette phase s'appuie sur quatre piliers principaux : un état initial ou inventaire, une méthode, une évaluation du besoin compensatoire et la réponse à ce besoin, et une gouvernance associée.
Notre inventaire s'est appuyé sur une période d'observation et de recensement de l'ensemble des cycles biologiques de la faune et de la flore au cours de l'année 2011 et sur le recours à Biotope, bureau d'études reconnu et familier du milieu bocager de Notre-Dame-des-Landes. Nous avons ainsi recensé dans un premier temps 98 espèces, auxquelles s'est ajouté un peu plus tard le campagnol amphibie, répertorié en 2012 comme espèce protégée.
La commission « Faune » du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a salué notre état initial dans son compte rendu du 28 juin 2012 : « si tous les dossiers d'infrastructures étaient de ce niveau, nous aurions beaucoup moins de raisons de nous plaindre ».
Un compte rendu du 28 juin 2012 de la commission « Faune » du CNPN.
Vous palet de l'avis négatif donné, en 2015, à vos propositions sur le campagnol amphibie ?
Non, mais nous pourrons revenir sur cet avis qui est lié au manque de connaissances dont dispose aujourd'hui le monde scientifique sur le campagnol amphibie.
J'en viens à présent à la méthode de compensation fonctionnelle, qui apporte une plus-value écologique d'équivalence par l'analyse des fonctionnalités impactées et donc à restaurer. En outre, s'agissant de la loi sur l'eau, le SDAGE Loire-Bretagne et les SAGE Vilaine et Estuaire de la Loire, préconisent la recréation ou la restauration de zones humides équivalentes sur le plan fonctionnel. À défaut, la méthode surfacique pourrait être utilisée. Je note au passage que le tribunal administratif, le 17 juillet 2015, et la cour administrative d'appel, le 14 novembre 2016, ont confirmé que les arrêtés préfectoraux qui résultent de l'instruction de nos dossiers sont parfaitement compatibles avec le SDAGE.
Par cohérence, nous avons fait le choix d'utiliser une méthode fonctionnelle, à la fois pour la loi sur l'eau et pour les espèces protégées. De plus, la loi pour la reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 recommande également l'étude des fonctions écologiques.
La DREAL, maître d'ouvrage de la desserte, a fait le même choix de méthode que nous. Elle s'effectue de la façon suivante : identification des fonctions à restaurer ; détermination d'une matrice de coefficient, fonction du niveau d'intérêt de la fonction atteinte ; attribution de ce coefficient aux espaces atteints ; comptabilisation du nombre d'unités de compensation (UC) à restaurer.
J'en viens à l'évaluation du besoin compensatoire. Nous en sommes à 560 UC pour la loi sur l'eau et 829 pour les espèces protégées, campagnol amphibie inclus. Cette échelle va de 0,25 à 2 UC en fonction du niveau d'intérêt de la fonction atteinte.
Une fois l'évaluation du besoin établie, il faut lui apporter une réponse, qui se caractérise par une restauration et une réhabilitation majoritaire de prairie naturelle, de fonction de zone humide et de capacité d'accueil de biodiversité.
Lors de la compensation, les parcelles agricoles qui feront l'objet de restauration ont vocation à rester agricoles et à rester intégrées aux exploitations dans le cycle agricole.
Nous prévoyons quelques mesures complémentaires sur certains milieux spécifiques : les mares, pour lesquelles une règle de compensation de 2 pour 1 a été retenue dans les arrêtés préfectoraux. Cinquante-cinq mares étant impactées, 110 mares devront être recréées.
Je rappelle que dans un souci d'anticipation des transferts d'amphibiens nous avions réalisé neuf mares en 2012. Quatre ont été détruites. Et deux ne nous sont malheureusement plus accessibles.
Le critère de 1 pour 1 a été retenu pour les haies bocagères. Il y aura donc 62,2 km de haies bocagères à recréer dans le cadre des enveloppes de compensation.
Ces enveloppes de compensation ont été prédéterminées pour permettre la mise en oeuvre des mesures de compensation. Pour ce faire, nous avons tenu compte, avec notre bureau d'études Biotope, des similarités des parcelles réceptives avec les fonctionnalités des parcelles impactées. Elles représentent environ 16 000 hectares, sur lesquels se trouvent 210 exploitations agricoles. 463 hectares sont à l'intérieur de la concession, leur vocation est prévue dans le cahier des charges.
Les arrêtés préfectoraux évoqués par M. Le Parc contiennent un planning de réalisation des mesures compensatoires, un encadrement de la réalisation de ces mesures par des événements clefs - en particulier la réalisation de 20 % des UC avant le démarrage des terrassements généraux et la réalisation de l'intégralité des UC avant l'ouverture de l'aéroport -, une majoration de 10 % liée à un potentiel facteur d'échec dans la réalisation de ces mesures de compensation, et un encadrement des suivis sur la durée complète de la concession pour ce qui nous concerne, et au-delà, puisque les mesures de compensation devront avoir une durée de vie équivalente à la durée de vie de l'ouvrage. Ces contrôles seront assurés, d'une part, par les services de l'État et, d'autre part, par une gouvernance propre au projet, composée de l'Observatoire de l'environnement et du comité scientifique.
J'ajoute que la profession agricole jouera un rôle central dans la détermination des mesures de compensation agricole. Nous avons pris l'initiative, avec la chambre d'agriculture, de signer un protocole, le 23 décembre 2013, fixant les modalités de conventionnement avec les exploitants agricoles, les modalités d'animation du territoire, les relations entre les parties prenantes, l'établissement des diagnostics des parcelles réceptives, les partages des expériences et bonnes pratiques et le montant des indemnités annuelles par hectare et par type de cahier des charges (150 à 1 000 € par hectare et par an).
Un état initial robuste, une méthode à forte ambition environnementale, des arrêtés préfectoraux et une gouvernance associée sont les éléments qui nous permettront d'atteindre nos objectifs.
En conclusion, notre projet dispose de qualités environnementales qui lui permettent de s'intégrer au mieux dans le site. Nous inscrivons nos actions dans le respect du cahier des charges de l'État et de la réglementation en vigueur.
Nos engagements seront garantis à travers le suivi de l'effectivité et de l'efficacité des mesures de compensation et leur adaptation si nécessaire pendant toute la durée de la concession pour ce qui nous concerne. Ils le seront également grâce au protocole avec la profession agricole spécifique aux mesures compensatoires, et aux instances de gouvernance qui assureront le contrôle et le respect de nos engagements tout au long de la concession.
Je rappelle que depuis 2012 nos collaborateurs n'ont plus accès au site que de manière très restreinte. Malgré cela, nos équipes sont prêtes, dans l'attente du calendrier de l'État.
Le site est fléché par l'État depuis très longtemps. Pour autant, avez-vous étudié l'hypothèse, remise sur le devant de la scène par le rapport commandé par Ségolène Royal, d'un aéroport à une seule piste et de l'utilisation de parkings en silos ? Cette solution aurait évidemment très fortement réduit l'emprise nécessaire au projet, ce qui n'est pas négligeable.
S'agissant des pistes, c'est le cahier des charges de l'appel d'offres qui en a prévu deux. Nous n'avions pas à étudier d'autres hypothèses.
S'agissant des parkings, notre volonté - c'était également la manière dont l'appel d'offres était présenté - était d'intégrer de la manière la plus complète possible l'aéroport et tous ses services dans le paysage ambiant, le bocage. Nous avons pris le parti d'étaler les parkings, de laisser des parties enherbées, y compris pour le stationnement, et de reconstituer un bocage avec des haies bocagères. C'est un véritable parti pris de notre offre, cela fait partie de notre dossier et cela a été jugé par l'État.
Je n'ai pas la donnée ici, mais nous pourrons vous la communiquer.
Vous avez insisté sur le fait que votre méthode était scientifiquement solide. Je rappelle que l'enquête publique demande qu'un collège d'experts indépendants apporte une indispensable caution scientifique de la méthode de compensation retenue. Cela a donné lieu à la mise en place de cette fameuse commission scientifique qui, en avril 2013, a rendu l'avis suivant : « Le collège d'expert considère que cette méthode ne peut pas être validée en l'état et émet les réserves suivantes [...] ».
Il y a douze réserves au total, dont quatre portent sur la méthode de compensation. Sont notamment pointées la non-adéquation de la méthode de compensation avec la disposition 8B2 du SDAGE du bassin Loire-Bretagne, l'absence de pertinence de l'analyse de la qualité des eaux, et une caractérisation initiale insuffisante de la biodiversité - alors que vous parliez au départ d'une connaissance robuste du terrain. Cette dernière réserve a amené le CNPN à vous demander, en 2013, de réaliser une nouvelle étude sur deux ans qui soit une sorte de « point zéro » de la biodiversité.
Au final, les douze réserves sont assez sévères. Pouvez-vous nous indiquer précisément la manière dont vous avez fait évoluer le projet après l'avis du collège d'experts scientifiques d'avril 2013 ?
De mémoire, ces douze recommandations ont été formulées par le collège d'experts dans le cadre de l'instruction par la préfecture de nos dossiers relatifs à la loi sur l'eau. Les points soulignés ont été instruits par la préfecture et ont conduit à amender le projet. Le préfet a donc pris en compte ces recommandations dans les arrêtés de 2013.
En effet, suite à ces recommandations, le préfet nous a interrogés et nous avons pu lui apporter plusieurs éléments de réponse. Nous avons notamment réalisé des analyses d'eau, conformes à la directive-cadre sur l'eau pour trente-trois paramètres chimiques et biologiques. Nous avons aussi réalisé des inventaires sur les espèces invasives et les espèces déterminantes zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF).
Au regard des différentes recommandations, le préfet a souhaité apporter des prescriptions complémentaires aux arrêtés, notamment une majoration de 10 % des unités de compensation pour prendre en compte le facteur d'échec, tel qu'indiqué par le collège des experts scientifiques. Ces prescriptions ont également conduit à définir une traçabilité des unités de compensation, à la fois par bassin versant de masse d'eau et par fonction impactée, afin de répondre à l'incompatibilité avec le SDAGE relevée par les experts. Tout cela a été pris en compte dans les arrêtés préfectoraux.
Nous avons également ajouté, à la demande du préfet, un volet sur un site témoin permettant d'étudier les changements climatiques. L'une des réserves du collège d'experts portait en effet sur la façon dont ces mesures évolueraient pendant les 55 prochaines années compte tenu du changement climatique.
Je vous demanderai de nous fournir par écrit le détail sur l'ensemble des recommandations. Vos propositions complémentaires ont-elles été soumises à nouveau au collège d'experts ?
Le préfet n'a pas souhaité soumettre ces éléments au collège d'experts. C'était sa décision.
Nous lui poserons la question.
Sur l'arrêté de destruction du campagnol amphibie, le CNPN a émis un avis négatif. Même s'il n'est que consultatif, a-t-il entraîné certaines modifications stratégiques ?
Le CNPN parlait du manque de connaissances sur la biologie du campagnol amphibie, qui a suscité un doute quant à l'efficacité des mesures de compensation proposées.
Au regard de ces éléments, le préfet a souhaité intégrer des prescriptions complémentaires sur le suivi des mesures de compensation relatives au campagnol amphibie. Nous avons notamment l'obligation de réaliser une étude génétique des populations de campagnols amphibies et d'évaluer leur densité de population.
Concernant la mise en oeuvre, vous nous confirmez que vous restez bien en phase avec l'arrêté préfectoral, qui prévoit la mise en place de 20 % de mesures environnementales avant le début des terrassements ?
Pour vous, les modifications et retards intervenus ne changent en rien le calendrier ?
Dès que nous aurons le calendrier, nous saurons quand les travaux redémarreront. Nous respecterons alors pleinement les arrêtés préfectoraux.
Cela veut-il dire que vous aménagerez d'abord les 450 hectares destinés à recevoir l'essentiel des mesures compensatoires ?
Pas nécessairement. C'est une option. Aujourd'hui, le phasage du projet est prévu comme suit : sur la plateforme aéroportuaire, les premiers travaux concernent la destruction des bâtis encore présents et la réalisation des investigations complémentaires qui doivent être menées - des études environnementales notamment, mais également des études topographiques. Le temps imparti pour cette première phase est de 24 à 30 mois, car la saisonnalité de redémarrage est, comme nous l'avons évoqué, un point important : la coupe des arbres ne peut pas intervenir n'importe quand, le transfert des amphibiens ne peut avoir lieu qu'en dehors des périodes de reproduction. Nous avons environ 24 à 30 mois pour réaliser la demi-desserte routière qui doit nous servir d'accès chantier.
Quoi qu'il arrive, nous avons donc, au moment du redémarrage, au moins deux à deux ans et demi, pour réaliser les 20 % d'unités de compensation. On peut naturellement penser que les 463 hectares sont un point de démarrage intéressant, mais ce n'est pas le seul.
Nous avons interrogé le syndicat mixte sur la localisation des mesures compensatoires qui seront mises en oeuvre en dehors du périmètre. Les opposants que nous avons reçus nous disent en somme que, aujourd'hui, il n'y a pas de conventions signées, ni d'agriculteurs prêts à s'engager. Où en êtes-vous ? Savez-vous où seront localisées les mesures compensatoires en dehors du périmètre ? C'est pour l'instant un manque dans ce dossier.
Il y a plusieurs éléments de réponse à votre question.
Tout d'abord, nous avons évoqué les enveloppes de compensation : elles sont connues et n'ont pas été déterminées au hasard. Elles ont fait l'objet d'études de prédétermination par nos bureaux d'études prestataires, et sont fondées sur la similarité des milieux mais également sur le potentiel de restauration. En effet, notre méthode fonctionnelle est fondée sur l'apport d'une plus-value sur les parcelles réceptives.
Sur l'ensemble de ces 16 000 hectares, il y a environ 210 exploitations. Depuis le début de l'appel d'offres, une équipe dédiée mène les discussions avec l'ensemble de la profession agricole - la chambre d'agriculture bien sûr, mais également un certain nombre d'exploitants à titre individuel. Le processus initial, qui est le seul dont on puisse juger aujourd'hui, a permis de réaliser la cessation d'activités de 31 exploitations agricoles sur les 35 présentes dans le périmètre destiné à recevoir la majorité des mesures de compensation. Cela vous donne une idée de la coopération de la profession agricole. Des discussions ont lieu, même si elles sont forcément beaucoup plus éparses aujourd'hui qu'elles ont pu l'être il y a quelques années : il n'y a plus de calendrier, les exploitants comme le concessionnaire ne savent donc pas s'ils auront à entrer dans ce processus et si l'aéroport verra finalement le jour. Cela ne nous permet pas aujourd'hui de conclure des conventions. Pour autant, je dirais que c'est une volonté partagée entre la profession agricole et nous. Il y a des discussions, et les 90 % de dossiers traités à l'amiable sont la preuve de la coopération que nous avons pu constater dans la mise en oeuvre des évictions des exploitations sur l'emprise. Des moyens sont mis en oeuvre pour que les parcelles ne perdent pas leur vocation agricole ; elles resteront intégrées à l'exploitation et feront l'objet d'une conversion vers une prairie ou un pâturage. La conversion maintiendra bien entendu l'activité et l'intégrité de l'exploitation.
Peut-on avoir au moins une idée de la surface que vous recherchez ? On a bien compris que, pour l'instant, vous n'avez pas contractualisé avec des agriculteurs en particulier, mais quelle surface cherchez-vous ? Est-ce de l'ordre de cinq cents hectares ? mille hectares ? deux mille hectares ?
Aujourd'hui, notre évaluation oscille entre 1 000 et 1 500 hectares nécessaires pour réaliser ces mesures de compensation. C'est un calcul assez complexe, puisque cela va dépendre de l'état de référence de la parcelle réceptive : plus elle présente une valeur modérée, plus son potentiel d'amélioration et de restauration est important. Nous avons également la possibilité de mutualiser les unités de compensation, c'est-à-dire que, sur une même parcelle, nous pouvons apporter à la fois la restauration d'une fonctionnalité type « loi sur l'eau » et d'une fonctionnalité type « espèces protégées ». Tout cela nous donne un coefficient de foisonnement qui nous permet difficilement d'évaluer aujourd'hui la surface exacte. Mais la fourchette est probablement entre 1 000 et 1 500 hectares.
En termes de coûts de fonctionnement, c'est donc un montant de l'ordre de un million d'euros par an pour l'accompagnement du monde agricole en Loire-Atlantique ?
Nicolas Brousse vient de décrire la méthode complexe qui nous a permis d'évaluer une première fourchette de besoins. Les conventions avec le monde agricole prévoient des compensations financières allant de 150 à 1 000 euros par hectare. Nous estimons la surface nécessaire entre 1 000 et 1 500 hectares. Je vous laisse faire le calcul.
Le calcul est complexe. La règle de trois est un moyen comme un autre, mais plus la compensation financière sera importante pour le monde agricole, plus il y aura de plus-value écologique, et plus il y aura d'unités de compensation associées. En effet, plus l'hectare sera cher en termes de maintien de la mesure compensatoire, plus les unités de compensation y seront denses. À notre sens, l'évaluation est impossible aujourd'hui ; seules des fourchettes peuvent être évoquées.
Nous avons besoin, sur l'ensemble des dossiers, d'avoir une idée du coût de la compensation. LISEA nous a dit que la gestion des mesures compensatoires allait coûter entre 100 et 200 millions d'euros sur la durée de la concession. C'est aussi une fourchette. Quelle est votre estimation du coût de fonctionnement des mesures compensatoires sur la durée de la concession ?
Vous évoquez LISEA : il faut savoir que l'état d'avancement et des connaissances sur la ligne SEA est bien supérieur au nôtre, puisqu'un certain nombre de mesures sont déjà en place. Ils ont des éléments factuels.
Notre offre prévoit un plan de gestion agri-environnemental. Il figure dans la DUP et tout le monde peut le consulter : une enveloppe d'environ 40 millions d'euros d'investissement et 300 000 euros par an de frais de fonctionnement. Notre métier est de réaliser et de gérer des projets au sens global du terme. Sans rentrer dans les détails, rien ne correspond à ce que l'on avait envisagé ; et en même temps, globalement, tout correspond à ce que l'on avait envisagé. Il est difficile d'isoler des postes précis dans un projet en garantissant que celui-ci sera strictement conforme à l'offre.
Aujourd'hui, la base est fixée, il s'agit du plan de gestion agri-environnemental. En raison de la phase dans laquelle se trouve le projet, nous n'avons pas encore conclu la première convention. Il est donc difficile de projeter un chiffre final.
J'entends bien cette incertitude. Votre modèle de concession prévoit tout de même 300 000 euros par an pour les frais de fonctionnement. La tension environnementale sur ce projet est aujourd'hui extrêmement forte. Imaginons qu'il faille augmenter les montants du plan agri-environnemental : quel serait l'impact sur l'équilibre ? Admettons que les compensations financières montent à un million d'euros. Cela change-t-il quelque chose, pour vous comme pour les collectivités territoriales, sur le retour à meilleure fortune ? Si le trafic sur la plateforme explose, peuvent-elles retrouver de l'argent ? Si les coûts de fonctionnement augmentent, cela réduit-il leur retour sur investissement ?
Nicolas Brousse l'a dit, le modèle économique de la concession est complexe. Il y a beaucoup de paramètres : les coûts d'investissement et de fonctionnement en sont une partie ; le retour à meilleure fortune en est une autre. Aujourd'hui, il faut vraiment appréhender la concession comme un tout. On verra au fur et à mesure comment les choses se dérouleront. Vous dites que la pression sur les mesures environnementales est forte ; elle l'était déjà au moment de l'appel d'offres. Lors des discussions avec la chambre d'agriculture, nous avons adapté un certain nombre de montants de la convention. Dans le contrat initial, on parlait de 150 à 1 000 euros à l'hectare ; lors de nos discussions avec la chambre d'agriculture, les sachants du monde agricole nous ont indiqué que ce prix était parfois trop cher, parfois pas assez. Nous avons décidé d'adapter la convention, et il n'est pas question de se retourner vers l'État ou vers les collectivités territoriales pour réclamer quoi que ce soit sur ces sujets-là.
On est bien d'accord que vous ne réclamez pas plus d'argent. Mais est-ce que cela change le taux de rentabilité interne (TRI) du projet, et donc le retour à meilleure fortune des collectivités territoriales ? La question est extrêmement précise.
Cela dépendra effectivement de l'équilibre global de la concession...
Non, cela ne dépend pas ! La question est simple : le retour à meilleure fortune pour les collectivités territoriales est-il lié, ou non, à l'équilibre global ? S'il faut mettre plus d'argent sur l'environnement, le retour à meilleure fortune pour les collectivités sera moindre.
Il est lié à l'équilibre global de la concession, oui.
D'accord. Donc, dans l'hypothèse où il faudrait mettre plus d'argent dans les mesures environnementales, le retour sur investissement des collectivités locales s'éloigne.
Beaucoup d'autres conditions joueront sur l'évolution, notamment le trafic.
On est bien d'accord. Mais le coût de fonctionnement des mesures compensatoires en fait partie. Votre réponse est très claire, je vous en remercie.
Pouvez-vous nous donner la répartition de l'enveloppe de 40 millions d'euros, dont le syndicat mixte nous a aussi parlé ?
C'est un plan relativement vaste, il est difficile de vous en détailler l'intégralité. Mais, je le répète, c'est avant tout une enveloppe, déterminée en fonction de l'avant-projet réalisé par les services de l'État en 2006. Cet avant-projet prévoyait plus de sept cents hectares aménagés ; nous ne serons finalement qu'à cinq cents hectares. Il prévoyait une route d'accès pour le bloc est ; cette route n'existera pas.
Soyons simples : cette enveloppe figurait dans la DUP. Elle avait été estimée par les services de l'État, nous avons repris cette donnée dans notre offre. Nous travaillerons bien dans les limites de cette enveloppe, mais avec des choses probablement bien différentes de celles initialement prévues, et qui vont être liées aux arrêtés.
Le syndicat mixte a insisté sur ce montant de 40 millions d'euros dédié aux mesures environnementales. Si personne n'est capable d'en donner le chiffrage, c'est troublant...
Ma réponse est relativement similaire à celle du syndicat mixte.
Il y a bien une enveloppe de 40 millions d'euros pour les mesures environnementales.
Très bien. Êtes-vous en mesure aujourd'hui de nous en donner la ventilation ?
Nous serons en capacité de le faire lorsque les mesures seront totalement définies.
Mais vous devez bien avoir une certaine visibilité de la ventilation de ces 40 millions d'euros, quitte à émettre des réserves sur une ou deux lignes...
Non. Aujourd'hui, nous avons des enveloppes par thèmes sur le projet. C'est ce qui nous a permis de chiffrer l'équilibre global de la concession.
Je n'ai pas le détail que vous me demandez, et, effectivement, ce n'est pas du tout comme cela que les choses marchent...
Dans ce cas, qu'est-ce qui vous permet de dire qu'il y aura 40 millions d'euros ?
Ce montant de 40 millions d'euros figurait dans l'enquête publique et a été repris dans le dossier d'appel d'offres. C'est le montant du plan agri-environnemental.
Toute la question est de savoir ce qu'est une concession. C'est un modèle économique très particulier. On dit que la concession est un tout. Finalement, pour vous, l'objectif essentiel est le maintien d'un TRI global sur l'ensemble de la concession, TRI qui a été défini lors du contrat avec l'État.
Le maintien de cet équilibre dépend des évolutions au fil du temps. Or, on voit bien que le projet actuel n'est pas encore définitif et que le retour à meilleure fortune, comme les compensations, sont des variables. Des enveloppes thématiques ont été décidées, mais le montant de chaque enveloppe et sa répartition seront définis en fonction de l'équilibre à un moment donné. On ne peut pas les définir définitivement dès le départ. Les enveloppes seront donc définies précisément de telle manière que l'équilibre initial, ce TRI global moyen sur l'ensemble de la concession, soit toujours respecté. C'est l'objectif. Après, les lignes dans lesquelles les budgets sont inscrits peuvent varier en fonction de cet équilibre.
Il se trouve que j'ai des chiffres plus précis. La DUP prévoyait environ 9 millions d'euros pour les zones humides, la faune et la flore. Est-on toujours sur ce montant ?
Ce chiffre de 9 millions a été évalué par les services de l'État au moment de la DUP ; pour nous, cette ligne n'existe pas plus que les autres lignes. À ce stade, cela reste une enveloppe dépourvue de lignes.
On connaît la nature des choses.
C'est un dossier sur lequel vous travaillez depuis longtemps. Aujourd'hui, vous n'avez toujours pas de vision financière plus précise ?
Vous avez raison de le souligner, nous travaillons sur ce dossier depuis un certain temps. Mais la vitesse de progression a fortement ralenti depuis quelques années. En 2012, nous avons créé les neuf premières mares destinées au transfert des amphibiens. Nous sommes aujourd'hui en 2017.
Les agriculteurs que nous avons entendus s'accordent pour dire qu'ils ne sont pas compensés pour les pertes indirectes. Ils estiment qu'outre la compensation financière de l'hectare de terre, que vous avez établie avec la chambre d'agriculture, il devrait y avoir une deuxième compensation. Je voudrais que vous nous donniez votre sentiment.
Ma deuxième question porte sur les campagnols amphibies. Ces animaux sont présents dans cinq ou six régions de France, notamment en Bretagne. Alors je veux bien que l'on se batte pour sauver des espèces en voie de disparition, et de surcroît très localisées, mais est-ce nécessaire quand elles sont présentes sur de nombreux autres territoires ?
J'oserai une dernière question, mais sans doute pourrez-vous difficilement répondre : sur Notre-Dame-des-Landes, peut-on estimer l'ensemble des dépenses réalisées jusqu'à ce jour ? Avez-vous déjà fait cette estimation ?
Je crois qu'il ne nous revient pas d'entrer dans le débat de savoir si le campagnol amphibie est une espèce nombreuse ou non : le campagnol amphibie est devenu une espèce protégée, il nous incombait d'obtenir une dérogation pour sa destruction et nous l'avons fait.
Donc, vous n'êtes pas obligés de faire de la compensation sur cette espèce ?
Si, bien sûr ! Des mesures figurent dans l'arrêté. Nous avons obtenu la dérogation avec la totalité des prescriptions à respecter, comme pour les 98 autres espèces.
Concernant les compensations financières aux agriculteurs, il y a effectivement deux volets. Le premier, purement foncier, est régi par un processus d'expropriation, dont la société concessionnaire ne fixe pas seule les indemnisations. Un protocole régional d'éviction, que j'ai déjà évoqué, prévoit des mesures de compensation pour la cessation d'activité en cas d'éviction totale. Un protocole spécifique au projet de Notre-Dame-des-Landes comporte des mesures supplémentaires, en particulier la possibilité pour un exploitant agricole dont plus de 35 % de l'exploitation se trouvait sur le site de Notre-Dame-des-Landes de demander l'éviction totale, quand bien même les deux tiers de son exploitation se trouvaient à l'extérieur du périmètre.
Le deuxième volet concerne la compensation des pertes indirectes. Le protocole régional prévoit une compensation financière équivalente à trois fois la marge brute à l'hectare ; le protocole « Notre-Dame-des-Landes », qui, je le rappelle, a été établi en concertation avec l'État et la chambre d'agriculture, monte jusqu'à six fois. Trente et une des trente-cinq exploitations ont souhaité traiter à l'amiable, cela nous semble bien démontrer que, manifestement, les conditions financières proposées étaient non pas favorables, mais raisonnables, et acceptables.
Je conclurai en précisant que c'est bien sous l'égide de la chambre d'agriculture, qui est notre interlocuteur, que s'est noué le dialogue avec l'ensemble de la profession agricole. La libération des emprises s'est, dans l'ensemble, très bien passée. Nous ne doutons pas que les choses se passeront de la même manière avec le protocole sur les mesures de compensation quand le moment sera venu.
Je n'ai pas ces éléments avec moi.
Pour les dépenses totales du projet, c'est compliqué.
Je souhaite revenir sur l'étude d'impact. Le campagnol n'est pas le meilleur exemple, d'autres plantes ont été retrouvées par des naturalistes. Le CNPN s'étonne de ne pas avoir encore été saisi, même si son avis n'est que consultatif. L'État est en charge de la préparation des demandes dérogatoires, mais vous êtes certainement associés à cette phase préparatoire : où en est-on sur les plantes retrouvées depuis l'étude d'impact ?
Je suppose que vous faites allusion aux courriers informatifs qui ont été adressés à différentes instances par des associations ou des particuliers, qui décrivent la présence de certaines espèces non répertoriées lors de l'état initial.
À titre liminaire, je précise que les courriers reçus sont purement déclaratifs. Je ne reviendrai pas sur les difficultés d'accès au site auxquelles nous faisons face, mais, sans entrer dans les détails, les zones qui nous sont désignées sont particulièrement compliquées d'accès.
Je reprends le cas du campagnol, qui me semble au contraire être un bon exemple. Les arrêtés préfectoraux prévoient l'hypothèse de la découverte, à l'avancement des travaux, d'espèces qui n'auraient pas pu être identifiées au moment de l'état initial. Un état initial n'est jamais exhaustif, ne serait-ce, par exemple, que parce que les plantes sont parfois observables certaines années, pas d'autres.
Nous avons démontré avec le campagnol que nous savions traiter le cas de l'arrivée d'une nouvelle espèce protégée - qu'elle soit découverte ou nouvellement protégée si elle figurait déjà à notre inventaire -, en prenant une instruction complémentaire et un arrêté modificatif.
Bien évidemment, lorsque nous aurons un accès et un nouveau calendrier, nous vérifierons et procéderons aux investigations ad hoc concernant la ou les espèces potentiellement présentes et elles feront l'objet d'instructions de la même façon que le campagnol amphibie.
Le collectif « Naturalistes en lutte » nous a indiqué la présence de cinq espèces de flore, dont deux ne sont pas protégées - le muguet de mai et la jonquille. Sur les trois autres, la cicendie naine est hors de nos emprises. Il reste donc deux espèces protégées.
Cependant, l'obtention et la rédaction d'un dossier relatif aux espèces protégées nécessitent la réalisation d'études de l'état initial, des inventaires. Pour cela, il faut pouvoir aller sur le terrain dans des conditions acceptables de sécurité. Ces études seront réalisées dès que cela sera possible.
Sur les autres dossiers, il y a un certain nombre d'actionnaires financiers ou de fonds de gestion. Je ne connais pas votre montage financier : empruntez-vous beaucoup sur ce dossier ?
Les trois actionnaires d'Aéroports du Grand Ouest sont Vinci Airports, la chambre de commerce et d'industrie de Loire-Atlantique et ETPO, qui est une entreprise de BTP régionale. Il n'y a pas de financiers.
Donc, vous n'avez pas la pression des « vérificateurs » des banques, comme cela peut être le cas sur d'autres dossiers ?
Pas par l'actionnariat. Du moins, pas plus que par l'actionnariat, même si, évidemment, nos actionnaires sont attentifs.
Notre commission d'enquête s'intéresse à plusieurs dossiers, pas seulement à Notre-Dame-des-Landes. Nous avons aujourd'hui le sentiment que l'un des risques pour les grands constructeurs et investisseurs financiers - car Vinci est aussi un investisseur financier ! -, ce sont les retards. Or, par exemple, la découverte de ces deux plantes pourrait entraîner un nouveau blocage du dossier, puisque le CNPN, même si son avis n'est que consultatif, doit être saisi à peine de vice de forme. Pour vous, aujourd'hui, ce type de risque fait-il partie intégrante de la gestion des dossiers ?
C'est notre métier de réalisateur de grands projets comme celui-ci d'appréhender et gérer globalement ces risques ! Il y a beaucoup de risques, et pas seulement sur l'environnement. La découverte d'espèces supplémentaires en cours de chantier en fait partie, évidemment.
Quel est l'impact pour vous de la nouvelle loi sur la biodiversité, qui pose comme une obligation de résultat l'absence de perte nette en matière de biodiversité ? Vous avez deux têtes de bassin versant à reconstituer, ce n'est pas rien : est-ce un risque financier nouveau pour vous ?
Nous avions intégré l'obligation de résultat dès la rédaction de notre dossier, avec la mise en place d'une gouvernance spécifique. Des suivis techniques et scientifiques de nos mesures de compensation vont être réalisés tout au long de la concession. Ces suivis porteront notamment sur les oiseaux, les chauves-souris, les soutiens d'étiage, la biogéochimie... Tout cela est déjà intégré dans les arrêtés. Nous répondons à la loi biodiversité.
Vous n'avez donc pas constitué de provision pour risques sur les questions de biodiversité, comme un matelas que vous auriez gardé sous le coude au cas où les mesures ne fonctionnent pas totalement ?
Nous gérons notre concession avec tous les risques, celui-là comme les autres. La loi biodiversité ne s'applique pas directement à notre projet, mais, en matière d'obligation de résultat, les arrêtés pris y répondent pleinement.
Revenons un instant sur la localisation des mesures compensatoires. Un jour, une ligne TGV est censée passer sur le site. Des questions de fuseau se posent, mais vous devez d'ores et déjà connaître la localisation de la gare. Avez-vous intégré cet élément dans la localisation de vos mesures compensatoires, pour éviter de mettre en oeuvre les mesures de compensation à des endroits qui risqueraient d'être redémolis demain ?
La réservation du tracé sur l'emprise de la concession est identifiée, bien plus précisément qu'un fuseau d'ailleurs. Elle est souterraine, mais présente une importance pour la mise en oeuvre des travaux de superstructure.
Le périmètre de compensation est plus haut que large : pour la LGV, qui arrivera du nord, nous n'avons aujourd'hui qu'un fuseau, et non pas un tracé. Comme vous l'ont indiqué les représentants de LISEA, ce fuseau est une bande d'environ 300 mètres : à l'échelle des 16 000 hectares du site de Notre-Dame-des-Landes, ce n'est pas un paramètre majeur et dimensionnant pour le moment. Il en sera bien sûr tenu compte au moment de la mise en oeuvre des mesures compensatoires.
Quel a été le budget - celui-là, vous le connaissez, il est derrière nous ! - pour l'ensemble des études de recensement ?
Nous avons effectivement une idée du coût de l'ensemble des prestations réalisées par les bureaux d'études que nous avons missionnés pour les inventaires et les états initiaux.
Pour l'ensemble des prestataires, le coût est de l'ordre de un million d'euros. Mais les missions n'étaient pas spécifiquement ciblées sur les inventaires : ce coût comprend l'ensemble des dossiers et des études.
L'ensemble des dossiers liés à la loi sur l'eau et aux espèces protégées ?
Il s'agit du budget qui vous amène à la prise d'arrêtés.
Les inventaires, les études de bureau pour construire la méthode de compensation, tout ce qui nous a permis d'avoir l'ensemble des documents.
Quelle est la part spécifiquement dédiée aux inventaires dans ce montant ?
Je n'ai pas le montant ici.
Biotope, le principal cabinet qui nous a aidés sur ce dossier, a réalisé à la fois des missions d'inventaire et des missions d'ingénierie. Je ne suis pas sûr que nous disposions d'une ventilation très précise des postes ; ce qui nous intéresse, c'est l'enveloppe globale dédiée à chaque bureau d'études.
Comme j'ai tenté de le décrire tout à l'heure, le modèle économique de la concession est très particulier, et qui surprend les élus, habitués à travailler sur des chantiers bien définis, avec, éventuellement, des avenants en cas de besoin. Là, l'équilibre se construit au fur et à mesure. Actuellement, la réalisation du contrat est, d'une certaine façon, suspendue. Pensez-vous qu'il aura des avenants ? Le retard induit des frais supplémentaires, qu'il faudra bien compenser ; des avenants permettraient d'augmenter la durée de la concession. Ces réajustements peuvent avoir des incidences, y compris sur la compensation.
Vous parlez de « contrat suspendu » : pour nous, le contrat n'est clairement pas suspendu, et nous en déroulons aujourd'hui l'exécution. Les travaux sur site sont effectivement suspendus, car nous sommes aujourd'hui empêchés.
Sur les questions d'avenant, seul l'État est en mesure de décider comment il veut reprendre le chantier, et dans quelle mesure le projet devra être adapté.
Bien sûr ! Mais, dans l'économie globale de la concession, des durées sont fixées. Plus il y a d'incertitudes et de reports, plus les coûts initialement évalués risquent d'évoluer. Comment allez-vous maintenir l'équilibre de la concession ?
Il y aura forcément des réajustements...
notamment parce que le planning évoluera en fonction de la nouvelle date d'aménagement, qui ne sera pas celle prévue dans le contrat initial. Donc, il y aura forcément réajustement.
Ces réajustements induiront-ils des frais supplémentaires pour l'État ou les collectivités ?
Ce sera à l'État de voir comment il veut faire évoluer le contrat.
Il y a plusieurs solutions, ce sera à l'État d'indiquer comment il veut faire évoluer les choses.
Mais il y aura forcément des « plus ». C'est ce que je voulais mettre en avant.
Où en êtes-vous de la mise en place de l'observatoire de l'environnement et des commissions de suivi ?
L'observatoire de l'environnement a remis son deuxième rapport annuel. Cette gouvernance est donc déjà en place, même si elle est bien entendu relativement légère compte tenu de l'état du projet - je rappelle que l'aéroport devait ouvrir dans quelques mois... Cela va être un peu compliqué, malgré la mobilisation de nos équipes, mais la gouvernance fonctionne.
Une réunion est prévue au mois de mars avec le comité scientifique, en place depuis 2013. Les résultats des suivis scientifiques réalisés sur le terrain sont transmis à l'observatoire, qui les analyse pour établir des indicateurs. Tout cela est soumis au comité scientifique.
Qui siège au sein du comité scientifique ? des scientifiques ? des associations ?
Il y a des scientifiques, des universitaires, des représentants des services techniques de l'État. Nous vous transmettrons la liste.
Dans le cadre de la gouvernance, aux côtés du comité de suivi des engagements de l'Etat siégera une commission spécifiquement chargée d'étudier les mesures de compensation. Les associations de protection de l'environnement seront invitées à participer à cette commission, afin qu'elles apportent leur regard particulier sur nos propositions.
Comme je l'ai déjà évoqué, il y a une bipolarité : concessionnaire/observatoire de l'environnement d'une part ; comité scientifique/services de l'État de l'autre. L'équilibre est créé de cette manière.
Très bien. Nous attendons le détail de vos réponses aux douze réserves de la commission scientifique, et nous réinterrogerons bien entendu l'État pour savoir pourquoi il n'a pas resoumis les nouvelles propositions au collège d'experts.
Je conclurai avec une question ouverte, et ce n'est pas une question piège : vous êtes face à une contestation environnementale extrêmement forte, cela n'a échappé à personne, en tout cas plus que sur les autres dossiers de ce type. Avez-vous le sentiment que le volet environnemental de votre dossier était suffisamment « robuste » ? Vous défendez bec et ongles vos choix environnementaux, c'était l'exercice. Mais n'estimez-vous pas, dans une logique un peu politique, que vous devriez avoir une réponse proactive en retournant voir les contestataires pour leur dire : « On va en faire encore plus » ? J'ai l'impression que vous avez choisi la première solution. Dans le cadre de notre analyse, l'existence ou l'absence de lien et de dialogue avec l'ensemble des acteurs du territoire nous intéresse particulièrement.
Aurélie Rifflart l'a mentionné, un certain nombre de dispositions, qui sont autant des majorations d'objectifs pour nous, ont été parfaitement intégrées dans le cadre de la prise d'arrêtés. Je rappelle que ces arrêtés sont pris sur la base de l'instruction de nos dossiers, qui ont été validés à maintes reprises à la fois par les services de l'État et par la justice. Je pense que si, aujourd'hui, aucun des recours effectués n'a été jugé recevable par les différentes juridictions, c'est bien que nous avons pris des marges suffisantes sur l'ensemble des domaines. Ces marges nous permettent d'être dans ce que nous appelons le « zéro plus », c'est-à-dire de ménager une marge de confort. La méthode fonctionnelle a été établie, définie, les coefficients d'attribution ont été justifiés, bâtis avec des cabinets environnementaux reconnus - Biotope est une référence, tant en France que sur la scène internationale. Il ne semble pas légitime d'envisager en faire plus.
Pour conclure, je dirais que, pour moi, la gouvernance mise en place par l'intermédiaire des arrêtés est la meilleure garantie de l'évolution des mesures. Sur la durée de la concession, cette évolution sera inévitable, et la gouvernance mise en place permettra de s'assurer qu'elle se fasse dans le cadre de la loi.
Considérez-vous, comme d'autres concessionnaires que nous avons interrogés, qu'il serait plus logique que la totalité des questions environnementales soit traitée plus en amont ?
On voit bien qu'actuellement l'ensemble des questions relatives au respect des différentes lois sur l'eau, sur les espèces protégées, et à la compensation, se posent après la DUP. Pour un concessionnaire qui a besoin de sécuriser ses opérations, ne serait-il pas plus logique que la totalité du dossier environnemental soit traitée beaucoup plus en amont ?
C'est un choix global du législateur.
Il est clair, dans ce projet particulier, que beaucoup d'éléments de concertation repris dans l'appel d'offres découlaient de l'enquête publique. Nous avons enrichi nos dossiers par notre expertise et nos inventaires, mais tous sont fondés sur les éléments fournis par l'État à la suite de la DUP.