Le sujet est difficile car il est, la plupart du temps, presqu'impossible d'établir que des cabinets de conseils ont facilité une fraude. Conscients que leur responsabilité peut être mise en jeu, ils sont extrêmement prudents. Je pense notamment aux cabinets qui ont une certaine notoriété et par exemple aux cabinets anglo-saxons. S'il est très rare qu'ils mettent en place un schéma de fraude, en revanche, ils mettent très souvent sur pied des schémas d'optimisation maximale, toujours légale - en tout cas, à leurs yeux.
Ces grands cabinets n'ont nullement l'intention de mettre leurs clients en difficulté en cas de contrôle. Ils savent que cela leur retomberait dessus ! Et ils le savent d'autant mieux qu'il leur arrive d'être mis en cause lorsque les schémas d'optimisation fiscale qu'ils ont conseillés sont contestés par l'administration fiscale, qui les combat en mettant en évidence qu'ils se sont trompés. Leur responsabilité est alors engagée par leurs clients et les tribunaux les condamnent à rembourser les honoraires. Ils sont, au demeurant, assurés contre ce risque.
De plus, même si c'est assez rare, le conseil peut être inquiété, notamment au cours de l'instruction en tant que complice d'un schéma de fraude : tel est le cas lorsque l'administration porte plainte au pénal puisqu'elle le fait toujours contre auteur, coauteurs et complices. Le juge peut alors mener des investigations et faire procéder à des perquisitions pour chercher des traces d'implication du conseil susceptibles d'aboutir à sa mise en examen.
Il est difficile de quantifier le phénomène. L'administration s'est livrée à un exercice de dénombrement en prenant comme base l'Impôt sur la Fortune (ISF) : on tourne autour de 800 départs - disons quelques centaines par an. L'année dernière, M. Jean-Marc Fenet, au nom de la Direction générale des finances publiques, vous a donné pour l'ISF un chiffre légèrement supérieur à 800.
C'est le chiffre global pour la France tandis que je vous ai apporté les données concernant l'activité de ma direction : le nombre de tentatives, en moyenne, avoisine 45 et le nombre de « réussites », autour de 20. Je précise que, parmi les échecs, il peut s'agir de personnes qui n'étaient pas réellement résidentes sur notre territoire.
Les faux expatriés sont surtout nombreux dans nos départements limitrophes de pays étrangers et dans certaines régions de France. Le fraudeur, ce n'est pas tellement le ressortissant étranger qui ne perçoit pas nécessairement de revenus de source française : dans certains cas, l'objectif de ce dernier est de faire profiter sa famille de la scolarisation en France ou d'une certaine douceur de vivre et non de dissimuler une assiette fiscale française. Le fraudeur, c'est plutôt le national qui s'expatrie faussement : pour celui-là, on peut réellement parler de fraude fiscale.
D'abord, par les traces de ce qu'il a fait avant de partir. Ensuite, la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (DNEF) nous amène des affaires à traiter. Elle obtient des renseignements soit par ses investigations de terrain, soit par le canal de dénonciations non anonymes, soit par la lecture de la presse quotidienne, qui fait apparaître que la personne réside très souvent en France.
On se doute bien que celui qui est parti quelques mois avant de devoir déclarer une plus-value pourrait préférer rester vivre à Paris. S'expatrier, c'est prendre le risque de couper tout lien social et de vivre dans des pays pas toujours très agréables, notamment sur le plan culturel. Il faut être motivé ! Ces personnes peuvent laisser des traces et être tentées de revenir. Donc, nous exerçons une surveillance.
En ce qui concerne l'affaire dont vous parlez, l'expérience montre que les sommes d'argent en cause étaient le plus souvent détenues depuis très longtemps. Elles provenaient en grande partie d'activités exercées hors de France et n'avaient jamais transité sur le territoire français. J'ajouterai même qu'il y avait, dans un certain nombre de cas, une dimension historique remontant très loin, parfois jusqu'à la Révolution française.
Les fraudeurs actifs ont été les plus difficiles à faire « rentrer dans le rang ». En toute honnêteté, ils étaient loin de représenter la majorité. Il y avait des Français qui avaient travaillé à l'étranger à une certaine époque et qui n'avaient jamais rapatrié l'argent, pas forcément pour des raisons fiscales. Beaucoup de personnes avaient hérité de leurs grands-parents, voire arrière-grands-parents. Nombreux étaient ceux qui avaient touché des subsides au titre de marchés, de commissions sur le commerce international et qui n'avaient pas rapatrié les sommes en France. Là, cela pouvait être de la fraude.
Pour ce qui concerne les oeuvres d'art, l'exercice est peut-être plus facile parce que le marché est international. Il n'est pas compliqué de se faire payer un tableau à l'étranger et, là aussi, c'est de l'argent qui ne rentre pas.
Quoi qu'il en soit, nous n'avons guère trouvé de personnes parties avec « de l'argent bien gagné en France ». Cela n'existe pratiquement pas et il faut se sortir cette idée de la tête ! La réalité est plus compliquée. La fraude est plutôt le fait de résidents français qui empruntent des circuits localisés hors de notre pays.
La DNVSF effectue à peu près 600 contrôles par an sur ces personnes mais il ne s'agit pas nécessairement de contribuables à revenus très élevés. J'ai cité tout à l'heure les critères - de notoriété et d'instance judiciaire en cours - que nous utilisons.
S'agissant des très hauts revenus, sans doute savez-vous que l'administration s'est lancée, voilà maintenant une petite dizaine d'années, dans une politique de contrôle triennal systématique des dossiers des personnes à très hauts revenus. Ces contribuables faisaient l'objet tous les trois ans d'un contrôle sur pièces, lequel se distingue de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, l'ESFP, que nous lançons le plus souvent et qui est plus intrusive. Le contrôle sur pièce du dossier vise à examiner la cohérence entre ce qui est déclaré et ce que nous savons des revenus et du patrimoine du contribuable.
En matière d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, il n'y a pas de critère relatif au niveau de revenu. Il faut savoir que quand l'administration fiscale utilise cette procédure très intrusive, par laquelle elle entre dans le quotidien des personnes, notamment en leur demandant leurs comptes bancaires, elle essaie autant que faire se peut de protéger la vie privée en n'agissant qu'à bon escient, quand le besoin s'en fait sentir. Cette procédure a en effet souvent été critiquée et attaquée, notamment dans vos murs, au niveau législatif. Certains l'ont qualifiée de liberticide.
Les choses évoluent, et cette procédure est maintenant un peu mieux acceptée, mais nous sommes restés pour la DNVSF sur une moyenne de 600 contrôles annuels de ce type. Dans un souci de meilleure efficacité, elle pourrait notamment être employée dans les dossiers dits « à très fort enjeu » sur lesquels nous avons maintenant une compétence exclusive. Nous chercherons toujours des motifs sérieux pour enclencher cette procédure, mais peut-être en nous autorisant à être un peu plus offensifs que par le passé.
En termes de contrôle, l'exploitation de cette liste a été confiée à la DNVSF. Pour être très précis, elle comportait, en effet, environ 3 000 noms, mais elle correspondait, en réalité, plutôt à 2 200 foyers fiscaux. En effet, cette liste comportait, par exemple, un père et ses enfants, un contribuable et son épouse sous son nom de jeune fille, des personnes décédées, des résidents étrangers qui avaient seulement une adresse en France. Une fois expurgée, la liste comprend donc plutôt 2 200 noms.
Nous avons engagé 811 vérifications avec succès. Je le souligne parce que, faute de preuve, ce n'était pas gagné. La liste en question, un simple listing à vrai dire, n'avait pas de valeur probante, car elle n'avait ni l'imprimatur des autorités helvétiques ni l'en-tête de la banque concernée. Par ailleurs, les données qui y figuraient étaient antérieures à la période vérifiable. Certes, nous avions les données exactes en valeur moyenne, mais cette liste ne disait pas que M. X ou M. Y avait 5 millions d'euros en 2008, 5 200 000 d'euros en 2009 et 5 800 000 euros en 2010. Or l'impôt est annuel.
Oui, mais même sans parler des prescriptions, quand on nous dit qu'en 2005 M. X avait 5 800 000 euros sur son compte, c'est comme si nous n'avions rien. Tout ce que l'on sait, c'est que la personne a un compte. Mais, après, il faut asseoir l'impôt, lequel, encore une fois, est annuel. Quels sont les revenus produits par cette somme ? Pour l'ISF, c'est un peu plus facile parce qu'il s'agit d'un patrimoine. Si nous avons le montant, on peut le taxer.
Nous avons engagé les vérifications et lancé tout un travail de contact avec les contribuables pour les amener à nous fournir eux-mêmes les documents. Nous avons agi avec nos moyens, qui sont des moyens de contrôle. Si je parle de succès, c'est parce que, sur 800 dossiers - environ 500 sont maintenant clos -, nous avons d'ores et déjà récupéré 133 millions d'euros au titre des droits et pénalités. Ce n'est pas fini, puisque 300 dossiers environ sont encore en cours.
Nous avons commencé par les plus gros comptes de la liste. Actuellement, nous nous intéressons au bas de la liste, aux personnes qui ont moins de 500 000 dollars. Je précise ici que toutes les sommes dont nous parlons étaient en dollars. Pour le bas de la liste, nous avons contacté les personnes par une procédure qui, compte tenu de l'enjeu, n'est pas nécessairement celle de l'examen de situation fiscale personnelle. Nous leur avons demandé des explications et les avons incitées à se mettre à jour de leurs obligations déclaratives personnelles. Nous avons pris 304 contacts. Pour l'instant, près de 88 % des personnes ont répondu, c'est-à-dire qu'elles ont pris contact avec nous. Après, soit elles reconnaissent qu'elles ont un compte et s'expliquent, soit elles le nient. Nous nous assurons de la cohérence de leurs explications.
Nous essayons de tout traiter. En ajoutant aux 811 les 300 que je viens d'évoquer, nous en sommes déjà à 1 111. Ensuite, nous allons certainement continuer mais, plutôt que de lancer une procédure très coercitive, nous préférons prendre des contacts pour mettre à jour les dossiers. En effet, les sommes auxquelles nous arrivons sont maintenant relativement dépourvues d'enjeu. En bas de la liste, on trouve des comptes avec 800 euros, des comptes qui, nous le sentons, sont très anciens, dormants, voire abandonnés.
Nous allons poursuivre le dépouillement de la liste, mais sans descendre tout en bas. Toutes opérations confondues, nous allons tourner autour de 1 400 à 1 500. Au-delà, il n'y a plus d'enjeu. Nous regardons notamment si la personne est assujettie à l'ISF. Dans l'affirmative, même si la somme est relativement faible - 100 000 ou 200 000 euros - on y va ! Mais, pour ce qui est de l'impôt sur le revenu...
Avant de vous répondre, je voudrais revenir sur la liste des 3 000 noms. J'ai, en effet, omis de préciser que, dans le cadre de notre action, nous avons déposé 27 plaintes au pénal à l'encontre de ceux qui étaient véritablement en situation de fraude active. Si nous l'avons fait, c'est parce que nous percevions une opposition du contribuable et que nous ne disposions pas de tous les moyens de prouver la fraude, la liste n'ayant pas valeur probante en tant que telle. Nous avons dès lors porté plainte afin que la police judiciaire, la Brigade nationale de répression de la délinquance financière et fiscale, amène les éléments nous permettant de procéder ensuite à des redressements et de pénaliser le contribuable. Car, évidemment, toutes ces affaires ont donné lieu au paiement de pénalités qui demeurent importantes, au-delà de la transaction intervenue sur un certain montant.
Pour en venir à votre question, monsieur le sénateur, la baisse du rendement des contrôles de la DNVSF s'explique par plusieurs raisons.
La première raison, essentielle, se rattache à notre organisation interne. Nous avons eu beaucoup de difficultés de programmation, car nous peinions à être alimentés en affaires comme par le passé. La procédure de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, qui était initialement l'apanage de notre direction, a été progressivement étendue à l'ensemble des directions territoriales, lesquelles directions se sont saisies de l'outil et ont sans doute été conduites à conserver parfois certaines affaires au lieu de nous les transmettre. Sur le plan national, je ne pense pas que le rendement des EFSP ait forcément baissé.
Deuxième raison, nos méthodes, notamment la domiciliation, commencent à être connues. Les contribuables s'adaptent...
Troisième raison : le plus gros du « chiffre », nous le faisions souvent sur les établissements stables, c'est-à-dire sur l'activité faussement exercée de l'étranger, alors qu'elle l'était, en fait, sur notre territoire. Dans ce cadre, nous traitions de dossiers dont l'enjeu était souvent très important, mais qui ne relevaient pas forcément de la vocation de la DNVSF, notamment lorsqu'il s'agissait d'activités industrielles. Ces affaires, nous les avons un peu perdues, d'abord, parce que les entreprises évitent désormais de tomber dans ce piège, et ensuite parce que ces dossiers ont été réorientés vers les directions régionales plus spécialisées en matière d'impôts commerciaux.
Quand j'ai pris la tête de la DNVSF, nous avons mené, conjointement avec le directeur général, une réflexion sur le devenir de la direction dont j'ai la charge et sur la façon dont elle pouvait couvrir le portefeuille des dossiers à très fort enjeu dont l'Inspection des finances parlait. Au terme de cette réflexion, il est apparu que nous avions fait des progrès extrêmement importants dans la connaissance de ces dossiers grâce à leur contrôle triennal. Au cours des premières années, le contrôle triennal a été très efficace ; il le reste, mais, pour passer à un palier supplémentaire sur les très gros dossiers, les dossiers extrêmement complexes, il fallait spécialiser des équipes, notamment au sein de la DNVSF.
La réponse est la suivante : nous allons maintenant déployer tout notre savoir-faire sur ces dossiers, mais que nous ne traitions pas dans le cadre de l'examen approfondi de situation fiscale à la fois en raison de l'organisation antérieure et parce qu'ils sont, en général, très bien tenus sur le plan formel pour les très hauts revenus. Il était fort compliqué de déclencher un examen contradictoire de situation fiscale personnelle sans motif apparent. À un certain niveau, très souvent, ce n'est pas à l'échelon de la personne physique que les problèmes se posent. Il faut descendre dans ce qui est appelé le « râteau patrimonial », les sociétés holding, les sociétés civiles de portefeuille, les sociétés civiles immobilières.
La nouvelle approche, que j'ai proposée et que le directeur général a validée, vise à s'attaquer de manière encore plus professionnelle à ces dossiers afin de comprendre la stratégie patrimoniale globale pour la remettre en cause. Cette stratégie peut être inattaquable, si la personne a profité de tout ce que la loi l'autorise à faire sans jamais franchir la « ligne jaune ». Il peut aussi apparaître que le montage est inacceptable, qu'il relève de l'abus de droit, voire de la fraude, et là, on peut le critiquer. Mais, pour cela, il faut, au-delà de la simple vérification de la personne physique, aller vérifier les entités qu'elle détient.
Nous aurons maintenant, c'est une nouveauté, la possibilité de procéder aussi au « contrôle du bureau » pour ces dossiers, qui se conjuguera avec du contrôle sur pièces des structures. Nous pourrons également examiner l'ensemble des impôts - impôt sur le revenu et impôts patrimoniaux, droits de succession, ISF, droits de donation, etc.
À un certain niveau de richesse, la stratégie patrimoniale vise principalement à minimiser les droits d'une succession future, ce qui se conçoit, car ces impôts sont extrêmement lourds. Quand les patrimoines sont très importants, cela vaut la peine de se pencher, de son vivant, sur les droits de succession plutôt que de chercher une légère optimisation de l'ISF dont le taux est entre 1 et 1,5. Or, après un décès, c'est entre 40% et 60 % d'un patrimoine constitué sur plusieurs générations qui peut, d'un seul coup, être prélevé par l'État. Il faut comprendre cette stratégie, dès qu'elle se met en place, du vivant de la personne. Au moment du décès, les choses sont figées. La situation juridique qui avait été prévue remonte peut-être à quinze ou vingt ans. C'est trop tard pour agir.
Nous mettons en oeuvre cette nouvelle méthode pour essayer de passer à la vitesse supérieure et être encore plus efficaces sur ces dossiers, alors que le contrôle triennal nous a déjà fait gagner en efficacité. Nous allons tenter de passer un cran au-dessus !
Tout dépend du pays considéré, mais chacun voit son intérêt. Nous avons des conventions d'assistance relativement efficaces. Ce que l'on connaît, c'est ce qui relève de ce que l'on appelle « l'assistance d'office », c'est-à-dire, dans le cadre de la directive européenne, tous les revenus de capitaux mobiliers perçus par les résidents français dans la majeure partie des pays qui sont en convention OCDE avec nous. À partir des informations qui nous sont transmises, nous procédons à des recoupements, sachant, par exemple, que M. X a reçu 3 000 euros de dividendes à Dortmund et 4 000 euros à Milan. Hors convention internationale, la tâche est naturellement beaucoup plus compliquée.
En cas de revenus dissimulés, nous recherchons plus de renseignements, sans quoi on ne peut pas agir. Ce sont nos services de recherche, via la Direction nationale des enquêtes fiscales, qui les obtiennent. Conscients que des flux nous échappent, nous mettons en oeuvre nos propres applications et tout un travail de programmation pour trouver les distorsions entre le revenu et le patrimoine et voir si certains revenus ne sont pas cachés. Il reste quand même des traces, car il est difficile d'échapper à tout impôt ! Comme les revenus perçus dans les autres pays sont soumis à la retenue à la source, le contribuable lui-même a parfois intérêt à déclarer les sommes parce qu'il va imputer les retenues à la source étrangères. Ainsi, nous remontons beaucoup de flux qui viennent de l'étranger et peuvent être taxés chez nous.
Néanmoins, il existe des revenus perçus qui nous échappent complètement. On les retrouve parfois, des années plus tard, sur certains comptes. Il peut s'agir, par exemple, de commissions. Un peu à l'instar du domaine policier, tout est, pour nous, affaire de renseignement.
Il existe en Espagne un impôt au premier euro détenu, qui ne s'appelle pas l'ISF, mais qui est un impôt patrimonial. S'il était appliqué, cela voudrait dire que, dans ce cas, il y aurait une double imposition pour celui qui possède un bien en Espagne.
Notre convention fiscale avec l'Espagne règle le problème de la double imposition. Je ne sais pas, de mémoire, si elle vise l'impôt que vous avez cité. En tout cas, cela visait l'ISF de jadis. Si cet impôt est assimilable à l'ISF, à mon avis, le problème est réglé par la convention. Je vérifierai et pourrai vous faire parvenir la réponse. Nous avons très rarement de problème de double imposition : c'est totalement marginal.
L'article 155 A permet de faire fi de la structure étrangère dont le seul objet est de percevoir les revenus de prestations artistiques, sportives, salariales, voire intellectuelles en France de manière à masquer ces revenus et à ne pas les déclarer en France. On taxe directement la personne. Ce qui est un peu compliqué, c'est que, maintenant, pour que ce dispositif ne soit pas attaquable au titre de la jurisprudence européenne sur les entraves à la libre circulation des capitaux et sur la liberté d'établissement, il faut que la structure soit située dans un pays à régime fiscal privilégié - sinon, on ne voit pas l'intérêt de l'opération - et qu'elle n'exerce pas d'activité réelle.
Pour contourner la difficulté et échapper à l'imposition, on commence à rencontrer des montages visant à s'adapter à la nouvelle législation en donnant à ces structures une petite activité réelle. C'est le jeu du gendarme et du voleur ! Pour mettre en échec un dispositif assez efficace, la nouvelle parade consiste à sortir de la lettre du texte pour affecter une petite activité réelle à cette société, par exemple, le droit à l'image d'un autre sportif d'importance moindre. En établissant qu'il s'agit d'une vraie structure, on peut exciper de la liberté d'établissement... C'est le rôle des conseils d'essayer de trouver les failles.
Ce dispositif, qui reste assez efficace, dissuade donc beaucoup de gens de pratiquer de la sorte. Néanmoins, des tentatives de contournements commencent à se faire jour.
La parole est à M. le rapporteur.
Si, il existe les transactions et les rescrits, mais au stade de l'administration. Les rescrits sont des questions posées ex ante par un contribuable, par exemple, une entreprise, qui souhaite être sécurisée sur une solution juridique qu'elle a choisie. Le directeur général ou le chef du service juridique répond et valide, ou pas, la proposition. Je fais moi-même partie du collège d'appel du rescrit qui intervient en cas de contestation par le contribuable. Nous sommes quatre ou cinq fonctionnaires dits d'un niveau technique suffisant et nous nous prononçons pour confirmer ou infirmer la décision. Voilà pour le rescrit.
Sujet tout à fait différent, les transactions ne concernent que le montant des pénalités encourues à la suite de contrôles fiscaux. Elles sont conclues dans plusieurs hypothèses. Je distinguerai trois cas. En général, premier cas, il s'agit pour nous de sécuriser l'assiette parce que nous doutons de la validité de notre position. Nous ne sommes pas certains de l'emporter, et le contribuable non plus. Considérant qu' un mauvais accord vaut mieux qu'un bon procès, on se met autour de la table et on propose une transaction diminuant la pénalité initialement envisagée, mettons 40 %, et des intérêts de retard. On peut revenir à 10 ou 20 % plus les intérêts de retard Le contribuable, après avoir pesé le pour et le contre avec ses avocats, accepte et la transaction est signée.
Deuxième cas, l'objet de la transaction peut également être de sécuriser le recouvrement. Dans un certain nombre de cas, on sait d'avance que nos rappels seront irrécouvrables parce qu'ils dépassent la capacité contributive du contribuable au moment donné ou parce que l'on ne connaît pas l'étendue de son patrimoine à l'étranger et que l'on sait, qu'en France, on n'y arrivera pas. Il est très difficile de faire du recouvrement à l'étranger. Comme l'État ne va pas recevoir l'impôt qui lui est dû, on entre dans une discussion pour amener au paiement. Les pénalités sont réduites pour devenir acceptables par le contribuable, qui pourra ainsi payer l'État.
Ce dispositif de sécurisation du recouvrement est très efficace : 98 %, voire 100 % des transactions sont payées. Dès lors que la personne signe, il est extrêmement rare que la transaction devienne caduque parce que le contribuable ne l'aura pas respectée. Imaginons une personne qui a optimisé dans des conditions douteuses. Les rappels interviennent sur trois, voire sur dix années si la prescription est allongée pour des comptes détenus à l'étranger, par exemple. Dès lors, la somme globale, qui comprend les lourdes pénalités accumulées sur dix ans, est telle qu'elle dépasse la capacité de la personne. À un moment donné, on travaille à vide ! Dans ces hypothèses, une transaction permet de sortir de la difficulté.
Il arrive, troisième et dernier cas, que nous sentions que la somme réclamée sera trop lourde pour le contribuable et qu'elle est peut-être disproportionnée par rapport à la faute. Le fonctionnaire chargé du dossier a une faculté d'appréciation qui l'autorise à faire une remise que je qualifierai de « gracieuse » pour atténuer la lourdeur de la pénalité par rapport aux faits commis.
Sur le port franc de Genève, ce sont essentiellement les oeuvres d'art qui sont concernées. À l'heure actuelle, c'est extrêmement difficile, car nous n'avons pas les moyens de les appréhender. Il faudrait vérifier que le port franc de Genève est bien couvert par la nouvelle convention. Je n'ai pas regardé précisément ce point.
Même quand nous obtenons un renseignement - comme dans certaines affaires récentes, à la suite de conflits familiaux ou de dénonciations -il est très délicat d'appréhender la réalité de ce qui existe. C'est quasiment « mission impossible ». Il arrive un moment où, malgré les conventions, on touche à la limite de la souveraineté d'un État et le droit trouve sa limite.
Comment les stocks se constituent-ils ? Toujours de la même façon, par des circuits étrangers, par des achats via des sociétés situées dans les pays en question. Sur le marché de l'art, les biens ne sont pas achetés à Paris. Le client ne part pas passer la frontière avec un Picasso ou un Braque sous le bras ! Cela se fait toujours à l'étranger, sur le marché international. D'ailleurs, sur le marché français, les acheteurs sont très souvent des étrangers.
Quels sont les remèdes envisageables ? Il y a des pistes, mais on risque de tomber dans l'utopie. Nous pourrions, en effet, dresser un fichier mondial des oeuvres d'art. Ce pourrait être une bonne chose pour le patrimoine de l'Humanité. Mais suivre un fichier, tracer les oeuvres de renom, là, on frôle l'utopie !
Oui, il y a une convention. La situation est normale : réciproquement, les Belges qui vivent à Paris sont soumis au droit fiscal français.
Je le jure.