Séance en hémicycle du 6 juin 2023 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique étrangère de la France en Afrique.

La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous le savons tous : l’Afrique est une région « où se joue une partie de notre avenir commun ». Ce constat qu’avait fait le Président de la République, en 2017, devant les étudiants de l’université de Ouagadougou demeure résolument actuel.

Nous partons d’une réalité : l’Afrique subsaharienne compte aujourd’hui 1, 1 milliard d’habitants et, selon les Nations unies, sa population devrait doubler d’ici à 2050.

L’Afrique, c’est donc un dynamisme réel dans notre voisinage immédiat, avec ce que cela implique en termes tant de défis que d’opportunités.

Pour ce qui est des opportunités, je citerai les perspectives de développement, c’est-à-dire, au travers d’une participation toujours plus importante du continent dans l’économie mondiale, des marchés à consolider ou à investir pour nos entreprises. Il faut aussi compter avec une jeunesse dynamique, entreprenante, créative.

Du côté des défis, il faut évoquer tous les risques induits précisément par cette forte croissance démographique, dans un espace très exposé par ailleurs au changement climatique et à ses multiples et terribles conséquences.

Ce constat étant posé, nous devons faire face à des enjeux immenses qui concernent le développement, la transition climatique, le partage de la richesse, l’éducation ou encore la santé, lesquels entraînent de nombreuses conséquences sur les plans sécuritaire, sanitaire et migratoire.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu de toutes ces réalités, nous avons bel et bien « un destin lié avec le continent africain », selon la formule employée le 27 février dernier par le Président de la République, qui disait aussi dans cette intervention : « Ce n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, c’est un fait. Et tout dépendra de ce que nous en faisons. »

On a trop souvent considéré, de ce côté-ci de la Méditerranée, que les relations entre la France et l’Afrique étaient un peu à l’image de celles de Montaigne et La Boétie : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

Nous avons trop longtemps pensé que nos relations allaient de soi, faisant comme si les Africains allaient toujours nous donner la préférence, dans une logique de réflexe immuable. Or rien n’est plus faux. Dans un monde sans cesse plus concurrentiel, cette attitude conduirait inévitablement à perdre en crédibilité, au moment précis où notre coopération commune n’a jamais été aussi souhaitable.

L’époque où certains considéraient l’Afrique comme le terrain d’une rivalité à somme nulle entre puissances est, en outre, totalement dépassée. Les pays africains ont depuis bien longtemps diversifié leurs partenaires, comme nous l’avons tous fait.

En somme, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la politique étrangère de la France en Afrique consiste à mettre fin définitivement à cette logique, à cette mentalité de l’évidence, pour mieux avancer ensemble main dans la main, en véritables partenaires. Nous avons pour cela de nombreux atouts qu’il nous faut faire valoir.

Il s’agit, tout d’abord, de l’intensité de nos liens humains, de cette langue française que nous partageons avec l’Afrique francophone, de ce million de Français de La Réunion et de Mayotte qui vivent en Afrique et dont nous voulons renforcer l’intégration régionale.

Ce sont, ensuite, nos diasporas, aussi bien les Français qui vivent en Afrique que les Africains qui vivent en France ; sans oublier, bien sûr, ces millions de nos compatriotes qui sont liés à ce continent.

Il y a, enfin, l’ambition de la France, laquelle entend donner la pleine mesure de ses moyens à son action.

Cette ambition se retrouve dans notre aide publique au développement (APD) qui est passée, entre 2017 et 2022 – je le rappelle – de 10 à 15 milliards d’euros par an. La France est ainsi devenue l’an dernier le quatrième bailleur mondial et le seul à avoir accru ses financements sur le continent africain, avec 5, 2 milliards d’euros de financements bilatéraux et multilatéraux destinés à l’Afrique. À Bruxelles, également, nous défendons la place de l’Afrique comme première région de la solidarité européenne.

À une échelle plus globale, le Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial des 22 et 23 juin prochain visera également à conjurer un risque de fracture grandissante entre le Nord et le Sud, en répondant aux besoins des pays en développement pour financer la transition écologique et la sortie de pauvreté.

Notre ambition est aussi celle que nous manifestons en soutenant les attentes de l’Afrique d’être mieux intégrée à la gouvernance mondiale. Nous sommes résolument favorables à une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, avec l’attribution d’un siège de membre permanent à un pays africain ainsi qu’une participation pleine et entière de l’Union africaine (UA) au G20.

Nous déployons notre ambition, par ailleurs, au travers de notre réseau culturel, grâce aux 28 Instituts français et 109 Alliances françaises présents dans la seule Afrique subsaharienne. Les 108 établissements scolaires affiliés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) installés sur le continent africain sont un autre outil de rayonnement auprès des générations futures.

En France, nos universités accueillent un nombre toujours croissant d’étudiants africains. Ils étaient 150 000 en 2021, en augmentation de 40 % depuis 2017.

Notre ambition se déploie également sur le terrain économique.

À cet égard, il faut se méfier de certains faux-semblants. Les économies africaines s’étant largement mondialisées, nos parts de marché ont pu marquer le pas. Mais la croissance africaine a été telle que notre présence économique a augmenté en volume, de plus en plus de PME françaises se tournant vers le continent. En quinze ans, le nombre des filiales d’entreprises françaises en Afrique a doublé, de même que nos investissements. La France est aujourd’hui le deuxième investisseur étranger sur le continent.

Ces points sont trop peu souvent rappelés.

Notre réseau diplomatique est pleinement mobilisé pour soutenir cette dynamique, tout en défendant nos intérêts.

Enfin, notre ambition se déploie dans un dialogue continu et approfondi avec nos partenaires africains sur tous nos sujets d’intérêt commun, qui sont nombreux.

Au premier rang de ceux-ci figure, bien sûr, la lutte contre le changement climatique. En 2021, à la COP26 de Glasgow, nous avons été précurseurs en nous engageant dans le partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) pour l’Afrique du Sud afin de faire sortir progressivement ce pays, dans lequel je me rendrai dans deux semaines, de sa dépendance au charbon.

Dès le début de la guerre russe en Ukraine, qui a très sévèrement aggravé l’insécurité alimentaire, nous nous sommes mobilisés pour soutenir les pays les plus vulnérables, notamment africains. Nous avons ainsi financé et facilité l’envoi de céréales et amélioré la sécurité alimentaire, en particulier via le transport récent de 20 000 tonnes d’engrais vers le Malawi. En Éthiopie, où je me suis également rendue, nous avons acheminé, avec l’aide de l’Allemagne, 26 000 tonnes de céréales destinées au Programme alimentaire mondial (PAM). Nous avons d’ailleurs doublé notre contribution à ce programme et travaillons au renforcement des systèmes alimentaires en Afrique.

La Russie, quant à elle, exerce un chantage constant sur la reconduction de l’initiative céréalière pour l’exportation via la mer Noire des céréales ukrainiennes.

Vous vous en doutez, la guerre en Ukraine est au cœur des discussions avec nos partenaires africains, pour en limiter les conséquences néfastes sur eux, mais aussi en soi. En effet, l’agression d’un pays souverain par son voisin est aussi une agression contre les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, notamment l’égalité souveraine et le respect de l’intégrité territoriale des États : sans le respect de ces principes, les États ne peuvent connaître ni paix ni stabilité. Nous faisons valoir cette position dans le monde entier, en particulier auprès de nos partenaires africains qui ne perçoivent pas suffisamment ce point de vue et considèrent que l’Europe est trop loin.

Dans notre dialogue avec ces partenaires, nous défendons sans relâche la nécessité de maintenir et d’accroître la pression sur la Russie pour faire en sorte que son agression échoue. En effet, l’avenir et la sécurité de toutes les nations souveraines sont bel et bien en jeu. Une agression qui serait récompensée ouvrirait la voie à d’autres, là ou ailleurs. Tous doivent en être conscients, car tous sont concernés.

Ce rappel est d’autant plus indispensable au moment où six chefs d’État du continent s’apprêtent à se rendre à Kiev et à Moscou, dans le cadre d’une initiative de paix dont les contours restent à dessiner. Rappelons-le, toute initiative doit s’appuyer sur le plein respect des principes fondamentaux de la Charte.

Plus généralement, et partout sur le continent, la France met sa diplomatie au service de la paix. C’est notamment le cas en Afrique de l’Ouest, où les pays du Sahel et du golfe de Guinée font toujours face à une importante menace terroriste. Je laisserai le soin au ministre des armées de revenir plus en détail sur les aspects militaires de notre action.

Au Soudan, nous sommes en contact avec les deux parties au conflit, ce qui nous a permis en avril dernier d’évacuer les Français désireux de quitter Khartoum ainsi que de très nombreux ressortissants étrangers. Nous devons aussi convaincre les belligérants de renouveler la trêve, de la rendre effective, et de rechercher une nécessaire solution politique.

Dans la région des Grands Lacs, notre diplomatie est aussi à la manœuvre pour soutenir le processus de paix.

Enfin, nous dialoguons en permanence sur les questions liées à l’État de droit – démocratie, lutte contre la peine de mort, égalité entre les femmes et les hommes, droits des personnes LGBT+, liberté d’expression – et, plus généralement, de l’ensemble des sujets sur lesquels la France a des positions à tenir. C’est ce que nous faisons partout dans le monde, que notre interlocuteur soit africain ou non.

L’autre grande clé de compréhension de notre politique étrangère en Afrique est à trouver dans cette volonté, clairement exprimée, « de bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable », pour reprendre les mots du Président de la République. Nous entretenons des liens de ce type avec chacun des 54 pays du continent, dans le cadre de 54 relations bilatérales. Il y a non pas une, mais de nombreuses Afriques, un continent dans lequel nous avons 54 partenaires.

Tous ces pays ont leurs spécificités ; c’est la raison pour laquelle il ne faut pas réduire les relations franco-africaines à une seule situation, au prix de raccourcis et de simplifications – on en connaît beaucoup.

Se laisser prendre au piège de fausses paniques déclinistes ou s’enfermer dans des complexes qui n’ont pas lieu d’être, c’est ne pas être à la hauteur de ce qui se passe réellement et concrètement – soit, dans l’écrasante majorité des cas, des relations qui fonctionnent bien et portent leurs fruits.

Pour autant, et face à certains vents contraires, nous sommes déterminés.

Je pense en particulier à la diffusion de discours anti-français dans certains pays d’Afrique francophone. Ces discours, dont nous devons comprendre l’origine, sont pour partie liés à l’héritage de l’Histoire, pour partie aux frustrations de la jeunesse, mais pour partie aussi à des entreprises hostiles et plus ou moins souterraines, en particulier venant de la Russie.

Face à chacune de ces causes, nous agissons résolument. C’est notamment le sens de notre présence sécuritaire en Afrique, dans une dynamique nettement plus partenariale – moins visible aussi. Je laisserai le ministre des armées détailler notre nouvelle posture.

C’est aussi le sens de la démarche entreprise auprès de certains pays où notre relation commune doit faire face à une mémoire troublée, à un « passé qui ne passe pas », parce que nous n’avons pas fourni assez tôt et assez résolument les efforts nécessaires attendus par nos partenaires africains.

Ce qui a été fait au Rwanda doit nous montrer la voie : les travaux menés par des historiens de nos deux pays ont permis à la France de regarder son Histoire en face, pour mieux construire une relation de confiance.

C’est également la voie que nous prenons au Cameroun depuis l’été dernier, avec l’installation récente d’une commission d’historiens et d’artistes français et camerounais.

Plus globalement, nous donnons un nouveau tournant à notre communication en l’orientant davantage vers la jeunesse, à laquelle nous voulons montrer la réalité concrète de notre coopération, parfois occultée par des déclarations inexactes.

J’ai aussi redonné à nos ambassades en Afrique les moyens de mener elles-mêmes, directement, de petits projets visibles et rapides au plus proche du terrain et des bénéficiaires. Il y va de notre influence. Je viens ainsi de lancer un fonds Équipe France doté de 40 millions d’euros – ce montant peut paraître faible, mais pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, c’est beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Son objet est de permettre à nos ambassades de monter des projets à haute valeur politique.

J’ai également lancé en début d’année un fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel, de 20 millions d’euros, afin que nos ambassades en Afrique puissent soutenir directement les acteurs des industries culturelles et créatives, avec lesquels nous avons tant à faire et qui ont tant à nous apprendre.

Ces deux fonds sont complémentaires avec l’action plus structurante et de long terme que mène l’Agence française de développement (AFD).

Sur le plan culturel, après la saison Africa 2020, nous inaugurerons bientôt à Paris une Maison des mondes africains, afin de faire rayonner les cultures et les créations africaines en France, de mettre en valeur nos diasporas et de faire la démonstration que la France et ses partenaires africains sont plus forts et plus influents lorsqu’ils s’unissent. Cette intimité culturelle entre la France et l’Afrique nous permet aussi de rayonner dans le monde entier. Partout dans le monde, nos Instituts programment des artistes africains ou des créations franco-africaines, souvent avec un très grand succès.

Plus que jamais, nous travaillons avec les acteurs de la société civile, les artistes, les entrepreneurs et les intellectuels du continent. La Fondation de l’innovation pour la démocratie, lancée en octobre dernier avec Achille Mbembe, que je rencontrerai bientôt en Afrique du Sud, entend ainsi mettre en réseau celles et ceux qui inventent chaque jour les nouvelles formes de vie démocratique sur le continent, et tout cela sans donner de leçons, avec humilité et conviction. Nous devons les aider et nous appuyer sur eux.

Enfin, face au défi des manipulations de l’information par des puissances déstabilisatrices – j’en ai déjà cité une –, nous nous dotons des moyens d’agir.

J’ai augmenté les moyens du ministère en matière de communication et de rayonnement, et ce mouvement a vocation à se poursuivre. Nous avons ainsi mis en place des dispositifs de veille, de détection des manœuvres hostiles et de riposte, en particulier sur les réseaux sociaux. Nous soutenons en parallèle les fact checkers – pardon pour ce franglais ! – et les écosystèmes médiatiques africains afin qu’existe sur le continent une presse de qualité et professionnelle.

J’ai demandé à nos ambassadeurs d’adopter une communication plus visible et plus offensive. Nous avons également mené un travail de refonte de la communication de tous nos opérateurs pour qu’il n’y ait, sur le terrain, qu’un seul drapeau et qu’une seule équipe France.

Avant de passer la parole au ministre des armées, je veux clore mon propos en insistant une dernière fois sur l’un des principaux atouts du continent : sa jeunesse.

Cette jeunesse exigeante, entreprenante, fière et totalement ouverte sur le monde ne veut pas qu’on lui dise ce qui est bon, ou non, pour elle. Elle souhaite non pas que l’on agisse à sa place, mais simplement que l’on investisse dans ses projets dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant.

Cette jeunesse, qui ressemble tellement à la nôtre, nous lance un défi : celui de nous renouveler et de changer notre manière de faire. Nous entendons cette demande. Je puis vous assurer que tous nos diplomates en Afrique font vivre, avec conviction et enthousiasme, le programme de transformation que nous avons lancé. C’est ainsi que la France restera un partenaire proche, pertinent et fiable de ce continent appelé à occuper une position centrale dans les équilibres du monde de demain.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviendrai plus précisément sur la situation sécuritaire et, par là même, sur la question de la présence militaire française sur le continent africain.

Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a dit, l’Afrique étant un continent, les situations sécuritaires et d’organisation de nos forces armées sont aussi diverses que nous y avons de partenaires.

Je commencerai par évoquer cinq points, avant de laisser la place au débat puis de répondre à vos interrogations, commentaires et réflexions.

Premier point : en étant quelque peu schématique, voire caricatural, on peut au fond distinguer deux grandes périodes depuis le début des années 2000.

Tout d’abord, de 2000 à 2010, de nombreuses interventions françaises ont été menées sur fond de culture d’interposition, ou de missions de maintien de la paix dans le cadre des Nations unies. La plus connue est l’opération Licorne de participation des forces armées françaises au maintien de la paix en Côte d’Ivoire. Pour le dire vite, il y en a eu d’autres…

Ensuite, la période de 2010 à 2020 a été marquée par la lutte contre les groupes armés terroristes au travers des opérations Serval puis Barkhane au Sahel, décidées par le Président de la République François Hollande, notamment à la demande de notre partenaire malien. Les groupes ciblés, qui pouvaient avoir des ramifications sur le sol européen, faisaient aussi peser des menaces plus endogènes – j’y reviendrai.

Je tiens à dire que les missions Serval et Barkhane sont des succès militaires, contrairement à ce que j’entends dire ici ou là. Ces interventions des armées françaises ont certes pu avoir des limites politiques, mais, sur le terrain tactique et militaire, elles ont été marquées du sceau du succès. Que celles et ceux qui disent le contraire démontrent la véracité de leurs propos ! Leur narratif me semble d’ailleurs en contradiction avec le sacrifice de nos cinquante-trois soldats qui sont tombés au Sahel – neuf lors de l’opération Serval ; un soldat lors de l’opération Épervier, ce que l’on oublie trop souvent ; quarante-trois durant Barkhane.

Permettez-moi, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir une pensée particulière pour ces soldats, leurs familles et l’ensemble de ceux qui ont été blessés dans le cadre de ces opérations. L’armée française est une armée d’emploi qui prend sa part de risques, c’est le moins que l’on puisse dire. En l’occurrence, ces missions se sont soldées par un succès, même si elles furent douloureuses.

Au fil du temps, nous avons fini par nous substituer aux différents pays qui nous avaient demandé, pour certains, d’intervenir. J’y reviendrai, pour en tirer un certain nombre de conclusions.

Deuxième point : les menaces évoluent, changent. Cela, Paris doit le comprendre.

Je suis frappé de constater à la lecture de nombreux commentaires, y compris dans la presse, à quel point la menace terroriste a fondamentalement évolué. Parfois plus fragmentée, elle n’en est pas moins dangereuse dans la mesure où elle se balkanise et devient plus diffuse sur l’ensemble de la zone. Elle est aussi plus endogène, plus tribale et plus compliquée à détecter et à renseigner.

Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a dit très justement que le continent africain s’était ouvert, pour le meilleur comme pour le pire. Il s’est ouvert à un certain nombre de diversifications, et donc à des influences légitimes. En tant qu’États souverains, ces pays ont choisi de diversifier leurs partenariats et de faire jouer une forme de mise en concurrence sur les questions économiques, mais aussi, parfois, sur les sujets sécuritaires, et notamment de développement capacitaire en matière d’équipements militaires.

La France doit donc relever le défi suivant : être davantage attractive pour ces partenaires anciens avec lesquels elle entretient une relation que l’on pourrait qualifier d’affective. Pour autant, notre manière d’interagir avec d’autres compétiteurs a parfois été très déceptive.

D’autres influences sont plus malvenues, sur fond de compétition économique et d’initiatives sécuritaires ou informationnelles. On ne peut pas ne pas citer, à cet égard, le compétiteur stratégique russe et le groupe Wagner.

Le troisième point que j’évoquerai ne fait jamais l’objet, à Paris, d’une réflexion, pas plus dans les cercles politiques et intellectuels que dans les think tank diplomatiques ou institutionnels : le continent africain est soumis à la tension entre les modèles dits autoritaires, d’un côté, et de démocratie libérale, de l’autre. Tel était le cas au Mali.

Cette question se pose lorsqu’il y a des juntes militaires : on reproche presque à Paris leur arrivée dans un pays, et lorsque la France essaie d’intervenir, on lui reproche une forme d’ingérence ou une manière de faire en Afrique de la politique « à l’ancienne », c’est-à-dire en intervenant dans les processus démocratiques ou non démocratiques.

Je soumets à la Haute Assemblée cet élément de réflexion qui concerne les forces armées et d’autres services relevant de ma tutelle : il faut certes renseigner et détecter – j’ai répondu à plusieurs questions sur ces sujets dans le cadre de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) –, mais, au-delà du domaine militaire et de celui du renseignement, il convient aussi de mener un combat politique pour défendre les valeurs de la démocratie.

Pour citer Tocqueville et les grandes valeurs liées à la liberté, il faut se demander si un modèle convient ou ne convient pas. Plusieurs continents sont confrontés à cette question et l’Afrique n’y fait pas exception.

J’en viens à un autre aspect important : qu’en est-il de notre présence militaire ? Là encore, un certain nombre de commentaires que l’on peut lire dans la presse ne sont pas d’une grande exactitude.

Il existe trois familles de bases militaires, qui correspondent à différentes missions.

La première famille est située dans le « duo » Sénégal-Gabon. Il s’agit de bases ayant des éléments prépositionnés depuis l’indépendance de ces pays et la conclusion des premiers traités de défense. Ces pôles de coopération permettent l’accès à des infrastructures – souvent civiles, rarement militaires – qui peuvent être utilisées à des fins militaires, et proposent de nombreuses formations à ces partenaires ainsi qu’à d’autres pays situés à proximité.

C’est encore plus vrai, d’ailleurs, pour les éléments français positionnés au Gabon : huit ou neuf pays voisins peuvent profiter des offres de formation que nous organisons là-bas.

Ce sont plutôt de longs séjours. Dans ces bases, il n’y a pratiquement aucun armement, si ce n’est pour organiser la formation. Au Sénégal, au Gabon, il doit y avoir un ou deux véhicules de l’avant blindés au maximum.

La deuxième famille est constituée par les bases opérationnelles. Je pense aux forces prépositionnées en Côte d’Ivoire, à Abidjan et Port-Bouët, et bien évidemment à la base de Djibouti.

Port-Bouët regroupe 950 personnes et Djibouti, 1700 personnes. Djibouti est une base pour l’Afrique de l’Est, comme on l’a vu avec l’opération Sagittaire et l’évacuation de nos ressortissants à Khartoum. C’est aussi une base de sécurité pour le partenaire djiboutien, avec des accords de défense et des clauses de sécurité. C’est enfin une base très largement ouverte sur l’Indopacifique, avec sa dimension navale et les enjeux de sécurité à Ormuz, Bab el-Mandeb et dans l’ensemble de l’océan Indien. De ce point de vue, elle est connectée à nos éléments positionnés aux Émirats arabes unis et aux forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) à Mayotte et à La Réunion. Djibouti est donc à la fois tournée vers l’Afrique et vers l’ensemble de la zone Indopacifique.

Ces deux bases opérationnelles sont importantes non seulement par leur empreinte, mais aussi par le fait qu’elles sont de véritables points d’appui au combat.

À la différence des forces positionnées au Gabon et au Sénégal, les forces présentes sur ces bases peuvent être engagées à la demande du Président de la République, en fonction des accords de défense signés avec les différents pays et des nécessités de la lutte contre le terrorisme.

La troisième famille de bases regroupe des positionnements organisés sur le régime des opérations extérieures, aux côtés des forces locales. Elles sont situées dans deux immenses pays, dont la sécurité et la stabilité nous importent : le Tchad et le Niger.

Ceux des sénateurs qui se sont rendus récemment au Niger ont pu y observer au mieux l’offre française rénovée en matière d’appui au combat. Nous soutenons le partenaire nigérien, sans nous substituer à celui-ci. Nous n’engageons un certain nombre de missions qu’à la demande des autorités nigériennes, dans un dialogue sécuritaire, militaire, politique et diplomatique, et nous commençons à voir des résultats probants sur le terrain.

Dans la région de Tillabéri, par exemple, seuls 33 % de la surface agricole étaient exploitables en raison de la présence de groupes terroristes armés. Après plusieurs mois d’opérations des forces militaires françaises et nigériennes, ce taux est passé à 65 %. Cela démontre l’efficacité des missions menées, qui souffrent d’une certaine forme d’indifférence à Paris.

Le Niger est pourtant engagé dans un combat très courageux contre les groupes armés terroristes. C’est aussi grâce à ce pays que nous avons réussi le redéploiement des éléments de Barkhane, voilà un an. Ce pays joue plus globalement un rôle très important dans la stabilité de l’ensemble de la zone sahélo-saharienne. Il faut donc parler du Niger en saluant les efforts du président Bazoum et de son armée.

Cinquième point : la mise à jour de la présence militaire française, annoncée par le Président de la République voilà plusieurs mois, se fera selon certains éléments de doctrine que je souhaite clarifier devant la Haute Assemblée.

Face à la guerre informationnelle menée par certains de nos concurrents, une des conditions de notre succès sera d’apprendre de nos échecs et d’en tirer des leçons, sans se comporter en inspecteurs des travaux finis, mais en regardant lucidement ce qu’a été la fin de Barkhane. Nous ne devons plus nous substituer aux États souverains africains dans la lutte contre le terrorisme. Notre présence doit répondre à une demande d’aide ; nous pouvons offrir un soutien, mais nous ne devons pas agir à la place de ces États. À défaut, cette situation nous expose et ne donne pas satisfaction à l’issue de la mission, tant sur le plan militaire, diplomatique que politique.

Cela signifie également que le besoin de France sur le terrain militaire doit être exprimé de manière claire, comme pour tout autre État souverain, et dans le respect de cette souveraineté. Il est important de demander aux pays partenaires ce qu’ils veulent et d’expliciter ce que nous sommes prêts à faire. Si cela fonctionne au Niger ou à Djibouti, c’est parce qu’il y a beaucoup d’écoute et d’attention accordées à l’expression des besoins de ces partenaires. C’est un chemin que nous devons également emprunter dans les autres pays où nous avons des forces ; ce travail est en cours, que ce soit au Sénégal, au Gabon ou en République centrafricaine.

Nous devons aussi réfléchir à la taille de nos empreintes militaires. Le temps est révolu où nous pouvions accepter des situations peu efficaces. Au Sénégal, par exemple, nous n’avons pas une seule base, mais sept ou huit empreintes militaires françaises dans l’agglomération de Dakar, ce qui n’est pas satisfaisant pour nos forces armées.

Les installations militaires françaises sont ouvertes à notre partenaire sénégalais pour des formations. Il serait donc judicieux de passer à une forme de cogestion, pas pour l’intégralité de la base française, mais pour certains éléments. Lorsque vous êtes engagé dans un partenariat de formation, vous développez déjà une forte intimité stratégique et vous établissez une relation de confiance très avancée avec le partenaire. Nous devons donc nous efforcer de moderniser la gestion de nos empreintes militaires, sans hésiter à innover.

C’est un point clé, sur lequel des progrès sont réalisés. Si l’on examine de près l’ensemble des empreintes, on constate qu’elles ne sont pas comparables les unes aux autres : les éléments français au Gabon ou au Sénégal sont déjà très ouverts sur la ville, avec des associations, des crèches et des écoles parfois situées en plein milieu des camps militaires ; par contraste, le camp de Port-Bouët à Abidjan est une grande caserne située à l’extérieur de la ville, donnant l’impression d’être très déconnectée de la vie quotidienne ivoirienne.

Les maires ou les élus municipaux ici présents savent que l’on ne peut plus dissocier une emprise militaire de son environnement civil. C’est l’une des principales conclusions que nous avons tirées de ce qui se passe actuellement en Afrique. D’autres partenaires et alliés l’ont déjà compris, il n’y a aucune raison pour que nous prenions du retard sur cette question.

Il est désormais nécessaire de proposer un catalogue de formations à jour. Nous nous sommes parfois trop satisfaits de nous-mêmes et de l’offre de formation que nous avions produite. Ce que nous faisions était de qualité, mais avait tendance à mal vieillir : alors que nous offrions des formations classiques, robustes et efficaces, d’autres partenaires ou pays, tels que la Turquie, Israël et parfois l’Algérie, ont commencé à proposer des formations sur de nouveaux segments, comme la lutte anti-drones, la maîtrise des drones, l’initiation à la cyberguerre ou à la guerre électronique. C’est l’un des éléments qui me conduira à prendre des décisions organisationnelles différentes pour nos forces prépositionnées.

Plutôt que de longs séjours, avec des métiers fixes ou statiques, nous devrions opter pour des séjours plus courts de compagnies ou de bataillons, parfois pour une durée d’un mois, de deux mois, voire de trois mois, avec la participation de réservistes.

L’objectif est de proposer une offre de formations beaucoup plus large, incluant parfois des fonctions simples, comme le désarmement d’engins explosifs improvisés, la protection individuelle ou le combat d’infanterie classique, mais aussi des sujets à plus forte valeur ajoutée. Si nous n’y prenons garde, nous pourrions prendre du retard en ce domaine – pour être honnête, nous en avons déjà pris !

Enfin, nous devons rouvrir nos écoles militaires pour officiers et sous-officiers – j’insiste particulièrement sur ces derniers – sur le territoire national. La fin du service militaire et l’avènement de notre armée de métier étaient des évolutions positives. Toutefois, en raison des différentes réductions budgétaires que le ministère de la défense ou les armées ont connues au fil du temps, les stagiaires des pays amis et partenaires d’Afrique ont été de moins en moins nombreux dans les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan et de Salon-de-Provence ainsi qu’à l’École navale ou à Polytechnique – pour ne citer que ces écoles d’officiers. Dans les années 1980 ou 1990, nous accueillions parfois plusieurs dizaines de jeunes aspirants et sous-lieutenants issus des armées africaines, nous n’en avons plus qu’un, deux ou trois par cohorte. Si nous voulons parler d’influence, cela ne suffit pas. C’est pourquoi j’ai demandé que nos écoles soient rouvertes, avec pour objectif d’accueillir chaque année 600 stagiaires provenant des pays d’Afrique d’ici à 2030. Cette proposition suscite une forte adhésion de la part de nos partenaires.

Enfin, il est essentiel de réfléchir au capacitaire, aux équipements et à l’armement. Notre base industrielle et technologique de défense (BITD), avec toutes ses qualités reconnues, a pris de bonnes habitudes en matière d’exportation d’armes avec de grands contrats vers de grands pays, ce qui est une bonne chose.

Toutefois, il est indéniable que les armées des pays partenaires réalisent également d’importants efforts budgétaires pour monter en puissance. L’armée sénégalaise, l’armée ivoirienne, par exemple, n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient voilà dix ou quinze ans. Or leurs besoins en équipement et en capacités sont toujours présents. Et nos industriels ont parfois pu décourager certaines armées de pays amis, jugeant les contrats trop peu importants. La nature ayant horreur du vide, ce sont nos concurrents qui ont pris la place…

Il y a une réflexion clé à mener avec la direction générale de l’armement (DGA), avec la BITD et avec le monde bancaire, notamment la Banque publique d’investissement (BPI), afin de trouver des solutions pour tous ces pays et leur permettre de continuer à monter en puissance. Nous devons être présents pour les aider dans leurs efforts, ce qui passe également par les équipements.

Un autre point que nous devrons aborder lors des discussions sur le projet de loi de programmation militaire est la nécessité de renforcer notre réseau d’attachés de défense. La ministre a évoqué le renforcement du réseau diplomatique, mais son propos doit s’appliquer aussi aux attachés de défense et aux attachés d’armement. Savez-vous qu’aucune ambassade en Afrique ne dispose actuellement d’un attaché d’armement de la DGA ? C’est évidemment un non-sens.

Nous devons accroître aussi nos capacités expéditionnaires. Nous l’avons vu avec l’opération Sagittaire, notamment lors de l’évacuation de Khartoum, mais aussi dans d’autres opérations. Cela soulève la question de la cohérence et de la masse. Avoir un grand nombre d’A400M, c’est bien, mais encore faut-il qu’ils soient et opérationnels et dotés d’une interopérabilité avec les forces spéciales. Nous avons de nouvelles perspectives de contrats opérationnels en matière expéditionnaire à l’avenir, ce qui nous permettra d’être beaucoup plus agiles dans notre approche.

La question du renseignement, que je n’aborderai pas ici, car elle a été traitée au sein de la délégation parlementaire au renseignement, est évidemment un sujet clé, notamment dans la lutte contre le terrorisme.

Parmi les axes d’effort, j’ai beaucoup parlé des pays francophones, car c’était la directive qui m’avait été donnée pour éclairer le Sénat sur la manœuvre en cours concernant les bases. J’ai donc fait ce choix éditorial, si je puis dire, pour vous éclairer complètement sur ce sujet. Il est clair que les questions de sécurité et de défense concernent également l’Afrique lusophone et anglophone, où nombre d’États sont aussi confrontés à la lutte contre le terrorisme.

La situation du Mozambique, par exemple, nous intéresse directement en raison de notre proximité géographique. Il y a également l’Angola, où le Président de la République s’est rendu récemment – je ne vais pas citer tous les pays concernés.

Dans certains d’entre eux, nous n’avons pas de forces, mais des perspectives de renouvellement ou de renforcement des accords de défense, ainsi que des perspectives en matière de capacité.

Je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que nous avons signé un contrat pour une offre satellitaire avec l’Angola en matière de renseignement. Cela peut sembler peu intuitif de prime abord, mais cet accord montre bien que si nous sommes compétitifs, nous sommes également capables d’aider nos partenaires sur de nouveaux segments technologiques.

Enfin, je souligne que l’esprit de Takuba demeure parmi nos partenaires européens. Parfois, les questions relatives à l’Europe de la défense méritent d’être traitées avec prudence, en dehors de l’Otan et des cercles d’intervention classiques. Grâce aux compétences de l’armée française, nous avons réussi à entraîner de nombreux partenaires européens dans des opérations expéditionnaires, et de nombreux pays européens ont également compris l’intérêt d’aider les pays africains dans leur lutte contre le terrorisme. Il est important que nous puissions maintenir vivant cet esprit de Takuba, car il constitue une véritable avancée.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des soixante dernières années, la relation que nous entretenons avec les pays africains a rythmé comme nulle autre la vie de notre pays, de sa diplomatie, de sa coopération, de ses armées. Elle est le reflet d’une longue histoire commune, qui porte ses indéniables parts d’ombre, auxquelles il faut savoir se confronter, mais qui fut aussi brillante d’engagements sincères, d’amitiés profondes et de réalisations admirables.

Cette relation si singulière, chaque Président de la République a voulu lui imprimer sa marque, lui donner un nouvel élan, une nouvelle perspective ou une nouvelle méthode. L’actuel chef de l’État ne fait pas exception à cette règle, lui qui ambitionnait en 2017 à Ouagadougou d’écrire une « nouvelle relation d’amitié » avec le continent africain. Et pourtant, nous voilà en 2023 confrontés à cette question qui s’impose chaque jour avec davantage de force : la France et l’Afrique partagent un passé, mais partagent-elles encore un avenir ?

Le cœur, presque autant que la raison, m’incite à y répondre sans ambages par l’affirmative. Mais le fait même de formuler cette interrogation impose de procéder à une évaluation lucide et sans concession de la situation.

Vous l’avez rappelé, la France reste sur le continent africain un acteur clé dans un grand nombre de domaines. Mais depuis vingt ans, sa présence et son influence s’y font de plus en plus relatives. Dans ce laps de temps, ses parts de marché ont fondu de moitié. Depuis 2007, la Chine l’a remplacée comme premier exportateur vers le continent africain. Depuis 2017, elle a perdu son statut de premier fournisseur européen au profit de l’Allemagne. Et depuis l’année dernière, elle n’est même plus le premier partenaire commercial d’aucun des pays du Maghreb.

Les épisodes de tension se sont multipliés en Afrique subsaharienne, mais aussi en Afrique du Nord, où le principal résultat du rapprochement tenté avec l’Algérie est pour l’heure une prise de distance de notre allié marocain.

Le rayonnement de la culture française s’estompe également. En 2018, 59 % des 300 millions de locuteurs français dans le monde étaient africains. Pourtant, des pays francophones comme le Rwanda, le Togo ou le Gabon ont fait le choix de rejoindre le Commonwealth voire, pour certains, d’adopter l’anglais comme langue officielle ou comme langue d’enseignement. Le Maroc et l’Algérie envisageraient de s’engager sur une voie similaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Et si la France reste le premier pays de destination des étudiants africains, sa capacité à attirer les futures élites du continent pour les former est malheureusement en net recul par rapport à d’autres destinations.

Surtout, nous devons désormais faire face au mur de ce que l’on appelle le sentiment anti-français. Certes, nous pourrions être tentés de le relativiser, de n’y voir qu’un effet de loupe créé par quelques milliers d’activistes ou de désinformateurs aux motivations douteuses. Ce serait une erreur, car le phénomène est devenu incontournable. Il a joué un rôle majeur dans le départ contraint de nos armées du Mali, du Burkina Faso ou de République centrafricaine.

Le constat est cruel : malgré l’engagement remarquable de nos militaires contre le terrorisme islamiste et le sacrifice de cinquante-trois d’entre eux, dont le souvenir est présent dans tous nos cœurs, jamais la France n’a été, dans ces pays comme dans d’autres, aussi critiquée et, parfois, rejetée.

Ce ressentiment plonge bien sûr ses racines dans la colonisation et dans certains errements de la période post-coloniale. Mais il tient aussi au fait que, tout simplement, l’Afrique a profondément changé.

Il y avait 275 millions d’Africains en 1960. Ils sont aujourd’hui 1, 2 milliard, plus de la moitié d’entre eux ont moins de 25 ans. Une véritable bascule générationnelle s’est opérée, distendant nos liens diplomatiques, militaires et culturels.

Les nouvelles générations, les nouvelles élites africaines, au cœur de l’essor économique du continent, sont aussi celles de la globalisation. Le monde, désormais, se presse à la porte de l’Afrique. Les pays africains multiplient les partenariats – ce qui est bien normal – loin de toute relation exclusive. Cette réalité, et les attentes qui en découlent concernant la relation avec la France, sans doute ne les avons-nous pas suffisamment observées ni intégrées.

Ne soyons pas naïfs : certains de nos compétiteurs stratégiques font tout pour nous évincer et cherchent pour cela à accroître le sentiment anti-français. Dans ce domaine, l’affaire du prétendu charnier de Gossi nous a une nouvelle fois montré que tous les coups contre la France étaient permis. Comment réagir à cette nouvelle donne ?

Naturellement, nous devons entendre les reproches qui nous sont faits, les plus fondés comme les plus injustes, et y répondre non seulement par les mots, mais aussi par les actes. Cela ne signifie en aucun cas que nous devrions les intérioriser au point qu’ils guident à chaque instant notre attitude vis-à-vis de l’Afrique et des Africains. Comment, en effet, présenter une image attractive de notre pays si, finalement, nous acceptons en notre for intérieur qu’il soit dévalorisé ? Refusons donc le discours de ceux qui, dans le passé, ne voudraient voir qu’un passif. N’endossons pas la rhétorique de ceux qui mettent la France en accusation permanente et pour qui elle aura toujours tort, quoi qu’elle dise ou quoi qu’elle fasse.

Assumons par ailleurs franchement la promotion de nos intérêts : oui, la France a des intérêts en Afrique ! Ceux-ci ne résident pas, comme certains voudraient le faire croire, dans une domination économique fantasmée à travers le franc CFA ou dans une exploitation supposément prédatrice des ressources minières. Nos véritables intérêts sont ailleurs, mes chers collègues.

Sur le plan sécuritaire, nous avons intérêt à ce qu’il y ait moins de crises sur le continent, car tout conflit peut générer des effets négatifs de l’autre côté de la Méditerranée allant de la prolifération des armes au terrorisme, en passant par l’immigration irrégulière.

Sur le plan des équilibres internationaux, nous souhaitons nous fonder sur nos liens anciens avec certains pays africains pour continuer à appuyer mutuellement nos positions au sein des instances internationales.

Sur le plan économique, enfin, il est évident que, comme le reste du monde, nous avons intérêt à ce que l’Afrique continue de s’affirmer comme un relais d’innovation et de prospérité.

Mais pour œuvrer efficacement sur tous ces plans, il nous faut avant tout restaurer les moyens de notre influence. La revue nationale stratégique de novembre 2022 a justement fait de cette dimension une nouvelle fonction stratégique – si je voulais faire de l’ironie, je dirais qu’il était temps de redécouvrir que la diplomatie consiste à avoir de l’influence !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Plus sérieusement, la cohérence de notre action dans ce domaine interroge parfois, tant le hiatus est important entre des ambitions affichées et le sort que nous réservons à notre propre diplomatie : avec une réforme qui nie ses spécificités et son savoir-faire et des moyens drastiquement réduits depuis trente ans, la situation est inquiétante – même si je reconnais, madame la ministre, que vous avez stoppé cette hémorragie.

Combien d’agents sont aujourd’hui affectés à la veille et à la diffusion d’informations au sein de chacun de nos postes diplomatiques ? Dans les pays d’Afrique de l’Ouest, une poignée ; parfois seulement un stagiaire. Les effectifs des services de coopération et d’action culturelle, quant à eux, se réduisent année après année.

A contrario, les crédits consacrés à l’aide au développement ont beaucoup augmenté. Tant mieux ! C’est non seulement conforme aux engagements internationaux de la France, mais c’est surtout essentiel.

Je regrette cependant que, malgré nos appels répétés, la commission d’évaluation des politiques de soutien au développement, prévue par la loi d’orientation du 4 août 2021, n’ait toujours pas entamé ses travaux et n’ait d’ailleurs pas même été constituée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Quand elle le sera, elle constatera sans doute qu’il est indispensable de recentrer notre politique de solidarité internationale autour de quelques priorités fondamentales, que nous martelons en commission. Nourrir, soigner, éduquer : voilà les domaines où notre aide est la plus attendue, où elle peut porter ses meilleurs fruits ! Bien sûr, notre action peut, et doit, être conduite dans le respect du climat et de la bonne gouvernance, mais c’est bien dans ces dimensions vitales pour les populations qu’elle aura le plus d’impact.

Trop longtemps, notre aide au développement a fonctionné en vase clos, sans voir que nos partenaires, eux, font preuve d’une approche beaucoup plus intégrée.

Notre assistance technique, qui a longtemps été un formidable levier d’influence et d’exportation de notre savoir-faire, est devenue extrêmement réduite. L’organisme allemand Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) réalise un chiffre d’affaires de 3, 7 milliards d’euros et emploie 23 600 personnes. Pour Expertise France, c’est 339 millions d’euros et 1 400 personnes.

Il faut en outre reprendre le contrôle de notre aide multilatérale à l’Afrique. Plus de la moitié des contributions du Royaume-Uni, plus du tiers des contributions allemandes aux organismes multilatéraux sont fléchés vers leurs propres priorités d’action. Pour nous, cette proportion n’est que de 1 %. Quelle perte d’influence par rapport à nos partenaires !

Il faut compléter cette approche en incitant et en accompagnant bien davantage nos entreprises à s’implanter, à investir et à commercer avec le continent. Car c’est aussi comme cela que nous répondrons aux préoccupations des Africains, souvent d’ordre économique.

Enfin, reste la question centrale, structurante, de notre coopération militaire. Une opération comme Barkhane, malgré ses succès indéniables, que vous avez eu raison de souligner, monsieur le ministre, constitue peut-être une anomalie de par sa durée particulièrement longue. Faute de progrès sur la solution politique, la France s’est trouvée exposée en première ligne pendant des années, vulnérable à la propagande des Russes, de Wagner et de tous ceux qui ont intérêt à notre départ.

Pourtant, cette opération a aussi enclenché des partenariats utiles. Ainsi, au Niger, nos forces collaborent efficacement, sous commandement nigérien, à la lutte contre les groupes terroristes. Ces coopérations doivent être poursuivies, car elles permettent à nos partenaires de monter en puissance. Dans son discours de février dernier, le Président de la République a proposé de les inscrire dans le cadre d’un « nouveau partenariat sécuritaire ». Certains axes dégagés à cette occasion nous semblent de bon sens.

Je partage ainsi la volonté de mieux répondre aux demandes ponctuelles de nos partenaires. Je pense, par exemple, à l’appui au renseignement, où nous pouvons apporter notre connaissance et notre capacité de surveillance des groupes djihadistes qui tentent de s’infiltrer dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin ou du Togo.

Je partage aussi le constat selon lequel nous ne vaincrons pas les terroristes à la place des pays concernés. Tout appui opérationnel doit donc rester ponctuel, discret et efficace.

Concernant nos bases militaires, monsieur le ministre, vous connaissez ma position et celle de la commission. Ces bases sont essentielles et la récente opération Sagittaire, brillamment conduite à partir de Djibouti pour évacuer nos ressortissants présents au Soudan, en est une nouvelle preuve. Nos compétiteurs stratégiques sont d’ailleurs eux aussi convaincus de cette importance, notamment la Chine qui, après celle de Djibouti, cherche à ouvrir une base dans le golfe de Guinée.

Je ne suis pas hostile à ce que nous travaillions d’une manière différente, en cherchant à tenir compte du contexte local de chaque base pour mieux nous y adapter. Toutefois, s’agissant d’un outil militaire, je souligne que ces bases sont aussi l’expression de notre souveraineté, laquelle, par définition, ne se partage pas.

Naturellement, il appartient aux États hôtes, et à eux seuls, de décider s’ils acceptent ou non leur présence. Cependant, l’annonce d’une « cogestion » me pose problème sur les plans conceptuel et opérationnel : dans ce cadre, serions-nous toujours capables, demain, de lancer dans l’urgence une opération telle que Sagittaire ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, nous sommes à un moment charnière de notre relation avec le continent africain. Ce débat a pour but de vous amener à préciser vos priorités. Soyons objectifs : rien n’est plus acquis dans le nouvel environnement ultra-concurrentiel où de nombreux pays, y compris nos partenaires européens, tentent de gagner de nouvelles positions.

Si nous voulons continuer à jouer un rôle de premier plan, il nous faudra tirer les leçons, parfois douloureuses, de ces vingt dernières années et de nos quelques échecs. Sur tous les plans, nous devrons nous adapter, nous battre, nous remettre en question parfois, mais aussi savoir nous montrer fiers de ce que la France a accompli en Afrique.

La palette des outils à notre disposition est large. Il faut désormais les mettre en cohérence autour du cap clair et cohérent qui leur fait encore défaut, et avec un seul mot d’ordre : parions sur l’Afrique et parions sur la France !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Arlette Carlotti

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste était favorable à ce débat sur la politique de la France en Afrique, mais nous l’aurions souhaité sous une autre forme que cet échange extrêmement formel, qui ne nous permet pas d’exercer pleinement notre rôle de parlementaire.

Il intervient dans un contexte particulièrement douloureux de déclin relatif de l’influence de la France sur le continent africain, marqué par le rejet spectaculaire de notre présence militaire au Mali et au Burkina Faso. Pour beaucoup, c’est apparu comme un révélateur, mais nous savons que les causes sont bien plus lointaines.

Alors que, dans les années 1990, le continent était abandonné, il est désormais courtisé par de nombreux pays : la Russie, bien sûr, et la Chine, depuis plus longtemps, sans oublier les États-Unis, le Japon, la Turquie ou les Émirats arabes unis.

Tous ont développé leur appétit à l’égard de l’Afrique ; tous sont nos compétiteurs. Nous avons perdu nos liens privilégiés exclusifs avec les États africains. Il est temps que nos relations deviennent ordinaires et ne soient plus marquées du sceau de la singularité.

Alors que la hiérarchie du monde change, l’Afrique veut être considérée comme un acteur de plein droit sur la scène internationale. C’est un défi géopolitique majeur que le président Macron a pointé du doigt et qu’il convient de traduire dans les faits.

Au fil des ans, la société civile africaine a changé. La jeunesse, qui n’a pas connu les combats pour l’indépendance, trouve dans le sentiment anticolonial un chemin alternatif vers l’émancipation. Une partie d’entre elle s’est même fortement radicalisée. On assiste au développement d’un panafricanisme partisan d’une rupture franche avec l’Occident vieillissant, qui continue pourtant à vouloir imposer son ordre mondial. Ce conflit avec l’Ouest permet de réhabiliter les groupes djihadistes auprès des populations et la Russie en fait son miel !

L’Afrique prend ses distances avec la France, qui a perdu sa position privilégiée. Mais pourquoi l’aurait-elle gardé, puisqu’elle ne se distingue pas, ne développe pas une diplomatie originale, des liens nouveaux, équilibrés et respectueux ?

Certes, le Président de la République proclame la fin de la « Françafrique », qui ne concerne que l’Afrique francophone, mais cela n’est pas nouveau : depuis George Pompidou, tous ses prédécesseurs l’ont fait avant lui. Pourtant, nous avons continué à surfer sur nos relations anciennes, basées sur notre histoire coloniale, empreintes de corruption et de clientélisme, de double langage et d’arrogance.

Du fait de l’importance du continent africain et de son affirmation sur la scène internationale, la France ne peut se passer d’une politique à l’égard de l’Afrique, mais elle doit changer d’approche.

Le 27 février dernier, Emmanuel Macron a prononcé un discours qui se voulait fondateur. Nous attendions donc qu’il clarifie les nouvelles orientations de sa politique dans un contexte pour le moins tendu. Au lieu de cela, son intervention s’est plutôt inscrite dans la continuité, restant floue sur beaucoup de points. En tout état de cause, elle ne constitue pas les prémices d’une nouvelle politique africaine.

Sur le plan militaire, je tiens à rendre hommage à l’engagement de nos soldats lors des opérations Serval et Barkhane. Vous avez raison, monsieur le ministre, ils ont remporté de vrais succès, mais nous n’avons pas réussi à enrayer l’implantation des groupes djihadistes. On nous a reproché, dans le cadre de véritables campagnes d’exploitation politique, d’avoir saisi cette occasion pour asseoir un peu plus notre présence militaire.

De nombreuses fois alertée par notre commission, la ministre des armées de l’époque misait sur l’arrivée de nos partenaires européens au sein de Takuba… On ne peut pas dire que ce fut une réussite ! En tout cas, je ne le vois pas ainsi.

M. le ministre manifeste son désaccord.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Arlette Carlotti

À mon sens, l’Union européenne a montré sa faiblesse à cet égard. Or si elle ne veut pas être la grande perdante de la compétition qui s’est engagée, en Méditerranée comme sur le continent africain, elle doit s’impliquer davantage dans cette zone particulièrement instable, en s’abstenant de considérer ce continent comme un libre-service, une réserve de richesses et de matières premières rares ou comme une menace devant laquelle il faudrait se barricader.

Nous ne sommes plus le gendarme de l’Afrique. Ce temps est révolu, il nous faut changer de modèle. Le Président de la République l’a affirmé : l’influence de la France ne se mesurera plus au nombre de nos opérations militaires ni à celui de nos bases. Il préconise la réduction de l’empreinte directe de nos armées au profit d’un soutien aux forces de sécurité de la région. Vous avez d’ailleurs insisté sur ce sujet, monsieur le ministre.

Cela signifie-t-il que nous entrons dans une phase de repli ? Allons-nous continuer de nous mobiliser contre le djihadisme, qui touche désormais des pays qui avaient su s’en prémunir jusque-là, comme le Mozambique ?

Dans le domaine de l’aide au développement, Emmanuel Macron a aussi fait des annonces.

Sur le fond, nous avons compris que la notion d’aide au développement était dorénavant à proscrire. Selon un proverbe africain, la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. Aussi, il nous invite à passer d’une logique d’aide à une logique d’investissement solidaire et partenarial. Mais là encore, il s’agit d’une rhétorique déjà ancienne. Les Africains ont malheureusement l’habitude de ces déclarations non suivies d’effets.

Si les annonces présidentielles confirment la mobilisation de la France en faveur de la solidarité internationale, notamment sur les droits humains, le climat, la santé, l’éducation, la jeunesse ou l’égalité femme-homme, nous regrettons que l’eau et l’assainissement n’aient pas été cités, alors qu’il s’agit d’une priorité sectorielle inscrite dans la loi du 4 août 2021.

Les organisations de la société civile sont les grandes oubliées des priorités esquissées par le Président de la République. Je pense bien évidemment aux ONG françaises, mais aussi aux ONG des pays partenaires, qui, par leur proximité et leur engagement auprès des populations, jouent un rôle majeur. Nous devons en faire des partenaires privilégiés de notre politique.

S’il a rappelé les efforts financiers engagés par la France jusqu’en 2022, le Président de la République a éludé la trajectoire des financements. Les engagements de la France sont pourtant clairs sur ce sujet et inscrits dans la loi du 4 août 2021, qui vise à allouer 0, 7 % de notre revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement à l’horizon 2025. Ce débat a été tranché, cette trajectoire doit être maintenue !

Enfin, il nous manque toujours cet outil d’évaluation de nos politiques publiques d’aide au développement prévu par la loi. Voilà deux ans que la commission d’évaluation aurait dû être mise en place ! Pourquoi tant de tergiversations ? Nous vous rappelons que le Sénat a adopté le rattachement de la commission d’évaluation à la Cour des comptes.

Dans la stratégie 3D – défense, diplomatie, développement – que le Gouvernement a théorisée et qui a échoué selon moi, l’appareil militaire de défense et le développement étaient étroitement liés à la diplomatie. À cet égard, je m’interroge : la diplomatie française a-t-elle fait preuve de naïveté ou d’aveuglement ? Avons-nous sous-estimé la puissance du ressentiment et de la rancune que ces pays nourrissent à notre encontre, surtout quand l’histoire est convoquée par une propagande hostile ? Je ne le crois pas.

Je pense plutôt que notre logiciel politico-diplomatique est ancien et obsolète. On fait de la diplomatie comme on en faisait voilà quelques décennies, à l’époque où la France faisait et défaisait les régimes en place et disposait de moyens financiers et humains pertinents.

La France a oublié que l’Afrique des gouvernants n’est pas forcément celle des peuples. De plus, depuis quelques années, les moyens alloués à la diplomatie française sont trop faibles comparés à ceux des autres pays. Même si notre réseau diplomatique sur ce continent n’est pas le plus mal loti, nos petites ambassades sont contraintes de fonctionner en « couteaux suisses ». Ainsi, au Sahel, la présence de la France a été bien plus militaire que diplomatique.

La réforme du corps diplomatique qu’Emmanuel Macron a dévoilée en avril 2022 n’a pas apaisé nos inquiétudes. Elle n’apporte de fait aucune amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Arlette Carlotti

Nous craignons même, au contraire, qu’elle ne fragilise l’appareil diplomatique français, ce qui reviendrait à affaiblir le rayonnement de la France. C’est une situation inquiétante au moment où nous avons besoin de diplomates aguerris et compétents, auxquels je tiens à rendre hommage.

Le Président de la République a essayé d’ouvrir d’autres voies de dialogue lors du sommet Afrique-France de Montpellier, auquel j’ai assisté.

Ce fut un très bel événement, mais qu’en reste-t-il ? Un observatoire de la démocratie ! À quoi sert cette initiative ? La démocratie ne se décrète pas en laboratoire : elle est portée par un mouvement populaire, elle est le fruit d’un engagement politique. Emmanuel Macron a voulu une démarche moderniste, mais a proposé un schéma suranné et à contresens.

De la même manière, alors que le franc CFA fait l’objet de débats passionnés depuis des décennies, une annonce des présidents Ouattara et Macron, venue d’en haut, sans processus de consultation ni des autres chefs d’État ni des populations, ne peut que faire débat. Une décision imposée est toujours une décision suspecte. À quoi sert de vouloir imposer nos modèles clés en main ?

Il suffit de soutenir une gouvernance respectueuse des droits humains sans imposer un agenda démocratique irréaliste. Le chef de l’État a insisté sur la démocratie et la liberté dans son discours de l’Élysée du 27 février. Il s’est certes rendu en Afrique à de nombreuses reprises depuis son élection, mais souvent dans les pays les moins démocratiques du continent, qui abritent les plus anciens autocrates ou leurs dynasties.

Il semble que la realpolitik le rattrape toujours. Nous ne lui reprochons pas de pratiquer cet exercice, afin de maintenir l’influence de la France, car nous mesurons combien la tâche est difficile. Ce que nous condamnons, c’est le double langage. Ainsi, quand la France accepte le pouvoir militaire au Tchad, mais le condamne au Mali, notre pays perd toute crédibilité. Nous ne pouvons défendre des valeurs à géométrie variable.

Nous devons aussi nous montrer plus attentifs aux tragédies qui touchent le continent : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, en Éthiopie, au Soudan ou en République démocratique du Congo (RDC).

Les pénuries alimentaires constituent autant de tragédies. En raison du réchauffement climatique, elles frappaient déjà les régions de la Corne de l’Afrique. La situation s’est aggravée avec la non-livraison de céréales à bas prix en provenance d’Europe de l’Est sans que ni l’Union européenne ni la France soient en mesure de prendre le relais, du moins à court terme, pour faire face à la disette – mais peut-être sommes-nous en train d’y remédier.

En République centrafricaine ou au Burkina Faso, le chantage alimentaire constitue même l’un des facteurs déterminants de la montée d’influence de la Russie.

Ces crises alimentaires vont immanquablement déboucher sur une nouvelle crise migratoire. Madame la ministre, monsieur le ministre, sachez que, lors du débat sur l’immigration, nous veillerons à ce que notre politique de développement ne soit pas assujettie aux enjeux de politique intérieure. Allez dire au ministre Darmanin que sa politique restrictive des visas a coupé les liens indéfectibles avec les Africains, particulièrement les jeunes.

La politique de la France en Afrique est illisible et blessante. Blessante, car chaque fois que la France s’exprime, elle fait preuve d’un certain paternalisme et de condescendance, empreints de maladresses et de propos déplacés qui alimentent le sentiment anti-français tant auprès des gouvernants que des populations, fatiguées de ces remarques désobligeantes.

Les maladresses se multiplient et les incompréhensions demeurent. Nous avons pourtant un atout formidable avec l’espace francophone, qui peut être un excellent vecteur de réconciliation. Vous l’avez évoqué, madame la ministre, mais les gouvernements successifs ne l’ont jamais assez utilisé.

Il est temps de procéder à des évolutions dans notre dialogue avec l’Afrique, plus exactement avec les Afriques, même si je me suis plutôt penchée sur l’espace francophone, comme vous, monsieur le ministre, car c’est là que nous avons un lourd héritage à régler. À défaut, le continent entier risque de glisser vers une forme de chaos, dont la Russie et la Chine tireront immanquablement les bénéfices en pillant l’ensemble des ressources.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour comprendre l’Afrique, encore faut-il la connaître. Je m’y suis rendu à cinquante-sept reprises depuis 2015 et elle m’étonne à chaque fois.

Je commencerai par trois anecdotes.

Tout d’abord, celle de cet entrepreneur français, qui a subi un vol dans sa société. Il se rend à la police. On le renvoie vers la dame aux balais, qui lui communique un nom après avoir utilisé deux balais croisés. Après vérification sur sa vidéosurveillance, il découvre qu’elle a raison.

Que dire de ce compatriote qui croit son portefeuille volé à son domicile ? Affolée, une personne à son service part précipitamment chez le marabout, qui lui révèle que le portefeuille est à la vue de tous et que personne ne le voit. Elle rentre avec le message du marabout. Le portefeuille est retrouvé, une heure plus tard, oublié près de la piscine.

Ou encore ce consul général, qui fait venir chaque année un coupeur de pluie pour s’assurer de célébrer le 14 juillet au sec. Après deux heures de réception, le coupeur de pluie lui demande s’il peut partir ; dès son départ, la pluie se met à tomber sur le consulat.

Les esprits cartésiens seront dubitatifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

M. Olivier Cadic. Notre consul général ne se fait pas rembourser la prestation par le Quai d’Orsay…

Mme la ministre s ’ en amuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Olivier Leloustre, conseiller des Français de l’étranger, établi depuis vingt ans en Afrique, m’a confié qu’il se refusait à expliquer l’Afrique à quelqu’un qui n’y avait pas déjà vécu au moins cinq ans.

On aborde souvent à tort la stratégie française en Afrique au travers d’un seul prisme. C’est une erreur, car il n’y a pas une, mais des Afriques. Chacune a des problématiques bien distinctes, même si certaines se recoupent.

Emmanuel Macron a visité vingt-cinq pays de ce continent depuis sa première élection en mai 2017, ce qui fait de lui le dirigeant ayant le plus d’engagements diplomatiques avec les nations africaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Pourtant, sur le continent africain, et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest et au Sahel, on nous répète que le sentiment anti-français ne cesse de croître.

Et si c’était une fake news sciemment entretenue, illustrant la guerre hybride livrée à la France pour nous affaiblir ? Nous nous fions trop aux réseaux sociaux animés par les activistes. Aujourd’hui, les gens les plus crédibles aux yeux de la population sont ceux qui parlent le plus, non ceux qui disent la vérité.

Le mea culpa permanent sur notre passé, sur lequel de soi-disant experts se répandent, est ressenti comme une faiblesse sur ce continent. De grandes entreprises françaises sont l’objet de violentes attaques de la part de représentants d’ONG soutenues par leurs concurrents.

Nous avons peut-être perdu une bataille dans la guerre informationnelle l’an dernier au Sahel, mais nous n’avons pas perdu la guerre. Vous avez raison, monsieur le ministre : les militaires de l’opération Barkhane ont été irréprochables. Ils sont notre fierté.

Anti-Français, les Africains ? Expliquez-moi pourquoi les demandes d’inscription pour étudier en France battent des records. L’Algérie en est à 53 000 ; elle dépasse pour la première fois le nombre de demandes marocaines, qui est d’environ 30 000. Au Togo, après une hausse de 73 % sur la période 2016-2021 et de 68 % en 2022, une augmentation de près de 40 % est déjà enregistrée cette année. Un ministre togolais m’a confié que les Togolais de France renvoyaient plus d’argent au Togo que ce que nous leur apportons en aide au développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Pourquoi donc se détourneraient-ils de nous ?

Dans beaucoup de pays, il m’a été dit : « Je ressens une envie de France ! ». Un Camerounais m’a avoué ce week-end : « Lorsque nous avons le partage de la langue, la proximité est plus forte. Dans notre inconscient, la France est la plus proche. Les liens sont forts. »

Nos compatriotes installés en Afrique m’ont tous assuré qu’ils ne se sentaient pas menacés en tant que Français. En revanche, il est vrai que nous sommes confrontés à une guerre hybride menée contre l’influence de la France et ses intérêts économiques. Avec quelques euros, on paie un journalier aussi bien pour travailler que pour manifester avec un drapeau russe devant l’ambassade de France.

Le sentiment « anti-politique française », tout comme le sentiment « anti-intérêts français », n’est pas seulement alimenté par les puissances étrangères et leurs « proxy ». Dans plusieurs pays, des personnes surfent sur du néonationalisme, faisant de la France le bouc émissaire idéal pour expliquer leurs difficultés et s’imposer politiquement. Ma collègue Carlotti a parlé des apôtres du panafricanisme. Mais qui trouve-t-on derrière eux ?

Ces mouvements populistes gagnent en visibilité. Lorsqu’ils s’imposent, ils se jettent dans les bras de la Russie, de la Chine, de l’Iran et consorts. On le voit au Burkina Faso ou au Mali.

Ils trouvent un écho auprès des acteurs économiques locaux, qui en profitent pour faire du « dégagisme » à l’encontre de nos entreprises et participer ainsi à la prédation sur leurs activités.

Récemment, la filiale de la brasserie Castel en République centrafricaine a été attaquée à coups de cocktails Molotov. On suspecte Wagner. De nouvelles menaces planent sur cet industriel français emblématique en Afrique, qui a fait de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) une marque de fabrique qui fait honneur à notre pays.

Monsieur le ministre, avec l’annonce du retrait de troupes françaises du continent, comment allez-vous défendre nos intérêts économiques et nos entreprises quand ils seront directement attaqués ? Comment justifiez-vous ce retrait, alors que l’on observe une militarisation accrue de la Chine pour consolider ses liens diplomatiques et commerciaux avec le continent ?

Le retrait de Barkhane a fait les affaires des groupes terroristes au Sahel. Beaucoup s’en rendent compte dans les pays avoisinants en voyant la menace progresser.

Pour la première fois depuis dix-sept ans, le chef d’état-major algérien s’est rendu en France. Il faut savoir que 93 % des ressources algériennes proviennent du Sud algérien. Comment les Algériens analysent-ils la situation sécuritaire au Sahel et envisagent-ils une coopération militaire ?

Le terrorisme islamiste en Afrique est le visage du crime international organisé, structuré, à l’image des gangs criminels que j’ai observés en Amérique latine. Il se drape dans un militantisme religieux pour légitimer les recrutements.

Au Brésil, des milices ont été créées pour protéger des quartiers et lutter contre les gangs. Les habitants doivent alors se plier aux règles de la milice et échangent leur liberté contre de la sécurité. En Afrique, certains pays font appel à la milice Wagner, qui se paie sur les ressources du pays, à l’instar d’une milice mafieuse.

Contrairement à ce que certains prétendent, la France n’abandonne pas l’Afrique.

Voilà six mois, j’ai visité l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, près d’Abidjan. Ce centre d’excellence est destiné à appuyer les pays africains dans leur effort. Le modèle de gouvernance de l’Académie franco-ivoirienne est un exemple pour la nouvelle posture de la France sur ce continent. J’en profite pour saluer la réunion, le 11 mai dernier, du premier conseil d’administration international, avec les Australiens, les Canadiens, les Hollandais et les Américains. Le modèle interministériel retenu pour l’Académie doit avoir valeur d’exemple en Afrique. Il permet d’éviter que l’armée ne porte seule l’antiterrorisme, avec les risques de dérapages sur les populations civiles que cela implique.

Ce modèle est innovant et mérite d’être mieux connu. Combien de pays africains se sont-ils déclarés intéressés par cette initiative ?

Madame la ministre, la gestion de l’attribution des visas par la France est une cause de frustration observée dans de nombreux pays africains. Cela conduit à des décisions défavorables à la France.

Par exemple, certaines entreprises ont préféré se fournir en matériel venant d’un autre pays que la France, de peur de se voir refuser des visas pour une entrée sur le territoire français et de ne pouvoir former leurs personnels de manière satisfaisante. Quelles décisions sont prises pour améliorer notre politique d’attribution de visas, perçue parfois comme vexatoire ?

Par ailleurs, il apparaît fondamental d’aider les pays de ce continent à s’organiser dans le domaine de la santé.

Pour faire face à la pénurie, le sang est acheté auprès de donneurs. Contaminé, hépatique, il est inutilisable à 60 %. Concernant les médicaments, afin de lutter contre les produits contrefaits et d’aider les industriels à servir le continent, pourriez-vous encourager la création d’une agence africaine du médicament ?

La France incarne les valeurs démocratiques. À cet égard, j’ai personnellement été attristé par le renversement du président Roch Kaboré, un an après sa réélection, sans que nous intervenions pour protéger cette démocratie.

Le Somaliland est un État de la Corne de l’Afrique qui a déclaré son indépendance en 1991, à l’issue de la guerre civile avec la Somalie, pays en proie à des conflits depuis plus de trente ans. Ce dernier a des liens revendiqués avec la Russie, comme le montre la visite récente du ministre somalien des affaires étrangères à Moscou.

Depuis son indépendance, le Somaliland a su garantir une stabilité politique à ses citoyens, avec l’élection d’un président et de deux chambres au suffrage universel. Cinq présidents se sont succédé à la tête du pays depuis son indépendance. Allons-nous évoluer sur la question d’une prise en compte officielle du Somaliland pour favoriser son développement ou allons-nous continuer à nous limiter aux relations avec Mogadiscio ?

La France, comme nos partenaires africains, a besoin d’une ligne claire, fondée sur le respect mutuel. Cessons de chercher à nous faire aimer ; concentrons-nous sur nos intérêts en faisant valoir nos atouts pour nous faire désirer.

Un membre du parlement togolais, l’honorable Alipui, l’a résumé ainsi, hier, devant moi à Lomé : « Plutôt que pour “Plus de France”, optez pour “Mieux de France” ».

Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucune relation internationale n’est aussi complexe et importante pour notre pays et notre continent que celle qui nous unit à l’Afrique.

La politique étrangère de la France envers le continent africain se trouve à la croisée des chemins, oscillant entre les promesses d’une coopération fructueuse et les traces tenaces de son passé néocolonial. Comme le disait Albert Camus, l’amitié n’exige rien en échange, elle grandit librement dans le terreau des valeurs communes.

Le groupe RDPI se félicite des résultats de la récente tournée du Président de la République en Afrique, durant laquelle il s’est rendu au Gabon, en Angola, ainsi qu’en République démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville, à cheval sur les mois de février et mars. Celle-ci a été marquée par des déclarations importantes et des actions concrètes de la part de notre pays.

À titre d’illustration, les programmes de développement durable, les actions en faveur de la gouvernance démocratique et les efforts pour soutenir l’autonomie africaine témoignent d’un désir de réinventer notre relation.

Lors de son discours prononcé au Gabon, le Président de la République a affirmé que l’ère de la Françafrique était révolue. Cette déclaration reflète la volonté de la France de rompre avec certaines pratiques du passé et de promouvoir un partenariat équilibré et transparent avec les pays de ce continent. Il s’agit d’un vrai tournant dans cette relation.

Après ce tour d’horizon de nos valeurs, il faut souligner les principaux défis que ces pays doivent relever.

Il y a d’abord l’environnement. Nous appuyons les mesures prises en faveur de la protection des forêts tropicales et primaires en Afrique, pour laquelle la France a investi 100 millions d’euros. Lors du sommet des forêts à Libreville, le 2 mars dernier, Emmanuel Macron a rappelé les engagements pris lors de la COP15 à Montréal et de la COP26 à Glasgow pour inverser le cours de la déforestation et protéger 30 % de la nature d’ici à 2030.

Ce format de sommet pourrait être annuel. Soyons attentifs à la signature d’un nouveau pacte financier Sud-Nord lors des travaux prévus à Paris ce mois-ci et au lancement de certificats de biodiversité d’ici à la fin de l’année, avant la COP28 à Dubaï, où les premiers contrats pays pour la conservation positive pourraient être signés.

Ensuite, il y a le développement économique, qui n’est possible que dans un environnement sain. À l’occasion de sa déclaration à Luanda, le Président de la République a souligné l’importance de la diversification de l’économie angolaise et de la souveraineté alimentaire. La France encourage le renforcement des partenariats en mettant l’accent sur la formation professionnelle, sur le développement de filières agricoles et agroalimentaires ainsi que sur la modernisation des infrastructures dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et des transports, notamment dans le cadre du programme Choose Africa 2. Nous devons maintenant observer les résultats concrets, tels que la création d’usines et de fermes.

Enfin, il y a les enjeux sécuritaires, qui sont encore au cœur des préoccupations.

Ainsi en est-il de la piraterie, qui sévit depuis 2005 autour de la Corne de l’Afrique. Malgré une mobilisation internationale sans précédent, ce fléau demeure une menace pour le transport maritime. Selon la Banque mondiale, les rançons ont rapporté entre 339 millions et 413 millions de dollars aux pirates et à leurs commanditaires entre 2005 et 2012. Toutefois, en 2021 et 2022, le nombre d’actes de piraterie et de brigandage maritime a diminué de façon significative au niveau mondial, avec une baisse de 15 % par rapport à 2020, selon le MICA Center, pour Maritime Information Cooperation & Awareness Center, basé à Brest. Face à la persistance du phénomène, quelle stratégie adopter ? La présence des bâtiments militaires de l’Otan a permis une diminution notable des actes de piraterie, mais les eaux africaines présentent encore des dangers.

Passons à l’influence grandissante de la Russie et de la Chine en Afrique. Nous devons reconnaître que la présence et l’influence de la France sur ce continent ne sont plus ce qu’elles étaient, et ce depuis une quinzaine d’années. Nous avons été témoins, en mai 2022, des slogans anti-français scandés devant notre ambassade à Pretoria, où des drapeaux tricolores ont été brûlés. C’est le reflet d’un sentiment anti-occidental croissant en Afrique. Nous devons y répondre.

Ainsi, la diplomatie française a opéré un changement de posture et s’est réarmée en communiquant davantage, en renouvelant ses partenariats, en menant des actions accrues en direction de la jeunesse et en tissant des liens solides avec la diaspora française à l’étranger.

La Chine et la Russie tentent de remplir les espaces vides que nous avons laissés. La Chine, grâce à des investissements massifs, se concentre sur la côte est de l’Afrique, tandis que la Russie, avec une présence plus marquée en Afrique francophone et au Sahel, profite de la fin de l’opération Barkhane.

Comme cela est clairement réaffirmé à l’article 4 de la loi de programmation militaire, la réduction de la présence militaire française ne signifie ni retrait ni désengagement, mais plutôt adaptation aux évolutions des menaces et aux besoins des pays partenaires. Chaque pays africain doit renforcer sa propre autonomie sécuritaire. Aucune ancienne base Barkhane ne sera fermée, mais toutes seront destinées à former plus de militaires des pays concernés.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il ne s’agit en rien d’un recul de la France dans ces pays. C’est une manière d’être présent différemment.

Exclamations iron iques sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

S’agissant d’États souverains, notre présence correspond à ce qu’ils veulent. Les bases évoquées par le Président de la République ont été mises en place par des accords de défense entre deux États souverains. À cet égard, il a été demandé au ministère des armées de conduire une réflexion sur le Tchad, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Gabon.

Par ailleurs, le Bénin, qui semble devenir le nouveau nid du djihadisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

… pourrait être en train de suivre le chemin du Mali et du Burkina Faso, qui se sont tournés vers la Russie à la suite de manifestations contre la force Barkhane.

Madame la ministre, monsieur le ministre, quelle réponse constructive la France peut-elle imaginer pour préserver ses liens historiques, tout en respectant la souveraineté et les aspirations de ces nations africaines ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la déclaration du Gouvernement sur la politique de la France en Afrique, dont nous débattons ce soir, s’inscrit dans la droite ligne du discours du chef de l’État du 27 février dernier au cours duquel il a proclamé que la France devait refuser d’entrer dans une logique de compétition, qu’il fallait tourner la page de l’économie de rente et qu’il convenait d’entrer dans une logique partenariale d’investissement solidaire.

Le problème, c’est que tous les fondamentaux dépassés de nos rapports économiques avec l’Afrique, qui sapent depuis tant d’années le développement de ces pays comme la confiance dans cette relation, sont maintenus, au mépris de tous les nouveaux enjeux du XXIe siècle.

Alors que les pays africains cherchent, par exemple, à financer leur développement, nous continuons de faire l’éloge de la pseudo-réforme unilatérale du franc CFA, qui laisse en l’état les instruments de la domination monétaire en vigueur et qui n’a constitué en vérité qu’une OPA hostile visant à tuer dans l’œuf le projet de monnaie ouest-africaine de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ou Cédéao.

L’Afrique continue de parler de souveraineté monétaire, mais quand j’ai interrogé le Gouvernement sur le stock d’or de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), toujours détenu à 81 % à la Banque de France, ou sur la publication d’une annexe mentionnée à la convention de garantie entre la BCEAO et la République française, on m’a répondu : « Circulez ! Il n’y a rien à voir. »

Nous parlons d’être un partenaire d’avenir du développement en Afrique, mais nous ne portons pas le fer contre l’organisation du commerce international et la nature des échanges franco-africains qui l’entravent : traités de libre-échange foncièrement inégaux, démantèlement des services publics et des embryons d’État social dans ces pays, course au moins-disant fiscal, nivellement par le bas de la protection des travailleurs, politiques de prédation et maxi-bénéfices des multinationales, qui agissent sur place en toute impunité.

Si l’Afrique subsaharienne ne représente qu’environ 2 % de notre commerce extérieur, les parts de marché sont concentrées dans les mains de quelques grands groupes qui font des affaires avec un taux de profit indécent en complicité avec des élites extraverties et corrompues et au détriment d’une très grande majorité des Africains.

J’ai souvent dénoncé des exemples caricaturaux comme la surfacturation par des groupes français du train urbain d’Abidjan ou les profits accumulés par le groupe Bolloré dans les ports ouest-africains avant d’en partir sans égard pour les pays concernés.

Le coût pour les peuples africains du maintien de tels rapports économiques est exorbitant ; il se nomme grande pauvreté, sous-alimentation, maladies endémiques, insécurité, corruption des élites, migrations forcées. La jeunesse africaine ne veut plus de tout cela !

Quand allons-nous comprendre que le rejet de la politique française trouve ici ses racines profondes et qu’il ne peut être réduit au succès d’influences russes, turques, chinoises ou de qui sais-je encore ? Quand tirerons-nous vraiment les leçons des dizaines d’interventions militaires françaises en Afrique, dont la dernière, Barkhane, est en vérité un échec politique lourd de conséquences ?

Notre politique reste à mille lieues des exigences populaires dans les pays africains en faveur d’une vraie souveraineté, d’une deuxième indépendance comme ils disent, exigences qu’ils expriment concrètement de plus en plus souvent.

Vous ne comblerez pas ce fossé en lançant un média de propagande pour vanter les mérites de la politique française, n’en déplaise à ceux qui, au Gouvernement et parmi nos collègues, évoquent abondamment la lutte d’influence pour tout expliquer. La seule manière de combattre efficacement les fake news et les propagandes hostiles est la mise en cohérence entre les paroles et les actes de la politique française en Afrique.

Si nous écoutions vraiment les jeunesses africaines, si la France changeait réellement de politique pour respecter la soif de liberté, de souveraineté, de développement choisi, alors nous aurions tous à y gagner, ici et là-bas. L’agenda des objectifs d’un développement durable maîtrisé par les Africains eux-mêmes est la clé d’un véritable avenir de paix et de justice, sur lequel refonder nos relations.

L’Afrique a d’abord besoin de financements massifs et de création monétaire.

La France doit cesser de mettre sous dépendance la zone du franc CFA et agir au plan international pour changer radicalement les règles d’attribution des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI. Au-delà d’une redistribution des DTS non utilisés par les pays riches, qui se fait actuellement au compte-gouttes – et c’est nouveau –, une réforme des conditions d’émission des DTS devrait favoriser les critères de lutte contre la pauvreté et le financement à grande échelle de la transition économique et écologique du continent africain. Nous pourrions ainsi aider réellement les pays africains comme nous l’avons déjà proposé.

Soyons attentifs à ce qui se passe ! Je constate que les Brics – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – ne restent pas inertes. Si nous continuons comme nous le faisons, nous passerons une fois de plus à côté des besoins d’aujourd’hui.

Dans le domaine fiscal, nous constatons que, si les recettes fiscales représentent en moyenne 34 % du PIB dans les pays de l’OCDE, elles sont deux fois moins importantes dans les pays en développement, notamment en Afrique. Ce n’est pas un hasard.

Les pays africains ont besoin de nouvelles recettes fiscales. Nous devrions y consacrer des efforts, en cohérence avec la réalisation des objectifs contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que la France a ratifié. C’est au nom de ce pacte que nous renouvelons notre proposition de flécher au moins 10 % de l’aide publique au développement (APD) vers le soutien au renforcement des systèmes fiscaux de ces pays pour leur donner les moyens budgétaires d’un développement endogène.

J’entends souvent dire ici « L’Afrique est notre avenir », mais elle est d’abord l’avenir des Africains. C’est par là que tout doit commencer ; c’est avec les Africains, partenaires enfin respectés, que nous devons surmonter les défis communs en matière sociale, climatique et environnementale.

La France pourrait ainsi passer d’une politique de conquêtes abruptes et inopérantes de parts de marché à trop court terme, d’une politique de VRP pour des ventes d’armes et des systèmes de sécurité, d’une stigmatisation hypocrite des migrations, alors que ce sont les politiques que nous promouvons qui les provoquent, à une autre logique de rapports mutuellement avantageux, de coopérations repensées, en appui aux choix propres de ces pays pour un développement endogène.

Nous devrions encourager l’industrialisation indispensable de ces pays. Nous devrions encourager le retour à une agroécologie vivrière, qui a largement fait ses preuves, y compris au Sahel, plutôt que de soumettre les pays africains à des accords commerciaux qui déstructurent leurs filières agricoles et de pêche.

Enfin, si nous comprenions l’impasse de nos aventures militaires à répétition, nous prendrions un tournant concernant les bases militaires permanentes, en allant le plus rapidement possible vers leur suppression.

Soyons lucides et honnêtes ! L’exercice par la France de ce pan important de la souveraineté des pays africains a globalement produit des résultats très médiocres. Dire cela n’est pas renoncer à toute coopération militaire avec les pays africains, mais c’est accepter le refus de ces pays d’être dans une relation exclusive de dépendance en matière militaire comme dans tous les autres domaines.

Il faut accepter qu’ils aient une pluralité de partenaires stratégiques. À défaut, nous précipiterons une évolution que nous dénoncerons alors peut-être avec véhémence.

Oui, madame la ministre, monsieur le ministre, c’est dans tous les domaines qu’il faut changer de logiciel en Afrique.

Je reconnais y être un peu allé à la serpe !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous devons changer résolument de logiciel. C’est ce que nous ne cessons de proposer et ce que ne cesseront désormais de nous rappeler les peuples africains. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Gisèle Jourda, ainsi que MM. Mickaël Vallet et Guillaume Gontard, applaudissent également.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. Pierre Laurent. Nous devons changer résolument de logiciel. C’est ce que nous ne cessons de proposer et ce que ne cesseront désormais de nous rappeler les peuples africains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Gisèle Jourda, ainsi que MM. Guillaume Gontard et Mick aël Vallet, applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 juillet 1959, le général de Gaulle ouvrait ici même la première session du Sénat de la Communauté qui réunissait 284 sénateurs, dont 98 représentaient douze pays africains. Le futur chef d’État du Sénégal siégeait ainsi dans cet hémicycle. À peine un an plus tard, au printemps 1960, la fin prématurée de la Communauté nous renvoie au discours du général de Gaulle : « La grande chance de la paix et de la civilisation, c’est que les hommes, les enfants de l’humanité qui disposent des moyens voulus, apportent leur aide à cette humanité tout entière. »

Soixante ans plus tard, nous souhaitons entretenir un lien d’estime et d’attachement réciproque avec le continent africain. Nous tentons, au mieux de nos capacités, de contribuer à apporter notre aide, lorsqu’elle est souhaitée, pour résoudre les crises que ces pays rencontrent.

Plus de la moitié de l’aide publique au développement de la France est consacrée au continent africain. La coopération décentralisée des collectivités locales françaises participe à construire des infrastructures – des puits, des routes, des écoles, des dispensaires… – afin d’améliorer le quotidien des populations. Ce faisant, nous contribuons à réduire la pauvreté et ses conséquences conflictuelles.

Notre engagement ne s’arrête pas là.

Nous participons depuis de nombreuses années à des missions de maintien de la paix. La France a notamment répondu présente en 2013, lorsqu’elle a été appelée pour empêcher les djihadistes de prendre Bamako. Cinquante-trois soldats français ont péri au Sahel lors de ces opérations. Je veux leur rendre hommage ce soir, avec une pensée pour leurs familles et leurs camarades.

Malgré la force et la constance de notre engagement, notre pays fait l’objet depuis environ une décennie de campagnes de propagande destinées à attiser la haine à notre égard. La Russie comptant parmi les meilleures spécialistes de la désinformation, nous n’avons pas été surpris de voir la milice Wagner intervenir en Centrafrique, puis au Mali.

La France, encore davantage depuis le Brexit, assume un rôle moteur dans les opérations de maintien de la paix lancées par l’Union européenne. Nous ne pouvons cependant être les seuls à supporter cette charge. Assez modérément soutenu tant par les gouvernements locaux que par nos partenaires européens, notre pays a progressivement réduit son engagement en Afrique.

Force est cependant de constater que la prolifération de mouvements islamistes, l’intervention de la milice russe et le piège de la dette chinoise ouvrent de sérieux motifs d’inquiétude.

Avec la croissance démographique et le dérèglement climatique en toile de fond, l’Afrique est exposée au risque de graves crises. D’ailleurs, nous assistons aujourd’hui à une véritable crise des institutions dans certains États africains. Les récents événements au Soudan confirment cette triste perspective, tout comme la famine qui menace la Corne de l’Afrique.

Plutôt que de préparer l’avenir, beaucoup ont malheureusement été détournés de la réalité par une idée qui continue de faire couler beaucoup d’encre : la Françafrique, bouc émissaire de tous les maux. Ce comportement trouble une appréciation correcte des faits politiques, couvrant par des mensonges l’incapacité de dirigeants à répondre aux attentes de leur peuple, le pouvoir se concentrant entre les mains d’un président ou d’une junte, qui use et abuse de son pouvoir.

Les faits sont cependant bien éloignés des thèses imaginées par des agitateurs sur les deux rives de la Méditerranée. La raison en est simple : l’ensemble du continent africain représente environ 5 % du commerce extérieur français en 2022. Ce chiffre fait voler en éclats le fantasme de l’eldorado.

Le premier partenaire commercial de l’Afrique est désormais la Chine. Le poids de la France ne cesse de s’amenuiser à mesure que d’autres puissances prennent leur essor. C’est une réalité à laquelle nous devons nous adapter.

Cette réalité est aussi composée de nouvelles amitiés. Ainsi, tout comme l’Afrique du Sud, l’Algérie ne cache plus sa proximité avec Moscou : elle a mené des exercices militaires avec l’armée de Poutine et refuse dans le même temps de délivrer des laissez-passer consulaires, nécessaires au retour des Algériens expulsés par la France. Elle n’est pas la seule à s’être égarée. Après plusieurs putschs, le Mali s’enfonce dans la crise, préférant répondre par la force aux carences de son État.

Ce ne sont là que quelques exemples. Ils sont autant de signes d’une tendance qui voit l’influence occidentale refluer sur le continent africain. Nous n’avons pas les mêmes valeurs que la Russie de Poutine et la Chine de Xi Jinping. Les gouvernements africains sont libres de nouer de nouveaux partenariats. Libres, et donc responsables. Il leur reviendra d’assumer l’ensemble des conséquences qui en découleront.

Dans cette nouvelle configuration, il est nécessaire d’ajuster la politique étrangère de la France. Faut-il continuer nos efforts, en poursuivant les mêmes orientations avec la même intensité ? En avons-nous encore les moyens ? Éprouvées par la crise de la covid, nos finances publiques sont dans un état préoccupant et d’ores et déjà mobilisées par le retour de la guerre en Europe.

L’invasion russe de l’Ukraine a fait prendre conscience aux Européens de la nécessité de prendre en main leur propre sécurité. Les efforts budgétaires consentis par les gouvernements du continent sont importants et visent à préparer nos armées à des engagements de haute intensité.

Avec des moyens limités, la concertation avec nos partenaires européens est encore plus nécessaire. La France sait depuis longtemps qu’il est dans l’intérêt de l’Union européenne de se préoccuper du devenir du continent africain. Certains États membres doivent encore être convaincus.

La population africaine, qui compte aujourd’hui plus de 1 milliard d’individus, pourrait passer à 2, 4 milliards d’ici à 2050. Dans le même temps, l’accroissement de population peut intensifier la gravité des crises dont celles qui ne trouvent pas de solutions locales génèrent des déplacements de population qui, eux, concernent directement l’Europe.

Le groupe Les Indépendants considère que les ambitions de la politique étrangère de la France en Afrique doivent être proportionnées aux moyens dont nous disposons. À cet effet, nous saluons la décision du Président de la République relative à la cogérance de bases militaires avec les pays dont nous partageons les objectifs.

Il conviendrait également de repenser notre relation avec l’Afrique en matière sécuritaire, migratoire et économique et de retrouver des instances de dialogue et d’échange, à l’instar de l’Union pour la Méditerranée.

Il nous apparaît ensuite nécessaire de concentrer nos efforts sur les pays qui partagent nos valeurs et se montrent solidaires. Rappelons que sept pays, dont l’Érythrée et le Mali, ont refusé à l’ONU de condamner l’agression russe en Ukraine.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 juillet 1959, le général de Gaulle ouvrait ici même la première session du Sénat de la Communauté qui réunissait 284 sénateurs, dont 98 représentaient douze pays africains. Le futur chef d’État du Sénégal siégeait ainsi dans cet hémicycle. À peine un an plus tard, au printemps 1960, la fin prématurée de la Communauté nous renvoie au discours du général de Gaulle : « La grande chance de la paix et de la civilisation, c’est que les hommes, les enfants de l’humanité qui disposent des moyens voulus, apportent leur aide à cette humanité tout entière. »

Soixante ans plus tard, nous souhaitons entretenir un lien d’estime et d’attachement réciproque avec le continent africain. Nous tentons, au mieux de nos capacités, de contribuer à apporter notre aide, lorsqu’elle est souhaitée, pour résoudre les crises que ces pays rencontrent.

Plus de la moitié de l’aide publique au développement de la France est consacrée au continent africain. La coopération décentralisée des collectivités locales françaises participe à construire des infrastructures – des puits, des routes, des écoles, des dispensaires… – afin d’améliorer le quotidien des populations. Ce faisant, nous contribuons à réduire la pauvreté et ses conséquences conflictuelles.

Notre engagement ne s’arrête pas là.

Nous participons depuis de nombreuses années à des missions de maintien de la paix. La France a notamment répondu présente en 2013, lorsqu’elle a été appelée pour empêcher les djihadistes de prendre Bamako. Cinquante-trois soldats français ont péri au Sahel lors de ces opérations. Je veux leur rendre hommage ce soir, avec une pensée pour leurs familles et leurs camarades.

Malgré la force et la constance de notre engagement, notre pays fait l’objet depuis environ une décennie de campagnes de propagande destinées à attiser la haine à notre égard. La Russie comptant parmi les meilleures spécialistes de la désinformation, nous n’avons pas été surpris de voir la milice Wagner intervenir en Centrafrique, puis au Mali.

La France, encore davantage depuis le Brexit, assume un rôle moteur dans les opérations de maintien de la paix lancées par l’Union européenne. Nous ne pouvons cependant être les seuls à supporter cette charge. Assez modérément soutenu tant par les gouvernements locaux que par nos partenaires européens, notre pays a progressivement réduit son engagement en Afrique.

Force est cependant de constater que la prolifération de mouvements islamistes, l’intervention de la milice russe et le piège de la dette chinoise ouvrent de sérieux motifs d’inquiétude.

Avec la croissance démographique et le dérèglement climatique en toile de fond, l’Afrique est exposée au risque de graves crises. D’ailleurs, nous assistons aujourd’hui à une véritable crise des institutions dans certains États africains. Les récents événements au Soudan confirment cette triste perspective, tout comme la famine qui menace la Corne de l’Afrique.

Plutôt que de préparer l’avenir, beaucoup ont malheureusement été détournés de la réalité par une idée qui continue de faire couler beaucoup d’encre : la Françafrique, bouc émissaire de tous les maux. Ce comportement trouble une appréciation correcte des faits politiques, couvrant par des mensonges l’incapacité de dirigeants à répondre aux attentes de leur peuple, le pouvoir se concentrant entre les mains d’un président ou d’une junte, qui use et abuse de son pouvoir.

Les faits sont cependant bien éloignés des thèses imaginées par des agitateurs sur les deux rives de la Méditerranée. La raison en est simple : l’ensemble du continent africain représente environ 5 % du commerce extérieur français en 2022. Ce chiffre fait voler en éclats le fantasme de l’eldorado.

Le premier partenaire commercial de l’Afrique est désormais la Chine. Le poids de la France ne cesse de s’amenuiser à mesure que d’autres puissances prennent leur essor. C’est une réalité à laquelle nous devons nous adapter.

Cette réalité est aussi composée de nouvelles amitiés. Ainsi, tout comme l’Afrique du Sud, l’Algérie ne cache plus sa proximité avec Moscou : elle a mené des exercices militaires avec l’armée de Poutine et refuse dans le même temps de délivrer des laissez-passer consulaires, nécessaires au retour des Algériens expulsés par la France. Elle n’est pas la seule à s’être égarée. Après plusieurs putschs, le Mali s’enfonce dans la crise, préférant répondre par la force aux carences de son État.

Ce ne sont là que quelques exemples. Ils sont autant de signes d’une tendance qui voit l’influence occidentale refluer sur le continent africain. Nous n’avons pas les mêmes valeurs que la Russie de Poutine et la Chine de Xi Jinping. Les gouvernements africains sont libres de nouer de nouveaux partenariats. Libres, et donc responsables. Il leur reviendra d’assumer l’ensemble des conséquences qui en découleront.

Dans cette nouvelle configuration, il est nécessaire d’ajuster la politique étrangère de la France. Faut-il continuer nos efforts, en poursuivant les mêmes orientations avec la même intensité ? En avons-nous encore les moyens ? Éprouvées par la crise de la covid-19, nos finances publiques sont dans un état préoccupant et d’ores et déjà mobilisées par le retour de la guerre en Europe.

L’invasion russe de l’Ukraine a fait prendre conscience aux Européens de la nécessité de prendre en main leur propre sécurité. Les efforts budgétaires consentis par les gouvernements du continent sont importants et visent à préparer nos armées à des engagements de haute intensité.

Avec des moyens limités, la concertation avec nos partenaires européens est encore plus nécessaire. La France sait depuis longtemps qu’il est dans l’intérêt de l’Union européenne de se préoccuper du devenir du continent africain. Certains États membres doivent encore être convaincus.

La population africaine, qui compte aujourd’hui plus de 1 milliard d’individus, pourrait passer à 2, 4 milliards d’ici à 2050. Dans le même temps, l’accroissement de population peut intensifier la gravité des crises dont celles qui ne trouvent pas de solutions locales génèrent des déplacements de population qui, eux, concernent directement l’Europe.

Le groupe Les Indépendants considère que les ambitions de la politique étrangère de la France en Afrique doivent être proportionnées aux moyens dont nous disposons. À cet effet, nous saluons la décision du Président de la République relative à la cogérance de bases militaires avec les pays dont nous partageons les objectifs.

Il conviendrait également de repenser notre relation avec l’Afrique en matière sécuritaire, migratoire et économique et de retrouver des instances de dialogue et d’échange, à l’instar de l’Union pour la Méditerranée.

Il nous apparaît ensuite nécessaire de concentrer nos efforts sur les pays qui partagent nos valeurs et se montrent solidaires. Rappelons que sept pays, dont l’Érythrée et le Mali, ont refusé à l’ONU de condamner l’agression russe en Ukraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Nous n’avons pas que des amis parmi les dirigeants africains. Dans la nouvelle configuration, il nous semble qu’il est important d’investir en faveur de nos alliés, en veillant à ne pas renforcer nos adversaires. Cela implique une stricte sélection des pays et des projets auxquels nous consacrons notre aide, qu’il s’agisse de la vie de nos soldats ou des milliards d’euros de l’aide publique.

Également libre et indépendante, la France doit agir au mieux de ses intérêts, au travers de deux axes essentiels : la réciprocité et une entente cordiale.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Olivier Cadic et François Patriat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Nous n’avons pas que des amis parmi les dirigeants africains. Dans la nouvelle configuration, il nous semble qu’il est important d’investir en faveur de nos alliés, en veillant à ne pas renforcer nos adversaires. Cela implique une stricte sélection des pays et des projets auxquels nous consacrons notre aide, qu’il s’agisse de la vie de nos soldats ou des milliards d’euros de l’aide publique.

Également libre et indépendante, la France doit agir au mieux de ses intérêts, au travers de deux axes essentiels : la réciprocité et une entente cordiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Olivier Cadic et François Patriat applaudissent également.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Afrique est le continent de tous les défis : climatique, démographique et économique. Il est aussi celui de tous les enjeux, pour ne pas dire de toutes les convoitises. L’intérêt de la Chine et de la Russie a permis de sortir l’Afrique de son face-à-face avec l’Europe, mais à quel prix ?

Concernant la Chine, la masse d’argent qu’elle a déversée sur de nombreux pays africains a créé une relation asymétrique qui n’a pas forcément apporté le développement attendu, bien que Pékin prétende depuis deux ans ouvrir une nouvelle ère pour une relation financière plus soutenable avec ses partenaires.

La Russie, quant à elle, y mène également sa stratégie d’influence, avec des moyens peu conventionnels si l’on songe au travail de sape mené par le groupe privé Wagner sur le thème de l’Occident décadent et toujours avide de domination. C’est peu subtil, mais, quels qu’en soient les moyens, cette stratégie est payante pour Moscou, puisque plusieurs pays africains se sont abstenus de voter les résolutions condamnant l’agression russe en Ukraine. L’abstention du Gabon sur le dernier texte, porté par Paris, est assez éclairante.

Face à cela, que peut l’Europe et que peut la France, qui traîne derrière elle le poids de l’histoire coloniale, des difficiles mouvements de libération et de la politique du pré carré qu’elle a installée dans les années 1960 ? On connaît les conséquences de cette histoire : dans certains pays, les relations avec la France demeurent, hélas, passionnées ou traumatiques.

Pourtant, depuis bien longtemps, sans renier une mémoire commune ni les réparations qui en découlent, nos présidents successifs ont appelé à regarder l’avenir plutôt que le passé.

De son discours à l’université de Ouagadougou jusqu’à ses récentes déclarations dans le cadre de sa dernière tournée diplomatique dans quatre pays africains, le président Macron n’a cessé de souligner la fin de la Françafrique et la nécessité de refonder une relation équilibrée. Comment ne pas partager cette volonté ?

Par la force des événements, il ne reste heureusement plus grand-chose de la Françafrique ; la fin du franc CFA en est, en quelque sorte, le témoignage symbolique.

Aujourd’hui, mes chers collègues, quelle page ouvrir avec l’Afrique pour construire une nouvelle ère dans le contexte géopolitique que j’ai évoqué au début de mon propos, ainsi qu’au regard des grands défis que nous ne pouvons affronter qu’ensemble ?

Il me semble que la première règle consisterait à toujours demander à nos partenaires ce qu’ils attendent de nous. Il faut bien sûr pour cela que la relation soit franche et sincère. Je le conçois, ce n’est pas aisé. Le président Macky Sall ne s’est-il pas servi du sentiment anti-français pour mieux justifier son maintien infini à la tête du Sénégal ?

L’instabilité politique peut aussi rendre nos bonnes intentions compliquées. Nous l’avons vécu au Mali : la France, directement appelée en 2013 par Bamako pour stopper l’avancée des groupes armés islamistes, a été priée de partir neuf ans plus tard par la junte installée au pouvoir.

De notre côté, sur le plan diplomatique, il faut clairement éviter tout geste qui pourrait apparaître comme un adoubement de tel ou tel dirigeant, tant certains États sont encore politiquement très fragiles et versatiles.

Sur le plan sociétal, je crois qu’il ne faut pas surestimer le rayonnement de la France, même si le français, langue de culture, pour reprendre les mots de Léopold Sédar Senghor, est encore bien vivace grâce aux instruments de la francophonie.

Restons humbles et, grâce à des échanges mutuels dépoussiérés des vieux démons, essayons d’orienter toutes nos politiques de coopération sous l’angle de la coproduction. C’est sans doute ce qu’attendent les nouvelles générations, qui veulent prendre en main leur propre développement et qui ont, à notre égard, des aspirations égalitaires plus prégnantes.

Cela est aussi vrai sur le plan militaire : nos accords de coopération doivent mettre davantage l’accent sur les aides à la formation et sur l’équipement des armées locales. L’envoi de troupes doit être le dernier recours ou doit se fondre dans une alliance équilibrée.

Cela ne doit pas empêcher pour autant le maintien de nos bases militaires, essentielles à notre stratégie de défense, ainsi que l’échange de renseignements avec nos partenaires africains. Nous avons en partage des enjeux sécuritaires, dont la lutte contre l’infatigable terrorisme islamiste.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je crois que c’est bien le sens de la volonté du chef de l’État qui a souhaité, lors de sa dernière allocution du 14 juillet, une offre militaire française rénovée en Afrique. Le groupe du RDSE partage en tout cas le principe d’une présence partenariale plus discrète et, de préférence et autant que possible, dans un cadre multilatéral.

Concernant la coopération économique, là encore, il faut se demander quels sont aujourd’hui les besoins de nos partenaires. « L’Afrique ne doit pas être seulement un pourvoyeur de matières premières », comme l’a très récemment rappelé Azali Assoumani, président en exercice de l’Union africaine.

L’indice d’industrialisation de l’Afrique publié l’année dernière par la Banque africaine de développement indiquait que les économies les plus industrialisées d’Afrique étaient celles qui avaient produit le plus d’efforts pour s’éloigner de la dépendance aux industries extractives et se tourner vers des secteurs à plus haute valeur ajoutée. Dans ces conditions, les entreprises françaises, en particulier les PME, ont tout intérêt à prendre ce virage et à investir dans ce sens.

Les pays anglophones, avec lesquels nous n’avons pas d’antécédents, si je puis dire, doivent aussi retenir un peu plus l’attention des investisseurs français.

Enfin, mes chers collègues, parce que l’Afrique est aux portes de l’Europe, nous devons aussi maintenir un lien fort avec plusieurs de ces pays pour la gestion des flux migratoires. L’explosion démographique du continent nous invite à regarder cette question avec ouverture, car rien n’arrêtera ce mouvement.

À cet égard, au-delà de nos accords bilatéraux sur le problème migratoire, il revient à l’Union européenne de travailler au plus proche avec les institutions régionales africaines pour rendre plus effective l’approche globale qu’elle a adoptée en 2005 et qui est basée sur trois axes : la promotion de la mobilité et de la migration légale ; la prévention et la lutte contre l’immigration clandestine ; l’optimisation du lien entre migration et développement.

Gardons aussi à l’esprit que l’Afrique ne doit pas être privée de ses talents, indispensables à son développement. L’immigration choisie a ses limites. Il est temps de penser notre coopération dans une logique de gagnant-gagnant.

Mes chers collègues, il est évident que la France doit écrire un nouveau récit avec le continent africain et faire la démonstration de son utilité, car notre pays a une expertise et des valeurs nécessaires à la défense des intérêts de l’Afrique, dont certains sont aussi les nôtres.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Afrique est le continent de tous les défis : climatique, démographique et économique. Il est aussi celui de tous les enjeux, pour ne pas dire de toutes les convoitises. L’intérêt de la Chine et de la Russie a permis de sortir l’Afrique de son face-à-face avec l’Europe, mais à quel prix ?

Concernant la Chine, la masse d’argent qu’elle a déversée sur de nombreux pays africains a créé une relation asymétrique qui n’a pas forcément apporté le développement attendu, bien que Pékin prétende depuis deux ans ouvrir une nouvelle ère pour une relation financière plus soutenable avec ses partenaires.

La Russie, quant à elle, y mène également sa stratégie d’influence, avec des moyens peu conventionnels si l’on songe au travail de sape mené par le groupe privé Wagner sur le thème de l’Occident décadent et toujours avide de domination. C’est peu subtil, mais, quels qu’en soient les moyens, cette stratégie est payante pour Moscou, puisque plusieurs pays africains se sont abstenus de voter les résolutions condamnant l’agression russe en Ukraine. L’abstention du Gabon sur le dernier texte, porté par Paris, est assez éclairante.

Face à cela, que peut l’Europe et que peut la France, qui traîne derrière elle le poids de l’histoire coloniale, des difficiles mouvements de libération et de la politique du pré carré qu’elle a installée dans les années 1960 ? On connaît les conséquences de cette histoire : dans certains pays, les relations avec la France demeurent, hélas, passionnées ou traumatiques.

Pourtant, depuis bien longtemps, sans renier une mémoire commune ni les réparations qui en découlent, nos présidents successifs ont appelé à regarder l’avenir plutôt que le passé.

De son discours à l’université de Ouagadougou jusqu’à ses récentes déclarations dans le cadre de sa dernière tournée diplomatique dans quatre pays africains, le président Macron n’a cessé de souligner la fin de la Françafrique et la nécessité de refonder une relation équilibrée. Comment ne pas partager cette volonté ?

Par la force des événements, il ne reste heureusement plus grand-chose de la Françafrique ; la fin du franc CFA en est, en quelque sorte, le témoignage symbolique.

Aujourd’hui, mes chers collègues, quelle page ouvrir avec l’Afrique pour construire une nouvelle ère dans le contexte géopolitique que j’ai évoqué au début de mon propos, ainsi qu’au regard des grands défis que nous ne pouvons affronter qu’ensemble ?

Il me semble que la première règle consisterait à toujours demander à nos partenaires ce qu’ils attendent de nous. Il faut bien sûr pour cela que la relation soit franche et sincère. Je le conçois, ce n’est pas aisé. Le président Macky Sall ne s’est-il pas servi du sentiment anti-français pour mieux justifier son maintien infini à la tête du Sénégal ?

L’instabilité politique peut aussi rendre nos bonnes intentions compliquées. Nous l’avons vécu au Mali : la France, directement appelée en 2013 par Bamako pour stopper l’avancée des groupes armés islamistes, a été priée de partir neuf ans plus tard par la junte installée au pouvoir.

De notre côté, sur le plan diplomatique, il faut clairement éviter tout geste qui pourrait apparaître comme un adoubement de tel ou tel dirigeant, tant certains États sont encore politiquement très fragiles et versatiles.

Sur le plan sociétal, je crois qu’il ne faut pas surestimer le rayonnement de la France, même si le français, langue de culture, pour reprendre les mots de Léopold Sédar Senghor, est encore bien vivace grâce aux instruments de la francophonie.

Restons humbles et, grâce à des échanges mutuels dépoussiérés des vieux démons, essayons d’orienter toutes nos politiques de coopération sous l’angle de la coproduction. C’est sans doute ce qu’attendent les nouvelles générations, qui veulent prendre en main leur propre développement et qui ont, à notre égard, des aspirations égalitaires plus prégnantes.

Cela est aussi vrai sur le plan militaire : nos accords de coopération doivent mettre davantage l’accent sur les aides à la formation et sur l’équipement des armées locales. L’envoi de troupes doit être le dernier recours ou doit se fondre dans une alliance équilibrée.

Cela ne doit pas empêcher pour autant le maintien de nos bases militaires, essentielles à notre stratégie de défense, ainsi que l’échange de renseignements avec nos partenaires africains. Nous avons en partage des enjeux sécuritaires, dont la lutte contre l’infatigable terrorisme islamiste.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je crois que c’est bien le sens de la volonté du chef de l’État qui a souhaité, lors de sa dernière allocution du 14 juillet, une offre militaire française rénovée en Afrique. Le groupe du RDSE partage en tout cas le principe d’une présence partenariale plus discrète et, de préférence et autant que possible, dans un cadre multilatéral.

Concernant la coopération économique, là encore, il faut se demander quels sont aujourd’hui les besoins de nos partenaires. « L’Afrique ne doit pas être seulement un pourvoyeur de matières premières », comme l’a très récemment rappelé Azali Assoumani, président en exercice de l’Union africaine.

L’indice d’industrialisation de l’Afrique publié l’année dernière par la Banque africaine de développement indiquait que les économies les plus industrialisées d’Afrique étaient celles qui avaient produit le plus d’efforts pour s’éloigner de la dépendance aux industries extractives et se tourner vers des secteurs à plus haute valeur ajoutée. Dans ces conditions, les entreprises françaises, en particulier les PME, ont tout intérêt à prendre ce virage et à investir dans ce sens.

Les pays anglophones, avec lesquels nous n’avons pas d’antécédents, si je puis dire, doivent aussi retenir un peu plus l’attention des investisseurs français.

Enfin, mes chers collègues, parce que l’Afrique est aux portes de l’Europe, nous devons aussi maintenir un lien fort avec plusieurs de ces pays pour la gestion des flux migratoires. L’explosion démographique du continent nous invite à regarder cette question avec ouverture, car rien n’arrêtera ce mouvement.

À cet égard, au-delà de nos accords bilatéraux sur le problème migratoire, il revient à l’Union européenne de travailler au plus proche avec les institutions régionales africaines pour rendre plus effective l’approche globale qu’elle a adoptée en 2005 et qui est basée sur trois axes : la promotion de la mobilité et de la migration légale ; la prévention et la lutte contre l’immigration clandestine ; l’optimisation du lien entre migration et développement.

Gardons aussi à l’esprit que l’Afrique ne doit pas être privée de ses talents, indispensables à son développement. L’immigration choisie a ses limites. Il est temps de penser notre coopération dans une logique de gagnant-gagnant.

Mes chers collègues, il est évident que la France doit écrire un nouveau récit avec le continent africain et faire la démonstration de son utilité, car notre pays a une expertise et des valeurs nécessaires à la défense des intérêts de l’Afrique, dont certains sont aussi les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 9 novembre 2022, le Président de la République a annoncé la fin de l’opération Barkhane, près de dix ans après le déploiement de l’armée française au Mali. Dix ans de présence au Sahel et un seul vote du Parlement, en 2013…

Depuis, malgré les évolutions militaires considérables qu’ont connues les différentes opérations au Sahel, pas une seule fois le Parlement n’a pu exprimer son avis. Toutes les décisions ont été prises de manière unilatérale au sommet de l’État, même si vous nous avez fait la grâce d’un débat sur la possibilité d’un retrait français du Mali en février 2022 et que vous nous faites la grâce de celui-ci. La politique africaine de la France demeure une chasse gardée du pouvoir exécutif.

Cela n’est pas gage d’efficacité, puisqu’il est délicat de trouver une quelconque satisfaction au bilan de la décennie écoulée. Que l’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, force est de constater que jamais la position de la France en Afrique n’a paru si précaire.

En préambule, quel bilan pouvons-nous tirer de l’opération Barkhane ? Je voudrais tout d’abord, au nom du groupe écologiste, renouveler mes pensées pour les cinquante-neuf militaires morts au Sahel depuis 2013, leurs familles et leurs proches. La reconnaissance de la Nation est éternelle.

Nos forces armées se sont déployées au Mali en 2013 avec l’objectif d’empêcher une progression de la menace djihadiste. Si, selon Emmanuel Macron, l’opération Barkhane n’est pas un échec, nous pouvons tous ici convenir du fait que la menace djihadiste est loin d’être éradiquée. Alors que les djihadistes avaient reculé en 2014, ils sont aujourd’hui bien présents dans le nord et le centre du Mali, mais aussi au Burkina Faso, au Niger ou encore en Côte d’Ivoire.

Les situations politiques des pays concernés par l’opération Barkhane sont préoccupantes. Après plusieurs coups d’État récents, le Mali et le Burkina Faso sont aujourd’hui sous l’emprise de juntes militaires. Nous le craignions : sans solution politique pérenne, les opérations militaires ont peu de chances d’aboutir à une situation stable.

Depuis notre retrait du Mali en 2022 et du Burkina Faso en 2023, les djihadistes s’engouffrent dans le vide laissé par nos forces armées. L’opération Barkhane montre clairement les limites d’une intervention extérieure purement militaire, sans aucune vision de sortie de crise.

La situation chaotique de ces pays et de bien d’autres en Afrique, couplée avec un sentiment anti-français de plus en plus prégnant, ouvre la voie à l’influence russe, en particulier à la milice Wagner, aujourd’hui présente dans dix-sept pays africains.

La relation étroite de la France avec le continent africain s’est abîmée. Le sentiment anti-français a progressé à grande vitesse ces dernières décennies. Mais pourquoi ? La présence croissante de puissances étrangères cherchant à instrumentaliser le rejet de la France l’explique, mais seulement en partie.

C’est notamment le manque important de transparence des opérations militaires françaises qui est mis en cause. Comment les peuples et gouvernements africains peuvent-ils nous faire confiance, quand nous prenons des décisions sur l’avenir de leur pays sans leur consentement ?

Ce modèle d’intervention militaire paternaliste, qui n’associe pas ou peu à la décision les gouvernements des pays théâtres des opérations, a montré toutes ses limites. Une nouvelle fois, il paraît impensable d’envoyer à l’avenir nos troupes dans des pays sans débouchés politiques tangibles ou sans association étroite et sur la durée avec les pouvoirs politiques en place.

Nous devons absolument être plus transparents sur nos actions et reconnaître nos bavures et erreurs, comme le dramatique bombardement d’un mariage le 3 janvier 2021 au Mali.

Les peuples africains reprochent également à la France une indignation à géométrie variable concernant leurs dirigeants selon leur degré de coopération avec Paris. Ils le font à raison ! Pourquoi dénoncer, à juste titre, la dictature militaire au Mali, mais soutenir ldriss Deby, président du Tchad pendant trente ans, puis son fils, placé au pouvoir après la mort de son père ? Le respect de la volonté des peuples et des droits humains doit être notre boussole.

Alors que les effectifs de l’armée française sont réorientés vers le Niger et le Tchad, là où demeurent certains intérêts stratégiques vitaux, comme la fourniture d’uranium pour nos centrales nucléaires, il est plus que clair que nous devons bâtir un nouveau type de coopération avec le continent africain.

Les accords de défense comme les partenariats économiques doivent être conclus dans l’intérêt des peuples, tout en prenant garde à ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures des pays.

En parallèle, il nous faut continuer de soutenir le développement du continent et renforcer notre solidarité avec les pays les plus pauvres, notamment via notre aide publique au développement. Si des efforts notables ont été effectués depuis le vote de la loi de programmation voilà deux ans, nous rappelons avec force la nécessité de contribuer au développement par des dons directs et non par des prêts. Ces derniers conduisent à donner la priorité à des pays à revenus intermédiaires plutôt qu’aux pays pauvres.

L’aide apportée par notre pays doit être beaucoup plus ciblée et localisée. Garantir la sécurité et la subsistance des populations, au travers de réseaux locaux, est une autre manière de lutter contre le terrorisme, qui bien souvent assoit son influence en subvenant aux besoins des habitants.

Nous devons à l’Afrique ce juste retour, car notre dette envers ce continent est immense, mais nous devons aussi l’accompagner dans un développement qui doit immédiatement être durable.

Il faut davantage conditionner les aides versées au respect des droits humains, démocratiques, sociaux et écologiques, notamment les droits des femmes et ceux des peuples autochtones.

Nous demandons enfin que l’aide si opportunément accordée aux réfugiés ukrainiens sur notre sol intègre nos comptes sociaux et ne soit plus comptabilisée comme un effort d’aide publique au développement.

Au-delà de l’APD, il est nécessaire d’annuler les dettes de certains pays africains, notamment celles qui ont été contractées par des dictatures dans le seul but d’enrichir le clan au pouvoir ou d’engager des actions allant à l’encontre de l’intérêt général.

Tout cela est indispensable pour anticiper les futures décennies. Nous le savons, les pays les plus pauvres, ceux du Sud, vont subir et subissent déjà les conséquences les plus graves du réchauffement climatique.

Sommes-nous prêts à accueillir les futurs réfugiés climatiques, qui arriveront par millions en Europe ? Nous peinons déjà à accueillir dignement les réfugiés qui entrent sur notre sol. Durcir les politiques migratoires en vigueur ne sera d’aucun secours face à de tels mouvements de populations.

Par ailleurs, allons-nous continuer à laisser des entreprises françaises mener des projets climaticides ? Je pense notamment au nouvel oléoduc de Total, en Ouganda et en Tanzanie, qui émettra 379 millions de tonnes équivalent CO2 en vingt-cinq ans, soit l’équivalent de 216, 5 millions de liaisons aériennes Paris-New York ? Les scientifiques sont pourtant clairs : si l’on veut atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050, plus aucun projet fossile n’est possible !

En plus du risque climatique avéré, les ONG dénoncent déjà plusieurs cas de violation des droits humains par Total en Ouganda et en Tanzanie. J’en conclus qu’il est plus que temps de renforcer l’application de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, voire de la muscler en transformant le devoir de vigilance en obligation de vigilance, avec une responsabilité accrue des entreprises et des opérateurs publics intervenant à l’étranger.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur le constat : la politique africaine de la France est à un tournant. C’est l’occasion d’adopter une tout autre attitude vis-à-vis des peuples africains et de faire primer le respect mutuel et la coopération pour accompagner le développement social et écologique du continent africain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 9 novembre 2022, le Président de la République a annoncé la fin de l’opération Barkhane, près de dix ans après le déploiement de l’armée française au Mali. Dix ans de présence au Sahel et un seul vote du Parlement, en 2013…

Depuis, malgré les évolutions militaires considérables qu’ont connues les différentes opérations au Sahel, pas une seule fois le Parlement n’a pu exprimer son avis. Toutes les décisions ont été prises de manière unilatérale au sommet de l’État, même si vous nous avez fait la grâce d’un débat sur la possibilité d’un retrait français du Mali en février 2022 et que vous nous faites la grâce de celui-ci. La politique africaine de la France demeure une chasse gardée du pouvoir exécutif.

Cela n’est pas gage d’efficacité, puisqu’il est délicat de trouver une quelconque satisfaction au bilan de la décennie écoulée. Que l’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, force est de constater que jamais la position de la France en Afrique n’a paru si précaire.

En préambule, quel bilan pouvons-nous tirer de l’opération Barkhane ? Je voudrais tout d’abord, au nom du groupe écologiste, renouveler mes pensées pour les cinquante-neuf militaires morts au Sahel depuis 2013, leurs familles et leurs proches. La reconnaissance de la Nation est éternelle.

Nos forces armées se sont déployées au Mali en 2013 avec l’objectif d’empêcher une progression de la menace djihadiste. Si, selon Emmanuel Macron, l’opération Barkhane n’est pas un échec, nous pouvons tous ici convenir du fait que la menace djihadiste est loin d’être éradiquée. Alors que les djihadistes avaient reculé en 2014, ils sont aujourd’hui bien présents dans le nord et le centre du Mali, mais aussi au Burkina Faso, au Niger ou encore en Côte d’Ivoire.

Les situations politiques des pays concernés par l’opération Barkhane sont préoccupantes. Après plusieurs coups d’État récents, le Mali et le Burkina Faso sont aujourd’hui sous l’emprise de juntes militaires. Nous le craignions : sans solution politique pérenne, les opérations militaires ont peu de chances d’aboutir à une situation stable.

Depuis notre retrait du Mali en 2022 et du Burkina Faso en 2023, les djihadistes s’engouffrent dans le vide laissé par nos forces armées. L’opération Barkhane montre clairement les limites d’une intervention extérieure purement militaire, sans aucune vision de sortie de crise.

La situation chaotique de ces pays et de bien d’autres en Afrique, couplée avec un sentiment anti-français de plus en plus prégnant, ouvre la voie à l’influence russe, en particulier à la milice Wagner, aujourd’hui présente dans dix-sept pays africains.

La relation étroite de la France avec le continent africain s’est abîmée. Le sentiment anti-français a progressé à grande vitesse ces dernières décennies. Pourquoi ? La présence croissante de puissances étrangères cherchant à instrumentaliser le rejet de la France l’explique, mais seulement en partie.

C’est notamment le manque important de transparence des opérations militaires françaises qui est mis en cause. Comment les peuples et gouvernements africains peuvent-ils nous faire confiance, quand nous prenons des décisions sur l’avenir de leur pays sans leur consentement ?

Ce modèle d’intervention militaire paternaliste, qui n’associe pas ou peu à la décision les gouvernements des pays théâtres des opérations, a montré toutes ses limites. Une nouvelle fois, il paraît impensable d’envoyer à l’avenir nos troupes dans des pays sans débouchés politiques tangibles ou sans association étroite et sur la durée avec les pouvoirs politiques en place.

Nous devons absolument être plus transparents sur nos actions et reconnaître nos bavures et erreurs, comme le dramatique bombardement d’un mariage le 3 janvier 2021 au Mali.

Les peuples africains reprochent également à la France une indignation à géométrie variable concernant leurs dirigeants selon leur degré de coopération avec Paris. Ils le font à raison ! Pourquoi dénoncer, à juste titre, la dictature militaire au Mali, mais soutenir ldriss Deby, président du Tchad pendant trente ans, puis son fils, placé au pouvoir après la mort de son père ? Le respect de la volonté des peuples et des droits humains doit être notre boussole.

Alors que les effectifs de l’armée française sont réorientés vers le Niger et le Tchad, là où demeurent certains intérêts stratégiques vitaux, comme la fourniture d’uranium pour nos centrales nucléaires, il est plus que clair que nous devons bâtir un nouveau type de coopération avec le continent africain.

Les accords de défense comme les partenariats économiques doivent être conclus dans l’intérêt des peuples, tout en prenant garde à ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures des pays.

En parallèle, il nous faut continuer de soutenir le développement du continent et renforcer notre solidarité avec les pays les plus pauvres, notamment via notre aide publique au développement. Si des efforts notables ont été effectués depuis le vote de la loi de programmation voilà deux ans, nous rappelons avec force la nécessité de contribuer au développement par des dons directs et non par des prêts. Ces derniers conduisent à donner la priorité à des pays à revenus intermédiaires plutôt qu’aux pays pauvres.

L’aide apportée par notre pays doit être beaucoup plus ciblée et localisée. Garantir la sécurité et la subsistance des populations, au travers de réseaux locaux, est une autre manière de lutter contre le terrorisme, qui bien souvent assoit son influence en subvenant aux besoins des habitants.

Nous devons à l’Afrique ce juste retour, car notre dette envers ce continent est immense, mais nous devons aussi l’accompagner dans un développement qui doit immédiatement être durable.

Il faut davantage conditionner les aides versées au respect des droits humains, démocratiques, sociaux et écologiques, notamment les droits des femmes et ceux des peuples autochtones.

Nous demandons enfin que l’aide si opportunément accordée aux réfugiés ukrainiens sur notre sol intègre nos comptes sociaux et ne soit plus comptabilisée comme un effort d’aide publique au développement.

Au-delà de l’APD, il est nécessaire d’annuler les dettes de certains pays africains, notamment celles qui ont été contractées par des dictatures dans le seul but d’enrichir le clan au pouvoir ou d’engager des actions allant à l’encontre de l’intérêt général.

Tout cela est indispensable pour anticiper les futures décennies. Nous le savons, les pays les plus pauvres, ceux du Sud, vont subir et subissent déjà les conséquences les plus graves du réchauffement climatique.

Sommes-nous prêts à accueillir les futurs réfugiés climatiques, qui arriveront par millions en Europe ? Nous peinons déjà à accueillir dignement les réfugiés qui entrent sur notre sol. Durcir les politiques migratoires en vigueur ne sera d’aucun secours face à de tels mouvements de populations.

Par ailleurs, allons-nous continuer à laisser des entreprises françaises mener des projets climaticides ? Je pense notamment au nouvel oléoduc de Total, en Ouganda et en Tanzanie, qui émettra 379 millions de tonnes équivalent CO2 en vingt-cinq ans, soit l’équivalent de 216, 5 millions de liaisons aériennes Paris-New York ? Les scientifiques sont pourtant clairs : si l’on veut atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050, plus aucun projet fossile n’est possible !

En plus du risque climatique avéré, les ONG dénoncent déjà plusieurs cas de violation des droits humains par Total en Ouganda et en Tanzanie. J’en conclus qu’il est plus que temps de renforcer l’application de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, voire de la muscler en transformant le devoir de vigilance en obligation de vigilance, avec une responsabilité accrue des entreprises et des opérateurs publics intervenant à l’étranger.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur le constat : la politique africaine de la France est à un tournant. C’est l’occasion d’adopter une tout autre attitude vis-à-vis des peuples africains et de faire primer le respect mutuel et la coopération pour accompagner le développement social et écologique du continent africain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le discours de Ouagadougou en 2017, le sommet Afrique-France en 2021 et la tournée en Afrique centrale en 2023, nous avons remarqué que le Président de la République était très engagé publiquement dans la politique étrangère de la France en Afrique. Par votre déclaration de ce jour, vous nous confirmez l’importance de cette question pour l’exécutif.

Néanmoins, malgré cet investissement de votre temps, de notre argent et de nos coopérants civils et militaires, depuis plusieurs années, la défiance s’accentue, la francophobie progresse et nous perdons en influence sur tout le continent africain, pourtant le plus francophone de tous.

De cela, vous êtes en partie responsables. En relayant le postulat culpabilisateur qui repose sur le mythe du pillage colonial, vous sabordez les efforts concertés de notre politique d’influence. Ce n’est pas le cas des autres puissances coloniales, qui ne pratiquent pas cette autoflagellation. J’en veux pour preuve le fait que nos anciennes colonies, toujours francophones, du Togo et du Gabon ont rejoint le Commonwealth en 2022 ! La France doit cesser de se désigner elle-même comme bouc émissaire ; ce masochisme injustifié ne saurait servir de base à une relation fructueuse entre la France et les pays africains.

Une deuxième erreur consiste à vouloir exporter la démocratie comme une recette universellement transposable. Nous avons vu ce que cela a donné, par le passé, en Libye ou ailleurs : chaos aggravé chez eux, chaos importé chez nous.

Votre troisième erreur, c’est d’avoir refusé de faire de la politique, en vous cantonnant à des partenariats avec le monde de la culture et la jeunesse, avec la société civile comme seul horizon. Par idéalisme, vous renoncez à faire de la France une grande puissance. De plus, vous faites croire que notre recul militaire est un choix, alors qu’il est majoritairement contraint par les États africains, qui nous mettent dehors.

La quatrième erreur, c’est refuser d’adjoindre à l’aide publique au développement une injonction de puissance et une exigence de réciprocité, sans lesquelles nous subissons une double peine, financière et migratoire.

La cinquième erreur, c’est la suppression du corps diplomatique. Elle sonne la fin d’une tradition africaine au sein du Quai d’Orsay : c’est la perte d’un réseau, d’un savoir-faire et de connaissances acquises durant de nombreuses décennies. On a vu les conséquences de négociations improvisées par le pouvoir politique : nous sommes en froid avec tous les pays du Maghreb, virés du Sahel, fâchés avec l’Afrique centrale.

Dans le même temps, toutes les grandes puissances s’implantent massivement et durablement en Afrique : la Chine, l’Iran, la Russie, la Turquie, les pays du Golfe… Au Gabon, 70 % de la deuxième plus grande forêt du monde après l’Amazonie appartient aux Chinois. Pendant que Wagner s’occupe du militaire, Pékin s’affaire à la coopération économique.

Enfin, avec le départ de la force Barkhane, nous avons perdu la main dans la lutte menée en amont contre l’immigration illégale et le terrorisme islamiste. Aujourd’hui, le président tunisien parle de grand remplacement ; avec l’Algérie et le Maroc, il contrôle désormais le robinet d’une déferlante migratoire qui enfle chaque année un peu plus. Au vu de l’explosion démographique du continent africain, il y a une impérieuse nécessité de stabilité politique et de développement économique en Afrique, mais aussi de fermeté en Europe : il faut lutter contre les trafics d’êtres humains, qui deviennent un marché juteux, au même titre que les trafics de drogue, qui s’intensifient du sud vers le nord.

En conclusion, pour faire écho aux propos pertinents de M. Cambon, je vous rappelle, madame la ministre, monsieur le ministre, que parier sur l’Afrique, c’est commencer par parier sur la puissance de la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le discours de Ouagadougou en 2017, le sommet Afrique-France en 2021 et la tournée en Afrique centrale en 2023, nous avons remarqué que le Président de la République était très engagé publiquement dans la politique étrangère de la France en Afrique. Par votre déclaration de ce jour, vous nous confirmez l’importance de cette question pour l’exécutif.

Néanmoins, malgré cet investissement de votre temps, de notre argent et de nos coopérants civils et militaires, depuis plusieurs années, la défiance s’accentue, la francophobie progresse et nous perdons en influence sur tout le continent africain, pourtant le plus francophone de tous.

De cela, vous êtes en partie responsables. En relayant le postulat culpabilisateur qui repose sur le mythe du pillage colonial, vous sabordez les efforts concertés de notre politique d’influence. Ce n’est pas le cas des autres puissances coloniales, qui ne pratiquent pas cette autoflagellation. J’en veux pour preuve le fait que nos anciennes colonies, toujours francophones, du Togo et du Gabon ont rejoint le Commonwealth en 2022 ! La France doit cesser de se désigner elle-même comme bouc émissaire ; ce masochisme injustifié ne saurait servir de base à une relation fructueuse entre la France et les pays africains.

Une deuxième erreur consiste à vouloir exporter la démocratie comme une recette universellement transposable. Nous avons vu ce que cela a donné, par le passé, en Libye ou ailleurs : chaos aggravé chez eux, chaos importé chez nous.

Votre troisième erreur, c’est d’avoir refusé de faire de la politique, en vous cantonnant à des partenariats avec le monde de la culture et la jeunesse, avec la société civile comme seul horizon. Par idéalisme, vous renoncez à faire de la France une grande puissance. De plus, vous faites croire que notre recul militaire est un choix, alors qu’il est majoritairement contraint par les États africains, qui nous mettent dehors.

La quatrième erreur, c’est refuser d’adjoindre à l’aide publique au développement une injonction de puissance et une exigence de réciprocité, sans lesquelles nous subissons une double peine, financière et migratoire.

La cinquième erreur, c’est la suppression du corps diplomatique. Elle sonne la fin d’une tradition africaine au sein du Quai d’Orsay : c’est la perte d’un réseau, d’un savoir-faire et de connaissances acquises durant de nombreuses décennies. On a vu les conséquences de négociations improvisées par le pouvoir politique : nous sommes en froid avec tous les pays du Maghreb, virés du Sahel, fâchés avec l’Afrique centrale.

Dans le même temps, toutes les grandes puissances s’implantent massivement et durablement en Afrique : la Chine, l’Iran, la Russie, la Turquie, les pays du Golfe… Au Gabon, 70 % de la deuxième plus grande forêt du monde après l’Amazonie appartient aux Chinois. Pendant que Wagner s’occupe du militaire, Pékin s’affaire à la coopération économique.

Enfin, avec le départ de la force Barkhane, nous avons perdu la main dans la lutte menée en amont contre l’immigration illégale et le terrorisme islamiste. Aujourd’hui, le président tunisien parle de grand remplacement ; avec l’Algérie et le Maroc, il contrôle désormais le robinet d’une déferlante migratoire qui enfle chaque année un peu plus. Au vu de l’explosion démographique du continent africain, il y a une impérieuse nécessité de stabilité politique et de développement économique en Afrique, mais aussi de fermeté en Europe : il faut lutter contre les trafics d’êtres humains, qui deviennent un marché juteux, au même titre que les trafics de drogue, qui s’intensifient du sud vers le nord.

En conclusion, pour faire écho aux propos pertinents de M. Cambon, je vous rappelle, madame la ministre, monsieur le ministre, que parier sur l’Afrique, c’est commencer par parier sur la puissance de la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Je veux avant tout, mesdames, messieurs les sénateurs, remercier chacun d’entre vous pour vos interventions.

Je relève en premier lieu que nous faisons souvent un constat partagé sur les enjeux et les défis que représente notre relation avec le continent africain, les pays africains dans leur évolution. Le constat est également partagé, me semble-t-il, quant à la nécessité de continuer nous-mêmes à évoluer, à transformer notre approche.

Monsieur Cambon, je ne saurai vous répondre que par quelques remarques partielles, tant les points que vous avez abordés ont été nombreux. Je voudrais d’abord revenir brièvement après vous sur les relations commerciales. J’avais tenu à rappeler, par précaution, que l’Afrique avait diversifié ses partenariats commerciaux, comme nous-mêmes d’ailleurs, mais il n’en reste pas moins que notre présence économique y est plus forte qu’auparavant, que nos exportations vers l’Afrique ont progressé. Volumes et parts de marché sont deux choses différentes, chacun peut retenir ce qui lui semble le plus pertinent ; je ne vous fais donc aucun reproche en la matière.

Je veux revenir plus longuement sur l’expression souvent entendue, et que je crois largement trompeuse, de « sentiment anti-français ». Je souhaiterais que l’on soit plus précautionneux dans l’emploi de cette expression, parce qu’elle implique des choses qui n’existent pas, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Cadic. Il faut distinguer, me semble-t-il, le discours anti-français du sentiment anti-français. Ce que nous voyons souvent, c’est un discours anti-français, qui ne se répand pas tout seul, comme je l’ai déjà dit. Ce discours a certes joué un rôle majeur dans le basculement du Mali et dans celui, peut-être, du Burkina Faso, mais il ne faut pas confondre discours et sentiment.

C’est bien le recours à Wagner par les autorités de fait de la République centrafricaine et du Mali, autorités issues de coups d’État, qui entraîne la diffusion d’un discours anti-français. En d’autres termes, ce n’est pas le sentiment anti-français qui fait partir la France, c’est plutôt l’arrivée de Wagner, convié par des putschistes, comme disait le ministre des armées, qui fait venir la prédation, les exactions et le discours anti-français. Nous avons donc décidé de réagir, de nous réarmer – les moyens sont en augmentation –, mais aussi de dénoncer ces manipulations de l’information.

Monsieur Cambon, vous avez aussi déclaré que nous devions assumer nos intérêts, de façon honnête, respectueuse et décomplexée, d’égal à égal, comme on le fait partout dans le monde ; je crois pouvoir vous soutenir parfaitement.

Je partage aussi le constat que vous faites en matière d’influence. Nous augmentons les crédits employés à faire face à ces nouveaux enjeux, en particulier les crédits de communication et d’influence, notamment au travers des services de coopération et d’action culturelle (Scac).

Par ailleurs, vous avez pris connaissance des annonces faites par le Président de la République après la réunion du Conseil présidentiel du développement : nous avons décidé d’augmenter nos capacités d’expertise technique, à hauteur de plusieurs centaines d’équivalents temps plein (ETP) d’ici à 2027.

Je veux à présent revenir sur certains des points évoqués par Mme Carlotti, et d’abord sur la trajectoire de l’aide publique au développement. Oui, madame la sénatrice, la loi du 4 août 2021 fixe des niveaux à cette aide, vous le savez mieux que moi, mais elle ne le fait que jusqu’à cette année ; pour la suite, elle fixe des objectifs : ce n’est pas la même chose, car un objectif n’est pas impératif.

Par ailleurs, je dois à nouveau faire remarquer que notre APD a augmenté en volume – je ne connais pas d’autre pays qui ait augmenté en volume son aide à l’Afrique – et que, d’une façon plus générale, la France a augmenté de 50 % son aide publique au développement entre 2017 et 2022. Le volume de l’APD continue d’augmenter.

Je vous remercie, madame Carlotti, pour les éloges que vous rendez à nos diplomates – j’y suis sensible, vous le savez bien –, mais je ne crois nullement que notre action diplomatique soit affaiblie alors que le Président de la République décide d’augmenter les moyens du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi que le nombre de ses emplois. Cette année, pour la première fois après trente ans de déclin, il est décidé d’en augmenter les moyens budgétaires, et ce sur une trajectoire pluriannuelle, nous menant jusqu’à 2027.

Pour le reste, madame la sénatrice, non seulement nous n’avons pas la nostalgie du passé, ou de relations exclusives, mais notre relation a changé dans les faits : nous sommes des partenaires, nous sommes respectueux de ceux que nous avons sur le continent africain, nous assumons nos intérêts et nous nous tournons vers les défis communs, les grands défis globaux tels que le climat, la sécurité alimentaire, et tant d’autres encore.

Monsieur Cadic, vous avez évoqué l’influence de la désinformation ; je n’y reviens pas, mais c’est un point important.

Quant à la politique des visas, elle est menée, selon le décret d’attributions du ministre de l’intérieur, par le ministère de l’intérieur conjointement avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Gérald Darmanin et moi-même avons encore tenu un comité de pilotage tout récemment, ce qui nous a permis de constater que, si la politique des visas permet de protéger nos intérêts à de nombreux égards, elle permet aussi de renforcer l’attractivité de notre pays, point que nous avons développé l’un et l’autre en confiant à M. Ermelin la rédaction d’un rapport dont j’espère que vous pourrez bientôt prendre connaissance, rédigé avec l’appui des deux inspections générales du ministère de l’intérieur et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous suivrons ses recommandations et nous augmenterons les moyens humains dans nos consulats.

Merci, monsieur le sénateur, d’avoir mentionné l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme. Le ministre des armées en parlerait mieux que moi, mais je dirai simplement que cela traduit, en Côte-d’Ivoire, notre volonté de renforcer les capacités de nos partenaires.

Madame Duranton, je vous suis reconnaissante d’avoir souligné – tout le monde ne l’a pas fait – la rénovation de nos relations avec le continent africain, en employant le terme de « virage ».

Il faut aussi rappeler, comme vous l’avez fait, l’intensité du travail diplomatique que nous menons avec les pays africains pour relever les défis communs. Nous l’avons fait, par exemple, avec le One Forest Summit qui s’est tenu au Gabon tout récemment ; nous le ferons encore les 22 et 23 juin avec le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial. Merci de reconnaître ces efforts : c’est un processus constant, qui doit se poursuivre. Nous allons aussi continuer de nous réarmer, selon l’expression consacrée, pour accroître nos capacités d’influence. Il y a encore beaucoup à faire, nous le savons, mais nous y sommes déterminés.

Monsieur Laurent, je regrette sincèrement d’être en désaccord avec vous sur un certain nombre de points. Ainsi du franc CFA, à propos duquel vos affirmations me paraissent inexactes : si nous garantissons toujours la parité avec l’euro, à la demande des pays concernés, l’obligation de centralisation des réserves de change a en revanche disparu. Il faut le savoir et en prendre note pour mettre son logiciel au goût du jour, si vous me permettez l’expression.

Je suis aussi en désaccord avec vos propos sur nos entreprises : le nombre de filiales d’entreprises françaises a augmenté et non pas diminué. Il n’y a pas que le grand capital – vous n’avez certes pas prononcé l’expression – qui soit présent en Afrique.

Nous avons au moins un point d’accord, monsieur Laurent : oui, les pays africains sont nombreux à avoir besoin d’un financement accru. C’est d’ailleurs l’un des objets du sommet des 22 et 23 juin que de permettre un nouveau pacte financier mondial. Vous verrez notamment la France y plaider pour une augmentation des droits de tirages spéciaux, augmentation qu’elle a elle-même pratiquée, puisque nous avons tenu nos engagements en 2021 et mobilisé plus de 4 milliards de dollars de DTS pour les pays vulnérables.

M. Guiol a évoqué la Russie et la Chine. À ce propos, je ferai simplement remarquer que la Chine sera présente au sommet des 22 et 23 juin, représentée par son Premier ministre, soit un niveau élevé de représentation, ce qui nous permettra de débattre aussi de la question de la dette.

Enfin, je veux apporter une réponse très partielle à M. Gontard sur deux sujets qu’il a évoqués. Au Tchad, monsieur le sénateur, nous ne soutenons aucun régime : comme tous les pays de la région, nous soutenons une transition dont nous souhaitons qu’elle mène à des élections. Quant à l’Ouganda, je dois vous rappeler que, si Total est en activité ou a des projets dans un certain nombre de pays africains, il ne reçoit pas pour autant de financements de l’État. La France n’apporte pas non plus de garanties aux actions de sociétés privées commerciales.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Olivier Cadic et André Guiol applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

Je veux avant tout, mesdames, messieurs les sénateurs, remercier chacun d’entre vous de son intervention.

Je relève en premier lieu que nous faisons souvent un constat partagé sur les enjeux et les défis que représente notre relation avec le continent africain, les pays africains dans leur évolution. Le constat est également partagé, me semble-t-il, quant à la nécessité de continuer nous-mêmes à évoluer, à transformer notre approche.

Monsieur Cambon, je ne saurai vous répondre que par quelques remarques partielles, tant les points que vous avez abordés ont été nombreux. Je voudrais d’abord revenir brièvement après vous sur les relations commerciales. J’avais tenu à rappeler, par précaution, que l’Afrique avait diversifié ses partenariats commerciaux, comme nous-mêmes d’ailleurs, mais il n’en reste pas moins que notre présence économique y est plus forte qu’auparavant, que nos exportations vers l’Afrique ont progressé. Volumes et parts de marché sont deux choses différentes, chacun peut retenir ce qui lui semble le plus pertinent ; je ne vous fais donc aucun reproche en la matière.

Je veux revenir plus longuement sur l’expression souvent entendue, et que je crois largement trompeuse, de « sentiment anti-français ». Je souhaiterais que l’on soit plus précautionneux dans l’emploi de cette expression, parce qu’elle implique des choses qui n’existent pas, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Cadic. Il faut distinguer, me semble-t-il, le discours anti-français du sentiment anti-français. Ce que nous voyons souvent, c’est un discours anti-français, qui ne se répand pas tout seul, comme je l’ai déjà dit. Ce discours a certes joué un rôle majeur dans le basculement du Mali et dans celui, peut-être, du Burkina Faso, mais il ne faut pas confondre discours et sentiment.

C’est bien le recours à Wagner par les autorités de fait de la République centrafricaine et du Mali, autorités issues de coups d’État, qui entraîne la diffusion d’un discours anti-français. En d’autres termes, ce n’est pas le sentiment anti-français qui fait partir la France, c’est plutôt l’arrivée de Wagner, convié par des putschistes, comme disait le ministre des armées, qui fait venir la prédation, les exactions et le discours anti-français. Nous avons donc décidé de réagir, de nous réarmer – les moyens sont en augmentation –, mais aussi de dénoncer ces manipulations de l’information.

Monsieur Cambon, vous avez aussi déclaré que nous devions assumer nos intérêts, de façon honnête, respectueuse et décomplexée, d’égal à égal, comme on le fait partout dans le monde ; je crois pouvoir vous soutenir parfaitement.

Je partage aussi le constat que vous faites en matière d’influence. Nous augmentons les crédits employés à faire face à ces nouveaux enjeux, en particulier les crédits de communication et d’influence, notamment au travers des services de coopération et d’action culturelle (Scac).

Par ailleurs, vous avez pris connaissance des annonces faites par le Président de la République après la réunion du Conseil présidentiel du développement : nous avons décidé d’augmenter nos capacités d’expertise technique, à hauteur de plusieurs centaines d’équivalents temps plein (ETP) d’ici à 2027.

Je veux à présent revenir sur certains des points évoqués par Mme Carlotti, et d’abord sur la trajectoire de l’aide publique au développement. Oui, madame la sénatrice, la loi du 4 août 2021 fixe des niveaux à cette aide, vous le savez mieux que moi, mais elle ne le fait que jusqu’à cette année ; pour la suite, elle fixe des objectifs : ce n’est pas la même chose, car un objectif n’est pas impératif.

Par ailleurs, je dois de nouveau faire remarquer que notre APD a augmenté en volume – je ne connais pas d’autre pays qui ait augmenté en volume son aide à l’Afrique – et que, d’une façon plus générale, la France a augmenté de 50 % son aide publique au développement entre 2017 et 2022. Le volume de l’APD continue d’augmenter.

Je vous remercie, madame Carlotti, pour les éloges que vous rendez à nos diplomates – j’y suis sensible, vous le savez bien –, mais je ne crois nullement que notre action diplomatique soit affaiblie alors que le Président de la République décide d’augmenter les moyens du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi que le nombre de ses emplois. Cette année, pour la première fois après trente ans de déclin, il est décidé d’en augmenter les moyens budgétaires, et ce sur une trajectoire pluriannuelle, nous menant jusqu’à 2027.

Pour le reste, madame la sénatrice, non seulement nous n’avons pas la nostalgie du passé, ou de relations exclusives, mais notre relation a changé dans les faits : nous sommes des partenaires, nous sommes respectueux de ceux que nous avons sur le continent africain, nous assumons nos intérêts et nous nous tournons vers les défis communs, les grands défis globaux tels que le climat, la sécurité alimentaire, et tant d’autres encore.

Monsieur Cadic, vous avez évoqué l’influence de la désinformation ; je n’y reviens pas, mais c’est un point important.

Quant à la politique des visas, elle est menée, selon le décret d’attributions du ministre de l’intérieur, par le ministère de l’intérieur conjointement avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Gérald Darmanin et moi-même avons encore tenu un comité de pilotage tout récemment, ce qui nous a permis de constater que, si la politique des visas permet de protéger nos intérêts à de nombreux égards, elle permet aussi de renforcer l’attractivité de notre pays, point que nous avons développé l’un et l’autre en confiant à M. Ermelin la rédaction d’un rapport dont j’espère que vous pourrez bientôt prendre connaissance, rédigé avec l’appui des deux inspections générales du ministère de l’intérieur et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous suivrons ses recommandations et nous augmenterons les moyens humains dans nos consulats.

Merci, monsieur le sénateur, d’avoir mentionné l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme. Le ministre des armées en parlerait mieux que moi, mais je dirai simplement que cela traduit, en Côte d’Ivoire, notre volonté de renforcer les capacités de nos partenaires.

Madame Duranton, je vous suis reconnaissante d’avoir souligné – tout le monde ne l’a pas fait – la rénovation de nos relations avec le continent africain, en employant le terme de « virage ».

Il faut aussi rappeler, comme vous l’avez fait, l’intensité du travail diplomatique que nous menons avec les pays africains pour relever les défis communs. Nous l’avons fait, par exemple, avec le One Forest Summit qui s’est tenu au Gabon tout récemment ; nous le ferons encore les 22 et 23 juin avec le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial. Merci de reconnaître ces efforts : c’est un processus constant, qui doit se poursuivre. Nous allons aussi continuer de nous réarmer, selon l’expression consacrée, pour accroître nos capacités d’influence. Il y a encore beaucoup à faire, nous le savons, mais nous y sommes déterminés.

Monsieur Laurent, je regrette sincèrement d’être en désaccord avec vous sur un certain nombre de points. Ainsi du franc CFA, à propos duquel vos affirmations me paraissent inexactes : si nous garantissons toujours la parité avec l’euro, à la demande des pays concernés, l’obligation de centralisation des réserves de change a en revanche disparu. Il faut le savoir et en prendre note pour mettre son logiciel au goût du jour, si vous me permettez l’expression.

Je suis aussi en désaccord avec vos propos sur nos entreprises : le nombre de filiales d’entreprises françaises a augmenté et non pas diminué. Il n’y a pas que le grand capital – vous n’avez certes pas prononcé l’expression – qui soit présent en Afrique.

Nous avons au moins un point d’accord, monsieur Laurent : oui, les pays africains sont nombreux à avoir besoin d’un financement accru. C’est d’ailleurs l’un des objets du sommet des 22 et 23 juin que de permettre un nouveau pacte financier mondial. Vous verrez notamment la France y plaider pour une augmentation des DTS, augmentation qu’elle a elle-même pratiquée, puisque nous avons tenu nos engagements en 2021 et mobilisé plus de 4 milliards de dollars de DTS pour les pays vulnérables.

M. Guiol a évoqué la Russie et la Chine. À ce propos, je ferai simplement remarquer que la Chine sera présente au sommet des 22 et 23 juin, représentée par son Premier ministre, soit un niveau élevé de représentation, ce qui nous permettra de débattre aussi de la question de la dette.

Enfin, je veux apporter une réponse très partielle à M. Gontard sur deux sujets qu’il a évoqués. Au Tchad, monsieur le sénateur, nous ne soutenons aucun régime : comme tous les pays de la région, nous soutenons une transition dont nous souhaitons qu’elle mène à des élections. Quant à l’Ouganda, je dois vous rappeler que, si Total est en activité ou a des projets dans un certain nombre de pays africains, il ne reçoit pas pour autant de financements de l’État. La France n’apporte pas non plus de garanties aux actions de sociétés privées commerciales.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Olivier Cadic et André Guiol applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux avant tout vous remercier pour l’organisation de ce débat. Ce qui me frappe, depuis un an que j’occupe les fonctions de ministre des armées, c’est que, malheureusement, les questions africaines occupent désormais trop peu de place dans le débat démocratique global.

Dès lors, le présent débat, même s’il est tenu nuitamment, quoiqu’avec une représentation proportionnée de l’ensemble des groupes politiques, nous permet tout de même de les y réinscrire, pour notre opinion publique, pour la presse, mais aussi, on le sait, pour nos partenaires africains, qui regardent évidemment ces débats. §Je le dis et je le pense sincèrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Nous avions demandé ce débat, nous l’avions même exigé !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux avant tout vous remercier de l’organisation de ce débat. Ce qui me frappe, depuis un an que j’occupe les fonctions de ministre des armées, c’est que, malheureusement, les questions africaines occupent désormais trop peu de place dans le débat démocratique global.

Dès lors, le présent débat, même s’il est tenu nuitamment, quoiqu’avec une représentation proportionnée de l’ensemble des groupes politiques, nous permet tout de même de les y réinscrire, pour notre opinion publique, pour la presse, mais aussi, on le sait, pour nos partenaires africains, qui regardent évidemment ces débats. §Je le dis et je le pense sincèrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

C’est pourquoi vous êtes présents ce soir, et je m’en félicite. En tout cas, c’est bien volontiers que nous répondons à vos diverses interpellations.

Mme Colonna a tout dit ; je ne ferai que réagir sur quelques points qui m’ont marqué dans les différentes interventions.

À première écoute, tous les orateurs posent un constat similaire. De fait, ce n’est pas le constat qui est le plus difficile à établir, surtout quand l’histoire est faite et terminée – je pense notamment aux affaires militaires et aux sujets liés à l’opération Barkhane. En revanche, quand on creuse un peu, on s’aperçoit quand même que les conclusions de chacun sont très différentes quant à l’approche que devrait adopter la politique française en Afrique.

Cette divergence de vues est d’ailleurs saine pour la démocratie : si M. Gontard s’interroge sur la confiscation du débat politique, parlementaire, sur ces sujets, pour ma part, je considère qu’il doit avoir lieu. Je sors d’ailleurs de deux semaines de débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de programmation militaire, et il m’a semblé intéressant de constater à quel point un certain nombre de formations politiques manquent de cohérence avec leur histoire, voire parfois avec des prises de position récentes, que ce soit sur l’Europe, sur l’Otan, sur la relation franco-allemande, ou encore sur l’aide à l’Ukraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Nous avions demandé ce débat, nous l’avions même exigé !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

C’est pourquoi vous êtes présents ce soir, et je m’en félicite. En tout cas, c’est bien volontiers que nous répondons à vos diverses interpellations.

Mme Colonna a tout dit ; je ne ferai que réagir sur quelques points qui m’ont marqué dans les différentes interventions.

À première écoute, tous les orateurs posent un constat similaire. De fait, ce n’est pas le constat qui est le plus difficile à établir, surtout quand l’histoire est faite et terminée – je pense notamment aux affaires militaires et aux sujets liés à l’opération Barkhane. En revanche, quand on creuse un peu, on s’aperçoit quand même que les conclusions de chacun sont très différentes quant à l’approche que devrait adopter la politique française en Afrique.

Cette divergence de vues est d’ailleurs saine pour la démocratie : si M. Gontard s’interroge sur la confiscation du débat politique, parlementaire, sur ces sujets, pour ma part, je considère qu’il doit avoir lieu. Je sors d’ailleurs de deux semaines de débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de programmation militaire, et il m’a semblé intéressant de constater à quel point un certain nombre de formations politiques manquent de cohérence avec leur histoire, voire parfois avec des prises de position récentes, que ce soit sur l’Europe, sur l’Otan, sur la relation franco-allemande, ou encore sur l’aide à l’Ukraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Mais si, mesdames, messieurs les sénateurs : après quinze jours passés au Palais-Bourbon, je peux vous assurer que beaucoup de formations politiques sont très désaxées entre elles, y compris au sein d’alliances électorales récentes.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Mais si, mesdames, messieurs les sénateurs : après quinze jours passés au Palais-Bourbon, je peux vous assurer que beaucoup de formations politiques sont très désaxées entre elles, y compris au sein d’alliances électorales récentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Je trouve donc intéressant d’avoir ce débat. Sur la question africaine, nous ne nous y dérobons pas. Le cardinal de Retz aurait dit que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment ; je pense au contraire qu’il est sain de le faire. Cela m’amène à ma première remarque.

Madame Carlotti, je vous remercie pour l’ensemble du tableau que vous avez dressé, mais je vous trouve un peu dure envers la force Takuba. Peut-être a-t-on manqué d’ambition, mais je ne pense pas que cela ait raté, si je puis le dire avec mes propres mots et en toute spontanéité. Dire « raté » signifierait que les partenaires européens n’ont pas été au rendez-vous. C’est faux : ils ont répondu présents. Nos partenaires européens actuels, y compris des pays qui n’avaient pas l’habitude d’engager leurs forces en opérations extérieures, des pays dont les parlements avaient toujours refusé de tels engagements, l’ont permis cette fois et sont aujourd’hui satisfaits de l’avoir fait. Ils ressentent même une forme de fierté que d’avoir contribué à cette force. Ou bien serait-ce que le groupe socialiste ne croit plus à l’Union européenne en la matière ?

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Je trouve donc intéressant d’avoir ce débat. Sur la question africaine, nous ne nous y dérobons pas. Le cardinal de Retz aurait dit que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment ; je pense au contraire qu’il est sain de le faire. Cela m’amène à ma première remarque.

Madame Carlotti, je vous remercie pour l’ensemble du tableau que vous avez dressé, mais je vous trouve un peu dure envers la force Takuba. Peut-être a-t-on manqué d’ambition, mais je ne pense pas que cela ait raté, si je puis le dire avec mes propres mots et en toute spontanéité. Dire « raté » signifierait que les partenaires européens n’ont pas été au rendez-vous. C’est faux : ils ont répondu présents. Nos partenaires européens actuels, y compris des pays qui n’avaient pas l’habitude d’engager leurs forces en opérations extérieures, des pays dont les parlements avaient toujours refusé de tels engagements, l’ont permis cette fois et sont aujourd’hui satisfaits de l’avoir fait. Ils ressentent même une forme de fierté que d’avoir contribué à cette force. Ou bien serait-ce que le groupe socialiste ne croit plus à l’Union européenne en la matière ?

Exclama tions sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Je dis juste que Takuba, de ce point de vue, a fonctionné. C’est aussi le cas si l’on en examine les résultats de près – je suis prêt à y revenir devant votre commission des affaires étrangères, si vous m’y invitez. Ainsi d’opérations militaires très précises menées avec le timbre de Takuba contre des groupes terroristes armés : le chef d’état-major des armées pourra vous expliquer lors d’une prochain audition que ces opérations ont bien fonctionné.

Au-delà de Takuba, il existe d’autres missions européennes qui n’ont pas été abordées dans la discussion. L’opération Atalante mérite pourtant d’être mentionnée au cours d’un débat de trois heures ! Certes, on n’a pas le temps de tout traiter, mais il n’est pas de trop de parler de piraterie, de liberté d’accès maritime ou encore de pêche illégale, dont on sait qu’il s’agit d’un enjeu majeur dans le golfe de Guinée comme à l’approche de la Somalie. Évidemment, ces sujets croisent parfois ceux liés au terrorisme, tandis que sur d’autres routes de navigation commerciale, c’est malheureusement Wagner qui peut être rencontré.

On s’en tient toujours à une approche militaire très terrestre, mais je crois qu’on a tort d’oublier les coopérations et missions maritimes. Je confesse bien volontiers que j’en suis le premier coupable, puisque je n’en ai pas fait mention à la tribune lors de ma première intervention. Mme Duranton y a certes fait allusion ; précisons cependant que ce n’est plus une mission de l’Otan : cette opération est désormais portée par l’Union européenne, et la France y contribue grandement.

Pour le coup, si l’on veut être à l’écoute des pays africains, il est clair que leurs besoins en matière maritime sont croissants ; or les Européens, dont les agendas de sécurité se concentrent en miroir sur la mer Méditerranée et le détroit de Gibraltar, peuvent particulièrement y être intéressés. C’est donc selon moi un bon thème de coopération.

Certes, je suis un furieux séguiniste et je me montre facilement prudent par rapport à un certain nombre de coopérations européennes, mais je dois bien avouer qu’il faut faire vivre l’envie de faire que l’on voit dans Takuba et que l’on retrouve dans Atalante.

Le deuxième point qui me frappe à l’issue de ce débat – que Mme Colonna et moi-même considérons comme un point d’étape dans la réarticulation de la présence française en Afrique – c’est qu’aucun orateur n’est d’accord sur les missions que l’on doit donner à nos bases.

Tout d’abord, Pierre Laurent veut les fermer, tout en expliquant qu’il faut être à l’écoute et respecter la souveraineté des pays concernés. Dès lors, que faire lorsque les pays en question demandent à ce que les bases prépositionnées restent ouvertes et continuent d’accomplir leurs missions ? Faut-il tout de même les fermer ?

Vous avez vous-même dit, monsieur le sénateur, que vous aviez taillé à la serpe ; je me permets donc de relever cette contradiction. Vous voyez bien que les choses sont plus complexes : dire « fermons les bases » est certes pratique, mais nonobstant son caractère hâtif, cette décision ne couvrirait pas l’ensemble des besoins.

À l’inverse, d’autres orateurs, dont Olivier Cadic, souhaiteraient confier à nos bases des missions comparables à celles des forces de sécurité intérieure des pays qui nous accueillent. Monsieur le sénateur, je sais que vous relayez les préoccupations que vous entendez sur le terrain, mais nos bases militaires sont présentes pour remplir des missions régaliennes, prévues par des accords de défense. Elles ne sauraient intervenir au quotidien pour protéger des intérêts économiques. Ce type d’attaques relève de la sécurité privée ou des forces de sécurité intérieure.

Il est donc intéressant de constater, sans tomber dans la caricature, l’étendue du spectre des réflexions que nous devons mener, entre une fermeture pure et simple des bases, comme le suggère M. Laurent, et un plus grand interventionnisme, pour répondre à la diminution de l’empreinte française, comme le réclament ceux qui considèrent que nos intérêts économiques risquent d’être davantage attaqués dans les pays concernés. Voilà les deux positions les plus antagonistes qui ont été exprimées ce soir.

Cela mérite peut-être que nous y revenions en commission ou à une autre occasion, car nous ne devons pas nous méprendre sur le rôle de nos bases. Si nous sommes en mesure de mener une opération Sagittaire depuis la base de Djibouti, comme nous l’avons récemment démontré, ce serait mentir à l’opinion publique et à nos compétiteurs que de faire croire que l’on peut faire de même depuis notre base au Sénégal. C’est aussi faux aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix ans. Les éléments français au Sénégal font seulement de la formation ; ils ne peuvent remplir les mêmes missions que leurs homologues basés à Djibouti ou à Abidjan.

Depuis que le Président de la République m’a donné mandat pour réarticuler la présence française en Afrique, je me suis aperçu que de nombreux connaisseurs des sujets militaires faisaient passer une base pour une autre. Or la base projetée de Niamey, au Niger, par exemple, ne répond pas aux mêmes besoins militaires et au même contrat opérationnel que nos bases au Gabon ou au Sénégal.

J’ai commencé par ces dernières, car elles représentent un héritage de bases dont les fonctions sont non pas de combattre, mais uniquement de former. Au reste, pour dire les choses franchement, ces fonctions de formation semblent un peu passéistes, tout du moins insatisfaisantes compte tenu des besoins réels des forces armées des pays en question.

Voilà un point important, sur lequel j’aimerais, si le président Cambon m’y autorise, revenir devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les choses doivent être claires, car si nous entretenons un flou, nous participons au narratif anti-français. Faire croire qu’une base au Sénégal peut permettre d’y entretenir des intérêts politiques et intérieurs, comme on le lit parfois dans la presse, c’est mentir !

Le troisième point que je soulèverai est dans la même veine. Vous êtes nombreux à avoir appelé au respect d’une véritable souveraineté des États africains avec lesquels nous entretenons des relations militaires, sécuritaires, économiques et diplomatiques. Je partage bien sûr cet avis ; personne dans cet hémicycle n’oserait appeler à ce que nous malmenions ou bafouions la souveraineté des autres pays.

Pour autant, votre lecture de ce qui s’est passé au Mali est pour le moins unilatérale. Vous portez un regard très expéditionnaire en considérant, en substance, que nous nous sommes faits mettre dehors, etc. Que fallait-il faire ? Il y a ceux qui disent que nous sommes restés trop longtemps et que nous aurions dû partir avant de nous faire mettre dehors – pourquoi pas ! Il est toujours plus facile de le décréter après coup… Après tout, d’autres pays et d’autres armées n’ont pris aucun risque ; dès lors, il est certain qu’on ne leur fait aucun reproche.

Pour ma part, je vous appelle à faire preuve d’une forme de solidarité en soutenant politiquement l’action de nos armées. On ne peut, d’un côté, dire qu’elles ont été remarquables et rendre hommage aux soldats et, de l’autre, ne pas assumer, rétrospectivement, le portage politique.

Je citerai de nouveau le président Hollande : il lui a fallu du courage pour engager les forces armées, à la demande de notre partenaire malien, et pour expliquer à l’opinion publique pourquoi il fallait le faire. C’est notre honneur de renoncer à toute forme de clivage politique sur cette question et d’assumer le bilan des décisions qui ont été prises à l’époque.

Des orateurs ont expliqué que le vide laissé par nos militaires avait appelé d’autres compétiteurs. Cela signifie-t-il qu’il fallait rester, contre l’avis même de la junte malienne ? Fallait-il entrer en conflit ouvert avec cette dernière et les forces armées maliennes ? Franchement, la question est plus complexe.

Au fond, lorsqu’un pays nous demande de l’aide, nous devons assumer de lui répondre oui ou non. En l’occurrence, je salue une fois de plus la décision du président Hollande d’avoir dit oui, même si je note que les interventions de certains suggèrent, en creux, qu’ils n’auraient pas fait le même choix. Or une fois que l’on a dit oui, on ne sait pas toujours où cela nous mènera. Parfois, des événements politiques internes imprévus ont lieu, démocratiques ou non, et n’effacent pas pour autant le risque terroriste.

Voilà un autre point sur lequel nous ne sommes pas assez revenus ce soir, bien que chacun l’ait mentionné : le terrorisme a changé de nature. Il est devenu endogène et perle de plus en plus. Il est, en quelque sorte, moins homothétique qu’en 2013 et les années suivantes. Aussi nécessite-t-il, par définition, un traitement militaire d’une autre nature.

Sur la question de la vraie souveraineté, du rôle de Barkhane et d’un manque d’accompagnement politique à la fin du conflit, je réponds qu’il faut être deux ! Cela ne veut pas dire qu’il faut faire à la place de, ou à côté de, sans tirer les conclusions de ce qui se passe. Je le dis, car il est facile de faire des procès. Si personne n’a fait le procès des forces armées dans cet hémicycle, d’autres l’ont fait ces quinze derniers jours dans un autre hémicycle plus proche de la Seine.

Sur le volet politique, ce n’est pas une affaire d’ETP et de moyens financiers accordés au Quai d’Orsay. À un moment donné, si la junte malienne préfère Wagner aux forces armées de la République française, c’est peut-être non pas la faute de Paris, mais tout simplement celle de la junte malienne. Je pense qu’on peut dire les choses aussi simplement. Et ce n’est pas forcément donner un bon point au Président de la République et à son gouvernement que de le concéder : il s’agit tout simplement de défendre les intérêts de la France. Cela semble plein de bon sens, mais cela va mieux en le disant.

Je retiendrai qu’il faut une approche plus transparente des missions qui seront confiées à nos bases à l’avenir. Pour ma part, je continuerai de discuter avec mes homologues des pays concernés. Un mouvement est lancé dans plusieurs bases et avance bien, notamment pour proposer de nouveaux catalogues de formations. Je pense que, dès les prochaines cohortes qui sortiront de nos écoles, nous serons capables d’accueillir de nouveau, sur le territoire national, de nombreux élèves officiers ou sous-officiers venant de pays africains.

Nous sommes en train de prendre du retard sur les questions spatiales, sur le cyber ou sur les drones. Aussi devons-nous désormais mettre les bouchées doubles pour accompagner les armées de nos partenaires.

L’ensemble de ces sujets forment un agenda d’influence par le concret, à la fois pour lutter contre le terrorisme et pour honorer notre parole, que nous avons parfois donnée voilà plusieurs décennies, au travers d’accords de défense. Je reste persuadé que l’honneur de la France, c’est de respecter la parole donnée.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Je dis juste que Takuba, de ce point de vue, a fonctionné. C’est aussi le cas si l’on en examine les résultats de près – je suis prêt à y revenir devant votre commission des affaires étrangères, si vous m’y invitez. Ainsi d’opérations militaires très précises menées avec le timbre de Takuba contre des groupes terroristes armés : le chef d’état-major des armées pourra vous expliquer lors d’une prochaine audition que ces opérations ont bien fonctionné.

Au-delà de Takuba, il existe d’autres missions européennes qui n’ont pas été abordées dans la discussion. L’opération Atalante mérite pourtant d’être mentionnée au cours d’un débat de trois heures ! Certes, on n’a pas le temps de tout traiter, mais il n’est pas de trop de parler de piraterie, de liberté d’accès maritime ou encore de pêche illégale, dont on sait qu’il s’agit d’un enjeu majeur dans le golfe de Guinée comme à l’approche de la Somalie. Évidemment, ces sujets croisent parfois ceux liés au terrorisme, tandis que sur d’autres routes de navigation commerciale, c’est malheureusement Wagner qui peut être rencontré.

On s’en tient toujours à une approche militaire très terrestre, mais je crois qu’on a tort d’oublier les coopérations et missions maritimes. Je confesse bien volontiers que j’en suis le premier coupable, puisque je n’en ai pas fait mention à la tribune lors de ma première intervention. Mme Duranton y a certes fait allusion ; précisons cependant que ce n’est plus une mission de l’Otan : cette opération est désormais portée par l’Union européenne, et la France y contribue grandement.

Pour le coup, si l’on veut être à l’écoute des pays africains, il est clair que leurs besoins en matière maritime sont croissants ; or les Européens, dont les agendas de sécurité se concentrent en miroir sur la mer Méditerranée et le détroit de Gibraltar, peuvent particulièrement y être intéressés. C’est donc selon moi un bon thème de coopération.

Certes, je suis un furieux séguiniste et je me montre facilement prudent par rapport à un certain nombre de coopérations européennes, mais je dois bien avouer qu’il faut faire vivre l’envie de faire que l’on voit dans Takuba et que l’on retrouve dans Atalante.

Le deuxième point qui me frappe à l’issue de ce débat – que Mme Colonna et moi-même considérons comme un point d’étape dans la réarticulation de la présence française en Afrique – c’est qu’aucun orateur n’est d’accord sur les missions que l’on doit donner à nos bases.

Tout d’abord, Pierre Laurent veut les fermer, tout en expliquant qu’il faut être à l’écoute et respecter la souveraineté des pays concernés. Dès lors, que faire lorsque les pays en question demandent que les bases prépositionnées restent ouvertes et continuent d’accomplir leurs missions ? Faut-il tout de même les fermer ?

Vous avez vous-même dit, monsieur le sénateur, que vous aviez taillé à la serpe ; je me permets donc de relever cette contradiction. Vous voyez bien que les choses sont plus complexes : dire « fermons les bases » est certes pratique, mais nonobstant son caractère hâtif, cette décision ne couvrirait pas l’ensemble des besoins.

À l’inverse, d’autres orateurs, dont Olivier Cadic, souhaiteraient confier à nos bases des missions comparables à celles des forces de sécurité intérieure des pays qui nous accueillent. Monsieur le sénateur, je sais que vous relayez les préoccupations que vous entendez sur le terrain, mais nos bases militaires sont présentes pour remplir des missions régaliennes, prévues par des accords de défense. Elles ne sauraient intervenir au quotidien pour protéger des intérêts économiques. Ce type d’attaques relève de la sécurité privée ou des forces de sécurité intérieure.

Il est donc intéressant de constater, sans tomber dans la caricature, l’étendue du spectre des réflexions que nous devons mener, entre une fermeture pure et simple des bases, comme le suggère M. Laurent, et un plus grand interventionnisme, pour répondre à la diminution de l’empreinte française, comme le réclament ceux qui considèrent que nos intérêts économiques risquent d’être davantage attaqués dans les pays concernés. Voilà les deux positions les plus antagonistes qui ont été exprimées ce soir.

Cela mérite peut-être que nous y revenions en commission ou à une autre occasion, car nous ne devons pas nous méprendre sur le rôle de nos bases. Si nous sommes en mesure de mener une opération Sagittaire depuis la base de Djibouti, comme nous l’avons récemment démontré, ce serait mentir à l’opinion publique et à nos compétiteurs que de faire croire que l’on peut faire de même depuis notre base au Sénégal. C’est aussi faux aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix ans. Les éléments français au Sénégal font seulement de la formation ; ils ne peuvent remplir les mêmes missions que leurs homologues basés à Djibouti ou à Abidjan.

Depuis que le Président de la République m’a donné mandat pour réarticuler la présence française en Afrique, je me suis aperçu que de nombreux connaisseurs des sujets militaires faisaient passer une base pour une autre. Or la base projetée de Niamey, au Niger, par exemple, ne répond pas aux mêmes besoins militaires ni au même contrat opérationnel que nos bases au Gabon ou au Sénégal.

J’ai commencé par ces dernières, car elles représentent un héritage de bases dont les fonctions sont non pas de combattre, mais uniquement de former. Au reste, pour dire les choses franchement, ces fonctions de formation semblent un peu passéistes, tout du moins insatisfaisantes compte tenu des besoins réels des forces armées des pays en question.

Voilà un point important, sur lequel j’aimerais, si le président Cambon m’y autorise, revenir devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les choses doivent être claires, car si nous entretenons un flou, nous participons au narratif anti-français. Faire croire qu’une base au Sénégal peut permettre d’y entretenir des intérêts politiques et intérieurs, comme on le lit parfois dans la presse, c’est mentir !

Le troisième point que je soulèverai est dans la même veine. Vous êtes nombreux à avoir appelé au respect d’une véritable souveraineté des États africains avec lesquels nous entretenons des relations militaires, sécuritaires, économiques et diplomatiques. Je partage bien sûr cet avis ; personne dans cet hémicycle n’oserait appeler à ce que nous malmenions ou bafouions la souveraineté des autres pays.

Pour autant, votre lecture de ce qui s’est passé au Mali est pour le moins unilatérale. Vous portez un regard très expéditionnaire en considérant, en substance, que nous nous sommes fait mettre dehors, etc. Que fallait-il faire ? Il y a ceux qui disent que nous sommes restés trop longtemps et que nous aurions dû partir avant de nous faire mettre dehors – pourquoi pas ! Il est toujours plus facile de le décréter après coup… Après tout, d’autres pays et d’autres armées n’ont pris aucun risque ; dès lors, il est certain qu’on ne leur fait aucun reproche.

Pour ma part, je vous appelle à faire preuve d’une forme de solidarité en soutenant politiquement l’action de nos armées. On ne peut, d’un côté, dire qu’elles ont été remarquables et rendre hommage aux soldats, de l’autre, ne pas assumer, rétrospectivement, le portage politique.

Je citerai de nouveau le président Hollande : il lui a fallu du courage pour engager les forces armées, à la demande de notre partenaire malien, et pour expliquer à l’opinion publique pourquoi il fallait le faire. C’est notre honneur de renoncer à toute forme de clivage politique sur cette question et d’assumer le bilan des décisions qui ont été prises à l’époque.

Des orateurs ont expliqué que le vide laissé par nos militaires avait appelé d’autres compétiteurs. Cela signifie-t-il qu’il fallait rester, contre l’avis même de la junte malienne ? Fallait-il entrer en conflit ouvert avec cette dernière et les forces armées maliennes ? Franchement, la question est plus complexe.

Au fond, lorsqu’un pays nous demande de l’aide, nous devons assumer de lui répondre oui ou non. En l’occurrence, je salue une fois de plus la décision du président Hollande d’avoir dit oui, même si je note que les interventions de certains suggèrent, en creux, qu’ils n’auraient pas fait le même choix. Or une fois que l’on a dit oui, on ne sait pas toujours où cela nous mènera. Parfois, des événements politiques internes imprévus ont lieu, démocratiques ou non, et n’effacent pas pour autant le risque terroriste.

Voilà un autre point sur lequel nous ne sommes pas assez revenus ce soir, bien que chacun l’ait mentionné : le terrorisme a changé de nature. Il est devenu endogène et perle de plus en plus. Il est, en quelque sorte, moins homothétique qu’en 2013 et les années suivantes. Aussi nécessite-t-il, par définition, un traitement militaire d’une autre nature.

Sur la question de la vraie souveraineté, du rôle de Barkhane et d’un manque d’accompagnement politique à la fin du conflit, je réponds qu’il faut être deux ! Cela ne veut pas dire qu’il faut faire à la place de, ou à côté de, sans tirer les conclusions de ce qui se passe. Je le dis, car il est facile de faire des procès. Si personne n’a fait le procès des forces armées dans cet hémicycle, d’autres l’ont fait ces quinze derniers jours dans un autre hémicycle plus proche de la Seine.

Sur le volet politique, ce n’est pas une affaire d’ETP et de moyens financiers accordés au Quai d’Orsay. À un moment donné, si la junte malienne préfère Wagner aux forces armées de la République française, c’est peut-être non pas la faute de Paris, mais tout simplement celle de la junte malienne. Je pense qu’on peut dire les choses aussi simplement. Et ce n’est pas forcément donner un bon point au Président de la République et à son gouvernement que de le concéder : il s’agit tout simplement de défendre les intérêts de la France. Cela semble plein de bon sens, mais cela va mieux en le disant.

Je retiendrai qu’il faut une approche plus transparente des missions qui seront confiées à nos bases à l’avenir. Pour ma part, je continuerai de discuter avec mes homologues des pays concernés. Un mouvement est lancé dans plusieurs bases et avance bien, notamment pour proposer de nouveaux catalogues de formations. Je pense que, dès les prochaines cohortes qui sortiront de nos écoles, nous serons capables d’accueillir de nouveau, sur le territoire national, de nombreux élèves officiers ou sous-officiers venant de pays africains.

Nous sommes en train de prendre du retard sur les questions spatiales, sur le cyber ou sur les drones. Aussi devons-nous désormais mettre les bouchées doubles pour accompagner les armées de nos partenaires.

L’ensemble de ces sujets forment un agenda d’influence par le concret, à la fois pour lutter contre le terrorisme et pour honorer notre parole, que nous avons parfois donnée voilà plusieurs décennies, au travers d’accords de défense. Je reste persuadé que l’honneur de la France, c’est de respecter la parole donnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère de la France en Afrique.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.

Photo de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère de la France en Afrique.

Photo de Gérard Larcher

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 7 juin 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (procédure accélérée ; texte n° 667, 2022-2023) ;

Suite du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 661, 2022-2023) et du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 662, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

Ordre du jour

La séance est levée à minuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 7 juin 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (procédure accélérée ; texte n° 667, 2022-2023) ;

Suite du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 661, 2022-2023) et du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 662, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.