La commission d'enquête a tout d'abord entendu M. Bruno Lina, directeur du Centre national de référence des virus de la grippe pour le sud de la France, chef du laboratoire de virologie du CHU de Lyon.
a demandé à M. Bruno Lina pourquoi, lors de ses nombreuses interventions dans la presse, il n'était pas fait état de ses liens avec les industries du secteur que la loi l'oblige pourtant à déclarer avant toute intervention publique.
a indiqué que le débat postérieur à la pandémie grippale a été l'occasion pour lui de modifier son comportement en matière de déclaration d'intérêt et de mieux appliquer les dispositions légales qu'il connaissait mal. Auparavant, il ne déclarait ses liens d'intérêt que sur demande et non pas spontanément comme c'est désormais le cas. Ceci s'applique également à ses déclarations dans la presse, étant observé que les journalistes ne reprennent pas systématiquement la mention des liens déclarés. Si la mention des conflits d'intérêt directs est simple, il serait utile de clarifier la définition de ce que peuvent être les conflits d'intérêt indirects plus difficiles à identifier.
a déclaré que la meilleure solution est sans doute d'assurer une véritable étanchéité entre le public et le privé et d'éviter que les experts qui conseillent l'industrie conseillent également le Gouvernement ou les autorités sanitaires.
a fait état de ses fonctions en tant que professeur des universités - praticien hospitalier (PU-PH) aux hospices civils de Lyon et directeur d'un laboratoire de virologie qui comporte deux centres de référence affiliés à l'organisation mondiale de la santé (OMS). Il dirige par ailleurs une unité de recherche du CNRS sur la grippe et il est intervenu en tant qu'expert auprès d'instances nationales, étrangères, européennes et internationales, dont l'OMS. Il a également des liens avec les entreprises du secteur.
s'est interrogé sur la compatibilité entre des activités aussi nombreuses et des fonctions dans un service hospitalier.
a précisé qu'avoir une fonction auprès de multiples institutions ne se traduisait pas forcément par des réunions fréquentes. Une part importante de ses liens avec l'industrie découle de l'idée qu'il se fait de sa fonction d'enseignant et des messages qu'il estime avoir à faire passer tant auprès du secteur privé que du grand public. Les interventions qu'il est amené à faire ont en général un caractère pédagogique et ne sont pas rémunérées, car il estime être déjà payé pour ses fonctions par l'Etat.
a rappelé à M. Bruno Lina une déclaration faite à la presse dans laquelle il affirmait qu'une déclaration d'intérêt n'avait pas de sens si elle n'était accompagnée de la mention des sommes perçues.
a confirmé ces propos et a indiqué que dans sa dernière déclaration fiscale, le montant de ses revenus au titre de ses relations avec l'industrie s'élevait à 5 000 euros.
Il a signalé qu'en tant que membre de droit du Comité de lutte contre la grippe (CLCG) il lui avait été indiqué qu'il n'était pas obligé de faire une déclaration d'intérêt. C'est à sa demande, et suite à un échange avec les autorités sanitaires que sa déclaration, complétée, a été publiée sur le site du ministère.
a estimé qu'une telle situation était contradictoire avec la déclaration faite par la ministre de la santé, qui a affirmé devant la commission d'enquête avoir rappelé les membres du CLCG à leur devoir de déclaration. Il a souhaité savoir qui avait indiqué à M. Bruno Lina que la publication en ligne de la déclaration d'intérêt des membres de droit de ce comité n'était pas obligatoire.
a souligné que la publication des déclarations d'intérêt n'implique pas nécessairement leur mise en ligne sur l'internet.
a précisé que l'information sur la publicité des déclarations lui avait été donnée par la direction générale de la santé (DGS). Il a complété sa réponse en indiquant qu'il n'était membre ni du comité technique des vaccinations ni du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). En tant que membre du CLCG, il a été sollicité à de multiples reprises au cours de la pandémie, le comité ayant pour mission de recueillir le plus grand nombre possible d'informations sur le virus pour pouvoir donner des avis. Il a souligné que le CLCG est un groupe collégial dont les décisions sont prises par consensus. La qualité de ses débats tient à la diversité des spécialités médicales qui y sont représentées et à celles des institutions qui en sont membres. Les discussions ont toujours été menées à leur terme ce qui a permis l'émergence du consensus dans les avis donnés.
a regretté que la participation d'un pneumologue aux travaux du CLCG n'ait été que très récemment prévue.
a indiqué que la participation d'un pneumologue était un enrichissement mais que son absence antérieure était sans doute due au non-remplacement d'une personnalité nommée. Il a rappelé la forte mobilisation des membres du CLCG pendant toute la durée de la pandémie grippale.
a noté que le virus a été plus rapide que le vaccin, ce qui a mis en échec son effet barrière. Faut-il rechercher une réponse aux pandémies grippales au-delà de la réponse vaccinale, et comment améliorer notre dispositif antipandémique ?
a rappelé que le CLCG a toujours considéré que la vaccination est un pilier de la lutte contre la pandémie. Il y avait, au début de la pandémie H1N1, énormément d'incertitudes sur la virulence, la possibilité de mutation et la diffusion du virus. Les modèles utilisés permettaient d'étudier l'évolution de la pandémie en fonction de la réponse vaccinale et la stratégie pouvait évoluer si la vaccination était plus tardive qu'on ne l'avait souhaité. En l'absence d'effet barrière, le vaccin permet quand même d'assurer une protection individuelle. Certes, l'efficacité vaccinale n'est pas de 100 % mais elle est « coût-efficace » dans la mesure où elle permet de réduire la morbidité et la mortalité. Les études menées sur l'efficacité des vaccins ont majoritairement porté sur ceux destinés à la lutte contre la grippe saisonnière. S'il faut distinguer les essais cliniques des études sur l'efficacité d'un vaccin lors d'une véritable attaque virale, on peut néanmoins estimer que le niveau d'efficacité du vaccin est de 60 % à 70 % face à une épidémie massive. Une campagne vaccinale large permet donc une protection en anneau qui s'étend progressivement à l'ensemble de la population.
Si l'épidémie commence avant le début de la campagne vaccinale, il est nécessaire d'avoir recours à des mesures d'hygiène et aux antiviraux qui permettent de réduire l'impact en termes de mortalité de la grippe pandémique et de retarder la transmission du virus.
Si le vaccin présente donc toujours un bénéfice, force est de constater que la réponse vaccinale au cours de la pandémie a été très tardive et a à peine pu procurer un bénéfice individuel. Il faut cependant se rappeler qu'on ne maîtrisait ni le calendrier de fourniture des doses ni la date de début de la pandémie.
a rappelé que le niveau des commandes était maîtrisé et que certains pays avaient fait le choix de ne pas commander de vaccins.
a admis que ces Etats semblent a posteriori avoir fait le bon choix mais qu'il semble néanmoins que pendant la pandémie ils ont quand même sollicité le secours de l'OMS pour obtenir des vaccins.
Il reste que les difficultés liées aux vaccins n'ont pas été bien anticipées. Il y a beaucoup d'enseignements à tirer du déroulement de la pandémie. A titre personnel, M. Bruno Lina a considéré que la pandémie de 1918 avait été exceptionnelle de par la virulence de l'attaque virale et que la pandémie de 2009 était également exceptionnelle par son absence d'impact clinique. Il n'y a eu au vingtième siècle que deux pandémies véritablement comparables, celle de 1957 et celle de 1968.
a répondu que le CLCG avait intégré des informations relatives à la pandémie au fur et à mesure de leur disponibilité et qu'il ne faut pas oublier que celles disponibles début mai étaient très alarmantes.
a souhaité savoir si l'exemple de l'hémisphère sud avait été suffisamment étudié pour la définition de la stratégie française de lutte contre la pandémie.
a indiqué qu'en septembre l'Institut national de veille sanitaire (InVS) a effectivement organisé une réunion où les Etats de l'hémisphère sud ont présenté leur expérience face à la pandémie. Trois messages s'en dégageaient :
- le virus A (H1N1)v n'avait aucun facteur de pathogénicité ;
- la mortalité de la grippe était inférieure à ce qui avait été craint ;
- mais les services de réanimation étaient débordés par l'afflux de cas graves.
On pouvait penser que le virus présentait un fort risque de transformation et donc d'augmentation de sa virulence. En cela, l'exemple de l'hémisphère sud n'était pas totalement transposable et il aurait été dangereux de baisser la garde. L'anticipation du danger était le seul moyen de protéger une population cible, qui n'était pas la même que celle de la grippe saisonnière face aux formes graves.
a souhaité savoir si l'augmentation de la virulence du virus A (H1N1)v est encore à craindre et pour combien de temps.
a estimé que le virus circulera probablement encore l'hiver prochain mais sans que l'on puisse savoir quelle sera sa gravité.
a demandé ce qui peut justifier l'inclusion de virus A (H1N1)v dans le vaccin contre la grippe saisonnière si la population cible n'est pas la même.
a expliqué que l'apparition d'un virus pandémique se traduit par la disparition du virus saisonnier. Le virus H1N1 saisonnier avait ainsi disparu après 1968 avant d'être remis en circulation en 1977 suite à une intervention humaine. Il a de nouveau disparu, ce qui signifie qu'il n'a plus de réservoir humain, suite à la pandémie. Il est désormais remplacé par le virus A (H1N1)v. L'incertitude repose sur le devenir du virus H3N2, en circulation depuis 1968. Il représente à l'heure actuelle moins de 1 % des détections, ce qui implique qu'il a tendance à disparaître. Mais il est encore impossible de savoir si les deux virus vont coexister en tant que virus saisonniers ou non. L'expérience de l'hémisphère sud sera sur ce point très instructive.
Un virus pandémique qui devient saisonnier change de cible en matière de population. Ainsi, les femmes enceintes sont touchées au cours d'une pandémie cinq à dix fois plus que la population générale mais elles ne sont pas particulièrement affectées par le virus saisonnier. Les raisons de cette différence sont encore inconnues.
La campagne de vaccination saisonnière de l'hiver prochain devrait donc être compliquée à organiser car on sait qu'il y aura une épidémie, mais on ne sait pas quel en sera le facteur. Ou on ignore en effet si l'on assistera à une épidémie saisonnière de virus H1N1 ou à une deuxième vague de la pandémie A (H1N1)v.
a demandé si les populations âgées qui semblent être protégées contre le virus H1N1 continueraient de l'être.
a répondu qu'en effet les personnes âgées ont été relativement épargnées par la pandémie H1N1. Cette situation pourrait cependant évoluer si le virus changeait.
a observé que le virus avait été jusqu'à présent très stable, ce qui est du reste étonnant.
Partageant ce jugement, M. Bruno Lina a noté que cette stabilité était contradictoire avec la présence d'une population immunisée, qui favorise normalement les mutations des virus. Il y a donc une incohérence quelque part.
a remarqué que l'on pourrait être tenté de conclure que c'était le virus qui avait manipulé tout le monde.
a souhaité revenir sur la question de l'efficacité du dispositif anti-pandémique.
a souligné que ce dispositif associait des composantes diverses et que certaines des actions menées avaient été efficaces.
est convenu que les besoins de recours aux masques avaient été clairement surestimés. En revanche, le renforcement des unités de réanimation a été un succès et a permis, par exemple à Lyon, de répondre aux besoins et de permettre que les choses se passent le mieux possible quand il y avait des cas graves.
Le recours à la médecine de ville n'a en revanche pas été optimal et, en ce qui concerne la campagne de vaccination et son organisation, il y a manifestement des choses à revoir.
On a aussi constaté que les avis et recommandations du comité de lutte contre la grippe étaient formulés « en temps réel », mais qu'il y avait souvent un décalage entre le message et le moment où il était relayé. Or, certains messages pouvaient être cohérents à un moment donné et ne plus l'être à un autre. Cela a été le cas en ce qui concerne les recommandations de recours aux antiviraux, dont l'évolution et les justifications ont été mal comprises.
L'organisation de la vaccination était aussi un problème très compliqué. D'abord parce qu'il était difficile d'anticiper l'ampleur de l'épidémie. Il paraissait cependant raisonnable de penser que les généralistes n'auraient ni le temps ni la possibilité d'organiser la logistique de la vaccination, en plus de la prise en charge des malades. Cela militait en faveur de la mise en place d'une organisation spécifique, qui a malheureusement souffert de défauts de fonctionnement à tous les échelons.
a regretté que la réaction à la pandémie ait donné l'impression d'être dominée par une « pensée scientifique unique » privilégiant une vision plutôt catastrophiste des choses. Il s'est demandé si une telle unanimité correspondait à la réalité du débat scientifique et si elle pouvait favoriser la qualité du débat public et celle de l'information du public.
a reconnu qu'à un moment donné, le comité de lutte contre la grippe s'était posé cette question dans le courant de l'automne, ses membres se demandant s'il n'était pas « trop consensuel ». Et, de fait, il était très consensuel. Il n'y avait pas de voix dissonantes. M. François Autain, président, a cependant observé qu'il en avait pour sa part entendu.
a observé que celles - rares - qui s'étaient élevées avaient surtout critiqué le coût des mesures prises. Mais l'on n'a pas vraiment discuté la réalité de la pandémie.
Ce problème de « pensée unique » tient sans doute au fait que l'on avait « le nez dans le guidon », sans possibilité de prendre du recul, de faire une pause pour prendre le temps d'analyser la situation, de réfléchir à des mesures correctives.
Sans doute, aurait-il fallu avoir une autre approche.
Mais à la lumière des vraies pandémies du passé, le constat est quand même lourd. En 1968, il y a eu 30 000 décès, c'est considérable.
a remarqué qu'au cours du vingtième siècle, le nombre des décès imputables aux pandémies avait beaucoup baissé.
a observé que le calcul de la mortalité n'était pas tout à fait le même. Il y a eu sans doute cette année plus de morts dues directement à la grippe mais la mortalité, la surmortalité sont très inférieures à ce que l'on craignait.
a posé une question sur le diagnostic clinique de la grippe et sur les raisons pour lesquelles la vaccination pour l'hiver prochain serait compliquée à organiser.
a souligné qu'au cours de la vague épidémique il y avait eu des efforts pour essayer d'affiner les diagnostics afin de « flécher » les patients.
Le diagnostic clinique conduit à une surestimation du nombre des cas de grippe. Ainsi, une publication du centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) met en évidence qu'il y a eu, en septembre et en octobre, un peu de grippe mais surtout une épidémie importante due à un rhinovirus. Après, à partir de la fin du mois d'octobre, c'est vraiment le virus de la grippe qui a circulé.
On ne peut donc pas s'appuyer seulement sur des signes cliniques.
La difficulté, pour organiser la vaccination pour l'hiver prochain, est de savoir quel sera le virus responsable de l'épidémie.
Si on a une grippe saisonnière, on sait quelles sont les catégories de personnes qu'il faut protéger - les personnes âgées, celles qui souffrent de problèmes respiratoires.
Si l'on a affaire à une deuxième vague de H1N1, les personnes menacées ne seront pas les mêmes.
Donc, pour définir une stratégie efficace, il va falloir savoir quelles seront les « cibles » à protéger. On n'a pas actuellement de recommandation pour définir les candidats à la vaccination.
a demandé quand l'OMS avait considéré que la pandémie était de niveau 5.
a répondu que le niveau 5 avait été déclaré le 29 avril, et le niveau 6 le 11 juin. Pour l'OMS, nous sommes d'ailleurs toujours au niveau 6.
a demandé à M. Bruno Lina pourquoi il avait été partisan d'un passage, en France, au niveau 6.
a expliqué que l'on avait eu, au moment où la question s'était posée, le sentiment qu'il y avait une dynamique d'évolution importante à l'étranger, avec des cas en Espagne, au Royaume-Uni, et une augmentation progressive des cas en France.
Mais il fallait aussi anticiper la lourdeur du passage au niveau 6. La DGS, en fait, a décidé d'utiliser les outils correspondant au niveau 6 sans y passer. Le niveau 5 correspond à des critères de dangerosité et de diffusion, le niveau 6 prend en compte uniquement la diffusion.
a estimé qu'il était difficile de faire comprendre cette classification et a demandé si, un jour, on allait se décider à dire que la pandémie était finie.
a expliqué qu'il existait une phase 7, qui correspond à une phase post-pandémique, de consolidation, et que l'on ne passerait pas directement à la phase 1 - qui est celle de l'absence de pandémie.
a estimé que ce passage à une phase 7 risquait d'être perçu comme une aggravation de la situation, difficulté dont M. Bruno Lina a dit que l'on pourrait l'éviter en évoquant plutôt une phase « post-pic ».
a rappelé que l'on avait évoqué en 2009 une situation « exceptionnelle » et très alarmante, et puis que le virus avait disparu.
a dit que le virus n'avait pas disparu. Actuellement, il n'y a pas de problème en France, mais l'épidémie reprend en Uruguay. Le virus disparaît à un instant, dans un pays, mais il revient ailleurs. Il circule toujours et, au niveau de l'OMS, on doit tenir compte de ce qui se passe dans l'ensemble des pays.
Si l'on passe, au niveau planétaire, au stade « post-pic », il y aura un certain nombre d'outils de lutte contre la pandémie que l'on ne pourra plus utiliser.
a observé que si, en France, le virus a disparu, on aurait mieux fait de réfléchir et de commander un peu moins de vaccins.
a rappelé que la décision d'acheter des vaccins pour 47 millions de Français correspondait à un choix politique qui a été effectué à un moment donné.
a dit que le comité n'avait pas été consulté sur le nombre de doses à commander mais qu'il avait été consulté le 10 mai sur la vaccination dont il avait considéré qu'elle devait rester un pilier de la lutte anti-pandémie. Entre le 15 et le 20 mai, on recevait des informations très importantes, des signaux très alarmants, on évoquait un taux de mortalité de 10 %.
a souligné que ces chiffres étaient en fait erronés. Il s'est étonné que le CLCG n'ait pas été consulté sur la décision d'acheter les vaccins, M. Bruno Lina objectant qu'il n'était pas compétent pour répondre à une question sur le nombre de doses à commander.
a rapproché le nombre des morts dues, en France, à la grippe A - 310 - et les chiffres de la mortalité imputés à la grippe saisonnière, qui se situent entre 2 000 et 6 000 décès chaque année. Il a noté que l'OMS évaluait à 17 000 le nombre des victimes de la grippe H1N1 pour l'ensemble du monde.
n'a pas contesté ces chiffrages, mais a remarqué que les décès imputés cette année à la grippe A était « virologiquement prouvés », alors que la mortalité due à la grippe saisonnière est évaluée à partir de la surmortalité - que l'on a d'ailleurs pas observée cette année, ni en France ni ailleurs. Mais la mortalité directement imputable à la grippe saisonnière est infime : sept à vingt personnes par an en France.
a demandé s'il fallait, ainsi, dire que l'on avait eu affaire à une « vraie grippe » peu meurtrière ?
a demandé, si les diagnostics cliniques ne suffisaient pas à identifier la grippe, comment comptabiliser les personnes atteintes ? Fait-on des tests ? Les médecins sont-ils vraiment formés pour faire cette comptabilisation ?
a précisé que l'on avait aussi appris que la grippe H1N1 pouvait revêtir une grande diversité de formes. Il y a des cas documentés d'infections sans symptômes. On a vu aussi des formes cliniques très frustres : les gens ne se sentaient pas très bien pendant deux ou trois jours et puis cela passait.
a relevé qu'au fil du temps, les observations sur la grippe avaient aussi beaucoup évolué. Il a en outre posé une question sur les avis opposés relatifs à l'efficacité du Tamiflu que certains, comme le Dr. Tom Jefferson, persistent à juger limitée, voire nulle, dans le cas de la grippe saisonnière.
Portant un jugement favorable sur le caractère ambitieux et scientifique des travaux du Dr. Tom Jefferson, M. Bruno Lina a cependant estimé qu'il fallait distinguer, pour apprécier l'efficacité du Tamiflu, entre les deux périodes de l'évolution de la grippe : la période virologique, pendant laquelle le virus se multiplie, puis la réponse immunitaire.
Un antiviral lutte contre le virus. Il faut donc mesurer son efficacité en termes de diminution de la charge virale.
En revanche, il n'est pas un anti-inflammatoire et il n'aura pas d'effets sur les signes cliniques de la grippe.
Le Tamiflu a montré, quand il a été bien utilisé, son efficacité pour atténuer les formes graves de la grippe H1N1.
Cette efficacité, a affirmé M. Bruno Lina, existe aussi dans le cas de la grippe saisonnière : l'administration précoce de Tamiflu « casse » la dynamique du virus - à condition naturellement qu'il s'agisse bien d'une grippe.
Faut-il alors, a demandé le président François Autain, n'administrer le Tamiflu qu'après un test permettant de confirmer la présence d'un virus grippal ?
En cas de pandémie, a répondu M. Bruno Lina, on peut davantage se fier aux signes cliniques, car le virus de la grippe élimine les autres virus. Il y a donc beaucoup plus de chances pour que ce qui ressemble à la grippe soit effectivement la grippe.
Puis la commission d'enquête a entendu MM. Jean-Louis Bensoussan, médecin généraliste, président, et Jean-Marie Cohen, médecin épidémiologiste, coordinateur national, du réseau des Groupes régionaux d'observation de la grippe (GROG).
a, tout d'abord, présenté ses deux principales activités : la direction de l'association des réseaux GROG et sa participation en tant que salarié à l'infrastructure OPEN-ROME, réseau d'observation des épidémies et des maladies, dont moins de 30 % du financement est assuré par des entreprises privées. Il a précisé que le financement du réseau GROG est assuré par l'Institut de veille sanitaire (InVS) à hauteur de 77 % et par l'Institut Pasteur de Paris à hauteur de 23 %. Les dons financiers des entreprises pharmaceutiques, versés à cette structure par le biais de l'Institut Pasteur, font l'objet d'une publicité dans les bulletins des réseaux GROG. M. Jean-Marie Cohen a indiqué avoir participé occasionnellement à des congrès médicaux, mais ne pas avoir de conflit d'intérêt.
a indiqué, quant à lui, être intervenu en tant qu'expert auprès de la Haute autorité de santé (HAS), l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (Inpes). Pour chacune de ces participations, il a procédé à une déclaration publique d'intérêt. En 2009, il a participé à une réunion d'experts organisée par le laboratoire Roche, ainsi qu'à une étude épidémiologique et virologique internationale financée par le même laboratoire.
Il a ensuite présenté le fonctionnement du réseau GROG. Ce réseau, qu'il a rejoint en 1990 et dont il a créé, un an plus tard, l'association GROG-Midi Pyrénées, regroupe des médecins libéraux, des pharmaciens et d'autres structures qui recueillent, entre les mois d'octobre et le mois d'avril de chaque année, des données épidémiologiques (nombre d'actes réalisés, nombre d'arrêts-maladie prescrits, nombre d'infections respiratoires aigües constatées par tranche d'âge) et réalisent des prélèvements virologiques qui sont ensuite transmis pour analyse aux centres nationaux de référence (CNR).
Le réseau GROG constitue ainsi la seule structure en France qui permette de savoir précisément quand un virus grippal apparaît, comment il se développe, quand survient le pic pandémique et quelle est la « queue épidémique », c'est-à-dire quelles sont les formes variantes éventuelles du virus. Il s'agit d'un dispositif proche du terrain.
C'est ainsi que le réseau GROG a pu indiquer au mois de septembre 2009, contrairement aux messages alors relayés par les médias, que le surcroît de consultations constaté dans les cabinets de médecins libéraux n'était pas lié au virus A(H1N1)v. Seuls les prélèvements quotidiens réalisés par le réseau pouvaient le démontrer. A contrario, les données du réseau ont permis de suivre la circulation croissante du virus à partir du mois de novembre 2009 et ensuite sa décroissance une fois la campagne de vaccination commencée.
En tant que membre du Comité de lutte contre la grippe (CLCG), il a, par ailleurs, joué le rôle de relais entre les pouvoirs publics et ses collègues, médecins généralistes. Ainsi a-t-il été un des rares membres du CLCG à attirer l'attention sur le mécontentement des médecins libéraux face à leur non-association à la campagne de vaccination, alors que ces derniers devaient faire face à de nombreuses sollicitations de leurs patients. Son action a été cependant peu suivie d'effet.
a souhaité insister sur cinq principaux messages :
- la pandémie de grippe A(H1N1)v a été le révélateur du « gouffre » qui oppose les soignants de ville, les autorités publiques et les chercheurs, qui a des conséquences dramatiques pour les finances publiques et qui peut expliquer en partie l'échec de certaines réformes votées par le Parlement dans le domaine de la santé ;
- l'Etat rémunère mal les experts auxquels il fait appel. S'il y a aujourd'hui si peu de médecins libéraux dans les structures d'expertise, c'est en partie parce que ces derniers ne peuvent se permettre d'y participer ;
- le budget de la recherche médicale française est limité. Se pose ainsi la question du financement de la participation des experts aux congrès internationaux : aujourd'hui, si un laboratoire pharmaceutique ne propose pas à un expert de participer à ces colloques, celui-ci ne peut s'y rendre de sa propre initiative ;
- le plan de préparation à une éventuelle pandémie, pourtant à l'étude depuis une dizaine d'années, ne prévoit pas un dispositif opérationnel adéquat de vaccination de masse en cas de pénurie de vaccins, associant les médecins de ville et les préfectures ;
- il a, enfin, regretté les messages alarmistes, relayés par certains médias, sur les conséquences de la pandémie.
a ainsi cité l'exemple d'un article de presse faisant état d'un taux de mortalité liée à la grippe A(H1N1)v deux cent fois plus élevé que celui constaté lors de la grippe saisonnière.
a indiqué que le discours aujourd'hui communément tenu sur le grippe A(H1N1)v repose sur quatre éléments : 1) la pandémie n'est en réalité qu'une simple épidémie ; 2) les mesures de lutte proposées sont inefficaces, voire dangereuses ; 3) les experts ayant participé à la gestion de la pandémie entretiennent des liens forts avec l'industrie pharmaceutique ; 4) l'achat de vaccins n'a correspondu qu'à la volonté d'accroître le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques. Or le bilan devant être dressé de la pandémie fait encore l'objet de nombreuses études. Quant à la dangerosité des vaccins, il convient de constater que les cas de syndromes de Guillain-Barré annoncés sont limités et le lien de cause à effet avec le vaccin contre le virus A(H1N1)v doit encore être démontré. Le réseau GROG est en train d'organiser un colloque sur l'ensemble de ces questions.
En réponse à M. Alain Milon, rapporteur, M. Jean-Marie Cohen a indiqué qu'il est important de signaler que le réseau GROG est financé en majorité par l'InVS car cette situation pourrait créer une certaine influence sur les décisions du réseau GROG.
a précisé que tel aurait pu être le cas lorsqu'en septembre 2009, le réseau GROG indiquait qu'il n'y avait pas d'épidémie de grippe, mais de simples cas de rhinopharyngites tandis que l'InVS, s'appuyant sur d'autres réseaux de veille sanitaire, annonçait le contraire.
En ce qui concerne la circulation du virus A(H1N1)v, elle a débuté en France dès le mois de juin 2009, mais les infections respiratoires aigües liées à ce virus étaient alors peu nombreuses. Ce n'est qu'à partir du mois de septembre que la circulation du virus a commencé à se développer.
Il a précisé que la « crainte collective » face au risque pandémique a en revanche débuté beaucoup plus tôt et pouvait être mesurée par trois éléments : 1) le nombre d'articles de presse consacrés à ce sujet ; 2) le nombre de connexions à certains sites du réseau Internet ; 3) les ventes de Tamiflu en ligne.
a souhaité savoir quelles leçons peuvent être tirées des modalités d'organisation de la campagne de vaccination et notamment de la mauvaise association des médecins libéraux et des pharmaciens à celle-ci.
a indiqué que le Gouvernement ne pouvait faire d'autre choix que celui de ne pas associer les médecins généralistes, ces derniers n'étant pas prêts à faire face à une campagne de vaccination qui nécessitait, compte tenu du nombre limité de vaccins, de définir des populations « prioritaires ». D'un point de vue logistique, les pouvoirs publics ont considéré qu'un tel dispositif n'était pas envisageable. De leur côté, les médecins généralistes ont considéré que la vaccination au sein de centres de vaccination allait rapidement montrer ses limites.
a nuancé les propos de M. Jean-Marie Cohen en précisant que les médecins généralistes n'étaient pas prêts pour faire face à une pandémie de type H5N1. Or, à partir du mois de juin, il est apparu qu'il s'agissait en réalité d'un virus beaucoup moins virulent. Néanmoins il a fallu attendre le 24 juillet pour que la ministre de la santé annonce la possibilité pour les médecins généralistes de prendre en charge des patients atteints par le virus A(H1N1)v. En outre, il est apparu assez rapidement qu'il y avait suffisamment de vaccins disponibles en unidoses pour permettre une association des médecins libéraux à la campagne vaccinale, notamment pour les patients ne pouvant se déplacer.
a néanmoins précisé que le nombre de vaccins disponibles en unidoses restait limité et que ces derniers n'ont été disponibles que tardivement.
a indiqué avoir eu l'impression que le Gouvernement, tout en voulant bien faire, s'est heurté à de nombreuses difficultés tenant à l'acheminement progressif des vaccins et à la nécessité de définir des populations à vacciner en priorité. En revanche, la rédaction des contrats passés avec les laboratoires pharmaceutiques aurait pu être améliorée. En particulier, il aurait sans doute fallu intégrer une clause de révision des contrats en fonction du nombre de doses de vaccins nécessaires. Il semble que les laboratoires n'aient pas pensé à ce cas de figure et que leurs cocontractants n'aient pas soulevé la question.
a souhaité savoir comment le rôle du réseau GROG s'articule avec le champ de compétences de l'InVS, celui du réseau « Sentinelles » et du réseau « Oscour ».
a indiqué que l'InVS joue le rôle « d'ensemblier » épidémiologique des données recueillies par ces trois réseaux. Le réseau « Sentinelles » et le réseau GROG tentent aujourd'hui d'améliorer la complémentarité de leurs données et commencent à mettre en place des indicateurs communs.
a ajouté que la spécificité du réseau GROG tient aux prélèvements réalisés par ce dernier, ce que ne fait pas le réseau « Sentinelles ». En ce qui concerne la vaccination, il a insisté sur la nécessité de placer le médecin de premier recours, créé par la loi « Hôpital, patients, santé et territoire », au coeur du dispositif de vaccination. L'association des médecins généralistes à la campagne vaccinale contre le virus A(H1N1)v aurait été possible, mais ne l'a pas été par méconnaissance de la profession.
La commission d'enquête a enfin entendu M. Daniel Floret, professeur de pédiatrie à l'université Claude-Bernard de Lyon, président du Comité technique des vaccinations (CTV) rattaché à la Commission maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
a indiqué avoir travaillé par le passé pour l'industrie pharmaceutique, mais ne pas avoir été en situation de conflit d'intérêt depuis 2000, date de sa nomination au Conseil supérieur d'hygiène publique de France, puis de son élection au poste de président du CTV. Il ne perçoit pas d'argent des laboratoires pharmaceutiques. Il a défini la notion de conflits d'intérêts comme étant une situation de dépendance, notamment financière, de l'expert par rapport aux entreprises pharmaceutiques.
a précisé qu'il existe en effet une nuance importante entre la notion de « lien d'intérêt » et la notion de « conflit d'intérêt », un lien d'intérêt ne se traduisant pas forcément par un conflit d'intérêt. Il a regretté la mise en ligne tardive - au mois de novembre 2009 - de la déclaration publique d'intérêt des membres du HCSP.
a indiqué avoir fait une déclaration d'intérêt à son entrée au Conseil supérieur d'hygiène publique de France, puis au CTV, de même que lors de sa participation, en tant qu'expert, à certains travaux de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il a précisé que tous les membres du CTV ont dû procéder de même lors de leur prise de fonctions. La mise en ligne tardive de ces déclarations d'intérêts relève de la responsabilité du secrétariat du HCSP.
Il a ensuite présenté le rôle du CTV dans le cadre de la gestion de la pandémie de grippe A (H1N1). Entre le 25 avril 2009 et le 31 janvier 2010, le CTV a émis douze avis en réponse à des saisines du directeur général de la santé, saisines comportant dans la plupart des cas des questions multiples et complexes. Pendant cette période, le CTV a tenu dix réunions plénières, suivies d'autant de réunions de la Commission maladies transmissibles du HCSP.
Face à la complexité de la situation, à la nécessité de répondre en urgence aux saisines et à la disponibilité limitée des experts, le CTV a décidé de s'appuyer sur une structure d'expertise existante, le Comité de lutte contre la grippe (CLCG). Le CLCG, chargé d'assurer une veille sur les virus grippaux, regroupe en effet de nombreux experts, dont six appartiennent également au CTV et quatre à la Commission « maladies transmissibles » du HCSP ; les présidents de ces deux commissions sont membres de droit du CLCG. Il a ainsi été demandé au CLCG de fonctionner comme un groupe de travail du CTV dès lors qu'il examinait des problématiques liées aux vaccins. De ce fait, les avis les plus importants ont été élaborés selon un système à trois niveaux : une réflexion initiale était menée au niveau du CLCG ; sur la base des travaux du CLCG, le CTV formalisait et votait un projet d'avis ; cet avis était ensuite validé par la Commission maladies transmissibles du HCSP.
a indiqué qu'à ces trois niveaux, l'expertise a été collégiale et pluridisciplinaire. Elle s'est appuyée, lors de chaque étape, sur les données épidémiologiques nationales et internationales collectées par l'Institut de veille sanitaire (InVS), membre de droit du CTV. L'Afssaps a également été présente en permanence à chacune des étapes, apportant les informations relatives à la progression des connaissances sur les vaccins pandémiques en développement et sur l'évolution de leur statut réglementaire tant au plan européen que national.
L'ensemble des structures d'expertise mobilisées ont fait appel à des experts de toutes spécialités en lien avec les problématiques de vaccination. La dimension « recherche » a également été mobilisée à travers les travaux de modélisation réalisés par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
a précisé que les recommandations du CTV ont, tout d'abord, porté sur le ciblage des sujets les plus exposés et les plus à risque en fonction des données épidémiologiques alors disponibles. La recommandation de pouvoir proposer la vaccination à tous ceux qui la souhaiteraient relevait du principe d'égalité, également avancé par le Comité consultatif national d'éthique. L'hypothèse d'une vaccination obligatoire a en revanche été écartée d'emblée. Enfin, compte tenu de la mise à disposition progressive des vaccins, le CTV a dû se prononcer sur les populations à vacciner en priorité et les populations auxquelles devrait être proposé un vaccin sans adjuvant. Il a également adapté les schémas vaccinaux retenus au fur et à mesure de la connaissance des résultats des essais cliniques des vaccins.
L'élaboration des avis du CTV a donné lieu à de longues réunions animées au cours desquelles chacun a pu s'exprimer. Ces réunions ont permis l'élaboration de textes quasi consensuels. Au niveau du CTV, les textes ont été adoptés sans aucune voix « contre » et le nombre d'abstentions n'a jamais dépassé deux voix. Les votes de la Commission maladies transmissibles ont presque tous été adoptés à l'unanimité.
a indiqué que depuis les alertes pandémiques relatives au virus H5N1, le CLCG a auditionné périodiquement les quatre firmes pharmaceutiques engagées dans le développement de vaccins prépandémiques. Ces auditions ont été organisées de manière officielle à l'initiative du CLCG dans le but de connaître, de la manière la plus actualisée possible, l'état d'avancement du développement de leurs vaccins, les études en cours et programmées ainsi que le calendrier de disponibilité des résultats. En tant que président du CTV, il a participé à ces auditions.
Il a ajouté que la gestion des conflits d'intérêt a représenté un sujet majeur de préoccupation depuis sa prise de fonction au CTV. Ainsi, au début de l'année 2008, a été élaborée, à son initiative, une charte de la déontologie. Une grille d'analyse des déclarations d'intérêt a également été élaborée sur le modèle de celle en vigueur à l'Afssaps.
Il a insisté sur le fait qu'un lien d'intérêt ne constitue pas systématiquement un conflit d'intérêt, l'important étant que ces liens soient déclarés en toute transparence. Chaque membre du CTV est ainsi astreint annuellement à déclarer ses liens d'intérêt et à actualiser ces déclarations en tant que de besoin. En outre, chaque séance plénière du CTV débute par un appel à déclaration des éventuels conflits d'intérêt sur les sujets qui seront soumis au vote. En cas de conflit majeur, l'expert est exclu des discussions et votes portant sur ces sujets.
Ces procédures ont été respectées par le CTV et la Commission maladies transmissibles lors de l'élaboration des avis relatifs à la vaccination contre le virus A (H1N1)v. Depuis septembre 2009, tous les avis votés par le CTV et la Commission maladies transmissibles mentionnent le nombre d'experts qui n'ont pas pris part au vote pour cause de conflits d'intérêt.
L'ensemble de ces mesures n'a sans doute pas totalement réglé la problématique des conflits d'intérêts. Mais vouloir exclure tout lien entre l'expertise et l'industrie pharmaceutique n'est pas réaliste et nuirait à la qualité même de l'expertise. Certains problèmes devraient cependant pouvoir trouver rapidement une solution, par exemple, le financement de la participation des experts aux grands congrès internationaux, financement aujourd'hui assuré quasi-exclusivement par l'industrie.
s'est interrogé à ce sujet sur la persistance de l'organisation de congrès médicaux si l'industrie pharmaceutique venait à disparaître.
a indiqué que des solutions alternatives à un financement par les laboratoires sont réclamées depuis longtemps sur ce sujet.
Pour conclure, il a indiqué que la problématique des conflits d'intérêts a été prise sérieusement en considération. De l'intérieur du CTV, comme de l'extérieur - un audit a été récemment mené par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le CTV - il a été reconnu que des progrès sensibles ont été observés dans le sens d'une plus grande transparence. Il a enfin insisté sur le fort investissement des experts qui ont travaillé sans relâche pendant les six mois de cette crise sanitaire et vivent aujourd'hui très mal la suspicion jetée sur leur probité.
a indiqué que cette suspicion n'existerait pas si la transparence sur les liens d'intérêt des experts était assurée. Les experts sont sans doute victimes de ce point de vue de dysfonctionnements de l'administration qui a tardé à mettre en ligne les déclarations publiques d'intérêt des membres du HCSP. Il s'est cependant interrogé sur l'intérêt de l'administration à faire ainsi traîner les choses. Il a fait remarquer que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fait, elle aussi, l'objet de questionnements quant à son opacité.
a indiqué que le HCSP s'est heurté à de nombreuses difficultés dans la mise en place de son site Internet, ce qui peut être l'une des causes du retard de mise en ligne des déclarations d'intérêt de ses membres.
a souhaité savoir si l'intervention de très nombreuses instances d'expertise, dans un contexte d'urgence, a permis d'optimiser les conditions de prise de décisions et si les compétences de chacun des organismes et leur composition sont de nature à apporter une information plurielle et collégiale au décideur politique, ou si elles entraînent, au contraire, un brouillage dans l'information. Il a indiqué que lors de son audition devant la commission d'enquête, le directeur général de la santé a notamment suggéré d'envisager un repositionnement du CLCG afin de l'intégrer au HCSP.
a convenu qu'il aurait été logique que le CLCG soit un comité technique permanent du HCSP et que son intégration au Haut conseil est sans doute à envisager. Il s'agit d'ailleurs d'une des recommandations de l'audit mené par l'Igas sur le CTV.
Cependant, le recours à plusieurs instances d'expertise a permis une expertise plurielle et large et constitue une garantie contre les conflits d'intérêt. Ainsi une expertise organisée à trois niveaux - CLCG, CTV et Commission maladies transmissibles - a été une bonne chose, même si elle a raccourci les délais d'examen des saisines et nécessité une mobilisation forte des experts. La question de l'organisation de l'expertise, ainsi que celle de l'articulation entre l'expertise et le décideur politique, est essentielle pendant la gestion des crises sanitaires.
a interrogé M. Daniel Floret sur le bilan qui peut aujourd'hui être dressé de la pandémie H1N1, de son évolution et de sa gravité. Le HCSP ayant souligné dès le mois de juin 2009 que la morbidité et la létalité de la grippe H1N1 étaient modérées et proches de la grippe saisonnière, il a souhaité savoir si cette comparaison entre la grippe H1N1 et la grippe saisonnière peut être affinée.
a indiqué que le virus A (H1N1)v a été imprévisible. Il a fait certes moins de morts que la grippe saisonnière, mais n'a pas touché les populations habituellement les plus exposées, notamment les personnes âgées. L'évolution du virus A (H1N1)v n'a ainsi pas correspondu à ce qui était attendu. La question est de savoir s'il aurait été possible de procéder autrement.
s'est ensuite interrogé sur l'efficacité du dispositif de vaccination pandémique mis en place. En effet, au 18 janvier 2010, selon les chiffres cités par le HCSP le 29 janvier, 5,74 millions de personnes - 9 % de la population - avaient été vaccinées contre la grippe H1N1. Par comparaison, au 31 janvier, 5,5 millions de personnes avaient répondu à la campagne vaccinale contre la grippe saisonnière organisée comme tous les ans par l'assurance maladie en direction de certaines populations à risques.
a indiqué que le CTV n'a pas été consulté sur les modalités d'organisation de la campagne de vaccination. En tant que médecin, il a précisé cependant que la vaccination par les médecins libéraux aurait sans doute été difficile compte tenu, d'une part, de l'utilisation de flacons multidoses qui imposent une utilisation dans un temps très réduit des vaccins et, d'autre part, de la nécessité d'organiser la vaccination de populations « prioritaires ». Il a cité l'exemple de la Belgique où les médecins libéraux ont demandé d'arrêter la vaccination dans les cabinets médicaux. Une vaccination au sein de cabinets de groupe aurait en revanche peut-être pu être envisagée.
a indiqué que si les avis du HCSP ont été consensuels, il n'en demeure pas moins qu'il risque de ne s'agir que de « consensus sur les mots ». L'essentiel est moins la publicité des conclusions des groupes d'experts que celle des échanges qui ont eu lieu entre ces derniers. Il a enfin indiqué que la comparaison entre les systèmes américain et français de financement des congrès médicaux est délicate.
s'est étonné de l'absence de fondements scientifiques de la décision d'acquérir 94 millions de doses de vaccins contre le virus A(H1N1)v. Aucun élément n'apparaît à ce sujet dans les avis du HCSP qui ont, d'ailleurs, été rendus postérieurement à la commande de vaccins. La direction générale de la santé s'est donc appuyée a posteriori sur l'expertise du HCSP pour expliquer des commandes immodérées, considérant qu'il n'y avait pas d'opposition à une vaccination de masse. Or, pour être efficace et avoir un effet « barrière » face à la propagation du virus, la vaccination doit intervenir très tôt, ce qui n'était pas possible dans le cas de la pandémie A(H1N1). Quant à la protection individuelle, seconde justification à la vaccination, la même question se posait : combien d'individus allaient pouvoir être protégés à temps ? La décision d'acquérir autant de vaccins avait-elle dès lors d'autres fondements, notamment politiques ou éthiques ?
a indiqué que l'acquisition de 94 millions de doses de vaccins a relevé d'un choix politique. Le HCSP n'a pas contredit cette décision en raison des études et des modélisations réalisées sur le virus H5N1 sur lesquelles s'est appuyé le HCSP et pour lequel la plus grande crainte était justement l'absence de vaccins. Il n'est, par ailleurs, pas choquant de vouloir proposer à tous ceux qui le souhaitent la possibilité de se faire vacciner, notamment compte tenu du fait que le virus A(H1N1)v touchait des populations inhabituelles.
a rappelé que les vaccins sont néanmoins arrivés trop tard compte tenu du délai de trois semaines nécessaire à une protection biologique.
a indiqué que si la grippe A (H1N1)v peut paraître plus proche d'une grippe saisonnière que d'une pandémie, il convient, cependant, de noter qu'elle a entraîné des complications très inhabituelles chez certains malades. Il n'a pas exclu une deuxième vague épidémique.
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