La commission a entendu M. Yannick d'Escatha, candidat à la présidence du Centre national d'études spatiales (CNES).
a rappelé en préambule que le CNES a pour mission de développer et d'orienter les recherches scientifiques et techniques poursuivies en matière spatiale. L'audition de M. Yannick d'Escatha, pressenti pour être renouvelé comme président du conseil d'administration du CNES, ne sera pas suivie d'un vote, le projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution n'ayant pas encore été adopté définitivement par le Parlement.
a tout d'abord rappelé ce qu'il avait accompli au cours des deux mandats qu'il a exercés à la présidence du CNES depuis 2003, avant de présenter la vision stratégique qu'il propose de mettre en oeuvre lors d'un troisième mandat.
Le CNES faisait face, lors de sa prise de fonctions en février 2003, à une crise profonde due notamment à l'échec, l'année précédente, du premier vol de la version lourde d'Ariane 5 ECA. Il a alors engagé le redressement de l'établissement en refondant sa programmation pour les années à venir et en restructurant son organisation. Il a notamment supprimé un niveau hiérarchique et créé une équipe consacrée au secteur de la défense.
Le CNES a signé son premier contrat pluriannuel avec l'État pour la période 2005-2010 et a obtenu une certification ISO 9001 et 14001. Ses comptes sont eux-mêmes certifiés sans réserve ni observation par les commissaires aux comptes depuis 2003. Dans le même temps, Ariane a connu 35 vols réussis d'affilée.
s'est réjoui que le CNES constitue le premier partenaire de la Nasa, de même que cette agence représente le premier partenaire du CNES. Il a indiqué que la France remboursait progressivement sa dette à l'égard de l'Agence spatiale européenne, ce qui permettait d'assainir les relations avec cet organisme.
S'agissant de la gouvernance du CNES, qu'il a jugée précise et efficace, l'établissement rend compte à son conseil d'administration tous les six mois de l'avancement du contrat pluriannuel et tient les délais comme les coûts des programmes qui lui sont confiés. Ses organismes de tutelle et son conseil d'administration ont donné acte au CNES qu'il avait réussi à atteindre les objectifs fixés par le contrat pluriannuel.
Dans le même temps, le CNES prend des initiatives. Coopérant aussi bien avec les industriels qu'avec les organismes publics, il situe ses actions dans le cadre des politiques industrielles de la Direction générale de l'armement (DGA) comme de l'Agence spatiale européenne, dans le strict respect des règles de concurrence européennes.
a indiqué que le CNES était donc prêt à être l'outil de la politique spatiale française, telle que décrite par le Président de la République lors de son discours du 12 février 2008 à Kourou. Enfin, il a rendu hommage à la compétence de ses collaborateurs du Centre et à leur capacité à se remettre en cause.
Abordant ensuite l'avenir du Centre, M. Yannick d'Escatha a présenté une vision ambitieuse des opportunités offertes par l'espace, qui constitue un enjeu stratégique majeur, l'évolution des technologies devant permettre de répondre à la multiplication des besoins. L'espace offre un effet de levier économique, 7 milliards de dollars investis dans les projets de satellites et de lanceurs en 2008 ayant entraîné une activité économique totale de 130 milliards de dollars dans le monde. La technologie développée par le CNES permet aux industriels d'accroître leur compétitivité, tandis que la fécondité de la recherche attire les jeunes vers les sciences et permet de développer des applications spatiales au service des politiques publiques. Les activités spatiales jouent ainsi un rôle indispensable en termes d'utilité collective tout en répondant aux plus hautes aspirations de l'esprit humain.
Sur le plan stratégique, M. Yannick d'Escatha a considéré que seul un outil tel que le CNES, doté des compétences les plus hautes et mis au service de sa politique spatiale, peut permettre à la France de maintenir sa position dans le monde, de défendre ses intérêts au niveau international et de coopérer d'égal à égal avec les plus grandes puissances spatiales. Il conviendrait ainsi de mettre en place un système de satellites permettant d'observer le territoire de manière, par exemple, à mieux comprendre les effets du réchauffement climatique et à assurer notre sécurité. S'agissant de l'exploration de l'espace, l'heure est aux véhicules robotisés, une coopération mondiale s'imposant pour les programmes habités. Enfin, de nouveaux lanceurs, comme Ariane 6, permettront de garantir un accès indépendant à l'espace.
Au niveau européen, M. Yannick d'Escatha a considéré qu'il fallait mieux utiliser les compétences présentes dans chaque pays, la France représentant 40 % du potentiel industriel spatial européen. Il a ainsi proposé de joindre la direction des lanceurs du CNES à celle de l'Agence spatiale européenne. Par ailleurs, le CNES a déposé sa candidature pour prendre la responsabilité du centre de sécurité du projet Galileo. Les États-Unis d'Amérique investissant six fois plus que toute l'Europe réunie dans le secteur spatial, il est nécessaire d'adopter une stratégie de niche en mettant l'accent sur la collaboration entre les pays.
Enfin, il a souligné l'originalité du CNES, qui ne dispose pas de laboratoire de recherche mais agit comme maître d'ouvrage pour inventer des technologies de nouvelle génération, en liaison avec notamment la direction générale de l'armement et le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
a souhaité savoir quels étaient les concurrents potentiels de l'Europe dans le secteur spatial.
Estimant que le CNES constituait, avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Centre national d'études des télécommunications (CNET), un des fleurons de la recherche française, M. Daniel Raoul a regretté que le CEA conserve son titre alors que ses compétences s'étendent désormais aux sciences du vivant, où il occupe parmi les premières places. Soulignant les avancées technologiques substantielles qu'a connues le secteur de l'espace, il a évoqué les déclarations du président américain, M. Barack Obama, sur la suspension des vols habités dans l'espace, en regrettant que, à une certaine époque, le ministre français en charge de la recherche ait bloqué tout développement en ce domaine. Interrogeant l'intervenant sur la dette du CNES à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA), il l'a également questionné sur l'opportunité d'une plus grande intégration de cette dernière, estimant que l'Europe constituait l'échelle de développement optimale dans ce secteur.
Rappelant que le CNES, créé en 1961, avait marqué l'histoire de notre pays par son rayonnement, M. Bruno Retailleau a félicité l'intervenant pour son action à la tête de l'établissement. L'interrogeant sur ses projets dans les domaines d'avenir, tels que la géolocalisation, les télécommunications et l'environnement, il l'a ensuite questionné sur l'avenir des lanceurs, l'Europe n'étant pas compétitive sur les petits modèles, ainsi que sur les satellites, qui tendent vers une miniaturisation. Il lui a également demandé sa perception du discours du président américain sur la politique spatiale, en évoquant une transition entre un espace compartimenté et un espace coopératif. Enfin, il a rappelé que le « grand emprunt » allouait une enveloppe de 500 millions d'euros au secteur de l'espace.
a souhaité connaître la stratégie du CNES par rapport à l'évolution du cours de l'euro et pour faire face à la concurrence américaine et du bloc asiatique, les relations entretenues avec d'autres acteurs tels qu'Astrium ou Galileo, les moyens d'une plus grande efficacité vis-à-vis des marchés internationaux et la nécessité d'un plan industriel.
s'est interrogé sur les retombées concrètes des voyages sur la Lune ainsi que l'amélioration nécessaire de la coopération européenne en matière spatiale.
a questionné l'intervenant sur les raisons et modalités de la certification Iso 14001 du CNES, la nature de son plan comptable et les moyens de l'améliorer, sa politique de ressources humaines et ses relations avec les banques.
En réponse aux divers intervenants, M. Yannick d'Escatha a apporté les éléments de précision suivants :
- les puissances spatiales internationales, avec lesquelles l'Union européenne poursuit une coopération plus ou moins poussée, sont les Etats-Unis d'Amérique, la Russie, l'Inde, le Japon, la Chine, la Corée du Sud et le Brésil. A l'intérieur de l'Union, une coopération étroite est entretenue quotidiennement avec notamment l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Suède, ainsi que l'ESA et les institutions communautaires ;
- le CNES est le premier contributeur - à hauteur de 30 % - du budget de l'ESA, et sa contribution passera, l'année prochaine, de 685 à 770 millions d'euros, le remboursement de la dette étant prévu pour 2015. Le président de l'ESA s'est lui-même félicité de ce que la France, qui, ce faisant, n'a en rien terni son image, soit ainsi intervenue auprès de l'agence. Afin que l'Europe reste au premier plan international, les relations entre le CNES et l'ESA devront toutefois être renforcées et les moyens mutualisés, ce qui constitue une nécessité. Un important programme de coopération en cours sur le vol en formation a permis d'enregistrer en ce domaine une avancée technologique substantielle ;
- s'agissant des lanceurs, l'effort est concentré sur ceux de 2 à 8 tonnes, où les besoins sont les plus importants, ainsi que sur les microlanceurs ;
- le président américain, sur la base du rapport Augustine, a annoncé l'abandon du programme « Moon, Mars and beyond » mais, dans le même temps, il a augmenté le budget de la NASA afin de mieux connaître l'espace ;
- 500 millions d'euros, répartis sur six projets prometteurs, sont effectivement prévus dans le cadre de l'emprunt national ;
- la politique spatiale européenne reste à construire, le dossier n'étant pas réellement porté au niveau politique par les Etats membres. Le traité de Lisbonne a fait de la compétence spatiale un domaine partagé entre l'Union européenne et les Etats membres. L'ESA, qui regroupe seize de ces derniers, ainsi que la Suisse et la Norvège en tant qu'observateurs, est de nature intergouvernementale. Dans une configuration idéale, l'Union devrait exercer un rôle politique moteur, les Etats membres apporteraient leurs financements et l'ESA assurerait la direction et la mise en oeuvre des projets ;
- une prise de conscience s'est opérée quant à l'inorganisation de l'ensemble des acteurs de la filière européenne à l'export, et devrait donner lieu à la formalisation d'une stratégie adaptée. Le CNES cherche, dans cette optique, à faire progresser les compétences des industriels et à renforcer leurs relations ;
- il ne devrait pas être mis fin au vol habité dans l'espace, qui rencontre une très grande appétence chez les dirigeants et le grand public. Les Américains n'y ont pas renoncé, mais en ont simplement repoussé le calendrier ;
- réalisée par l'Agence française de normalisation (AFNOR), la certification Iso 14001 vise au respect des contraintes imposées à l'« Etat exemplaire » dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » ;
- la comptabilité du CNES est celle d'un organisme public, mais ses comptes sont également tenus comme pour une société privée afin d'en faciliter la lisibilité ;
- la politique de ressources humaines a été marquée par un certain rajeunissement, la réduction des effectifs parvenant désormais à son terme ;
- le CNES est client des banques commerciales françaises classiques et entretient des relations avec le trésorier-payeur général (TPG), sa trésorerie étant positive.