Commission des affaires sociales

Réunion du 17 juin 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ANPE
  • accompagnement
  • demandeur
  • fusion
  • raisonnable
  • raisonnable d'emploi

La réunion

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La commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, sur le projet de loi n° 390 (2007-2008) relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

a d'abord rappelé que le Président de la République lui avait assigné deux objectifs essentiels : améliorer la croissance de l'économie française et développer l'emploi. Elle s'est réjouie du niveau historiquement bas du chômage, qui s'établit désormais à 7,2 % de la population active, soit le taux le plus faible depuis vingt-cinq ans, et du dynamisme des créations d'emplois depuis le début de l'année 2008, plus de 70 000 créations nettes d'emploi ayant déjà été enregistrées. Les prévisions des économistes tablent, pour la France, sur une croissance d'1,7 % en 2008, ce qui est conforme aux prévisions du Gouvernement, en dépit d'un contexte international défavorable.

La fusion en cours de l'ANPE et des Assedic permettra de disposer, sur l'ensemble du territoire, de guichets uniques pour assurer le suivi de chaque demandeur d'emploi par un conseiller référent et de simplifier les démarches. Le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi vient compléter cette réforme en précisant la notion d'offre raisonnable d'emploi. Il ne vise pas à stigmatiser les chômeurs qui seraient accusés de refuser les offres d'emploi qui leur sont faites ; en réalité, 2 % seulement des radiations sont prononcées au motif du refus d'une offre raisonnable d'emploi. Au contraire, le fait de définir plus rigoureusement l'offre raisonnable d'emploi constitue une garantie supplémentaire pour les demandeurs d'emploi, puisque les radiations seront désormais décidées sur la base de critères objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a confirmé que le projet de loi s'inscrit dans la continuité de la fusion de l'ANPE et des Assedic, puis a souhaité obtenir des précisions sur la valeur juridique du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), qui sera élaboré par le demandeur d'emploi et par le nouvel opérateur qui résultera de la fusion. Il a également demandé s'il n'y a pas un risque que les demandeurs d'emploi soient conduits à accepter des emplois moins qualifiés, précaires ou occasionnant pour eux une importante perte de salaire. Il s'est ensuite interrogé sur les raisons qui amènent le Gouvernement à présenter aujourd'hui ce projet de loi et a demandé comment seront pris en compte les demandeurs d'emploi qui ne perçoivent ni l'allocation de retour à l'emploi (ARE), ni l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Enfin, il s'est félicité du caractère pragmatique et réaliste du texte, qui n'a aucunement pour objet de jeter une quelconque suspicion sur les demandeurs d'emploi.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi

a répondu que le PPAE formalisera les engagements réciproques du demandeur d'emploi et de l'opérateur dans le but d'apporter au demandeur d'emploi un accompagnement personnalisé dès le premier entretien. Le projet de loi n'est pas de nature à créer un risque de « dumping », puisque le demandeur d'emploi ne sera pas obligé d'accepter un emploi à temps partiel ou en contrat à durée déterminée (CDD) s'il n'a pas indiqué, lors de son premier entretien, qu'il est disposé à le faire.

Le Président de la République avait annoncé, au cours de sa campagne, qu'il traiterait la question de l'offre raisonnable d'emploi, qui donne lieu à des débats depuis maintenant huit ans. Le Gouvernement a invité l'an dernier les partenaires sociaux à négocier sur ce sujet, mais ceux-ci n'ont pas souhaité se saisir du dossier. Dans ces conditions, il revient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.

Enfin, la référence faite, dans le projet de loi, au revenu de remplacement perçu par les demandeurs d'emploi vise les seuls bénéficiaires de l'ARE et de l'ASS.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

a regretté que ce projet de loi vienne interférer avec la fusion en cours de l'ANPE et des Assedic ; il aurait été plus judicieux d'attendre qu'elle fût achevée pour légiférer. Certes, le fait de définir l'offre raisonnable d'emploi remédie au flou qui entoure aujourd'hui cette notion, mais le projet de loi prévoit des sanctions pour les demandeurs d'emploi et pas pour le nouvel opérateur, par exemple s'il est incapable de proposer des offres d'emploi, ni pour les employeurs, qui déposent parfois des offres d'emploi indécentes qui ne trouveront jamais preneur. Elle a enfin mis en doute l'affirmation selon laquelle un demandeur d'emploi ne serait pas tenu d'accepter un emploi en CDD ou à temps partiel après l'entrée en vigueur du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

a indiqué que le groupe UMP est très favorable à ce projet de loi. Il s'est cependant interrogé sur l'insécurité juridique qui pourrait résulter de la notion d'offre raisonnable d'emploi et a souhaité obtenir des précisions sur la procédure de radiation et sur ses conséquences. Enfin, s'il faut se réjouir de la baisse du chômage, on peut craindre qu'il ne soit désormais de plus en plus difficile de réduire davantage le nombre de demandeurs d'emploi, dans la mesure où les personnes qui sont encore au chômage sont aussi les plus éloignées de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a indiqué que les élus de son département mettent souvent en doute la fiabilité des statistiques officielles du chômage en raison du traitement de l'information par les médias : on signale toujours les suppressions de postes et les fermetures d'usine sans jamais évoquer les créations d'emplois et d'entreprises ! Il a ensuite fait observer que les personnes radiées de la liste des demandeurs d'emploi peuvent devenir allocataires du RMI, ce qui pèse sur les finances des conseils généraux. Puis il a estimé que la mise en place de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi nécessiterait une véritable révolution culturelle chez les agents de l'ANPE, qui ne disposent pas, selon lui, des compétences requises pour accomplir cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a souligné que l'amélioration des chiffres de l'emploi ne doit pas être acquise au prix d'une explosion de la précarité. Les chômeurs non indemnisés par l'assurance chômage basculent vers l'ASS puis vers le RMI, et c'est désormais le revenu de solidarité active (RSA) qui est présenté comme la panacée. Il a évalué à quinze millions le nombre de personnes touchées en France par une forme de précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

a demandé pourquoi la définition de l'offre raisonnable d'emploi ne prend pas en compte la notion d'emploi décent telle qu'elle a été élaborée par le Bureau international du travail (BIT). Elle a ensuite affirmé que la mise en oeuvre en Allemagne de la loi Hartz IV, qui a fixé les obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi, a abouti à une explosion de la précarité : 25 % des travailleurs pauvres perçoivent désormais un revenu annuel inférieur à 16 000 euros, alors que cette proportion était seulement de 19 % en 2000. Elle a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences de la fusion pour les maisons de l'emploi, dont la mise en place semble avoir été interrompue, la maison prévue à Pau n'ayant pas été créée et sur l'avenir des agents de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) chargés de l'orientation des demandeurs d'emploi. Faisant observer que l'Unedic a dépensé la moitié seulement de son budget de formation en 2007, elle a demandé comment ces crédits pourraient désormais être optimisés. Elle s'est enfin inquiétée de l'éventualité d'un accompagnement des demandeurs d'emploi à deux vitesses, les personnes les plus facilement employables étant reclassées par l'opérateur issu de la fusion de l'ANPE et des Assedic, tandis que les chômeurs de longue durée seraient pris en charge par les conseils généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Esneu

a insisté sur la notion d'engagements réciproques, qui est au coeur de la démarche retenue par le projet de loi, et sur les nouveaux problèmes posés par la formation professionnelle des jeunes : ceux qui souhaitent entrer en apprentissage rencontrent souvent peu de difficultés pour trouver une entreprise prête à les accueillir, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années, mais sont en revanche confrontés à un grave manque de places dans les centres de formation des apprentis (CFA).

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi

a répondu à Mme Annie David que la mise en oeuvre de la fusion et l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi doivent avancer de pair : ainsi, les demandeurs d'emploi de plus de cinquante-cinq ans bénéficient déjà d'un accompagnement personnalisé dès le premier entretien et une réflexion est en cours sur la refonte du dispositif des aides à la mobilité. Il n'est pas prévu d'imposer des sanctions à l'opérateur, mais plutôt d'évaluer rigoureusement son action. Il faut par ailleurs éviter que les entreprises ne déposent des offres d'emploi surréalistes, qui ne trouveront pas preneur et qui font perdre du temps au service public de l'emploi, même si elles sont l'exception, et veiller à ce que les entreprises répondent aux candidatures qu'elles reçoivent, car il s'agit d'une marque de respect élémentaire vis-à-vis des demandeurs d'emploi.

Il a indiqué à M. Alain Gournac que la radiation est décidée par l'ANPE et qu'elle peut être suivie d'un recours gracieux, qui fait intervenir une commission consultative, puis d'un recours hiérarchique et d'un éventuel recours contentieux porté devant le tribunal administratif. Les critères précis fixés pour définir l'offre raisonnable d'emploi limitent le risque d'insécurité juridique.

En s'adressant à M. Alain Vasselle, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a souligné qu'il est important d'orienter les personnes au chômage vers les secteurs créateurs d'emploi. Il a contesté l'idée selon laquelle les radiations augmenteraient les charges des conseils généraux au titre du RMI, le nombre de titulaires de cette allocation ayant au contraire diminué au cours de la période récente. Le Gouvernement mène par ailleurs une réflexion sur l'accompagnement des titulaires de minima sociaux, auquel le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) apporte une contribution importante en combinant réinsertion sociale et professionnelle. Il a estimé que les agents de l'ANPE ont beaucoup évolué depuis quelques années, les plus jeunes se sont ainsi affranchis des dogmes du « politiquement correct » et admettent la nécessité d'effectuer des contrôles tout en ayant une appréhension réaliste du marché du travail. Il faut cependant faire évoluer encore le fonctionnement interne du nouvel opérateur, qui comptera près de 50 000 agents une fois la fusion réalisée.

Répondant à M. Guy Fischer, il a souligné que la précarité n'a pas augmenté ces dernières années : le pourcentage de salariés en CDD est stable, autour de 6,8 %, et 15,7 % des salariés sont employés à temps partiel, soit un taux identique à celui constaté en 2005. Enfin, il faut rappeler que la pire forme de précarité réside dans le fait d'être privé d'emploi.

En réponse à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, il a d'abord estimé que la définition de l'offre raisonnable d'emploi intègre la notion de travail décent au sens du BIT, puis il a insisté sur la nécessité de réformer le système de formation, qui s'adapte plus à l'offre de financement qu'aux besoins des employeurs.

En s'adressant enfin à M. Michel Esneu, il s'est déclaré très conscient et préoccupé par le fait que les jeunes soient désormais confrontés à une pénurie de places dans les CFA, d'autant que les régions refusent souvent d'accueillir un apprenti qui ne réside pas sur leur territoire, ce qui n'est pas acceptable.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

a précisé qu'une obligation de moyens pèserait sur l'opérateur dans ses relations avec les demandeurs d'emploi. La notion d'offre raisonnable d'emploi relève effectivement plus du domaine de la common law que du droit romain, mais elle a estimé que cette innovation juridique serait positive. Les emplois aidés dans le secteur non marchand doivent continuer d'être utilisés au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi. Par ailleurs, la qualité du travail des agents de l'ANPE ne doit pas être sous-estimée, l'agence recélant des trésors d'inventivité, de créativité et de bonne volonté.

Sur la question des maisons de l'emploi, elle a indiqué que le député Jean-Paul Anciaux remettra très prochainement un rapport présentant des pistes pour maintenir et étendre les structures qui fonctionnent. Une réunion se tiendra le 2 juillet pour relancer les discussions en vue de la réforme de la formation professionnelle et il n'est pas prévu, à ce jour, de modifier l'affectation des agents de l'Afpa chargés de l'orientation des demandeurs d'emploi.