Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de M. Dominique Libault, membre du conseil d'orientation des retraites (Cor), directeur de la sécurité sociale, dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a rappelé que la situation financière des régimes de retraite est particulièrement difficile et que, s'il n'existe pas de consensus sur la réforme à conduire, chacun peut s'accorder au moins sur le constat selon lequel un régime de retraite par répartition ne peut pas durablement être en déséquilibre, dans la mesure où cela revient à répartir de l'argent qu'on n'a pas. La sauvegarde du système de répartition implique de trouver les moyens d'équilibrer les comptes à moyen terme. La situation actuelle conduit un grand nombre d'assurés, notamment parmi les jeunes, à douter de la protection que leur apporte le régime de retraite.
Les déficits constatés aujourd'hui sont pour partie structurels mais ont été aggravés par la crise économique qui a privé les régimes de recettes immédiates. Alors qu'il était prévu d'affecter des cotisations chômage à la branche vieillesse, ce transfert n'a pas pu être réalisé compte tenu de la dégradation de la situation de l'emploi. Le Cor va prochainement publier de nouvelles prévisions, qui ne pourront qu'être plus dégradées que celles réalisées en 2007. Cela dit, le système dispose de capacités d'adaptation. Il faut rappeler que les pensions représentent chaque année 195 milliards d'euros pour les régimes de base et 80 milliards pour les régimes complémentaires, soit au total 280 milliards.
L'objectif prioritaire du rendez-vous 2010 doit être le rétablissement durable de l'équilibre financier des régimes. Les moyens pour y parvenir sont l'accroissement des recettes, la diminution des dépenses et la modification du rapport entre durée de vie active et durée de vie inactive. Il est légitime d'examiner toutes les solutions possibles. Mais ce rendez-vous intervient après d'autres réformes conduites en 1993, 2003 et 2007, ce qui suscite des interrogations sur l'avenir du système. Ces craintes méritent d'être relativisées, dans la mesure où, au cours des vingt dernières années, le niveau de vie des retraités est resté proche de celui des actifs en moyenne, malgré les modifications des paramètres de calcul des pensions. Si l'on prend en compte le patrimoine, ce qui n'est pas illégitime dès lors qu'un grand nombre d'actifs éprouvent aujourd'hui d'importantes difficultés pour se loger, le niveau de vie des retraités est légèrement supérieur à celui des actifs. Cette situation moyenne masque cependant de grandes disparités et de nombreux retraités ont des pensions très faibles.
En ce qui concerne les comparaisons internationales, la France offre des taux de remplacement plutôt de bon niveau comparés à ceux de l'ensemble des pays de l'OCDE, ainsi que des conditions de départ parmi les plus généreuses. Tous les systèmes étant complexes, les comparaisons globales ne sont cependant pas aisées.
Le rendez-vous 2010 devra prendre en compte les effets et insuffisances des précédentes étapes. L'une des limites de la réforme de 2003 est qu'elle n'a que peu fait évoluer la situation de l'emploi des seniors. Dans ces conditions, des mesures plus contraignantes ont été prévues à l'occasion du rendez-vous 2008, les entreprises se voyant contraintes de mettre en oeuvre des plans pour l'emploi des seniors sous peine de taxation. Un grand nombre d'accords sont actuellement passés et les choses semblent évoluer lentement. Le nombre des surcotes tend à augmenter lors des liquidations de pensions. Une modification des curseurs relatifs à la durée d'activité a forcément des conséquences sur les comportements des employeurs. Néanmoins, des progrès ne seront véritablement possibles en matière d'emploi des seniors que si les conditions de travail s'améliorent dans les entreprises pour prévenir les situations de pénibilité.
s'est interrogé sur la pertinence des propositions formulées par certaines organisations professionnelles pour rééquilibrer le système de retraite : augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) et transfert de cotisations de la branche maladie vers la branche vieillesse, modulation des cotisations en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée, remise en cause des exonérations de cotisations... Par ailleurs, il s'est demandé si des solutions sont prévues pour combler le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui a été privé d'une partie de ses recettes de CSG, et si le fonds de réserve des retraites (FRR) peut présenter une utilité quelconque pour rééquilibrer les régimes de retraites s'il ne fait l'objet d'aucun abondement.
a tout d'abord rappelé que le FRR devait recevoir les excédents de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et une partie des produits des privatisations. Il a demandé s'il ne serait pas opportun, face à la multiplicité des caisses et des régimes, d'opérer des rapprochements et de faire converger les paramètres.
a souhaité obtenir des précisions sur les paramètres qui seront les plus pertinents à utiliser pour rétablir l'équilibre des comptes des régimes de retraite. Par ailleurs, même si les salariés sont plus intéressés par le niveau de leur retraite que par la lisibilité du système, n'est-il pas souhaitable d'en simplifier et d'en clarifier l'architecture ? Enfin, les questions de santé au travail et de pénibilité devraient-elles être traitées dans le cadre de la réforme des retraites ou de manière séparée ?
a tout d'abord observé qu'il est possible de rechercher une répartition différente des sources de financement de la protection sociale, mais qu'il devient difficile de trouver des domaines où les besoins de financement sont moins prégnants que dans d'autres secteurs. Certes, il serait possible de fiscaliser davantage les recettes de la branche maladie pour augmenter le financement contributif de la branche vieillesse, mais il pourrait aussi bien être envisagé d'affecter des recettes fiscales à la vieillesse pour faire en sorte que les avantages non contributifs encore financés par la Cnav ne le soient plus. Cependant, toute décision d'augmentation des prélèvements obligatoires devra prendre en compte son impact éventuel sur la croissance. La modulation des cotisations en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée est une idée intéressante, mais qui serait source de complexité de calcul pour les entreprises et ne serait pas porteuse de recettes supplémentaires, n'étant qu'une modalité différente de calcul des cotisations. Quant aux exonérations de charges, quelques évolutions sont sans doute possibles, mais les recettes qui peuvent en être attendues ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les niches sociales ont fait l'objet de nombreuses mesures d'encadrement ou de limitation, notamment par la mise en place du forfait social. En réalité, au cours des vingt dernières années, les niches fiscales se sont multipliées dans des proportions beaucoup plus importantes que les niches sociales. La direction de la sécurité sociale est, par ailleurs, tout comme le Sénat, vigilante sur la compensation par l'Etat des exonérations. Certaines évolutions, comme la soumission pleine et entière aux cotisations de l'intéressement ou de la participation, rapporteraient des sommes importantes, mais constitueraient une rupture par rapport aux politiques conduites jusqu'à présent.
Pour la convergence entre régimes, beaucoup reste à faire, mais l'idée d'une fusion totale laisse sceptique. L'enjeu essentiel est d'assurer la pérennité d'un système dans lequel les assurés ont leurs repères, même s'il est souhaitable de leur délivrer des informations plus complètes, comme on a commencé à le faire avec la constitution du groupement d'intérêt public (Gip) Info-retraite. A titre d'exemple, le système de retraite progressive, très peu connu et utilisé, est un semi-échec.
Enfin, si pénibilité et retraite sont deux sujets distincts, néanmoins ils s'influencent. Il est indispensable d'améliorer la prévention de la pénibilité.
revenant sur la question de la convergence des régimes, a souhaité obtenir des informations sur le bilan de la création du régime social des indépendants (RSI).
a rappelé que cette réforme a consisté à fusionner trois caisses, la caisse autonome nationale de compensation des assurances vieillesse artisanale (Cancava), l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic) et la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (Canam) au sein d'un régime unique. Cette évolution réussie s'est accompagnée de la création de l'interlocuteur social unique (Isu), destiné à faire assurer par les Urssaf le recouvrement de l'ensemble des cotisations. Cette dernière réforme s'est heurtée à de nombreuses difficultés, liées notamment à l'incompatibilité des systèmes informatiques, qui ont conduit à une dégradation de la qualité du service public. De nombreux efforts sont encore nécessaires pour mettre fin à ces anomalies qui n'ont aucun lien avec la création du RSI.
a souhaité savoir si d'autres fusions de régimes sont possibles et envisagées.
a indiqué que les évolutions les plus courantes consistent à adosser certains régimes à d'autres sans pour autant modifier les critères de service des pensions.
s'est interrogé sur les moyens de financer, dans de bonnes conditions, les dépenses liées à la maladie, à la retraite et à la dépendance.
a alors estimé que des marges existent encore pour améliorer le financement des régimes de retraites. En ce qui concerne la maladie, l'enjeu essentiel est celui de l'amélioration de l'efficience. Autant le système de retraite n'est qu'un mécanisme constitué de prélèvements et de droits qu'il faut tenter de faire coïncider, autant dans le domaine de la maladie l'efficience de la dépense joue un rôle considérable et peut être substantiellement améliorée. Quant à la dépendance, il s'agit naturellement d'un sujet inéluctable. D'ores et déjà, des efforts importants sont réalisés, qui se manifestent à travers le rythme d'augmentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) médico-social. La difficulté est d'anticiper les arbitrages que feront dans l'avenir les personnes dépendantes. Il est difficile de savoir combien de places seront nécessaires en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à l'avenir, dès lors qu'un nombre important de personnes pourraient préférer le maintien à domicile avec les aides nécessaires.
s'est demandé si les nouvelles projections du Cor apporteront des éléments fondamentalement nouveaux permettant d'orienter les décisions à venir. En ce qui concerne les mesures destinées à maintenir les seniors dans l'emploi, n'y a-t-il pas lieu d'aller plus loin que ce qui a été fait jusqu'à présent ?
a fait valoir qu'il est encore trop tôt pour mesurer l'efficacité des mesures prises pour l'emploi des seniors. Il a constaté la persistance de nombreux départs à la retraite négociés avant l'âge légal de départ, qui laissent à penser que des progrès sont encore possibles.
a relevé qu'un grand nombre de personnes prennent leur retraite de manière précipitée parce qu'elles redoutent les effets des réformes sur leur propre situation.
a alors noté que les réformes sont toujours progressives et ne portent guère sur les générations les plus proches de la retraite.
Les nouvelles projections du Cor n'apporteront certainement pas des révélations extraordinaires et inattendues, mais elles éclaireront les pouvoirs publics sur le niveau d'effort à accomplir pour assurer la pérennité du système de retraite par répartition.
Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Gérard Pelhate, président, et Denis Nunez, directeur de la protection sociale, et de Mme Marie-Christine Bille-Merieau, responsable des relations parlementaires de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a tout d'abord rappelé l'histoire du régime de retraite des non salariés agricoles, marquée par la volonté politique de diminuer le nombre des exploitations en France. Cette décision a très vite créé un déséquilibre démographique entre actifs et inactifs, contrairement aux autres régimes qui ne sont confrontés à cette évolution que depuis quelques années. En outre, les personnes qui sont ainsi sorties de l'activité, soit environ 1,3 million, avaient peu d'ancienneté de cotisation et connaissaient des carrières inégales et incomplètes, ce qui explique les plans successifs de revalorisation des petites pensions.
Aujourd'hui, le fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (Ffipsa) a été supprimé dans des conditions satisfaisantes, sauf en ce qui concerne le risque vieillesse pour lequel un besoin de financement de 1,4 milliard d'euros reste à la charge de la trésorerie de la MSA chaque année. La bonne gestion de la caisse devrait en revanche permettre cette année une compensation vers les autres caisses au titre du risque maladie.
Les retraites des non salariés agricoles sont composées de deux parts :
- l'une, forfaitaire et d'un montant maximum de 3 153 euros par an, représente une somme commune à tous les bénéficiaires qui remplissent la condition de durée de cotisation correspondant à leur génération. Cette part joue un rôle de solidarité à l'intérieur du régime ;
- l'autre, proportionnelle et par points, varie en fonction des revenus et correspond donc à la contributivité propre de chacun au régime.
Cette architecture générale pourrait servir d'exemple pour une réforme des autres régimes. Plus généralement, des régimes par points ou en comptes notionnels permettraient de résoudre un certain nombre de situations auxquelles les dispositifs actuels n'apportent pas de réponse satisfaisante, notamment pour les polypensionnés et les salariés connaissant des petites périodes d'activité, inférieures aux deux cents Smic nécessaires pour valider un trimestre. Il serait important de tenir compte des particularités du monde agricole en la matière, avec la saisonnalité du travail ou la phase de démarrage d'une exploitation. En outre, le régime agricole prend en considération toute la carrière pour la liquidation de la pension et la fixation de cette référence unique pour l'ensemble des régimes résoudrait un certain nombre d'inégalités.
Par ailleurs, le basculement vers un nouveau système devrait être rapide, sans période de transition excessive, en convertissant les éléments de carrière déjà effectués.
Enfin, la lisibilité de la contributivité est inexistante dans le monde agricole, les assurés étant focalisés sur le taux de cotisation de 43 %, qui correspond à l'ensemble des risques mais qui est souvent considéré comme confiscatoire. De ce fait, les agriculteurs, souvent aidés de conseillers en gestion, ont tendance à optimiser l'assiette fiscale : cette réduction a une conséquence directe sur le niveau des pensions au moment de la liquidation. En outre, les dispositifs de défiscalisation entraînent des phénomènes de surinvestissement, parfois déconnectés des besoins réels de l'exploitant.
a rappelé l'existence de solidarités internes au régime des non salariés agricoles, qui connaît par ailleurs d'importantes spécificités. Dans ce contexte, il est essentiel d'apurer et de stabiliser son financement, à la suite de la suppression du Ffipsa. En outre, le niveau de certaines retraites agricoles reste indigne et il sera nécessaire d'assurer un minimum viable pour les pensionnés. Enfin, les revenus du secteur ont dramatiquement chuté ces deux dernières années, phénomène qu'aucun autre corps social n'aurait pu supporter ; quelles sont ses répercussions sur les équilibres financiers de la MSA ?
a souhaité avoir des précisions sur les particularismes du régime des non salariés agricoles, notamment sur le dispositif de la retraite complémentaire obligatoire (RCO).
a estimé que la phase transitoire actuelle, dans laquelle la MSA finance, par une ligne de trésorerie, le besoin de financement de 1,4 milliard d'euros du risque vieillesse, hérité de la suppression du Ffipsa, ne peut pas durer. De manière générale, la situation du secteur agricole, avec ses crises et sa démographie, nécessite de compléter les cotisations par la solidarité nationale. Par ailleurs, les agriculteurs hésitent souvent à demander l'octroi des minima sociaux, qui restent assez étrangers à la culture traditionnelle du secteur. Enfin, pour les salariés agricoles, l'appel à cotisations est le même que dans le régime général.
a ensuite apporté des précisions techniques sur les différentes parts de la retraite agricole, en notant qu'une différence avec le régime général réside dans la prise en compte de l'ensemble de la carrière. Par ailleurs, la retraite complémentaire obligatoire, créée en 2003 et bénéficiant uniquement aux chefs d'exploitation et à leurs conjoints, est financée par les actifs et par une dotation de l'Etat. Globalement, un exploitant ayant une carrière « normale » obtient un niveau de pension comparable à celui d'un salarié, agricole ou du régime général.
a souhaité connaître la valeur prise en compte pour l'assiette de la cotisation et l'âge moyen de départ à la retraite dans le régime agricole. Il a demandé des précisions sur la position de la MSA, qui semble favorable à une réforme systémique, allant vers un régime par points, susceptible d'améliorer notamment la situation des polypensionnés.
s'est interrogé sur la nature du déficit de 1,4 milliard d'euros du risque vieillesse : correspond-il à la compensation démographique entre régimes ?
a évoqué la situation des personnes qui cumulent plusieurs activités, pour s'interroger sur la manière dont ces carrières atypiques, fréquentes dans le monde agricole, sont prises en compte.
a également souhaité avoir des informations sur la manière de concilier plusieurs métiers, notamment en zone de montagne ou touristique.
a noté les évolutions, très contrastées au fil des années, des revenus des agriculteurs, qui sont en chute importante depuis deux ans. Quel est l'impact de ces mouvements sur les recettes du régime et ses équilibres financiers ?
a précisé que l'assiette des cotisations est passée, en 1990, du revenu cadastral au revenu fiscal, avec un abandon progressif de l'imposition au forfait qui était alors pratiquée. Les assurés peuvent opter pour une imposition assise soit sur les revenus de l'année précédente, soit sur la moyenne des trois années n-2 à n-4. Du fait de ce décalage, les dernières statistiques montrent un maintien de l'assiette en 2009, mais les conséquences de la crise se feront sentir à partir de 2010.
Le régime agricole est caractérisé par un nombre très important des polypensionnés (38 % des retraités) ; par exemple, 97 % des salariés agricoles de la production ont cotisé à au moins deux régimes au cours de leur vie. Or, les règles de calcul de la pension sont loin d'être harmonisées et les polypensionnés subissent des effets de seuil néfastes pour le niveau des prestations, notamment en raison de la nécessité d'avoir perçu deux cents Smic pour valider un trimestre. Un régime par points permettrait de résoudre bon nombre de ces difficultés.
L'âge moyen du départ en retraite des agriculteurs est de soixante ans, mais beaucoup d'assurés ont commencé à travailler très jeunes, souvent autour de quatorze ans.
En ce qui concerne le déficit du régime vieillesse, il faut noter que, contrairement aux autres régimes, le rapport entre actifs et inactifs va s'améliorer dans le secteur agricole : le nombre de retraités passerait, selon les prévisions, de 1,9 million en 2004 à 1,4 million en 2020. Cette évolution spécifique devrait permettre de stabiliser le niveau des cotisations et de baisser la compensation inter-régimes.
Enfin, la double activité, qu'elle soit permanente ou saisonnière, est une autre spécificité du régime : aujourd'hui, les personnes sont assujetties différemment selon le lien du second emploi avec la qualité d'exploitant agricole ou selon le statut juridique qu'elles choisissent. Or, il serait nécessaire de conserver une plus grande unité autour du statut d'exploitant ; le prochain examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche sera l'occasion d'améliorer cette situation.
A ce sujet, M. Gérard Pelhate a déploré l'absence de vision précise sur la question des polypensionnés et de la pluriactivité ; il serait nécessaire de reconnaître ces situations spécifiques à leur juste valeur : alors qu'une personne travaille en réalité à temps plein et sans interruption, elle ne se voit pas toujours attribuer des droits entiers en raison de la fragmentation de ses affiliations.
La mission a ensuite procédé à l'audition de MM. Gérard Quevillon, président national, Dominique Liger, directeur général, et Patrick Roy, directeur de cabinet du directeur général du régime social des indépendants (RSI), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a apporté tout d'abord quelques éléments d'information sur le régime social des indépendants, qui est composé de :
- deux régimes de base créés en 1948 et alignés sur le régime général en 1972. Ils fonctionnent en annuités et connaissent des problèmes structurels puisque les besoins de financement ont triplé. Celui des commerçants sert environ 3,5 milliards d'euros de prestations chaque année et celui des artisans environ 3 milliards. Il est envisagé de les fusionner dans un avenir proche ;
- deux régimes complémentaires, obligatoires depuis 1979 pour les artisans (0,9 milliard de prestations en 2009) et depuis 2004 seulement pour les commerçants (0,5 milliard). En raison du caractère récent de la montée en puissance du dispositif, le régime complémentaire des commerçants ne compte quasiment que des cotisants. De son côté, le régime des artisans est un système par répartition, dont une partie, alimentée par une surcotisation, est placée sur les marchés financiers et est utilisée comme une provision pour l'avenir. En conséquence, ce régime dispose de réserves apparentes, mais avec un passif important.
Globalement, le régime a été moins exposé à la crise économique et financière que d'autres, y compris pour sa partie capitalisée, mais l'évolution démographique, conjuguée à cette crise, amènera obligatoirement à prendre des mesures d'équilibre.
Au regard des projections financières, le régime a déjà entériné des réformes importantes. Ainsi, malgré ses réserves, le régime des artisans a anticipé les impasses de financement, en diminuant les prestations et en augmentant les cotisations. Les retraités ont également été mis à contribution et des mesures d'équité ont été prises, par exemple par la non-revalorisation des points gratuits que les assurés avaient acquis dans les années 1980.
a ensuite présenté les positions des élus du RSI sur le rendez-vous 2010 pour les retraites. Pour les régimes de base, le statu quo n'est pas possible et il convient de réfléchir aux différents paramètres du calcul des systèmes en annuités, sans se polariser sur le report de l'âge du départ à la retraite. L'élargissement de l'assiette des cotisations et contributions sociales, notamment par la prise en compte des dividendes, doit également être envisagé, afin de diversifier les sources de financement. En outre, les dirigeants de sociétés anonymes pourraient être affiliés au RSI de manière obligatoire, dans la mesure où le caractère majoritaire du mandat social est clairement établi. Par ailleurs, la solidarité entre les générations doit être prise en compte, à l'instar de la réforme courageuse décidée en 2007 par les artisans, qui a amené à partager les efforts entre cotisants et retraités en différenciant les taux de revalorisation selon les modes et les périodes d'acquisition des points de retraite. Pour certaines activités artisanales notamment, la notion de pénibilité doit également être intégrée comme critère d'admission au droit à une retraite anticipée.
Enfin, le RSI est dans l'attente de la mise en oeuvre d'une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 facilitant la validation des trimestres. Interrogé par M. Alain Gournac sur le coût de cette mesure, M. Gérard Quevillon a précisé qu'aucun financement externe n'est au départ nécessaire et que le supplément reste très faible par rapport à l'ensemble des prestations du régime : environ 150 millions d'euros en 2050, soit 1,5 % de majoration.
a salué les réformes du RSI, qui, d'une certaine manière, a pris les devants des pistes de travail avancées par le Cor. Au sujet du rapprochement du régime des artisans et de celui des commerçants, il s'est interrogé sur les économies de gestion et sur les modalités de convergence des paramètres et des rendements. Il s'est demandé quelles étaient en outre les conséquences des réformes engagées en termes de gouvernance. Enfin, il a soulevé la question du recouvrement des cotisations des assurés du RSI par les Urssaf, qui continue de poser d'énormes problèmes pour nombre d'entre eux, notamment en raison d'une incompatibilité des systèmes informatiques.
a rappelé les différentes étapes du choix des Urssaf comme prestataire du RSI pour le recouvrement des cotisations, en regrettant que la direction de la sécurité sociale ait imposé ce choix pour des motivations parfois fort éloignées des réalités des artisans, commerçants et professions libérales. Au total, 85 % des adhérents ne rencontrent pas de difficultés et les problèmes se concentrent sur 15 % d'entre eux. Des améliorations sont cependant attendues dans les prochaines années, mais il faut bien avoir conscience qu'un certain nombre de procédures sont encore effectuées à la main, notamment la liquidation de certaines pensions, en raison des divergences de systèmes informatiques ou du fait que les deux dernières années de la carrière ne sont pas comprises dans le système. Outre les erreurs potentielles, ce choix cause des délais de gestion et des lourdeurs administratives peu satisfaisants.
Aujourd'hui, les régimes complémentaires des artisans et des commerçants sont assez différents, en termes de prestations et de cotisations. Malgré les problématiques diverses, il existe des possibilités de rapprochement, permettant à chacun de « gagner » quelque chose.
Le RSI a montré qu'il est capable de se réformer, d'écouter les pouvoirs publics, voire de servir de laboratoire pour les autres régimes. Cela est dû à sa taille « humaine » et au public qu'il sert : les artisans et commerçants sont une population qui va de l'avant et qui sait prendre des décisions douloureuses pour préparer l'avenir. De ce point de vue, le taux de rendement et le lien explicite entre la cotisation et la prestation sont essentiels, car ils permettent d'expliquer et de donner une vision à la fois prospective et concrète des choses.
a évoqué les importants efforts de gestion qui ont accompagné les réformes paramétriques : le nombre de caisses locales a été divisé par trois, les budgets de fonctionnement ont été réduits, les départs en retraite non renouvelés. Pour l'avenir, la fusion des différents systèmes informatiques pourrait encore apporter des gains substantiels. En ce qui concerne le recouvrement des cotisations, les Urssaf ne sont clairement pas adaptées au public des indépendants et, en raison des délais d'appels d'offres et de développement des nouveaux systèmes, il faudra attendre 2014 pour espérer voir les choses s'améliorer.
Au sujet de la gouvernance, M. Gérard Quevillon a rappelé que le RSI a souhaité apparaître comme le régime global de protection sociale des indépendants ; il organise la cohabitation de plusieurs risques et caisses et s'appuie sur une grande souplesse de gestion, permettant de rendre le service le plus efficace aux adhérents. Qui plus est, l'adaptation du système doit être permanente pour répondre aux enjeux sociaux et financiers ; c'est ainsi que le RSI a créé, non sans difficultés, des indemnités journalières pour les commerçants ou a amélioré la période du congé maternité pour les chefs d'entreprise. Cependant, la composition du conseil d'administration pourrait utilement être revue pour intégrer des personnalités qualifiées, qui apporteraient un éclairage extérieur et une expertise nouvelle.
En réponse à une question de M. Alain Gournac, il a précisé que la gestion de la caisse n'est pas paritaire, puisque ce sont des élus des adhérents qui siègent au conseil d'administration.
a ensuite soulevé les difficultés à fusionner deux régimes, lorsque les cotisations et les prestations sont différentes.
a noté que, si les taux de cotisation et de rendement sont bien différents entre les artisans et les commerçants, le taux de remplacement est en fait relativement proche, si bien que les systèmes ne sont pas si éloignés que cela. De la même manière que les professionnels ont accepté de revaloriser différemment la valeur du point selon la date de son acquisition, il est nécessaire de leur expliquer que le déséquilibre persistant entre le niveau de cotisation et le niveau de prestations n'est pas tenable très longtemps, sauf à peser sur les générations futures. De ce point de vue, la fusion des régimes bute également sur la difficulté d'intégrer les éléments passés des carrières, étape pourtant nécessaire pour créer une solidarité de destin et éviter que quiconque y perde un acquis.
a rappelé que le régime complémentaire de retraite obligatoire a pris la succession d'un régime précédent, dit du conjoint. Ce dernier a été fermé en raison de ses déséquilibres structurels et des injustices qu'il entraînait, notamment du fait que seulement environ 25 % des cotisants pouvaient en obtenir in fine une prestation.
Pour répondre à la perplexité de M. Jacky Le Menn sur l'absence relative d'appréhensions sur les déséquilibres financiers à venir du RSI, M. Dominique Liger a précisé que, malgré les réserves et les réformes, les projections montrent tout de même un besoin de financement non négligeable pour 2050.
a souhaité obtenir des précisions sur la partie dite provisionnée du régime complémentaire : se rapproche-t-elle d'une épargne collective ?
a précisé que, dès 2012, les cotisations ne permettront plus de faire face seules aux prestations et que les réserves seront appelées à combler ce besoin de financement.
Par ailleurs, M. Jacky Le Menn s'est fait l'écho des inquiétudes de certains professionnels quant aux modalités d'inscription au RSI et aux difficultés de gestion que le régime connaît du fait du recouvrement des cotisations par les Urssaf qui reste insatisfaisant.
a rappelé que la direction de la sécurité sociale avait décidé, à une certaine époque, que les Urssaf devaient être les seuls collecteurs de cotisations. Il serait aujourd'hui absurde de revenir en arrière sur cette question ; cela pourrait même être risqué pour ceux des assurés qui ne sont pas confrontés à des difficultés. Des outils ont déjà été mis en place pour permettre aux deux partenaires de travailler ensemble et de se communiquer mutuellement leurs informations. Pour autant, il est nécessaire d'améliorer encore les choses pour rendre un meilleur service aux adhérents ; c'est ce que prévoit le futur outil « Isu 2 » (interlocuteur social unique).
Par ailleurs, le développement du statut de l'auto-entrepreneur impose des frais de gestion pour le régime et crée des droits pour l'avenir, sans cotisation à due concurrence.
A ce sujet, alors que le RSI a fait preuve de dynamisme et de courage en réformant ses paramètres de calcul, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a soulevé le problème des conséquences de ce nouveau statut sur la compensation entre les régimes qui, en tout état de cause, ne correspond malheureusement plus guère à une véritable solidarité.
a déclaré partager cette analyse : l'augmentation du nombre d'assurés, consécutive à la création du statut de l'auto-entrepreneur, a une conséquence directe sur le niveau de la compensation inter-régimes, alors même qu'elle ne se traduit pas par un relèvement des recettes pour le RSI.
La mission a enfin procédé à l'audition de M. Jean-François Veysset, président de la commission des mandats, Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a indiqué que la CGPME est favorable à la poursuite des réformes en matière de retraite. Pour le rendez-vous de 2010, six objectifs lui semblent prioritaires :
- poursuivre l'allongement de la durée de cotisation qui sera de quarante et une annuités en 2012 ; celle-ci pourrait passer à quarante-deux annuités dès 2016 ;
- envisager d'autres mesures structurelles comme le report de l'âge minimum légal de départ en retraite, à condition que l'âge d'obtention du taux plein - actuellement de soixante-cinq ans - demeure inchangé ;
- aligner progressivement les règles de la fonction publique sur celles du privé, en particulier la règle concernant le calcul du salaire de référence (passage des six derniers mois aux vingt-cinq meilleures années) ;
- maintenir, parallèlement à l'augmentation de la durée de cotisation, un système de rachat des annuités manquantes ;
- préserver l'autonomie et la gestion paritaire des régimes complémentaires Agirc et Arrco, la CGPME étant fermement opposée à la fusion du régime général et de ces deux régimes complémentaires dans un régime unique ;
- encourager le développement des outils assurantiels.
a insisté sur les faiblesses du troisième pilier du système de retraite en France. Les plans d'épargne retraite existants sont souvent lourds et complexes à mettre en oeuvre pour les PME. L'objectif consisterait à créer un système d'épargne volontaire, géré nationalement, par exemple par les partenaires sociaux.
a rappelé la nécessité d'abonder davantage le fonds de réserve des retraites (FRR), dont le montant des actifs s'élevait à 33 milliards d'euros au 31 décembre 2009, ce qui est loin des 150 milliards d'euros prévus pour 2020, lors de la création du fonds en 1999. Par ailleurs, la CGPME est sceptique quant au redéploiement des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse prévu par la loi du 21 août 2003. La situation déficitaire de l'Unedic et la montée du chômage rendent sa réalisation peu probable. En tout état de cause, il existe une gamme d'outils qu'il faut absolument utiliser.
a indiqué que le rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor) sur la réactualisation des projections financières, attendu pour la mi-avril, permettra d'élaborer un constat commun. C'est sur cette base que s'engageront ensuite les négociations entre l'exécutif et les partenaires sociaux, avant qu'un projet de loi ne soit débattu au Parlement.
a d'abord souhaité savoir si la CGPME est favorable à une augmentation des cotisations et/ou à un élargissement de l'assiette des cotisations. Puis, il a souhaité connaître les moyens propres à développer le pilier assurantiel, sachant que certains outils comme le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) existent déjà.
a rappelé que le Perco, bien qu'étant un dispositif d'épargne retraite volontaire, est difficile à mettre en oeuvre pour les PME. C'est pourquoi, la CGPME défend l'idée d'un système d'épargne retraite plus simple, non obligatoire et géré au niveau national. Par ailleurs, elle est réticente à toute augmentation des cotisations, dans la mesure où le coût du travail est déjà élevé en France. Ce serait un frein supplémentaire à l'embauche et au maintien dans l'emploi des salariés. En outre, une telle mesure risquerait de nuire à la compétitivité des PME, qui représentent plus de 90 % du tissu entrepreneurial français.
a ajouté que la CGPME continue de plaider pour un rapprochement public-privé, que ce soit en matière de calcul des pensions, d'avantages conjugaux et familiaux ou de taux de remplacement. Il faut s'orienter sur la voie d'une plus grande équité entre les assurés.
a d'abord demandé si la CGPME s'est intéressée à la question d'une réforme systémique, puis si la pénibilité doit être prise en compte ou non par le système de retraite. Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur l'alignement public-privé.
a noté que certains partenaires sociaux ont formulé plusieurs propositions pour financer le système de retraite : un élargissement de l'assiette des cotisations, une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) qui permettrait de financer directement les retraites, un transfert de cotisations de la maladie vers la vieillesse accompagnée d'une augmentation de la CSG pour financer la maladie, une modulation des cotisations en fonction du rapport masse salariales/valeur ajoutée. Quel est le point de vue de la CGPME sur ces sujets ?
a indiqué que, sur la pénibilité, la CGPME reste sur sa position de juillet 2008, date à laquelle les négociations ont échoué. Elle défend un modèle de prise en charge individualisé. En aucun cas, le dossier de la pénibilité ne doit interférer avec celui des retraites ; il doit être traité séparément. L'alignement public-privé suppose que progressivement, le salaire de référence des fonctionnaires soit identique à celui des salariés du privé, c'est-à-dire les vingt-cinq meilleures années. Peut-être faut-il aussi réfléchir à la question de l'intégration des primes dans le calcul du salaire de référence des fonctionnaires ? Toute augmentation des prélèvements obligatoires, que ce soit une hausse des cotisations retraite ou un relèvement de la CSG, pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'emploi et la compétitivité des entreprises ; la CGPME y est donc opposée.
a rappelé que la crise a entraîné la destruction de 413 000 emplois nets en France : un chiffre jamais atteint, même lors de la récession de 1993. Ce n'est donc pas le moment d'acculer les entreprises avec une augmentation des prélèvements obligatoires ; les salariés en seraient les premières victimes.
Puis, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a demandé pourquoi la CGPME écarte l'idée d'une fusion entre le régime de base et les régimes complémentaires.
a répondu que non seulement cette proposition pose un problème de gouvernance mais qu'elle est aussi techniquement difficile à mettre en oeuvre.
a alors insisté sur le caractère conventionnel de la création des régimes complémentaires Agirc (accord de 1947) et Arrco (accord de 1961). Jamais l'Etat ne s'est immiscé dans le pilotage de ces régimes.
a demandé les raisons pour lesquelles la CGPME tient absolument à développer le pilier assurantiel.
a réaffirmé que la CGPME, bien qu'étant très attachée à un système par répartition fonctionnant en annuités, estime utile de promouvoir une épargne retraite généralisée et volontaire.
Sur l'éventualité d'une réforme systémique, M. Georges Tissié a précisé que la CGPME y est opposée car cela aboutirait à la création d'un seul régime. Or, l'autonomie des régimes complémentaires doit être maintenue. Par ailleurs, un système en comptes notionnels, même s'il garantit l'équilibre financier à long terme, comporte le risque d'une diminution du niveau des pensions en cas de dérapage financier à court terme.
a souhaité savoir comment lutter contre le déséquilibre actuel du système de retraite.
a répondu qu'il est indispensable de jouer sur l'ensemble des paramètres : l'âge minimum de départ, la durée de cotisation, le FRR...
a estimé que les réserves actuelles du FRR ne constituent pas une solution pérenne au problème du financement.
Après avoir précisé que le FRR n'est pas un fonds souverain, M. Georges Tissié a rappelé que celui-ci a été créé en 1999 afin de lisser dans le temps les effets du papy-boom.