La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier sur la proposition de loi n° 239 (2008-2009) relative à l'évaluation et au contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers.
a indiqué que cette proposition de loi reprend presque à l'identique un dispositif mis en place par une loi du 4 janvier 2001 et abrogé dans le cadre du collectif budgétaire de décembre 2002. Elle vise ainsi à créer une commission nationale et des commissions régionales d'évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises.
Il a considéré qu'une telle proposition repose sur un postulat légitime, puisqu'il s'agit de s'assurer que les aides octroyées aux entreprises sont utiles et remplissent l'objectif pour lequel elles ont été conçues et versées. Cependant, le texte proposé risque, selon lui, de s'avérer contre-productif à plusieurs titres :
- il participe à l'entretien d'un climat de défiance à l'encontre des chefs d'entreprises, qu'on ne saurait assimiler à certains dirigeants dont l'appât du gain nuit à l'image de tous ;
- il pourrait fragiliser l'activité des organes de contrôle existants, à commencer par le Parlement ;
- enfin, la proposition de loi vise à « ressusciter » des commissions qui n'ont pas obtenu de résultats convaincants durant leur existence passée, au cours des années 2001 et 2002.
a déclaré partager l'objectif consistant à contrôler efficacement les aides publiques, affirmé par les auteurs de la proposition de loi. La commission des finances est par nature sensible à la notion de contrepartie des aides publiques et, de manière générale, de contrôle de l'utilité de toute dépense publique, y compris des dépenses fiscales ou sociales. Chaque rapporteur spécial peut le vérifier dans son domaine de compétence. Il a également indiqué que les aides octroyées dans le cadre de la crise actuelle visent à assurer le maintien du financement de l'économie et sont accordées dans un cadre conventionnel, avec des engagements des entreprises bénéficiaires.
Ce soutien public est important dans la conjoncture actuelle. Il a ainsi rappelé certaines mesures prises par le Gouvernement et adoptées par le Parlement depuis l'éclatement de la crise à l'automne dernier : financement et renforcement des fonds propres des banques, mise à leur disposition de 17 milliards d'euros auparavant centralisés à la Caisse des dépôts et consignations, renforcement des capacités d'intervention d'OSEO, aides à la trésorerie des entreprises, dispositifs dits « CAP » et « CAP+ » pour maintenir à flot le crédit interentreprises, etc. Au regard de cet effort public, le contrôle est donc légitime, qu'il s'agisse des aides « ordinaires » ou des aides « de crise ».
Il a néanmoins estimé que les entreprises doivent pouvoir agir vite dans un contexte social tendu. La très forte dégradation de la conjoncture ne peut que se traduire par une augmentation du chômage et, malgré les amortisseurs sociaux, elle entraîne de la souffrance, et parfois du désespoir, chez nombre de Français. Dans ce contexte, certains comportements patronaux très regrettables ont attisé une colère qui a pu entraîner des actes extrêmes condamnables.
a ajouté qu'il importe cependant de ne pas oublier deux exigences fondamentales : ne pas faire « d'amalgame » entre tous les entrepreneurs de France, et ne pas créer de nouvelles lourdeurs au moment même où il convient d'agir vite, dans un contexte de crise aiguë.
A cet égard, il a considéré que le dispositif prévu par la proposition de loi est à la fois technocratique, inutile et redondant. En effet, les possibilités de contrôle des aides publiques sont nombreuses. Tout d'abord au plan institutionnel et démocratique, avec le contrôle qu'exerce le Parlement. Ce devoir de contrôle est renforcé et relégitimé par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la révision constitutionnelle de juillet 2008. Le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux disposent d'un pouvoir étendu de communication de pièces et documents. La commission des finances publie chaque année des rapports peu complaisants sur l'utilisation des deniers publics et s'efforce d'assurer un meilleur suivi de ses préconisations.
Le contrôle parlementaire s'exerce en continu au travers d'auditions et de questions écrites ou orales au Gouvernement. De nouvelles modalités peuvent aussi être imaginées dans un contexte particulier, comme c'est le cas avec le comité de suivi du dispositif de financement de l'économie, mis en place par décret en décembre 2008 à la demande du Parlement.
Il a exposé que le contrôle des aides publiques est également juridictionnel, que ce soit par les juridictions administratives et judiciaires, et surtout par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En application des articles 58-1 et 58-2 de la LOLF, la Cour des comptes a une mission d'assistance aux commissions des finances et celle du Sénat lui demande environ cinq enquêtes par an. A ce titre, il a relevé l'exemple du rapport d'information sur l'efficacité des aides à l'emploi publié en février 2007 par M. Serge Dassault, à la suite d'une enquête demandée à la Cour des comptes. Il a ajouté que l'article L. 211-4 du code des juridictions financières prévoit, en outre, que les chambres régionales des comptes peuvent vérifier les comptes de toute entité, publique ou privée, qui bénéficie d'un concours financier (supérieur à 1 500 euros) d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public national ou local.
a ensuite indiqué que le contrôle est exercé par l'administration elle-même, par les corps généraux d'inspection, les services de contrôle des impôts, les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, et les préfets ou représentants de l'Etat. Ce contrôle est notamment mis en oeuvre sous l'angle du droit et du budget communautaires, que ce soit le respect du plafond des aides de minimis ou le contrôle décentralisé des aides agricoles et des fonds structurels. Il a ainsi rappelé que M. Joël Bourdin a récemment publié un rapport sévère sur les refus d'apurement d'aides agricoles.
Il a néanmoins admis que l'évaluation a pu apparaître comme le « parent pauvre » de la mise en oeuvre des politiques publiques. L'évaluation a posteriori repose en premier lieu sur le Parlement, au travers des offices bicaméraux d'évaluation, d'auditions ou d'amendements prévoyant la remise d'un rapport spécifique du Gouvernement ou le respect de certaines conditions avant la mise en place de tout nouveau dispositif d'aide à l'activité économique. L'évaluation a priori, traditionnellement considérée comme absente ou parcellaire, va cependant connaître un réel essor puisque la loi organique du 15 avril 2009 prévoit une nouvelle obligation d'assortir tout projet de loi d'une étude d'impact détaillée.
Tous ces contrôles existent, même s'il a reconnu qu'ils ne sont pas parfaits. Il n'apparaît donc pas nécessaire « d'en rajouter ». Selon lui, la réintroduction d'un dispositif qui n'a pas fait ses preuves aboutirait en définitive à appauvrir un Parlement qui dispose de pouvoirs accrus en termes de contrôle et d'évaluation des aides publiques.
En outre, le dispositif proposé relève d'une approche assez idéologique et instrumentalise une perception émotionnelle de la crise actuelle. Il se révèle bureaucratique, avec une commission nationale et vingt-deux commissions régionales, des prérogatives illégitimes, des effectifs pléthoriques et des charges de gestion supplémentaires pour les services ministériels et préfectoraux qui devraient en assurer le secrétariat.
Il a enfin considéré que le seul vrai contrôle ne peut que procéder d'une analyse économique et juridique objective, seule à même de caractériser des situations d'abus manifeste ou de non-respect d'engagements formels de la part des entreprises.
a ensuite exposé le contenu des articles de la proposition de loi, qui illustrent le caractère discutable des modalités retenues pour atteindre l'objectif d'un meilleur contrôle des aides aux entreprises.
L'article 1er crée la Commission nationale d'évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises et aux établissements financiers. Il ne précise pas la nature des aides publiques concernées, indique certaines formes du contrôle et élargit le champ de compétence aux fonds structurels européens.
L'article 2 donne la composition de la commission, mais sans fixer de nombre pour chaque catégorie (parlementaires, représentants de l'Etat, représentants des syndicats et organisations patronales, personnalités qualifiées), d'où le risque de rendre la commission pléthorique, bavarde, et de paralyser son fonctionnement.
L'article 3 précise les pouvoirs de la commission, qui sont des pouvoirs de consultation lors de la création de tout nouveau dispositif d'aide publique, d'autosaisine, de saisine par des millions d'instances potentielles (notamment un maire, une entreprise ou un délégué d'entreprise), d'information par les préfets et par tout ordonnateur d'aide publique.
L'article 4 crée des commissions régionales, précise leur composition, analogue à celle de la commission nationale, et leurs modalités d'intervention. M. Albéric de Montgolfier, rapporteur, a jugé que les missions de ces commission régionales promettent d'en faire des structures à caractère incantatoire et sans efficacité économique.
L'article 5 donne au comité d'entreprise ou à un délégué du personnel un droit de saisine de l'ordonnateur d'une aide publique. L'ordonnateur pourrait suspendre ou retirer ladite aide, ou en exiger le remboursement. Selon lui, une telle disposition crée une forte insécurité juridique pour les entreprises et n'est pas compatible avec leur bon fonctionnement.
L'article 6 inclut les aides publiques dans le champ du rapport que les entreprises d'au moins 300 salariés doivent remettre annuellement à leur comité d'entreprise. Il a expliqué que cette disposition est déjà satisfaite par la partie réglementaire du code du travail.
Enfin l'article 7 précise que le secrétariat de la commission nationale est assuré par les services des ministres en charge de l'économie, des finances, du travail et des affaires sociales, et l'article 8 renvoie à un décret les modalités d'application de la proposition de loi.
Pour conclure, M. Albéric de Montgolfier, rapporteur, a proposé à la commission de ne pas établir de texte, et de rejeter un à un les articles de la proposition de loi originelle qui viendraient en discussion lors de la séance publique, ce qui équivaudra à son rejet global.
Cet exposé a été suivi d'un débat.
a fait valoir qu'un contrôle accru des aides publiques, notamment celles relevant du soutien à l'emploi, est nécessaire dans un contexte de sévère crise sociale et de forte remontée du chômage. Citant un récent sondage sur les aspirations des Français en matière de contrôle des aides aux entreprises et les propos tenus par le Président de la République le 19 février 2009, qui appelait à un renforcement du dialogue social, il a considéré que les salariés, premières victimes de la crise, et les organisations syndicales sont fondés à s'impliquer dans ce contrôle.
s'est déclaré en accord avec l'objectif d'un contrôle plus strict des nombreuses aides publiques octroyées en temps de crise, mais n'a pas approuvé les moyens prévus par la proposition de loi. Il a ajouté que si, lors de l'abrogation du précédent dispositif dans le cadre du collectif budgétaire de décembre 2002, avait pu être évoqué le manque de moyens et de temps dont disposait le Parlement pour exercer sa mission de contrôle, la situation a changé depuis lors, avec l'application de la LOLF et le nouveau calendrier parlementaire introduit par la révision constitutionnelle qui prévoit une semaine par mois dédiée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.
a contesté la sévérité des arguments utilisés par M. Albéric de Montgolfier sur le caractère technocratique et bureaucratique des commissions nationale et régionales de contrôle, et considéré que ces arguments peuvent tout aussi bien être avancés à l'encontre du nouveau dispositif des commissaires à la réindustrialisation, adopté par le Parlement dans la dernière loi de finances rectificative. Elle a ajouté que la situation actuelle de crise justifie davantage la réintroduction de ces commissions que le contexte de 2001, année de leur création.
a critiqué l'allusion du rapporteur aux actes extrêmes commis dans certaines entreprises et rappelé que le Gouvernement peut aussi s'exposer au reproche de privilégier les réactions émotionnelles en présentant un projet de loi pour chaque événement qui suscite un mouvement dans l'opinion publique. Évoquant la situation très tendue de l'industrie sidérurgique en Lorraine et le doublement du chômage, il a estimé que la présente proposition de loi ne « souffle pas sur les braises » de la crise et que l'absence de renforcement du contrôle des aides publiques ne pourrait que discréditer les politiques.
a fait part de sa compréhension du contexte social actuel et justifié la sévérité de ses propos sur le fonctionnement des commissions par leurs modalités particulièrement larges de saisine, telles qu'elles sont prévues par l'article 3 de la proposition de loi. Puis, après que M. Jean Arthuis, président, eut relevé le risque d'activité « gesticulatoire » de ces commissions, il a insisté sur l'obligation, pour les commissions des finances, de réaliser un suivi plus précis des aides publiques accordées pour remédier à la crise, et l'a illustrée par la création du comité de suivi du dispositif de financement de l'économie.
a déclaré comprendre l'émotion des Français devant les effets de la crise mais a constaté que le Parlement tend, depuis quelques années, à réaliser des contrôles plus efficaces et mieux reconnus, en particulier grâce au partenariat renforcé avec la Cour des comptes, à l'initiative du président Jean Arthuis. Ces moyens renforcés de contrôle font apparaître le dispositif de la proposition de loi comme redondant. En outre, des possibilités de contrôle existent à l'échelle des départements, avec le concours des préfets et des trésoriers-payeurs généraux.
La commission n'a pas établi de texte. En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi.