Mission commune d'information sur le Mediator

Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • IGAS
  • expert
  • laboratoire
  • mediator
  • pharmacovigilance
  • prescription
  • servier
  • valvulopathie

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

L'audition étant publique, je dois vous demander, en application de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, de nous faire connaître, si vous en avez, vos liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou avec des organismes de conseil intervenant sur ces produits.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Merci, monsieur le président, de m'avoir convié à cette audition. En ce qui concerne les conflits d'intérêts, je préside le Conseil d'orientation de la Fondation générale de santé qui a pour fonction de promouvoir le sang de cordon dans ses prélèvements et son utilisation. Je n'ai pas d'autre lien de cette nature.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En tant que rapporteur de la loi de 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire, il vous revenait de nous donner votre sentiment sur les événements intervenus depuis quelques mois et sur leurs conséquences sur l'organisation sanitaire. Je vous donne d'abord la parole pour une intervention liminaire.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Je souhaiterais évoquer le point de départ des crises sanitaires et les réponses qu'ont pu apporter le Parlement et, plus précisément le Sénat. En 1986, le Centre national de la transfusion sanguine avait alerté qu'un patient sur deux était atteint du Sida. Est ensuite survenu le drame de la vache folle. C'est dans ce contexte que la commission des affaires sociales a abouti à cette loi de 1998.

Je voudrais suivre le questionnaire que vous m'avez adressé et qui m'a permis de préparer quelques éléments de réponse.

Je souhaiterais notamment apporter quelques précisions sur l'Agence du médicament. La loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament avait été précédée quelques mois plus tôt d'un projet relatif à l'Agence du médicament et à la régulation des dépenses de médicament prises en charge par les régimes d'assurance maladie. La tentative du gouvernement d'introduire un texte de sécurité sanitaire avait tourné court. Dans l'intitulé de la loi mais aussi dans son contenu, deux missions nous avaient paru peu compatibles entre elles, la sécurité du produit et l'économie. L'amendement du Sénat introduit par la commission des affaires sociales n'avait cependant guère de chance d'être suivi en commission mixte paritaire au regard des équilibres politiques de l'époque. Le président de la commission compétente de l'Assemblée nationale, Jean-Michel Belorgey, a pourtant retenu l'argument du Sénat, et la CMP a ainsi abouti en satisfaisant la demande des Sénateurs. Le gouvernement ayant demandé l'urgence, le texte a toutefois été abandonné puisque le résultat final ne correspondait pas à ses souhaits. En 1993, la loi relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament a réintroduit ces éléments.

L'Agence du médicament a entraîné la disparition de la Direction de la pharmacie et du médicament. C'est particulièrement rare. Les inquiétudes avaient ainsi été fortes au sein des administrations centrales, et la suite du travail en a été quelque peu influencée.

Je conteste la notion de récurrence des crises sanitaires que vous évoquez. L'opinion a été secouée par les crises de la transfusion sanguine ou de la vache folle. Toutefois, parler de « crise sanitaire » chaque fois qu'il y a des conséquences négatives de médicaments ou de produits apparentés me paraît impropre. Ce sont des incidents regrettables. Le terme de crise a quant à lui une connotation médiatique à l'origine d'une grande angoisse chez nos concitoyens ainsi que d'une perte de confiance envers le législateur et les institutions de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Contestez-vous l'appellation de crise concernant le Mediator ?

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Je crois qu'il est trop tôt pour se prononcer. Il ne suffit pas de dénoncer les dangers d'un médicament pour affirmer que toutes les victimes se sont présentées à bon escient. Les chiffres méritent d'être soumis à une analyse contradictoire.

S'agissant des dysfonctionnements au sein de l'Afssaps pointés par le rapport de l'Igas, vous connaissez les liens affectifs que j'ai pu avoir avec cette agence et l'InVS. Pour analyser les dysfonctionnements d'une institution comme l'Afssaps, le rapport de l'Igas a été rédigé dans des délais extrêmement brefs. Il aurait fallu s'appuyer sur des faits et non sur une analyse globale entraînant du reste des conséquences non seulement au sein de l'Agence mais aussi au sein de la population. Il faut être très attentif à ne pas casser la confiance des citoyens dans des institutions qui sont censées les défendre, sans pour autant affirmer que cette confiance doit être aveugle. Il y a également une perte de confiance dans le médicament. Même s'il est important de remettre en cause une consommation française parfois excessive, la marche ne doit pas être franchie trop vite. S'il y a eu des dysfonctionnements, il appartiendra aux différentes instances de se prononcer sur leur nature et les remèdes à apporter.

Concernant les conflits d'intérêts, c'est seulement parce qu'il y a expertise que les décisions peuvent apparaître comme suspectes. L'expertise fait heureusement l'objet d'un renouveau de discussions et de débats. La question majeure n'est, à mon sens, pas tant les conflits d'intérêts que les problèmes posés par l'expertise. L'expertise revêt un caractère nécessaire mais exige des conditions de mise en oeuvre très particulières quand il s'agit d'innovations. L'innovation thérapeutique nécessite en effet de se hâter tout en restant prudent pour s'assurer que les bénéfices sont supérieurs aux risques. C'est à travers l'innovation et son expertise que nous devons réfléchir aux conflits d'intérêts. En matière d'innovation, les personnes disposant des connaissances, de la réflexion et des moyens de porter une appréciation hors de tout conflit d'intérêts sont très peu nombreuses. Les experts ont en effet pu être approchés par des firmes pharmaceutiques. Pour autant, faut-il les écarter ? Et dans ce cas, par qui les remplacer ? Jean-François Mattei souligne « qu'il n'y a pas d'expert naïf ». Une expertise ne vaut que si elle est contradictoire, qu'elle tient compte d'avis d'experts qui peuvent être contradictoires mais proviennent tous de personnes ayant les connaissances suffisantes pour savoir ce dont elles parlent. Le caractère contradictoire, la publicité et, éventuellement, la collégialité sont des éléments extrêmement importants. Peu après le vote de la loi de 1998, Mme Veil, alors ministre de la santé, avait introduit un amendement autorisant le ministre à faire un recours hiérarchique contre une décision d'une Agence, autorité administrative indépendante. Je suis intervenu au nom de la commission des affaires sociales pour m'opposer à cet amendement. Voter un tel amendement revenant, en effet, à considérer que l'expert saisi en application du recours hiérarchique pourrait émettre un avis différent de celui des experts de l'Agence. Retenir ce second avis reviendrait à se prononcer pour un changement de gouvernance de l'Agence.

Concernant le quatrième point du questionnaire, j'ai exercé deux mandats à la présidence de l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux). Le Sénat avait été à l'origine d'une proposition de loi sur la reconnaissance de l'aléa médical (avec une responsabilité sans faute). Cette proposition a été reprise par Bernard Kouchner dans la loi sur le droit des malades de 2002. Je me suis enquis des quelques réponses possibles auprès du directeur actuel de l'Oniam, Dominique Martin.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Il envisage quatre possibilités pour répondre à la question posée :

- laisser faire les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI). Ces commissions pourraient toutefois avoir des prises de positions différentes, source d'inégalités ;

- créer un fonds dédié qui serait alimenté et géré par les laboratoires Servier. Ce fonds serait néanmoins sans doute contesté dans le contexte actuel ;

- s'inspirer du modèle des irradiés d'Epinal dans lequel un comité d'indemnisation avait été créé. Ce comité, au financement mixte, public et privé, comptait un seul payeur se retournant contre les responsables. Cette solution peut convenir pour des accidents ou crises sanitaires géographiquement localisés ;

- confier de nouvelles missions à l'Oniam, comme cela a été fait pour le VIH et l'hépatite C. Le comité d'orientation de l'Oniam se réunit en présence des victimes ou de leurs représentants, avec une possibilité de saisine individuelle sans seuil minimal. Est alors constitué un groupe d'experts dans le respect du principe contradictoire. Des dispositions législatives pourraient être prises pour poser un cadre plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

C'est ce que Dominique Martin a effectivement proposé. Une disposition législative plus générale pourrait permettre de saisir l'Oniam en cas de crise, sans se limiter à une liste restreinte de pathologies.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Par rapport au Mediator, nous nous retrouvons confrontés à une certaine urgence. Je crois que nous pourrions nous inspirer de ce qui a été fait pour le VIH, l'hépatite C et peut-être l'amiante.

S'agissant des Assises du médicament, les problèmes de gouvernance ont été à l'origine de l'ensemble du travail législatif entrepris par le Sénat. Les crises sanitaires ont entraîné la constitution d'une commission d'enquête, mais aussi de missions d'information avec, à l'époque, le rôle moteur de la commission des affaires sociales. Nous nous sommes interrogés sur la multitude des organismes en charge de la sécurité sanitaire, présentant des statuts variés et dépendant de plusieurs tutelles. Le recensement n'avait d'ailleurs pas pu être exhaustif. Le ministre de l'agriculture avait dénombré plus de cinquante organismes, sans pour autant pouvoir en faire un décompte précis. Le dispositif en place présentait un caractère vertical, avec un certain cloisonnement et un manque de cohérence et de communication. Je ne suis pas certain que la question de la gouvernance soit actuellement parfaitement résolue. C'est dans ce contexte que le groupe 5 des Assises a demandé un état des lieux des institutions en charge de la sécurité sanitaire. Je rappelle qu'un amendement du sénateur Charles Descours avait chargé le gouvernement de compléter le travail du Parlement afin que des structures qui n'avaient pas immédiatement été incluses soient incitées à présenter une certaine cohérence par rapport au dispositif législatif. Ce travail n'a cependant jamais été effectué.

Concernant le fonctionnement du comité d'animation du système d'agences (Casa), le Sénat avait proposé de créer un Conseil national de sécurité sanitaire. Ce Conseil, sous l'autorité du Premier ministre, aurait été chargé de préparer les décisions du Gouvernement en matière de prévention des risques de toute nature et les actions menées dans ce domaine par les différents départements ministériels et, en cas de crise importante, de veiller à la cohérence et à l'exhaustivité des dispositions législatives et réglementaires en matière de veille et de sécurité sanitaire ainsi qu'à l'efficacité de leur mise en oeuvre. Le cadre légal actuel (article L. 796-1 du code de la santé publique) procède d'un amendement de l'Assemblée nationale qui a créé un Comité national de la sécurité sanitaire chargé d'analyser les événements susceptibles de nécessiter la coordination de la politique scientifique de l'Institut de veille sanitaire et des agences françaises de sécurité sanitaire des produits de santé et des aliments sous la présidence du ministre chargé de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous vérifierons que le Casa et le CNSS ont ou non les mêmes missions.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Nous avons voulu, à travers l'interministérialité et l'autorité du Premier ministre, souligner la dimension toute particulière des questions touchant à la sécurité sanitaire des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le Casa est un comité qui réunit les différentes agences avec la DGS, alors que le CNSS est un comité interministériel.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Le CNSS réunit, sous la présidence du ministre chargé de la santé, les directeurs généraux et les présidents des conseils scientifiques de l'InVS, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, une fois par trimestre ou à la demande de l'un d'entre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Nous avons peut-être créé le Casa sans nous apercevoir qu'il y avait le CNSS.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Concernant votre question relative à une politique du médicament, je pense que notre pays ne dispose pas d'une véritable politique du médicament. Toutefois, je ne crois pas que ce soit souhaitable. Une politique nécessite en effet de s'intéresser aux besoins non satisfaits de la population, en définissant des objectifs, des priorités et des moyens correspondants. Une politique doit présenter une certaine cohérence. En matière de médicament, je ne pense pas que ce soit possible ni souhaitable. Je prendrai l'exemple de l'Etat de l'Oregon aux Etats-Unis, dont le système de sécurité sanitaire avait été étudié par la commission des affaires sociales. Le budget de la santé de l'Oregon est établi selon les pathologies les plus fréquentes et en fonction des coûts. Les moyens financiers pour satisfaire les principaux objectifs sont additionnés. Une sorte de référendum est organisé pour fixer une limite de dépenses de santé en-dessous de laquelle il ne pourrait y avoir de prise en charge. Cet exemple me semble être la caricature de ce que pourrait être une politique du médicament. Il ne faut pas se gargariser de mots. J'ignore également ce qu'est la « dimension populationnelle ». Les accidents iatrogènes sont, sauf exception, des accidents individuels ou éventuellement des accidents sériels. Adopter, dans l'appréciation d'un médicament, de sa mise sur le marché ou de son suivi, une dimension populationnelle ne me paraît donc pas faire avancer la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le professeur Dab faisait référence aux études pharmaco-épidémiologiques qui permettent d'identifier des effets indésirables graves en relation avec la prise d'un médicament, sans pour autant établir une relation de cause à effet. Ce sont du reste les résultats auxquels est arrivée l'étude conduite sous la direction de Mme Catherine Hill sur la base de données de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam). Des risques collectifs peuvent ainsi être identifiés grâce aux bases de données dont nous disposons.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Chaque fois qu'il y a des difficultés, on cite l'exemple de la Food and Drug Administration (FDA). A cet égard, il faut souligner que pour le Vioxx, les alertes et décisions ont quelque peu tardé. En outre, la FDA n'est pas la seule agence de sécurité sanitaire au niveau mondial. Défendre un système dual pour les produits de santé et les aliments s'appuie sur une méconnaissance de la FDA, de son mode de financement et de son évolution.

Il faut par ailleurs aller plus en amont dans la question de la dimension populationnelle en évoquant la recherche biomédicale et les essais cliniques. En effet, pour faire apparaître avant la mise sur le marché un risque de l'ordre de 1 pour 10 000 ou 50 000, il faut des populations très nombreuses et un délai de suivi très long, ce qui est incompatible avec l'impatience de ceux qui sont en attente d'innovation. Rappelez-vous l'impatience des séropositifs par rapport aux délais trop longs de mise sur le marché de nouvelles molécules.

S'agissant de la réforme du système de pharmacovigilance, je rappellerai que la loi de 1998 était relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire. Il avait en effet été distingué la veille sanitaire de la sécurité sanitaire. L'InVS n'est, de ce point de vue, pas une véritable agence. Il veille mais n'a pas vocation à décider.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous êtes donc opposé à la proposition du rapport du professeur Jean-François Girard consistant à transférer la pharmacovigilance à l'InVS.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

J'y suis au contraire favorable. La veille doit déclencher des mesures et des actions, encore faut-il que la mission de « veille » soit bien exercée. Jean-François Girard, alors directeur général de la santé, évoquait devant la commission des affaires sociales du Sénat, en 1996 déjà, toute la diversité de la vigilance (pharmacovigilance, bactériovigilance, hémovigilance...). Ces vigilances doivent être regroupées sur une tête de réseau. L'origine d'un incident grave n'est, en effet, pas toujours initialement connue. Par des rapprochements entre des faits disparates, l'InVS peut éclairer les décisions politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La décision du retrait d'un médicament est aujourd'hui du ressort du directeur général de l'Afssaps au nom du Gouvernement. Dans la configuration que vous préconisez, l'InVS n'agit pas mais transmet le résultat de ses observations au directeur général de l'Afssaps qui prend la décision.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Effectivement. Je prendrai l'exemple de la canicule pour laquelle les actions ont été prises avec un certain retard. Les sapeurs-pompiers et les pompes funèbres ont été les premiers à remarquer des éléments inhabituels et à les signaler à la préfecture de police. L'InVS avait par la suite été attaqué. On ne peut pourtant pas reprocher à un observatoire auquel les informations n'ont pas été transmises une insuffisance d'analyses et de propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J'aurais souhaité revenir sur la question des liens d'intérêts. J'ai toujours beaucoup de difficultés à concevoir qu'un expert puisse conseiller les firmes pharmaceutiques au même titre que les autorités publiques. Il est vrai que les experts peuvent être extrêmement peu nombreux. Toutefois, lorsqu'un rapport leur est présenté par un éminent expert, les membres d'une commission doivent disposer des connaissances de base pour émettre un avis sur un médicament et évaluer la balance bénéfices-risques, quitte à demander, si nécessaire, un autre rapport. Il me paraît possible de se déterminer en disposant de tous les éléments du problème, même sans être spécialiste du médicament concerné.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Les situations sont extrêmement diverses. Le rapport bénéfices-risques est effectivement un point tout à fait essentiel à examiner. Les comités de protection des personnes (CPP) sont chargés d'émettre un avis sur la balance bénéfices-risques d'une nouvelle molécule alors qu'ils ne sont pas des comités d'experts.

Je prendrai l'exemple du retrait de la vaccination contre l'hépatite B. Quelques cas de scléroses en plaque étaient apparus chez des patients vaccinés. L'émoi a été important dans un contexte où les médias s'étaient emparés du sujet. Le ministre a alors saisi des experts pour éclairer sa décision et, conformément au principe de précaution, a préféré suspendre la vaccination. Le risque de recrudescence d'hépatites et de tumeurs du foie était pourtant avéré. Ceci témoigne de la diversité des avis d'experts et du rôle très inconfortable du décideur politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le rapport bénéfices-risques est présumé favorable lorsqu'un médicament est mis sur le marché. Lorsqu'un médicament est retiré, il n'y a pas de présomption : il faut avoir la certitude que le médicament présente un risque. A cet égard, le principe de précaution me paraît fonctionner à rebours, en faveur de l'industrie pharmaceutique et non du patient.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

L'exemple de l'hépatite B va à l'encontre de ce que vous affirmez.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Vous avez indiqué qu'il n'y avait pas d'expert naïf. Il faudrait peut-être s'interroger sur le mode de fonctionnement des agences. Sur ce point, l'absence de démarche contradictoire me paraît regrettable.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Une expertise collégiale et contradictoire est, en effet, indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En l'absence d'autres questions dans l'immédiat, nous vous remercions.

Debut de section - Permalien
Claude Huriet, professeur émérite

Je reste à la disposition de madame le rapporteur pour répondre à ses questions. Merci.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez souhaité que cette audition se déroule à huis clos. Nous en avons bien pris acte. Je vous propose de commencer par un exposé liminaire.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je vous épargnerai une longue déclaration liminaire ; le docteur Servier que vous recevrez après-demain en fera certainement une. Je voudrais très sincèrement vous remercier de nous recevoir sur cette grave affaire du Mediator, dont nous mesurons bien l'importance et la sévérité pour les patients. Après trois mois d'un bombardement médiatique extrême, suite à un rapport de l'Igas mené dans des conditions contraires à toutes les règles déontologiques, sans le respect du principe contradictoire, je suis ravi, en tant que médecin, fils et petit-fils de médecins, de pouvoir m'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne crois pas que l'Igas avait la possibilité de vous auditionner.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je me suis permis de prendre le guide des bonnes pratiques de l'Igas en date de mai 2009 qui précise « Entrent dans la saisine de l'Igas : tous les organismes bénéficiant de concours publics ou d'un organisme de sécurité sociale ou financés par des cotisations sociales. Les concours doivent être interprétés dans un sens large. » Je vous rappelle que le Mediator, pour 80 % de ses prescriptions, était associé à une affection de longue durée (ALD) et à un remboursement à 65 %. 60 % du chiffre d'affaires français du Groupe Servier correspondent du reste à des remboursements des organismes de sécurité sociale. Le rapport précise plus loin : « Ces rapports sont soumis, sauf exception, à une procédure contradictoire, tant la rigueur méthodologique que le respect des droits de la défense veulent que l'on ait entendu les responsables mis en cause. Une interprétation large doit être donnée au principe contradictoire. Le contradictoire doit concerner toutes les parties mises en cause dans un rapport de l'Igas. » Je m'étonne donc que les laboratoires Servier n'aient pas été entendus, quitte à étendre la saisine de la mission de l'Igas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Reste à prouver que les laboratoires Servier peuvent être considérés comme un organisme recevant un concours financier des pouvoirs publics.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

La sécurité sociale bénéficie, à mon sens, des cotisations sociales. Je ne m'étendrai toutefois pas sur ce débat administratif.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de me présenter devant vous avec un sens aigu de la responsabilité de l'entreprise, du médicament mais aussi des individus, moi en premier chef. Je pense avant tout aux patients directement concernés mais aussi à ceux qui prennent le Mediator ou un des soixante-dix-sept médicaments listés. J'ai également une responsabilité à l'égard des 22 000 collaborateurs des laboratoires Servier dans le monde et particulièrement des 5 500 collaborateurs français. Ils doivent continuer à être fiers de travailler dans une industrie de vie et dans un laboratoire qui est une Fondation dans laquelle il n'y a jamais eu ni de stock-options, ni d'actions gratuites, ni de bonus, et qui a toujours voulu travailler pour le bien des patients.

J'ai lu certains comptes rendus d'auditions. Vous avez affirmé, monsieur le président, que les laboratoires pharmaceutiques n'étaient pas des acteurs de santé publique. Nous sommes toutefois des acteurs privés participant à la santé publique. Nous sommes de ce fait assujettis à des règles de déontologie et d'éthique. C'est dans cet esprit de grande responsabilité que je me présente devant vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quand avez-vous été alerté pour la première fois des effets indésirables du Mediator ? Pourquoi ce médicament n'a-t-il pas été mis sur le marché aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ? Pourquoi, lorsque le Mediator a été retiré en Espagne et en Italie, n'avoir pas suggéré un retrait sur le sol français et dans les autres pays où il était commercialisé ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Nous n'avons été véritablement informés qu'à partir de 2008. Si l'on fait une rétro-chronologie précise, on relève une notification datant de février 2003 de l'Agence espagnole pour une valvulopathie qui était considérée comme non attribuable. La prise du médicament n'étant en effet pas clairement établie au moment de la notification de ce cas de valvulopathie. C'est en 2008 que d'autres notifications vont apparaître. Je reviendrai sur le cas marseillais de 1999 ou sur le cas espagnol de 2003.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Il s'agit d'une hypertension artérielle pulmonaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Entendez-vous dissocier les valvulopathies des hypertensions artérielles ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Oui. Vis-à-vis de la physiopathologie, nous éprouvons certaines difficultés à comprendre que nous soyons confrontés dans un cas à un phénomène de nature amphétaminique, dans l'autre à un phénomène 5-HT2B. Je souhaiterais d'abord terminer mes explications sur les valvulopathies.

Le cas marseillais de 1999 portait sur une personne qui avait fait un infarctus massif à l'âge de trente-cinq ans. La cause principale de la valvulopathie n'est aujourd'hui plus le rhumatisme articulaire aigu mais la maladie coronarienne. La cause principale des insuffisances mitrales sévères est l'infarctus antérieur étendu. Le cas marseillais n'avait pas été considéré, y compris par la pharmacovigilance française, comme attribuable au médicament. Nous ne l'avions pas dans nos bases de données.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous interrogerons très prochainement le docteur Chiche.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Il vous donnera sa version des choses ; je ne peux que vous donner la mienne. A partir de 2008, des signaux plus importants ont été enregistrés. Je cède la parole au docteur Canet.

Docteur Emmanuel Canet. - S'agissant des valvulopathies, à fin décembre 2008, notre base de données de pharmacovigilance recensait pour les patients n'ayant pris que du Mediator onze cas de valvulopathies et six cas d'hypertensions artérielles pulmonaires primitives. Le rapport de la Commission de pharmacovigilance de 2009 comptabilisait quatre cas retenus en termes d'hypertensions artérielles pulmonaires primitives, c'est-à-dire pour lesquelles il n'y avait pas d'autre étiologie d'identifiée. La conclusion était qu'il n'y avait pas de signal de toxicité cardio-pulmonaire liée au Mediator du type hypertension artérielle primitive. Ce rapport a été publié très peu de temps avant que le produit ne soit suspendu.

En mars 2009, paraît dans l'European Journal of respiratory diseases, un article signé par M. Simonneau et Mme Frachon, dans lequel il est écrit : « En termes d'hypertensions artérielles pulmonaires et de valvulopathies, il n'y a pas de signal significatif sous Mediator ». Nous tenons cet article à la disposition de la commission.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Oui, une vague de notifications extrêmement importante est en effet intervenue au cours de l'année 2009.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Pas du tout. Personne dans le groupe Servier ne conteste l'existence d'un signal valvulopathique, c'est-à-dire d'une augmentation du risque relatif sous Mediator. La seule preuve méthodologiquement sérieuse a été apportée par une étude mise en place par le groupe Servier, Regulate, qui est une étude multicentrique internationale en double aveugle contre médicament de référence. Cette étude a montré qu'avant tout traitement, 51 % des diabétiques présentaient déjà une valvulopathie préexistante. Ceci signifie que toute valvulopathie sous Mediator n'est pas nécessairement une valvulopathie liée au Mediator. L'étude précise qu'il y a toutefois une augmentation du risque qui, pour les valvulopathies triviales, est de 3 et pour les valvulopathies organiques de 2,3. Nous ne remettons pas en cause ce point.

Pourquoi cette accélération de l'histoire ? Entre temps sont publiées une étude rétrospective cas-témoins de Mme Frachon - qui est critiquée par de nombreux méthodologistes - et une étude du professeur Tribouilloy à Amiens. En septembre 2009, les résultats de l'étude Regulate sont transmis immédiatement à la Commission nationale de pharmacovigilance par les laboratoires Servier. Une séance est programmée et le retrait est décidé. Nous avions proposé des mesures du type de celles prises pour le Pergolide (ou Celance du laboratoire Lilly) qui a été retiré du marché américain en 2007 pour valvulopathie et ne l'est toujours pas en France. Cet anti-parkinsonien entraîne une augmentation d'incidence de valvulopathies nettement supérieure à celle du Mediator. Ce médicament a fait l'objet de mesures de surveillance accentuée (échographies avant et pendant, suivi, contre-indications absolues chez des patients présentant des antécédents cardiaques). Nous avions proposé le même dispositif pour le Mediator. La Commission de pharmacovigilance a toutefois décidé le retrait du marché, décision que nous n'avons du reste pas contestée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Que contestez-vous dans la méthodologie de Mme Frachon ? Les autres méthodologistes critiquent-ils cette étude ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Cette méthodologie est également contestée par les professeurs Acar ou Alpérovitch. Les cas témoins ne sont pas de vrais cas-témoins. Il y a en effet une surreprésentation des « malades Mediator » dans l'ensemble du groupe traité. Le nombre de cas dits inexpliqués est à l'opposé statistiquement des résultats trouvés par l'European Heart Survey, qui est une étude faite sur 5 000 patients en Europe sur les causes de valvulopathies. Selon cette étude, 64 % des valvulopathies sont expliquées par les causes classiques (maladie coronarienne, rhumatisme...). Dans l'étude Frachon, 64 % des cas sont inexpliqués, et presque tous attribués au Mediator.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez déposé des brevets dans de nombreux pays en Europe, mais vous n'avez pas demandé d'AMM dans l'ensemble de ces pays. Pourquoi ?

En ce qui concerne l'Espagne, la valvulopathie n'a pas été imputée au Mediator. Pourquoi le Mediator a-t-il alors été retiré ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Le laboratoire Servier découvre ce médicament en 1976. A cette époque, le laboratoire est extrêmement peu présent à l'international. En 1991, nous ne réalisions encore que moins de 30 % de notre chiffre d'affaires à l'international. En 1976, le Groupe Servier disposait d'un service export. Ce groupe, qui avait été le premier à mettre sur le marché un antidiabétique oral de la classe des insulinosécréteurs, le Glucidoral en 1956, découvre en 1973 le diamicron, molécule qui est la base de l'internationalisation du Groupe. En Belgique, le diamicron est enregistré en 1975. Le laboratoire Servier ne compte alors que quelques visiteurs médicaux et il est donc impossible de développer deux antidiabétiques oraux sur le marché belge. Certains affirment que le repositionnement du benfluorex visait à éviter la compétition. C'est absurde puisque le diamicron a représenté notre premier chiffre d'affaires jusqu'en 1996. Notre intérêt n'était pas de nous autoconcurrencer sur le diabète. Nous obtenons un brevet dans un certain nombre de pays. Nous ne commercialisons le médicament que dans des pays où nous sommes quelque peu présents, comme le Portugal. Si nous sommes le neuvième laboratoire français, nous sommes le troisième groupe pharmaceutique au Portugal depuis une vingtaine d'années. Nous n'avons pas lancé la commercialisation dans un certain nombre de pays car nous n'avions pas les moyens de financer plusieurs réseaux de visiteurs médicaux. C'est pourquoi le diamicron a été notre fer de lance international tandis que le benfluorex a été le parent pauvre. Aux Etats-Unis, le diamicron n'a jamais été enregistré. Le brevet étant rapidement échu, nous n'avons pas trouvé de licencié pour le benfluorex. Nous avons simplement déposé un IND (Investigation on new drugs), une demande pour faire un essai thérapeutique. Cette demande nous a été accordée mais nous ne disposions pas du brevet.

En Belgique, le diamicron est enregistré en 1975. En 1977, la Direction de la pharmacie et du médicament du ministère belge nous envoie une note nous demandant de réaliser des études complémentaires pour le diabète et une étude supplémentaire de toxicologie gros animaux. L'étude toxicologique confirme la sécurité d'emploi du médicament. Nous n'avons pas mis en place d'études complémentaires d'efficacité dans le diabète parce que la Belgique n'était pas pour nous un marché essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La Direction de la santé belge était-elle plus rigoureuse que la Direction de la pharmacie française de l'époque ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Ce serait un raccourci excessif. Sur ce dossier, la Belgique était moins convaincue par les études d'efficacité antidiabétique.

Docteur Emmanuel Canet. - Posent également problème dans l'étude du Docteur Frachon, la qualité des données sources, le PMSI n'étant pas destiné à réaliser ce type d'étude de pharmaco-épidémiologie. L'appariement des cas et des témoins tel que réalisé dans cette étude pose également problème du fait d'une disparité importante sur les co-morbidités qui pouvaient influer sur la survenue ou non d'une valvulopathie. Le troisième point porte sur la qualité des diagnostics, élément souligné par le professeur Acar dont on connaît la réputation dans le domaine du diagnostic des valvulopathies. Il souligne que la distinction origine rhumatismale/non rhumatismale est un raccourci qui ne permet pas d'établir un diagnostic précis de valvulopathie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le professeur Acar est le seul expert qui a récemment rédigé une étude à l'encontre des travaux de Mme Hill.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je pense que vous voulez parler de Mme le professeur Alpérovitch qui a produit une étude à la demande de la direction générale de la santé qui critique la méthodologie statistique. Monsieur Acar, qui est cardiologue, critique la partie diagnostic et méthodologie clinique. Aujourd'hui, en 2010, la majorité des valvulopathies sont d'origine ischémique (coronarienne). Pourtant, le PMSI ne distingue toujours que les valvulopathies rhumatismales des valvulopathies non rhumatismales. Le PMSI permet ainsi davantage une gestion budgétaire de l'allocation de ressources qu'il n'est un outil de diagnostic médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

En dehors du professeur Acar, d'autres méthodologistes ont-ils critiqué l'étude du docteur Frachon à l'étranger ?

Docteur Emmanuel Canet. - A l'étranger, peut-être pas, mais le professeur Alpérovitch l'a également critiqué. Nous avons également consulté des experts reconnus en France sur le plan méthodologique et épidémiologique qui eux-mêmes ont émis un certain nombre de réserves. Les résultats de Mme Frachon aboutissent à une multiplication du risque par 17. Ceci aurait dû conduire à un signal extrêmement précoce, alors qu'un risque relatif inférieur à trois peut conduire à des signaux relativement faibles rendant difficile l'identification d'un risque.

En 2003, en Espagne, un seul cas est signalé et le médicament est retiré.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Il y a une conjonction malheureuse de dates. En février 2003, un article est publié, qui nous est notifié plus tard. En mars 2003, nous prenons la décision, pour des raisons commerciales, de ne pas continuer la commercialisation du médicament. Nous ne nous demandons pas le renouvellement de l'AMM. Je cède la parole à Patricia Maillère pour vous apporter des précisions sur ce point.

Debut de section - Permalien
Patricia Maillère

Le produit a été enregistré en Espagne en 1978. Dès 1989, nous avons arrêté la promotion de ce produit dans ce pays. Nous devions nous prononcer sur le renouvellement de l'AMM en 2003. Les patients traités étaient très peu nombreux. L'objectif était de rationaliser l'activité de l'usine espagnole. C'est ce qui a été expliqué à l'Agence espagnole en mars 2003 en lui proposant un non-renouvellement de l'AMM.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

La sunset clause qui est automatique aujourd'hui n'existait pas à l'époque. Les régimes de renouvellement étaient alors quinquennaux. Maintenir une AMM vivante nécessite du temps et des ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les préoccupations de santé publique doivent toutefois être prises en compte.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Effectivement, à ce titre, nous maintenons sur le marché européen le Vectarion, alors que nous n'en vendons plus que quelques boîtes par an car dans le domaine de la bronchite chronique et de l'hypoxémie, il n'y a pas d'alternative thérapeutique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ceci signifie-t-il que le Mediator n'était pas absolument vital en termes de bénéfices aux patients ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Il y a une différence entre un médicament utile et un médicament sans alternative. Je vous rappelle que nous avons proposé de maintenir le Mediator sous des conditions restrictives de prescription. C'est bien que nous sommes convaincus de son utilité thérapeutique, en particulier chez les diabétiques intolérants, résistants ou contre-indiqués à la metformine, ou avec une hypertriglycéridémie. Je rappelle que la metformine peut être utilisée chez tous ceux qui ne sont pas intolérants ou résistants. J'ajoute que la glitazone avait à l'époque une place plus importante au sein des guidelines. En Espagne, Suisse et Italie, des pays dans lesquels le produit n'avait pas commercialement réussi, nous avons donc estimé qu'il existait des alternatives thérapeutiques efficaces au benfluorex.

Debut de section - Permalien
Patricia Maillère

Le produit a été enregistré en Italie en 1980. Rapidement, il n'a plus été promu par notre filiale italienne. L'Agence italienne a, autour des années 2000, décidé de revoir l'efficacité de tous les produits de plus de dix ans, dans le cadre d'un processus de revalidation particulièrement long. Daflon représentant 30 % du chiffre d'affaires de notre filiale, nous lui avons accordé la priorité et nous avons retiré le Mediator du processus de revalidation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Sans revenir sur l'ensemble des pays, nous pourrions peut-être revenir sur le cas du Portugal qui a retiré le Mediator quelque peu avant la France.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Le Portugal a retiré le Mediator au même moment que la France, conformément à l'article 107 (retrait dans l'ensemble des pays européens). Le Mediator a formellement été retiré en décembre 2009 par l'Agence européenne.

Debut de section - Permalien
Patricia Maillère

Lorsque l'Agence française a décidé en 2009 de suspendre la commercialisation du Mediator en attente des décisions européennes, j'ai rencontré l'Agence portugaise pour leur expliquer la situation. La procédure de retrait avait, en effet, été extrêmement rapide. Les autorités portugaises ont pris leur décision en parallèle des autorités françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

A partir de 2005, seuls les Français ou presque pouvaient bénéficier des services du Mediator.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Et les Portugais.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L'étude clinique comparative sur douze mois dont un protocole a été adressé à l'Afssaps en février 2001 a-t-elle été réalisée ? Dans le cas contraire, pour quelles raisons ? Quelle est votre réaction par rapport aux affirmations du rapport de l'Igas concernant la multiplication des demandes d'études par les laboratoires Servier auprès de la Commission d'AMM et de pharmacovigilance ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je précise que pas plus au Portugal qu'en France, les prescriptions hors AMM n'ont été importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La Cnam avance des chiffres de 30 % par la voix du professeur Allemand.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

L'Afssaps en 1998 notait que l'évolution des consommations et des prescriptions au cours de ces dernières années ne permettait pas de mettre en évidence un détournement d'usage de ce médicament. Les prescriptions dans ses indications hors AMM (médicament anti-obésité) sont modestes et surtout ont décru au cours de la période (9 % en 1994, 5,1 % en 1997-1998). Ces éléments sont rappelés dans le rapport Igas (paragraphe 568, annexe 3-48).

Le Thalès, organisme indépendant, repris dans un compte rendu de la Commission nationale de pharmacovigilance de mars 2007, indique qu'en 2004-2005, la part des prescriptions de Mediator concernant les patients obèses est de 11,5 % en 2005-2006, elle est de 10,7 %. Thalès indique en novembre 2010, qu'entre mai 2004 et avril 2009, 11,2 % des prescriptions de Mediator par les médecins généralistes ont été réalisés chez des patients obèses ou en surcharge pondérale. Dans le rapport d'information de Mme Catherine Lemorton de l'Assemblée nationale du 30 avril 2008, vos collègues députés ont noté que 15 % à 20 % du total des prescriptions de l'ensemble des médicaments en France sont réalisés hors AMM.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les chiffres divergent. A certains endroits, ces prescriptions seraient de 50 %.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

L'Urcam de Bourgogne avance même le chiffre de 70 %. Dans quelques arrondissements de Paris, des déviations d'usage ont peut-être pu être constatées en lien avec des médecins « régimologues ». Quand on parle du hors AMM, il ne faut pas confondre le hors « remboursement » et le hors « bonne médecine ». Ce n'est peut-être pas de la mauvaise médecine de prescrire à une personne qui présente une obésité androïde avec un syndrome métabolique (hypertension artérielle, triglycérides et cholestérol à la limite) du Glucophage pour prévenir l'apparition d'un diabète et, en son temps, du Mediator ou aujourd'hui une glitazone. Il ne s'agit pas de prescriptions cosmétiques.

Debut de section - Permalien
Patricia Maillère

Vous voulez sans doute parler de l'étude vs. Acarbose dont nous avions envoyé le protocole en février 2001 aux agences française et italienne. Ceci répondait à une demande correspondant à des critères d'efficacité et de sécurité d'emploi, avec un suivi échocardiographique. Cette étude a été impossible à réaliser.

Debut de section - Permalien
Patricia Maillère

Le protocole avait été défini en fonction des demandes de l'Italie et de la France. Il s'agit d'une proposition Servier.

Nous nous sommes aperçus que nous ne pouvions pas réaliser les deux études à la fois du fait de problèmes de disponibilité en matière de patients tels que définis dans les protocoles du fait de difficultés pour disposer de centres échocardiographiques. Nous avons lancé l'étude Moulin 1 vs. placebo qui était une étude d'efficacité. Nous avons réalisé cette étude en 2001-2004. En 2004, nous avons repris le travail pour mettre en place l'étude avec le suivi échocardiographique. Le protocole alors mis en place a permis une évaluation échocardiographique de bien meilleure qualité que celle qui était prévue initialement. L'étude a été réalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Concernant la publication des résultats scientifiques et la communication sur le Mediator, l'Afssaps a interdit une publicité sur le Mediator le présentant comme un traitement de premier rang contre le diabète et non comme un adjuvant. En 2010, la Commission européenne a publié un communiqué dans lequel elle déclare disposer des preuves selon lesquelles Servier a fourni des renseignements inexacts. En 2011, le professeur Bernard Iung a également accusé les laboratoires Servier d'avoir dénaturé la présentation de son étude 2009.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Nous réagissons à l'ensemble des mises en cause du rapport de l'Igas. Depuis le 15 novembre, je travaille beaucoup et je me demande si je n'ai pas failli ou si quelqu'un aurait pu faire mieux. Nous pouvons avoir des nuances et engager des discussions sur les rapports Frachon ou l'étude Tribouilloy, mais nous ne remettons pas en cause leurs résultats. Nous remettons en revanche fondamentalement en cause le rapport de l'Igas. Est-il logique qu'un inspecteur général de l'Igas qui vient de travailler pendant deux ans dans une agence au service de l'ensemble des firmes multinationales anglo-saxonnes soit chargé de ce rapport ? Le chef de mission, M. Aquilino Morelle a en effet travaillé pendant deux ans au sein de l'agence EuroRSCG Life dont les clients étaient les grandes multinationales anglo-saxonnes qui souhaitent notre disparition.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Non, les dénonciations anonymes à des journalistes me paraissent du reste tout à fait choquantes.

C'est la première fois que je vois dans un rapport de l'Igas des termes tels que « enfumage » ou « rouler dans la farine ». Est-ce le langage d'un rapport administratif ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ces propos entre guillemets sont prêtés à des anonymes.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Vous l'avez dit. Il est regrettable que ces propos ne soient pas sourcés.

A ma connaissance, aucun salarié honoré ou contractuel de Servier n'a jamais exercé de pression sur quiconque. C'est contraire à notre code d'éthique.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je crois que M. Abenhaïm a précisé que ce n'était arrivé que sur le territoire américain. Or, le Groupe Servier n'est pas présent aux Etats-Unis, même si on peut toujours penser que tout reste possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Par rapport aux conflits d'intérêts, y a-t-il des appétits financiers ou économiques pour que Servier parte dans d'autres mains ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je rappelle que ce médicament a été retiré du marché français en novembre 2009. Un an plus tard, une campagne médiatique se déchaîne. Une conférence de presse est prévue le 16 novembre, avec des fuites à la presse la veille. La France est le cinquième marché mondial de la pharmacie. Pour l'ensemble des groupes anglo-saxons, c'est leur deuxième filiale dans le monde. Pourquoi l'Allemagne et le Japon ont-ils mieux protégé leur marché ? Le Groupe Servier, qui n'est que le vingt-deuxième groupe pharmaceutique dans le monde, réussit particulièrement bien sur les marchés émergents, avec une deuxième position mondiale sur l'ensemble des pays de l'ex-bloc de l'Est. Nous connaissons une croissance forte au Brésil, en Russie, en Chine ou en Inde. Avec la réforme Obama, depuis que le marché américain est passé de 51 % à 41 % du marché mondial, les laboratoires Servier dérangent davantage. Sans éluder notre responsabilité, considérer cette affaire comme la plus grande affaire mondiale de pharmacovigilance est certainement excessif. J'ai du mal à penser que ce ne soit qu'une coïncidence. Je n'ai évidemment aucune preuve. Je n'ai qu'un faisceau d'indices et qu'une intime conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il ne faut peut-être pas sombrer, ni d'un côté ni de l'autre, dans la théorie du complot.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Pouvez-vous nous parler de la place des laboratoires dans la formation initiale et continue des médecins ? Est-elle excessive ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

La place des laboratoires me paraît extrêmement limitée dans la formation initiale. A part les préparations privées au concours d'internat, je ne vois pas d'autre élément de participation à la formation initiale des médecins.

La formation continue constitue un problème plus vaste. Le doyen Even a noté qu'il n'y avait pas suffisamment de formation initiale à la pharmacologie dans les études de médecine. Il n'a pourtant pas augmenté le nombre d'heures de formation lorsqu'il était doyen à la faculté de Necker. Les doyens ont pourtant la possibilité d'agir sur le programme pédagogique bien davantage que les laboratoires pharmaceutiques. L'industrie participe aujourd'hui sans doute trop au financement de la formation médicale continue. Il faut, sur ce point, prévoir des alternatives. Il faut des fonds et des ressources. La France a encore des médecins exceptionnels. Je regrette d'ailleurs que la confiance s'effrite. Les médecins français font de la formation soit sur leurs temps de loisirs, soit sur leur temps familial, en perdant des revenus, car ils ne sont généralement pas rémunérés.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Il faudrait alors augmenter la part de l'assurance maladie dans la formation. Pour une bonne médecine coût-efficacité, nos médecins doivent être chaque jour mieux formés. Diminuer la part de l'industrie dans la formation médicale continue devra s'accompagner de la création d'alternatives de droit public, qu'il s'agisse des régions, des départements ou des caisses nationales et régionales d'assurance maladie. Lorsque nous avons terminé nos études, un tiers des connaissances se renouvelait tous les dix ans. Aujourd'hui, 50 % des connaissances d'un médecin se renouvellent en trois ans. En absence de formation continue, on aboutit à de la mauvaise médecine en cinq ou six ans, pas plus. La formation médicale continue est un coût pour les laboratoires pharmaceutiques. Ils seraient sans doute ravis que la loi les en exonère.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

En 1976, lorsque ce produit a été mis sur le marché, à partir de quel moment avez-vous noté ses effets amphétaminiques et anorexigènes ? Vous avez évoqué la responsabilité des médecins prescripteurs dans le mésusage en citant quelques localisations géographiques. Avez-vous des statistiques à nous donner sur des médecins qui pourraient concentrer une part importante de prescriptions ? Comment expliquer l'ASMR qui situait ce produit comme un adjuvant des hypertriglycéridémies ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

C'est une question centrale. Le Mediator est un médicament qui possède en commun avec l'amphétamine le noyau 2 phényléthylamine, comme l'adrénaline, la dopamine, la dobutamine, le salbutamol anti-asthmatique ou encore le méthylphénidate (Ritaline). Le poids moléculaire est de 351,4 pour le benfluorex contre 135,2 pour l'amphétamine, soit 2,6 fois plus. La différence s'explique par les trois molécules de fluor. L'amphétamine a pour formule C9H13N, le benfluorex C19H20F3NO2. Le nombre de molécules est 2,6 fois plus important. La théophylline (antiasthmatique) a exactement la même formule que la théobromine qui est le composant du chocolat avec seulement une isomérie de position sur un radical méthyl. Certains sulfamides, avec des formules deux fois plus proches que le benfluorex et l'amphétamine, sont antibactériens ; d'autres hypoglycémiants ; d'autres encore diurétiques. L'effet secondaire principal des sulfamides diurétiques est l'augmentation de la glycémie. Avec la même formule, un sulfamide diminuera la glycémie ; un autre l'augmentera. L'idée de l'analogie structurale me paraît donc à exclure, d'autant plus avec une différence de 2,6 fois en terme de poids moléculaire.

La fenfluramine stricto sensu est-elle anorexigène ? Le poids moléculaire du benfluorex en diffère de 70 %. Dans le cas de la fenfluramine, contrairement à ce qu'affirme le rapport de l'Igas, ce n'est pas la norfenfluramine seule qui est efficace. Le principe actif inchangé représente la majorité du circulant ; la norfenfluramine en représente 40 %. Une pro-drug est un médicament dans lequel le principe actif inchangé est inactif et seul le métabolite est actif. C'est le cas des inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Ce n'est pas le cas des fenfluramines ni du benfluorex. Le bilan métabolique du benfluorex fait apparaître seulement 7 % de norfenfluramine. Le benfluorex inchangé est actif au niveau du foie. Le métabolite principal 1575 est actif au niveau du foie. Le métabolite secondaire 422 est actif. La norfenfluramine ne représente que 7 % du bilan métabolique du produit. La fenfluramine et la dexfenfluramine sont des anorexigènes, c'est-à-dire que ce sont des médicaments qui font perdre du poids en diminuant la prise alimentaire, ce qui n'est pas le cas du benfluorex.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Bien qu'ils n'aient pas d'élément clé en « orex ».

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

A part l'aminorex, je crois qu'il n'y avait pas d'autres anorexigènes présentant « orex » dans sa DCI, jusqu'en 1997, date où ils ont été retirés du marché.

Un médicament de la perte de poids peut diminuer la prise alimentaire (amphétaminiques, amphétamine et fenfluramine). Aux doses thérapeutiques utilisées chez l'homme (450 mg par jour), le benfluorex ne fait perdre que très peu de poids. Au bout d'un an, dans des études contrôlées contre placebo, la perte est en effet de 1,6 kg.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

A cette dose-là, on retrouve dans le sang la même dose de norfenfluramine que lorsque l'on administre des fenfluramines. On peut donc considérer que le benfluorex est un anorexigène.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Le médicament ne peut être réduit à ces 7 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Vous avez dû vous rendre compte que ce médicament était utilisé en tant qu'anorexigène depuis 1976.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pourquoi ce médicament a-t-il été utilisé comme coupe-faim alors que ce n'était pas un anorexigène ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Savez-vous quel est le pourcentage des prescriptions de metformine dans l'obésité ?

Lorsque l'ensemble des anorexigènes ont été retirés du marché, l'Afssaps a bien noté qu'il n'y avait pas eu d'augmentation des prescriptions hors AMM.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Lors du retrait des anorexigènes au motif des risques engendrés par la norfenfluramine, votre Laboratoire ne s'interroge-t-il pas sur ces 7 % ? Dans les autres produits retirés, Pondéral et Isoméride, quel était le pourcentage ? Avez-vous par ailleurs l'assurance du message passé par vos visiteurs médicaux ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Le retrait est intervenu en septembre 1997. Il n'est pas réalisé pour la norfenfluramine à l'époque. Il s'explique par des cas de valvulopathies aux Etats-Unis. Il n'y en a alors pas en Europe. Nous croyons à l'époque que c'est parce qu'aux Etats-Unis un amphétaminique, la phentermine, est souvent associé. Cette association montre d'ailleurs bien que les fenfluramines ne sont pas des amphétaminiques. La première publication date de 2000, la seconde de 2004. La certitude est seulement acquise en 2008 que les médicaments qui donnent des valvulopathies ne sont pas seulement la fenfluramine, le benfluorex, mais aussi le pergolide, le méthysergide, l'ergotamine. C'est parce qu'ils agissent sur le récepteur sérotoninergique 5-HT2B. En 1976, on ne savait pas que ce récepteur existait.

Quant à nos visiteurs médicaux, je suis certain des directives données. Je tiens à la disposition de la commission les copies des directives données à partir de 1997. Nous avons écrit tous les quatre mois à nos visiteurs pour leur rappeler le cadre strict des indications. Je tiens à votre disposition tous les courriers que nous avons envoyés aux médecins. Nous avons toujours insisté sur le fait que le Mediator n'était pas un médicament de la perte de poids et qu'il n'était d'ailleurs que très peu efficace à cet effet. Nous avons écrit que ses indications étaient strictement validées par l'AMM.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Les laboratoires Servier sont implantés dans le Loiret. Chez nous, l'aura de Servier est indéniable et je souhaite en témoigner. Le souci de faire partager les découvertes, et notamment tout récemment en matière de médicaments ciblés, est saisissant et reconnu. Les habitants saluent l'honnêteté et le charisme de M. Servier et de ses collaborateurs. Pour ma part, je ne veux pas croire à une défaillance quelconque de leur part, et encore moins à une malhonnêteté. Par la voix de Mme Vincent, Servier a fait savoir qu'il ferait face à ses responsabilités si quoi que ce soit était prouvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Vous avez plaidé avec talent et brio. Néanmoins, vous affirmez qu'il n'y a que moins de 10 % de ce médicament qui a été utilisé en dehors des prescriptions AMM. Des médecins qui soignaient le diabète en toute bonne foi ont pourtant prescrit le Mediator comme coupe-faim pour des patients obèses. C'est donc bien qu'il a été indiqué quelque part, soit par les visiteurs médicaux, soit dans la presse médicale, que le Mediator était un anorexigène. Le pourcentage est nécessairement supérieur.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je ne le nie pas. J'ai cité les statistiques de l'Afssaps et de Thalès. Dans nos mesures, que nous réalisons avec nos moyens, nous avons estimé aux alentours de 20 % les prescriptions hors du diabète stricto sensu ALD. Il y a une différence entre une prescription de ce médicament pour un très fort surpoids et une prescription de type cosmétique. Lorsqu'un diabétique est très obèse et montre des signes d'insulino-résistance, avec l'association d'une hypertriglycéridémie et un syndrome métabolique, l'idée d'utiliser un médicament de l'insulino-résistance avec un léger effet sur le poids n'est pas à rejeter. L'effet n'est pas anorexigène. La perte de poids sous Mediator est équivalente à la perte de poids sous metformine. C'est par un effet au niveau du foie, du muscle et de l'adipocyte qu'il y a une augmentation de la consommation de glucose et pas par une diminution de la prise alimentaire.

Docteur Emmanuel Canet. - Les deux derniers grands essais cliniques multicentriques randomisés en double aveugle montrent une perte de poids dans une population de diabétiques de 1,6 kg après dix-huit semaines de traitement et de 1,7 kg après douze mois de traitement (étude Regulate). La perte de poids est tout à fait mineure et équivalente à celle des comparateurs, excepté pour les pioglitazones qui font prendre du poids.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Les laboratoires Servier considèrent qu'il y aurait moins d'une quarantaine de décès imputables au Mediator. Quels sont les critères retenus ? Quel est actuellement le suivi des patients qui ont pris du Mediator il y a quelques années ?

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je ne voudrais pas que l'on donne l'impression d'être dans une comptabilité sordide des chiffres. Tout mort est un mort de trop. Nous ne nions pas l'existence d'un sur-risque sous ce médicament. L'étude Regulate le démontre. Les valvulopathies sont accrues sous Mediator. Or, lorsqu'elles sont sévères, elles amènent à des actes chirurgicaux qui peuvent se compliquer de décès. Après trois mois d'un déferlement médiatique sans précédent, trente-huit morts sont notifiés sous Mediator dans l'ensemble des bases de données mondiales. Certaines ne sont pas attribuables à Mediator. Un patient est mort dans un tableau de choc septique, en réanimation de service de cancérologie, un autre a fait une hémorragie grave à la suite d'un traitement thrombolytique à trop forte dose, un autre a fait une occlusion intestinale. Sur ces trente-huit morts, quatre étaient porteurs d'une valvulopathie. Même si la causalité n'est pas encore démontrée, ces quatre morts font bien partie du tableau « complications cardiaques du médicament ». C'est relativement peu d'autant plus qu'un tel phénomène médiatique a augmenté le nombre de notifications de manière extraordinaire. J'ajoute que le chiffre de trente-huit n'est pas issu de nos calculs mais des bases de données mondiales. C'est ce qui nous choque dans cette polémique. On parle d'extrapolations et de calculs mathématiques sur la base de ratios extrêmement théoriques. Certains ont même dit que l'affaire du Mediator était plus grave que le sang contaminé. L'hormone de croissance a fait 120 décès, c'est-à-dire qu'il y a 120 certificats de décès. A ce jour, sous Mediator, il y a trente-huit certificats de décès dans le monde entier, dont aujourd'hui seulement quatre sont attribuables au médicament.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous sommes dans l'impossibilité de poursuivre, d'autres auditions étant prévues. Nous recevrons toutefois très prochainement le président Servier. Merci Monsieur Seta.

Debut de section - Permalien
Jean-Philippe Seta, directeur opérationnel des laboratoires Servier

Je souhaiterais vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

L'audition est ouverte à la presse et fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel en vue de sa diffusion sur le site internet du Sénat et sur Public Sénat. Il me revient en application de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, de vous demander si vous avez des liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou avec des organismes de conseil intervenant sur ces produits.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je n'ai pas de tel lien.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pouvez-vous nous rappeler le déroulement de votre carrière quelque peu atypique ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Après mon cursus hospitalier universitaire, j'ai travaillé au Syndicat national de l'industrie pharmaceutique où j'ai été une sorte de messager entre la Direction de la pharmacie et du médicament et l'industrie. A ce titre, j'étais ou membre ou expert de l'ensemble des commissions du médicament (l'AMM, la transparence, la pharmacovigilance, les stupéfiants et psychotropes). J'y ai passé huit années, particulièrement riches en contacts et intéressantes au plan scientifique. J'ai ensuite passé quelques mois au sein des laboratoires Wellcom, puis j'ai rejoint l'Agence du médicament qui venait d'être créée en 1994. Le professeur Alexandre m'avait donné la définition de mission suivante : l'Europe, les rapports d'évaluation, l'évaluation interne, c'est-à-dire la formation des jeunes évaluateurs afin de mettre en place une évaluation interne de bon niveau. En 2001, je suis élu vice-président du Comité des médicaments à usage humain (CHMP). En 2007, je suis élu président de ce même Comité et réélu en 2010.

En juin 2007, j'avais demandé à mon directeur général de ne pas exercer de fonctions opérationnelles (en tant que responsable du pré-AMM) si jamais j'étais élu à la Commission d'AMM européenne. Il en avait pris acte et m'avait indiqué qu'il me nommerait dans ce cas conseiller scientifique auprès de lui. C'est donc le poste auquel j'ai été nommé après mon élection. En l'espace de quatre ans, je n'ai toutefois donné aucun conseil à mon directeur général ; il ne me l'a du reste pas demandé. J'ai été quasiment à plein temps sur les dossiers européens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En 2002, la DIA (Drug Information Association) vous a distingué.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

C'est une association d'industriels et de régulateurs. Les principaux régulateurs sont membres du Board of directors. Je n'en fais pas partie, je tiens à le préciser. La DIA organise des congrès. Je me rends d'ailleurs à la fin du mois de mars au Congrès de Genève. La fonction d'un président de CHMP est également de communiquer sur les actions menées. Or, la DIA est un forum permettant de toucher un grand nombre d'acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La présence d'une personne chargée de la police de la santé à un forum organisé par l'industrie pharmaceutique pourrait comporter un certain risque de conflit d'intérêts.

Vous avez reçu une distinction de la DIA pour « services exceptionnels » rendus à l'industrie pharmaceutique alors que vous étiez à l'Afssaps depuis huit ans. Ce délai peut interpeller.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Toutes les agences ont essentiellement deux fonctions : protéger la santé publique (pharmacovigilance) et faciliter l'innovation en participant à des réunions de concertation avec l'industrie pharmaceutique pour l'aider à développer de nouveaux médicaments. Pour les réelles innovations, les industriels sont en effet confrontés à des choix difficiles s'agissant des populations cibles, de la durée d'études et du nombre de patients au sein de la base de données de sécurité. Toutes les agences sont alors consultées.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Les agences ne vont pas voir les industriels pour leur donner des avis scientifiques. Les politiques et les associations sont également présents au forum de la DIA, qui est un véritable forum international. L'objectif est d'améliorer la transparence de nos actions. Nous cherchons à expliquer ce que nous faisons. Outre la DIA, nous participons également à des universités d'été qui sont fréquentées par les ministres. Ne vous méprenez pas, c'est un vrai travail. Nous préparons du reste avec grand soin nos présentations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le Commissaire européen est également présent. Ce n'est pas pour autant que personnellement je me réjouisse d'une telle connexion.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je ne suis pas certain que ce soit le terme approprié. Les personnes discutent entre elles, ce qui me paraît sain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le rapport de l'Igas a souligné que l'Afssaps était structurellement et culturellement en position de conflit d'intérêts. Je m'aperçois que ce constat n'est pas très éloigné de la réalité. Je pense qu'il faudrait peut-être à l'avenir établir une distinction plus franche.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Il faudrait que vous nous disiez comment.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous ferons des propositions d'ici quelques mois.

Vous avez la possibilité de faire une présentation liminaire si vous le souhaitez.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je souhaite en priorité répondre à l'ensemble des questions qui vont m'être posées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Avez-vous eu la possibilité de bénéficier d'une procédure contradictoire dans le cadre du rapport de l'Igas ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Le rapport de l'Igas est un travail analytique extrêmement conséquent, même si je ne partage pas l'ensemble des positions prises. Je crois que mon directeur général s'est ouvert de certains points au directeur de l'Igas. Cela ne portait pas sur des éléments factuels mais plutôt sur des interprétations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quand et comment avez-vous été informé pour la première fois des effets du Mediator ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je ne suis pas pharmacologue. Pour moi, ce produit présente une analogie structurale évidente avec les fenfluramines. C'était du reste ce qu'a écrit le Professeur Garattini au CHMP. Le benfluorex est un hypolipémiant qui présente une analogie structurale avec la fenfluramine qui est un anorexigène. Le CHMP est sollicité en octobre 1998 et examine la lettre de du Professeur Garattini. Je crois que nous avons évoqué la possibilité d'inclure le benfluorex dans l'arbitrage fenfluraminique. Nous y avons renoncé car l'indication n'était pas la même et que le produit était présenté comme un hypolipémiant. En outre, il y avait peu ou pas de cas. Le président de l'époque a demandé au groupe pharmacovigilance d'étayer le dossier avant de déclencher la procédure dite de l'« article 12 », c'est-à-dire une saisine officielle du Comité pour des motifs d'intérêts communautaires de pharmacovigilance. Le CHMP n'a malheureusement plus revu le dossier.

Ce groupe pharmacovigilance a une fonction duale. Lorsqu'il s'occupe des problèmes de pharmacovigilance des procédures centralisées, il en réfère formellement au CHMP. Lorsqu'il traite des problèmes de pharmacovigilance des AMM nationales, ce qui était le cas du Mediator, il est un forum informel de discussion entre Etats membres. Soit l'on considère qu'il y a suffisamment de matériel pour saisir le CHMP via l'article 12, soit il est demandé à l'industriel de modifier son résumé des caractéristiques du produit qui figurent dans sa fiche au Vidal. C'est ce qui s'est fait. Le rapporteur italien a proposé deux options : le déclenchement de l'article 12 et l'envoi d'une liste de questions.

En mars 1999, le groupe pharmacovigilance ne voit pas de problème de bénéfices-risques. A la fin de l'année 1999, il décide de « jouer la carte nationale », en posant à Servier une liste de questions. J'ai signé cette lettre davantage en tant que responsable de l'Afssaps qu'en tant que membre français du CHMP. J'ai demandé à la firme de nous fournir des données d'efficacité clinique sur la glycémie sur une période de six à douze mois et des données échocardiographiques. Ce projet a été pris en charge par la pharmacovigilance de l'Afssaps. Servier a fait deux propositions d'études, une étude sur les glycémies et une étude sur les échocardiographies.

Fin 2000, une réunion a été organisée entre Servier et les rapporteurs français et italien qui se sont mis d'accord sur un protocole. Le protocole comprenant deux critères (glycémique et échocardiographique) a été validé par les responsables des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) de Besançon et de Lille en septembre 2001. Cette étude, et notamment l'étude cardiographique, n'a toutefois vu le jour que beaucoup plus tard. Je n'ai pas d'explication sur ce point. Si ce problème avait été référé au niveau du CHMP, je ne sais pas si la décision aurait été différente, mais les délais auraient été toutefois respectés. A l'époque, nous ne donnions pas de délais, ce qui n'est aujourd'hui pas concevable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Y a-t-il des sanctions en cas de non-respect des délais ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Oui, sont désormais prévues des pénalités financières, même si elles n'ont pas encore été appliquées. Lorsqu'un laboratoire fournit ses données avec retard, il fournit aujourd'hui systématiquement des explications.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous semblez très bienveillant à l'égard des laboratoires.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je ne le pense pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le rapport de l'Igas relève la place décisive des communautés scientifiques et médicales dans la construction de décisions publiques. Toutes les décisions prises au sein de l'Agence sont préparées par des experts qui rendent leur avis. Or, de très graves défaillances, pour certaines incompréhensibles, ont été relevées par ce rapport. Comment expliquez-vous les failles dans l'expertise scientifique du Mediator ? Comment se fait-il qu'à ce jour deux femmes ont été sanctionnées ? C'était un point que je voulais signaler à l'occasion de la Journée de la femme.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Le départ d'Anne Castot et de Carmen Kreft-Jais sera sans nul doute un coup dur pour la pharmacovigilance européenne.

Les défaillances consistent en un manque de réactivité dans les années 2000 au niveau des comités techniques et nationaux de pharmacovigilance. Je ne considère pas que la pharmacovigilance est responsable et que le pré-AMM ne l'est pas. Le système a failli dans son ensemble. Pour autant, le manque de réactivité des instances du post-AMM paraît évident à la lecture du rapport de l'Igas. En tant que responsable jusqu'à 2007 du pré-AMM, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus. Je ne participais pas aux comités techniques et aux commissions nationales de pharmacovigilance. En 2005, la Commission nationale demande une réévaluation du rapport bénéfices-risques du Mediator. Il ne se passe rien au niveau de la Commission de l'AMM. En 2007, le même souhait est prononcé par la Commission nationale de pharmacovigilance et la Commission de l'AMM ne va pas dans ce sens. Au regard de ces événements, l'intégration me paraît indispensable, que ce soit au niveau interne ou au niveau européen. La Commission de pharmacovigilance et la Commission de l'AMM n'ont peut-être pas suffisamment dialogué. Je suis partisan de la création d'une seule commission d'évaluation du rapport bénéfices-risques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cela signifie-t-il que vous êtes favorable à l'intégration de la Commission nationale de pharmacovigilance à la Commission AMM ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je suis surpris qu'en 2007, il y ait eu un tel manque de communication entre les deux commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Estimez-vous que l'étude faite par Mme Frachon a été conduite avec des données-sources exemplaires ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je ne peux pas vous répondre. L'étude de Mme Frachon a servi de catalyseur et de lanceur d'alerte. Mme Frachon a fait remarquablement avec les « moyens du bord ».

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Elle a fait ce qu'aurait dû faire l'Afssaps plus tôt. L'étude échocardiographique aurait pu nous montrer une différence dans l'incidence des valvulopathies.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Non, je suis incapable de juger ces études. Je suis davantage intéressé par l'imputabilité, c'est-à-dire les données médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Pensez-vous qu'il soit important de développer une expertise indépendante des laboratoires ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Il est très difficile d'avoir des experts indépendants compétents dans le domaine concerné. En tant que président d'un Comité de fonctionnaires, qui n'ont pas de conflits d'intérêts, j'ai beaucoup de chance. Les experts externes européens ont tous des conflits d'intérêts. J'essaye de les solliciter le moins possible en faisant le travail en interne. Je réserve les groupes d'experts aux cas les plus difficiles. Les experts doivent conseiller mais ne pas se prononcer sur le rapport bénéfices-risques, le CHMP étant décideur sur ce point.

L'expertise externe est une tradition en France. Jusqu'aux années 2000, je faisais l'apologie du système français. Je n'étais pas le seul. Jean-Michel Alexandre et Marcel Legrain étaient également partisans de ce système. J'ai changé d'avis à l'examen des systèmes européens. Les évaluations internes réalisées sont relativement satisfaisantes, surtout pour des médicaments déjà connus. En cas de difficulté, des groupes d'experts externes peuvent toujours être sollicités. Dans ce cas, il faut trouver des experts indépendants, compétents et qui n'ont pas de conflits d'intérêts. J'ai tout récemment reçu deux lettres d'injures d'industriels pour deux molécules différentes. Le premier industriel estimait que mon scientific advisory group (SAG) était peuplé de personnes incompétentes. Le même jour, un autre laboratoire notait qu'un membre d'un SAG avait un conflit d'intérêts avec son compétiteur. Ces situations sont loin d'être faciles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L'Etat s'est-il trop désengagé du financement de l'Afssaps ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Les deux plus belles agences européennes, l'agence anglaise et l'agence suédoise, sont entièrement financées par l'industrie pharmaceutique. Le mode de financement joue-t-il ? Il s'agit, à mon sens, d'un impôt payé par les firmes qui n'a rien à voir avec la décision qui sera donnée. Davantage d'évaluateurs compétents et de bon niveau serait positif, et ce, quelle que soit l'origine du financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

En octobre 2002, les laboratoires Servier ont demandé une nouvelle étude de la fiche de prescription du Mediator. L'Afssaps a réexaminé le dossier. Cela n'a pourtant pas été l'occasion de rappeler à Servier qu'il devait fournir une étude.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Le suivi du projet Mediator a été assuré par la pharmacovigilance. Je ne vois pas pourquoi le pré-AMM aurait doublé la pharmacovigilance. Pour autant, un certain nombre d'effets secondaires (neurologiques, allergiques et cardio-vasculaires) devaient être inclus dans la fiche Vidal.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Dans notre système, les demandes de modifications de l'information (ou DMI) sont gérées par le post-AMM avec les centres régionaux de pharmacovigilance. Le résultat de leurs discussions est soumis en commission d'AMM pour finalisation. Lorsque les modifications sont relativement mineures, il n'y a pas de passage en commission plénière. Dans les années 2000, le groupe d'évaluation interne (GEI) examinait toutes les « petites » modifications de résumés de caractéristiques du produit, notamment les DMI traitées par la pharmacovigilance. Le président de la Commission d'AMM, le professeur Charles Caulin, présidait ce GEI. Lorsqu'il est parti, j'en ai pris la présidence.

En 2003, le groupe pharmacovigilance a été amené par le biais d'un infofax à connaître la suspension de l'autorisation de mise sur le marché à l'initiative de la firme pour une valvulopathie en Espagne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La firme indique que cette suspension s'explique par des raisons commerciales.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

La valvulopathie a « facilité », à mon sens, le retrait pour raisons commerciales. S'est récemment produit la même chose avec le Thelin des laboratoires Pfizer qui a été retiré par le laboratoire lui-même après deux cas d'hépatites graves. Si ce médicament avait eu un marché gigantesque, la firme se serait sans doute battue pour le conserver. La décision espagnole a été prise à la suite d'une publication d'un cas de valvulopathie espagnole et a été suivie par une suspension du Mediator par la firme en Italie. Il est regrettable que l'article 12 n'ait pas pu être déclenché à ce moment-là. Après 2005, il aurait été déclenché de manière automatique.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Les Etats membres concernés ont fait preuve de peu de réactivité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ni la France, ni l'Espagne, ni l'Italie n'ont déclenché cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Quel est le rythme d'actualisation des déclarations d'intérêts ? Les avis sont-ils pris par consensus ou par vote ? Les avis divergents sont-ils consignés et/ou publics ? Les experts ayant un conflit d'intérêts sortent-ils au moment de la délibération ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je signe une déclaration d'intérêts à l'EMEA tous les ans. Cette obligation est strictement respectée. Je participe au Comité. Il n'y a pas de conflit d'intérêts puisque le Comité est composé de fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le professeur Lechat a fait une déclaration inexacte en omettant de signaler ses liens avec Sanofi au moment où il a été nommé corapporteur d'une mission chargée d'analyser les raisons de la crise des héparines survenue en 2008. Il estimait que c'était la Société française de cardiologie qui le finançait. Le contrôle doit encore, à mon sens, être amélioré.

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Il s'agit d'un système déclaratif à l'anglo-saxonne.

S'agissant du vote, dans 60 ou 70 % des cas, il y a consensus. Dans environ 30 % des cas, nous procédons à un vote. Les divergences figurent dans le rapport avec le nom des personnes qui les ont exprimées. L'une d'entre elles explique leur position de manière écrite. Chaque divergent signe. Les noms de chacun ne figurent peut-être pas alors dans l'EPAR (European public assessment report) publié sur internet, mais les divergences sont signalées en conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Avez-vous eu des alertes depuis 2005 sur la base de l'article 12 ? Sur quels types de médicaments ? J'ai en tête le RU 486. Certaines alertes sont-elles tues ?

Debut de section - Permalien
Eric Abadie, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'Afssaps

Je ne peux pas l'imaginer. Toute alerte doit faire l'objet d'une saisine du CHMP depuis 2005 en lien avec l'article 107. Avant 2005, il n'y avait que l'obligation d'informer. Depuis, l'arbitrage est systématique.

L'article 31 de la directive 2001/83/CE qui a repris la procédure susmentionnée de l'« article 12 » a été déclenché à plusieurs reprises. Concernant le nimésulide (Nexen), le CHMP se positionnera au mois de mai 2011. Doivent également être signalés le trasylol, l'acide tranexamique dans les saignements post-opératoires cardio-vasculaires, ou encore les antidépresseurs et leur utilisation chez l'enfant.

L'article 31 comme l'article 12 précédemment impose plusieurs rapports d'évaluation et plusieurs explications orales. Une firme a en effet le droit d'être entendue avant l'avis final.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

L'audition est publique et enregistrée en vue de sa diffusion sur le site internet du Sénat et sur Public Sénat. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aborder vos liens d'intérêts car je connais par avance la réponse. Vous pouvez faire une intervention liminaire ou si vous le préférez, nous pouvons directement passer aux questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le Mediator a fait l'objet de plusieurs demandes de déremboursement au cours des années 1990 et 2000. La faiblesse des indications de ce médicament aurait pu conduire à s'interroger sur le nombre de prescriptions et sur leurs motifs. Cela a-t-il été le cas ? Vous avez annoncé que la Sécurité sociale ferait valoir ses droits dans les procédures qui seraient intentées par les victimes du Mediator. Où en êtes-vous dans vos démarches et à combien estimez-vous le préjudice financier ? Nous avons, par ailleurs, des chiffres contradictoires sur les prescriptions hors AMM. Pouvez-vous nous fournir vos éléments ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Le rapport de l'Igas est très précis quant à l'analyse des différentes indications et des conditions de l'AMM. Nous avons mené au sein de l'assurance maladie dans les années 1998 un ensemble d'études, pas seulement en Bourgogne, à la suite des publications parues notamment dans le journal Prescrire. A l'époque, il s'agissait avant tout de mesurer le respect des conditions de remboursement et non d'évaluer le rapport bénéfices/risques. Le professeur Allemand avait tiré la sonnette d'alarme face à cette situation en s'interrogeant sur la structure amphétaminique de ce produit, dont il est apparu ultérieurement qu'elle pouvait être un précurseur de la norfenfluramine, composant très anorexigène. Les suspicions ont été portées à la connaissance des pouvoirs publics, y compris du directeur général de la santé de l'époque. Ces éléments n'ont pas été jugés suffisamment convaincants. Au cours des contrôles, les praticiens conseils qui constataient des prescriptions décalées des conditions de remboursement pouvaient déférer les médecins contrôlés devant le Conseil de l'Ordre pour manquement aux règles déontologiques ou de facturation, ce qui a été fait pour un certain nombre de cas. Il n'appartenait pas à l'assurance maladie de prendre des décisions qui ne lui incombaient pas.

S'agissant de l'action en justice, notre analyse s'est, en premier lieu, concentrée sur la situation du droit en matière de recours contre tiers qui est imputable à l'assurance maladie. Il s'avère que ces demandes peuvent se réaliser dans un environnement législatif relativement contraint. Dans le cadre des contentieux, l'assurance maladie peut être appelée à la cause par les juges. Cependant, dans le cas d'accord amiable, la déclaration de l'accord est obligatoire auprès de la Caisse. Si elle n'est pas faite, cette absence de déclaration n'est pas opposable aux victimes et la pénalité financière se limite à 470 euros. J'ai donc demandé au Gouvernement d'examiner la possibilité de réévaluer cette situation.

En deuxième lieu, nous avons également fait l'analyse du préjudice que nous considérons avoir subi, si les révélations de l'Igas s'avèrent fondées, ce qui est notre avis. Nous distinguons trois types de préjudices :

- les soins engagés du fait des conséquences délétères d'un produit de santé ;

- les rappels des patients qui sont en cours ;

- le maintien d'un produit de santé sur une durée beaucoup plus longue si des informations avaient pu être analysées par les pouvoirs publics de manière à changer leur décision.

Ce dernier chef de préjudice est de loin le plus important. Dans le cas du Mediator, il s'agit de 30 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. Dans ce contexte, en lien avec les autres régimes d'assurance maladie, nous avons pris la décision de faire valoir ce chef de préjudice sur le fondement de la tromperie aggravée. Nous avons déposé plainte au pénal afin de faire valoir nos droits au civil. Le montant du préjudice à ce titre a été évalué à partir du rapport de l'Igas. Ce rapport a conclu que le produit aurait pu être retiré dès 1999-2000. Le montant du préjudice est ainsi évalué à 226 millions d'euros en euros courants pour le régime général, à 300 millions d'euros pour l'ensemble des régimes, et à 400 millions d'euros tous régimes, y compris complémentaires, confondus. Nous avons déposé plainte sur le chef de la tromperie et accessoirement de l'escroquerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Estimez-vous que l'étude du docteur Frachon présente des faiblesses méthodologiques ?

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Les études de cas-témoins présentent toujours un risque de biais lié à la construction-même de l'étude. Elles peuvent être critiquables et sont souvent critiquées. Les études rétrospectives ne peuvent pas mesurer la hauteur d'un risque de manière précise. En revanche, elles permettent d'attirer l'attention sur un phénomène. De ce fait, l'étude de Mme Frachon qui donne un signal assez fort possible doit être prouvée par d'autres moyens. L'étude réalisée par la Cnam en 2009, publiée dans la revue de référence Pharmacoepidemiology and Drug safety, a été faite selon une autre modalité. C'est une étude exposés/non exposés (personnes qui prennent du benfluorex/personnes qui n'en prennent pas). Pour que les deux groupes se ressemblent, nous n'avons retenu que des patients diabétiques - un million - entre quarante et soixante-neuf ans et « standardisé » les critères de sexe, d'âge et de co-morbidité. Cette étude montre que la population prenant du benfluorex présente quatre fois plus de chirurgies valvulaires et trois fois plus d'hospitalisations. Notre étude est peu évoquée alors qu'elle conforte fortement les indications apportées par les études cas-témoins de Mme Irène Frachon. Je précise que si notre étude ne porte pas sur la mortalité, elle vise à connaitre l'augmentation des valvulopathies chez les diabétiques en cas de prise de benfluorex. La réponse est indiscutable, de toute façon la chirurgie valvulaire occasionne de la mortalité post-opératoire. Des informations issues de nos bases ont été transmises à l'Afssaps qui a demandé à des épidémiologistes d'évaluer la mortalité. L'étude exposés/non exposés témoigne d'effets secondaires très rapides. Cette étude n'a, à ce jour, pas été critiquée. C'est l'une des premières études de ce type portant sur un million de personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il est regrettable que votre étude ne soit pas davantage évoquée.

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Effectivement. On parle moins de cette étude que des études cas-témoins qui posent problème mais qui sont de bons signaux, confirmés par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Comment encadrer les prescriptions hors AMM ? Avez-vous des propositions pour améliorer la pharmacovigilance ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

La première question fait l'objet d'une réflexion dans le cadre d'un groupe de travail animé par Hubert Allemand.

Pour répondre à votre deuxième question, doit-on disposer d'une expertise publique indépendante sur la pharmacovigilance, la pharmaco-épidémiologie et le suivi des prescriptions des professionnels de santé ? Nous le pensons. Ce n'est du reste pas l'exploitation des bases de l'assurance maladie qui a permis de lever un certain nombre d'incertitudes sur l'existence d'un lien entre la consommation du Mediator et la valvulopathie et son influence sur la mortalité, mais le rapprochement des bases de l'hôpital (PMSI), de l'assurance maladie et de l'Insee. La France a une organisation unique au monde en matière de données, sous le contrôle de la Cnil. Il est possible de capitaliser intelligemment sur ces données afin d'améliorer la pharmaco-épidémiologie. Il est indispensable que le secteur public qui est responsable de l'AMM et de la sécurité sanitaire (et in fine le politique) réfléchisse à cette « capitalisation » des données entre les agences afin de faire émerger une expertise plus indépendante que celle que nous n'avons pas réussi à mettre en place pour les études d'AMM. C'est un sujet majeur.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Cela fait partie de la réflexion du groupe de travail. Une collaboration intelligente entre l'assurance maladie, l'Afssaps et l'InVS pourrait permettre de définir un certain nombre de règles. Il faut s'interroger tout autant sur la pertinence des questions posées que s'assurer de l'indépendance et de la méthodologie avec laquelle on y répond. La pharmacovigilance et l'exploitation des données cliniques sont un élément indispensable au système, en lien avec la pharmaco-épidémiologie. Les deux doivent travailler de concert dans un environnement sécurisé du point de vue des risques de conflits d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les examens et les études post-AMM sont financés par l'industrie pharmaceutique. Or, plus de la moitié de ces études même si certaines ont été prescrites depuis 2004 n'ont toujours pas été réalisées. L'industrie pharmaceutique risque de faire pression pour accéder à ces données. Il est plus difficile de garantir l'indépendance de l'expertise dès lors que l'industrie pharmaceutique a accès à ces données. Comment peut-on y remédier ? Doit-on ouvrir les bases de données à l'industrie pharmaceutique, comme au Royaume-Uni ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Le coût de fonctionnement du Système national d'informations inter-régions d'assurance maladie (Sniiram) est de 70 millions d'euros. L'accès à des données de santé pour des raisons de santé publique est légitime. Indépendamment de cette question, se pose la question de l'intérêt à agir des acteurs. Le secteur public est-il capable d'avoir un avis indépendant puisque c'est lui qui autorise et qui prend la décision de retrait ? Est-ce que l'accès aux données de l'assurance maladie aurait changé la donne dans l'affaire du Mediator ? Je ne le pense pas.

Dans le cadre de la décision d'autoriser des produits de santé en fonction du rapport bénéfices/risques, dès lors que la décision et la responsabilité sont du ressort des pouvoirs publics, comment s'assurer que la prise de responsabilité est la plus éclairée possible ? Nous devons être capables de capitaliser sur les talents qui existent et sur les données déjà disponibles afin de prendre des décisions de manière indépendante.

La question des experts pourrait trouver une solution relativement rapide. Les enjeux économiques sous-jacents sont sans commune mesure avec les coûts de fonctionnement des bases de données ou de remboursement des experts. Un investissement me paraît justifié s'il est bien utilisé. Or, les études d'un professeur universitaire-praticien hospitalier pour le compte du secteur public ne sont pas prises en compte dans le déroulement de sa carrière universitaire.

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Il n'y a aucune chance d'attirer des professionnels de haut niveau dans le cadre d'un tel système. Un professeur d'université-praticien hospitalier (PU-PH) devrait pouvoir faire carrière au sein d'une agence en valorisant ses études sur le plan universitaire tout en étant indépendant des industriels.

Il faudra sur ces questions être le plus précis possible. Au Royaume-Uni, est prévu un accès aux données sur un grand échantillon. Néanmoins, l'accès à l'ensemble des données nationales avec la localisation de tous les prescripteurs est de nature quelque peu différente. Notre système national est fondé sur une logique de remboursement de soins. Chaque pays s'est organisé en fonction de son système de soins. Il ne faut pas faire de transposition trop rapide. Ces sujets présentent un vrai enjeu éthique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne suis pas sûr que les industriels n'aient pas accès de façon plus ou moins clandestine aux dossiers pharmaceutiques. Ils sont remarquablement bien informés sur les pratiques des médecins. J'en suis personnellement très étonné.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

La question de l'accès aux données pose aussi celle des règles de déontologie selon lesquelles on les utilise, de la connaissance dont on en tire et de la manière dont on l'exploite. Aujourd'hui, ces règles ne sont pas encore clairement définies. Il nous paraît nécessaire de les préciser.

Nous ne pouvons pas justifier des décisions de régulation en amont par des demandes d'études en aval. Récemment nous avons eu à décider de l'opportunité d'inscrire un produit de santé sur la liste en sus de ceux qui avaient reçu un ASMR provisoire dans l'attente de disposer d'études complémentaires. Il y a eu un refus et c'est parfois, c'est difficile de dire non. Les autorités publiques doivent disposer d'experts indépendants à leurs côtés, même si les industries pharmaceutiques peuvent mener des études tout à fait utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Les contrats de bonnes pratiques seraient-ils de nature à limiter les prescriptions hors AMM ?

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Les réflexions sur ce sujet sont nombreuses. L'AMM traite de la question de l'entrée sur le marché d'un médicament entre l'Afssaps et les industriels du médicament. Aujourd'hui, d'autres agences, et surtout la HAS, émettent des recommandations qui sont fonction des données acquises de la science, sans s'occuper de la question de l'AMM. Ces recommandations hors AMM d'une autorité de santé fondent aujourd'hui l'art médical. Le rapport bénéfices-risques de chacune de ces recommandations n'est toutefois pas évalué. Il importe d'envisager la question des liens entre la HAS qui fait des recommandations, dont beaucoup hors AMM, et ce qui se passe dans d'autres lieux en amont avec des industries du médicament.

Aujourd'hui, avec le progrès médical, on se situe dans une impasse en l'absence d'évaluation pour chaque pathologie des conséquences en termes de bénéfices/risques. Il me semble qu'on est dépassé aujourd'hui par l'importance des prescriptions hors AMM dont les médecins n'ont même pas conscience et qui sont déconnectées de ce qui se passe en amont entre les agences européennes ou nationales et l'AMM.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Pour aborder la question du hors AMM, il faut poser d'abord la question de l'AMM. La science progresse parfois plus vite que les données des agences, notamment dans le cas des maladies rares. Le législateur a ressenti le besoin de mettre en place des dispositifs plus souples dans des cas de bénéfices/risques bien encadrés. Pour de très grandes classes de médicaments, le pourcentage de prescriptions hors AMM est extrêmement élevé. Cela dépend de la manière dont l'AMM a été demandée.

Quel est le regard des agences sur les demandes d'AMM déposées par les laboratoires ? Peuvent-elles demander des études complémentaires ? Quelles sont les sanctions possibles en cas de non-respect ? En fait, très peu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les agences répugnent, d'une manière générale, à sanctionner les laboratoires. Les projets de sanctions ne sont que rarement menés à terme. Nous devrions nous décider à davantage sanctionner les laboratoires, d'autant plus qu'ils disposent de moyens financiers suffisants.

Je ne pensais pas que les différences entre recommandations et AMM étaient d'une aussi grande ampleur. Dans le cas d'une étude de pharmacovigilance, un médicament prescrit dans telle indication présente-t-il davantage de risques quand il est prescrit pour une autre indication ?

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Dans le cas d'un même médicament prescrit dans le traitement soit de la polyarthrite rhumatoïde soit de cancers métastasés, l'évaluation du rapport bénéfices/risques est loin d'être semblable. Il y a des seuils différents pour un même médicament.

Le hors AMM ne peut pas être contrôlé. Les médecins, du reste, ne s'y retrouvent pas entre l'AMM et le hors AMM, même pour des médicaments courants. C'est dans le dispositif même de régulation du système de soins, de mise sur le marché et de recommandation qu'il faut trouver la solution.

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Nous y travaillons.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Il faut peser le rapport bénéfices/risques. Pour le Mediator, d'après les études réalisées, ce rapport paraissait faible parce que le bénéfice était faible. Il faut toujours rechercher un équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Le préjudice évalué est de 400 millions d'euros. Si demain une transaction est proposée par les laboratoires Servier avec le versement d'une somme quelque peu moindre, quelle serait la réaction de la Caisse ?

Compte tenu de votre étude qui présente un caractère statistique, la preuve médicale à apporter devra être étayée pour chacun des patients. Comment cela devra-t-il se passer ? Servier évalue à une quarantaine le nombre de cas de valvulopathies sous Mediator et reconnaît quatre décès qui pourraient être imputables au médicament. La procédure judiciaire s'annonce longue et difficile. Comment voyez-vous l'évolution de ce dossier ? Qu'en est-il si un patient acceptait un arrangement amiable ?

Il y a actuellement soixante-dix-sept médicaments sous surveillance. Comment la Cnam envisage-t-elle de procéder à une étude de certains de ces médicaments à l'instar de celle qui a été menée pour le Mediator ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Avez-vous procédé à des études semblables pour les antidiabétiques Rosiglitazone et Pioglitazone ? Si oui, quels sont les premiers résultats ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Concernant le préjudice, il y a trois chefs de préjudice. Pour les soins délivrés aux victimes, l'imputabilité devra être démontrée devant les tribunaux au cas par cas. C'est la raison pour laquelle nous avons ouvert une seconde voie qui est de poser la question au juge si du point de vue de l'assurance maladie, les informations communiquées par le laboratoire ont été exhaustives et si un certain nombre de ces informations n'avaient pas été cachées, ce qui aurait conduit à différer la décision des pouvoirs publics. Le préjudice représente alors l'ensemble des remboursements des régimes d'assurance maladie pour la période où le médicament n'aurait pas dû être autorisé à l'AMM. Le procureur de la République de Paris vient de désigner des juges d'instruction sur deux chefs de préjudice distincts : tromperie aggravée et homicide involontaire. Le procureur de la République remonterait jusqu'en 1973.

Dès lors qu'il n'y a pas de class action en France, seuls l'assurance maladie ou les pouvoirs publics pouvaient déposer plainte au nom de l'ensemble des assurés. Nous avons jugé qu'il était nécessaire de ne pas rester dans le cadre des contentieux antérieurs. Si on se pose la question des conséquences au sujet de l'Isoméride en France, on constate qu'elles sont inexistantes du point de vue de la collectivité publique. Notre analyse a été la suivante : si la justice ne tranche pas ce sujet, dans les circonstances actuelles et compte tenu de la législation, il nous semble que le bénéfice est plutôt favorable à un retrait tardif, tout au moins en termes économiques, qu'au risque d'être sanctionné économiquement par rapport à ce retrait tardif.

Nous demandons au juge de trancher et de faire jurisprudence s'il considère l'existence de certains manquements. L'article L. 213-6 du code de la consommation prévoit que les personnes morales reconnues responsables pénalement encourent un certain nombre d'amendes. Le code de la santé publique souligne que les laboratoires restent responsables des produits qu'ils mettent sur le marché. La qualité essentielle du produit a-t-elle été clairement indiquée aux pouvoirs publics ? Il s'avère, à la lecture du rapport de l'Igas, que le caractère anorexigène a été nié par le laboratoire. Il appartient au juge d'en décider. Nous demandons au juge d'établir si nous sommes en face d'un produit dont les caractéristiques essentielles ont été niées et si tel est le cas nous demandons réparation du préjudice du maintien de ce produit pendant un certain nombre d'années.

A ce stade, nous n'envisageons pas de transaction.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Non, nous n'avons pas de contact avec les laboratoires Servier. Il s'agit d'un sujet de jurisprudence. Il me paraît assez sain que la justice se prononce en toute équité et en toute impartialité.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

N'étant pas avocat, je ne me prononcerai pas. Pour ce qui est des chefs de préjudice, nous avons agi en toute indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pouvez-vous apporter une réponse sur les soixante-dix-sept médicaments ?

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Les laboratoires présentent des résultats populationnels (essais thérapeutiques) pour obtenir une AMM. Ce sont des études statistiques qui cherchent à démontrer le bénéfice d'un médicament. L'étude de groupe montre un risque de valvulopathie multiplié par quatre par rapport au groupe témoin. Cette étude des pouvoirs publics qui ressemble à celle des industriels ne semble pourtant pas être entendue. Ce n'est, j'en conviens, pas un essai. Les essais présentent, toutefois, une autre faiblesse en sélectionnant les populations de façon assez favorable pour répondre à la question. Dans le cadre de notre étude, nous avons pris l'ensemble de la population. Nous avons recherché à nous mettre dans une situation défavorable. Nous avons placé les personnes qui ont pris une ou deux boîtes de benfluorex en 2006 dans le groupe benfluorex. De plus, parmi le groupe non benfluorex, nombreux avaient pu en prendre avant 2006. Le signal est donc extrêmement puissant même s'il est effectivement d'ordre statistique, comme tous les essais thérapeutiques.

Devant un patient donné, il revient au juge de décider si le médicament est ou non en cause. Symétriquement, les guérisons ne sont pas toutes dues aux médicaments.

Parmi les soixante-dix-sept médicaments, je citerai l'exemple du vaccin contre le risque du cancer du col de l'utérus Gardasil. L'objectif est d'être certain de l'absence de risque, notamment suite aux polémiques autour du vaccin contre l'hépatite B. Pour l'instant, aucun élément n'est relevé sur les bases de données.

Concernant les deux médicaments que vous avez cités, nous sommes en train de recueillir des données sur plusieurs années. L'étude est en cours. Les résultats transmis à l'Afssaps sont extrêmement préliminaires et doivent donc être maniés avec précaution. Pour l'instant, il n'y a pas de signaux spécifiques ni dans un sens ni dans l'autre. Nous devons affiner notre étude via une approche doses/effets. Les études doivent être réalisées dans des conditions très rigoureuses. Pour l'instant, nous ne donnons pas de réponse sur ces produits par rapport à leurs effets secondaires en l'absence d'éléments probants.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Quid si Mme Frachon n'avait pas fait son étude ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Mmes Irène Frachon et Catherine Hill, de part leur expérience professionnelle, ont été à l'origine d'une sollicitation. Catherine Hill s'est mise dans un environnement relativement indépendant du laboratoire pharmaceutique en utilisant les données de l'assurance maladie. Nous avons répondu à sa demande immédiatement. Ces données ont joué un rôle important.

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Avec les moyens du bord, Mme Frachon a essayé de déterminer la responsabilité du benfluorex. Si son étude peut être critiquable, elle a constitué un signal fort avec les éléments cliniques dont elle disposait. Les autorités doivent être attentives à ce type de travail. C'est le principe même de la pharmacovigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Concernant les prescriptions hors AMM, le Groupe Servier a contesté vos statistiques sur le mésusage. Vous parvenez à des chiffres de 30 % pour le Mediator. Il nous a transmis les chiffres de l'institut Thalès : les prescriptions pour des patients obèses ou en surcharge pondérale non diabétiques hors AMM n'auraient été que de 11,5 % en 2004-2005 et de 10,7 % en 2005-2006. Entre 2004 et 2009, 11,2 % des prescriptions de Mediator par les médecins généralistes auraient été réalisées chez des patients obèses ou en surcharge pondérale. Connaissez-vous ces statistiques ?

Debut de section - Permalien
Hubert Allemand, médecin conseil national de la Cnam

Plus de 400 000 personnes ont pris du Mediator en 2006. Nous comptons autour de 60 000 diabétiques qui ont pris du Mediator cette même année. Doivent être ajoutés les diabétiques non traités par des hypoglycémiants oraux ou par de l'insuline. Pour parvenir à ces chiffres, ceci signifierait que de nombreux diabétiques n'étaient traités que par un régime et du Mediator.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je voudrais aborder la question du prix des médicaments et de vos relations avec la Commission de la transparence et le Ceps.

Thésorimed est la base de données indépendante dont les médecins disposent. Beaucoup de mes collègues ne connaissent toutefois pas l'existence de Thésorimed établi à partir de la base Thériaque. La gestion de cette base est privée. Ce n'est pas la HAS qui en a la responsabilité. Il m'aurait paru plus cohérent qu'on rassemble sous une même tutelle l'information des médecins. Disposer d'une gestion indépendante, y compris de l'assurance maladie, ne me paraîtrait pas absurde pour se prémunir contre les critiques d'éventuels conflits d'intérêts, bien que vous ne fixiez pas le prix des médicaments. J'ai consulté la base Thésorimed, mais je n'ai pas remarqué que vous donniez l'ASMR. Cela mériterait d'y figurer.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Nous devons examiner la possibilité d'une amélioration s'agissant de l'ASMR en lien avec la HAS.

Concernant le prix du médicament, l'équilibre repose sur une collégialité au sein du Ceps : trois voix pour les assurances maladie obligatoires, une voix pour l'assurance complémentaire et quatre voix pour les représentants de l'Etat. Plus on augmente le poids des assureurs, plus on durcit potentiellement la tarification.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous ne seriez pas opposé à une augmentation de votre participation au sein du Ceps.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

C'est au Parlement d'en décider. A titre personnel, une représentation paritaire ne me paraîtrait pas choquante.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La présence au sein de cet organisme de représentants du ministère des finances peut paraître étonnante. C'est en effet, à ce jour, l'assurance maladie qui est le financeur du médicament.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Les modèles étrangers, notamment allemand, peuvent être examinés sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez un rapport direct avec les médecins libéraux en fixant la convention. Or, l'industrie pharmaceutique est une industrie libérale. Si vous êtes capable de fixer le prix des honoraires médicaux, ne seriez-vous pas capable de négocier avec les laboratoires pour fixer le prix des médicaments ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

C'est une question qui doit être tranchée par les responsables politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

C'est vous qui déterminait le taux de remboursement du médicament. En fonction de quels critères l'établissez-vous ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Nous sommes liés aux dispositions législatives et réglementaires. Le taux est totalement déterminé par l'évaluation du service médical rendu (SMR), à l'exception des médicaments qui peuvent être prises en charge à 100 % du fait de leur caractère essentiel par rapport au risque patient. La prise en charge à 100 % est décidée par l'Etat. Notre travail consiste à inscrire le niveau de prise en charge conformément au décret en Conseil d'Etat qui détermine ce taux en fonction du SMR.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

C'est la Commission de la transparence qui fixe le taux.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Oui. C'est une compétence purement administrative. Nous avons considéré que dès lors que le SMR était insuffisant, nous ne pouvions pas, de par les textes, inscrire un quelconque taux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les médicaments qui rendent un service médical important bénéficient d'un remboursement à 65 %. Néanmoins, il peut aussi se retrouver en ASMR 5. Certains médicaments n'apportent rien par rapport à l'arsenal existant mais sont malgré tout pris en charge à 65 %. On nous dit que s'ils sont inscrits, c'est qu'ils permettent à la sécurité sociale de réaliser des économies. Néanmoins, la situation ne me paraît pas cohérente. Vous écriviez dans une note publiée le 13 mars 2008 : « 45 % de ces dépenses supplémentaires concernent des molécules qui ne présentent pas ou peu d'amélioration du service médical rendu (ASMR 4 et 5) par rapport à l'arsenal thérapeutique préexistant ». Ces médicaments sont mis sur le marché pour vous permettre de faire des économies. Or apparemment, ceci entraîne une augmentation des dépenses.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Une analyse écrite pourra être réalisée. Il y a des effets d'offre. Les économies doivent être évaluées par rapport à un niveau défini (génériques ou produit princeps). Je pense qu'il y a une part de vérité dans ce qui est écrit. Nous devons toutefois approfondir et donner des exemples.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ceci signifierait que la réglementation de la sécurité sociale n'est pas respectée.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Les économies sont toujours relatives.

Pour ce qui est des comparaisons avec les pays internationaux, nous venons de finaliser une étude comparative avec huit pays européens. Nos politiques de réduction des volumes de prescriptions se montrent assez efficaces. L'écart a été réduit ces trois dernières années. Néanmoins, nous restons le premier pays en termes de dépenses de médicaments par habitant. La question du mix entre les produits est vraisemblablement une des questions à traiter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Si l'assurance maladie fixait elle-même les prix, vous ne pourriez plus adresser de critiques.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Nous serions effectivement obligés de prendre position.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Quel est votre rôle au Ceps ? Il n'y a, à mon sens, pas de transparence.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

Les débats sont confidentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je reste personnellement un partisan du transfert de la compétence du prix des médicaments à l'assurance maladie.

Debut de section - Permalien
Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam

C'est un équilibre qu'il convient de peser au niveau politique.