La délégation procède à l'examen du rapport d'activité portant notamment sur le thème « Femmes et Sports ».
De façon un peu exceptionnelle, notre rapport d'activité couvrira une période de 18 mois, allant de janvier 2010 à juin 2011. En effet, les réflexions que nous avons conduites sur la parité à l'occasion de la réforme territoriale ont largement occupé les six premiers mois de l'année 2010. Plutôt que de publier un rapport d'activité qui n'aurait couvert que six mois, il m'a semblé préférable d'englober le premier semestre 2010 dans notre rapport 2010-2011.
Ce rapport porte sur une période où notre délégation a connu une forte activité législative, puisque nous avons publié cinq rapports sur les projets ou propositions de loi dont nous étions saisis.
Saisis par la commission des lois de la réforme territoriale, nous nous sommes inquiétés de son impact sur la parité. Le mode de scrutin finalement retenu par le Gouvernement - le scrutin uninominal majoritaire - n'étant pas par nature favorable à l'accès des femmes aux mandats électoraux, nous avions, à l'unanimité, recommandé de lui substituer un « scrutin binominal » reposant sur l'élection d'un binôme paritaire.
Notre délégation a également adopté à l'unanimité les recommandations que nous avait proposées Françoise Laborde, notre rapporteure sur les deux propositions de loi relatives aux violences au sein du couple.
C'est également à l'unanimité que notre délégation a adopté le rapport de Christiane Hummel sur le projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.
Notre Première vice-présidente, Jacqueline Panis, a été notre rapporteure sur le projet de loi de réforme des retraites et ses recommandations se sont efforcées d'apporter des mesures correctrices ou transitoires en faveur des retraites des femmes, qui sont très inférieures à celles des hommes.
Notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a été notre rapporteure sur les propositions de loi relatives à la parité dans la gouvernance des entreprises.
Une brève mention de nos activités de contrôle pour rappeler les trois questions orales avec débat déposées par des membres de notre délégation : celles que j'ai posées sur la situation des personnes prostituées et sur la politique de contraception et d'interruption volontaire de grossesse, ainsi que la question posée par Catherine Morin-Desailly, vice-présidente de notre délégation, sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Dans le cadre du suivi de la politique gouvernementale, nous nous sommes également inquiétés de la baisse des crédits budgétaires consacrés par le projet de loi de finances pour 2011 aux actions en faveur des droits des femmes, regroupés dans le programme 137. Nous sommes parvenus, avec nos collègues de l'Assemblée nationale, à obtenir une rallonge de 2,5 millions d'euros de crédits qui devraient permettre au Service des droits des femmes de retrouver des marges de manoeuvre dans les subventions qu'il accorde aux associations.
Au cours de cette période, notre délégation a également engagé un certain nombre de contacts internationaux, en participant à des conférences internationales ou en accueillant des personnalités ou des délégations étrangères.
En premier lieu, notre délégation participe régulièrement aux réunions des commissions de l'égalité des parlements nationaux de l'Union européenne et du Parlement européen. Je remercie Catherine Morin-Desailly qui nous y a représentés lors d'une réunion à Madrid en avril 2010, puis à Bruxelles, accompagnée de Yannick Bodin, en mars 2011.
J'adresse aussi mes remerciements à Jacqueline Panis et Odette Terrade qui ont participé en février 2010 à une conférence au Caire sur les « femmes parlementaires comme élément de changement », ainsi que Anne-Marie Payet qui a participé, en mai 2010, à une conférence organisée par l'OCDE, sur « l'égalité des genres dans les secteurs publics et privés », et Françoise Laborde qui s'est rendue au Chili, en mars 2011, pour nous représenter dans un séminaire international relatif à la « féminisation de la pauvreté ».
Nous avons également accueilli, au Palais du Luxembourg, une délégation de sept femmes parlementaires d'Afrique et d'Afrique du Nord dans le cadre d'un séminaire organisé par le PNUD. Elles ont participé à l'une de nos réunions sur le thème « femmes et sports ».
Nous avons également été plusieurs, outre Jacqueline Panis et moi-même, à recevoir au Sénat Mme Shoukria Haïdar, présidente de NEGAR-Soutien aux femmes d'Afghanistan, lors de son passage à Paris, puis de la conférence de presse qu'elle a donnée au Palais du Luxembourg.
J'en viens maintenant à la présentation des conclusions que nous pouvons tirer de nos travaux sur notre thème de réflexion « Femmes et sports ».
Nous avons procédé à une vingtaine d'auditions qui nous ont permis de recueillir un grand nombre de points de vue :
- celui des universitaires qui ont pu tracer le cadre de notre réflexion ;
- celui des personnalités politiques qui se sont intéressées au développement du sport féminin ;
- celui du mouvement sportif à travers les auditions du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et de quelques grandes fédérations sportives (football, gymnastique, équitation, sport scolaire) ;
- celui d'élus locaux, car, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, les communes font et peuvent faire beaucoup ;
- celui des médias (L'Équipe, France Télévisions, TF1 et LCI), car la médiatisation du sport est un levier déterminant de son développement.
Nous avons également entendu les différents responsables administratifs en charge du secteur des sports, Brigitte Deydier qui avait en 2004 rendu un rapport remarqué, ainsi que, le 12 mai dernier, Chantal Jouanno, ministre des sports.
J'ajoute que nous avons également effectué, le jeudi 28 avril dernier une visite de l'INSEP qui nous a permis de visiter les installations de cet établissement public qui prépare nos athlètes de haut niveau aux grandes compétitions sportives, et en particulier aux Jeux olympiques. A cette occasion, nous avons pu avoir des échanges très intéressants avec des dirigeants, mais aussi avec de jeunes sportifs et avec ceux qui les entraînent. Ces entretiens nous ont confirmé que les attentes des sportives en matière d'entraînement présentaient des spécificités qu'il convenait de mieux prendre en compte.
Au terme de ce large tour d'horizon, un certain nombre de constats se dégagent.
L'accès des femmes à la pratique sportive n'allait pas de soi, au début du XXème siècle, compte tenu des origines masculines et militaires du sport, et des conceptions de Pierre de Coubertin, hostile à ce qu'il appelait « des olympiades femelles ». L'accès des femmes au sport s'est d'abord effectué en marge des institutions masculines, avec des pionnières comme Alice Milliat, avant de progressivement gagner celles-ci. Ces conquêtes ont été progressives et les choses ne sont pas allées toutes seules.
Au cours des vingt dernières années, les progrès ont résulté d'une double impulsion : celle des conférences internationales, comme la conférence de Brighton de 1994 ou les conférences européennes du réseau femmes et sports et celles des pouvoirs publics français qui, à la suite des Assises nationales femmes et sport organisées par Marie-George Buffet en 1999, ou du rapport de Brigitte Deydier en 2004, se sont engagés dans une politique volontariste pour favoriser l'accès des femmes à la pratique sportive et aux postes de responsabilité dans les associations sportives.
Peut-on considérer que nous sommes parvenus à une situation égalitaire ? Certes, 64 % de femmes déclarent pratiquer une activité sportive, mais l'impression d'égalité est trompeuse pour plusieurs raisons. Leur pratique sportive diffère de celles des hommes, pas seulement parce qu'elles sont plus sensibles à la dimension « sport de santé, d'entretien » mais aussi parce qu'elles ne sont que 35 % à prendre une licence dans une fédération, contre 65 % des hommes. La force des stéréotypes les concentre vers certaines disciplines : la danse, la gymnastique, le patinage, la natation, l'équitation, et leur en fait délaisser beaucoup d'autres. Bref, on retrouve une forme de répartition et de segmentation par genre comparable à ce que l'on connaît en matière d'orientation professionnelle. En outre, la pratique féminine est plus affectée par les inégalités sociales, particulièrement dans les quartiers populaires où elle se heurte à des facteurs « culturels ».
Le sociologue William Gasparini nous a indiqué, à partir d'enquêtes réalisées à Strasbourg et à Grenoble, que seulement 32 % de filles pratiquaient un sport en club dans les ZEP contre 51 % dans la moyenne nationale et 86 % dans les classes moyennes et supérieures. D'une façon générale, l'écart de pratique sportive entre filles et garçons est plus important parmi les jeunes d'origine étrangère.
D'autres raisons contribuent en outre à exclure les filles des activités physiques et sportives dans les quartiers : le fait que les animateurs sportifs soient souvent des hommes et privilégient des activités qui intéressent les garçons ; et le fait que les garçons s'arrogent naturellement les espaces publics créés dans le cadre de la politique de la ville et ouverts à des pratiques auto-organisées.
Bref, comme les choses n'évolueront pas toutes seules dans le bon sens, nous devons inciter les différents acteurs du monde sportif à engager des politiques volontaires pour encourager et élargir la pratique sportive féminine.
Je vous propose de commencer par trois recommandations de portée générale qui s'adressent à l'ensemble des acteurs du sport : ministère des sports, mouvement sportif et collectivités territoriales.
La pratique féminine étant très concentrée, on l'a vu, sur quelques disciplines sportives, il faut en premier lieu encourager les femmes et les filles à s'adonner aussi à des sports considérés aujourd'hui comme « masculins ». Les exploits réalisés par des sportives - je pense par exemple au succès des Lyonnaises qui viennent de remporter la Ligue des champions féminine de l'UEFA - peuvent constituer un exemple à suivre.
Mais le développement de la pratique féminine sportive ne doit pas se limiter à un alignement sur les modèles masculins et les acteurs du sport doivent aussi s'attacher à mieux prendre en compte qu'ils ne le font aujourd'hui les attentes spécifiques des femmes. Nous devons donc aussi leur recommander de développer la part du « sport santé » dans la gamme des activités physiques et sportives qu'ils proposent.
Enfin, troisième point, le développement de la pratique sportive féminine suppose de porter une attention plus grande aux conditions pratiques de son exercice.
Les femmes sont davantage que les hommes prises par le temps qu'elles consacrent à leur famille et à l'éducation de leurs enfants. Il y a plusieurs façons d'en tenir compte :
- développer des activités croisées mères-enfants (dans le Pas-de-Calais, on propose des activités sportives aux femmes qui viennent déposer leurs enfants au foot) ;
- proposer la création de crèches ou de structures d'accueil des jeunes enfants, comme le fait par exemple la Fédération de courses d'orientation au départ de ses courses ;
- se montrer plus attentifs à la desserte des équipements sportifs par les transports en commun. Bref, des axes d'action pratiques et concrets pour lever quelques obstacles à la pratique féminine.
Nos auditions ont également souligné l'intérêt du formidable laboratoire de la mixité et de l'égalité que constitue le sport à l'école : les cours d'éducation physique et sportive y sont en effet dispensés indistinctement aux filles et aux garçons. Il faut s'en réjouir.
Pour en tirer parti, je vous propose donc - c'est notre recommandation 4 - d'inciter les acteurs du sport à s'inspirer de ce laboratoire de la mixité pour étendre la pratique mixte de certains sports au-delà du cadre scolaire et parascolaire.
Il convient cependant de lutter contre une certaine désaffection qui se produit au fur et à mesure de l'avancée des élèves dans leur cursus scolaire et qui est plus marquée chez les filles, en particulier dans les milieux défavorisés. Je vous propose, dans notre recommandation 5, d'apporter notre soutien à un certain nombre de pistes qui nous ont été suggérées, comme la labellisation des associations et des clubs sportifs qui s'impliquent dans le sport féminin ou l'organisation de championnats au niveau des écoles, des collèges, des lycées qui renforceraient l'implication de leurs élèves.
Il est indispensable d'associer les municipalités à toute action volontaire en faveur de l'égalité dans le sport, car même si aucun texte ne les y oblige, elles sont, avec leurs groupements, très présentes dans l'organisation du sport en France, à travers leurs équipements ou les activités qu'elles soutiennent et organisent.
Nos auditions ont relevé que la fréquentation des équipements sportifs restait majoritairement masculine. Cela peut tenir à l'ancienneté de leur conception, aux disciplines pour lesquelles ils sont conçus, à la force des habitudes ou, plus récemment, aux effets induits de la politique de la ville qui a encouragé la création d'infrastructures en libre accès que les garçons ont tendance à accaparer.
Nous pourrions, si vous en êtes d'accord, formuler trois recommandations pour y remédier :
- pour les nouveaux équipements : prendre systématiquement en compte l'égal accès des femmes et des hommes aux activités sportives dans leur cahier des charges, de façon à ce que ceux-ci soient adaptés non seulement à l'accueil d'un public féminin, mais également à l'organisation d'activités « fémino-compatibles » (recommandation 6) ;
- pour les anciens équipements : incitons le ministère des sports, dans le cadre de son recensement des équipements sportifs, à évaluer systématiquement l'adaptation du parc actuel à une pratique mixte et, sur la base de cette évaluation, recommandons que les aides financières à leur rénovation soient subordonnées à leur mise en conformité avec les exigences d'une fréquentation équilibrée par les femmes et par les hommes (recommandation 7) ;
- enfin, troisième axe, invitons les communes et leurs groupements à se montrer attentifs aux exigences particulières de la pratique féminine sportive, en veillant à ce que celle-ci soit encouragée par une offre d'activités davantage ouvertes vers le bien-être et la santé, attribuant à la pratique féminine des horaires adaptés et intégrant la mixité dans les critères d'attribution des subventions municipales aux clubs de sport (recommandation 8). Je crois d'ailleurs qu'en matière de sport-santé, il y a beaucoup à faire pour les activités du 3e âge.
Le sexe des encadrants a une influence sur celui des pratiquants. Cela est vrai partout mais c'est plus sensible encore dans les quartiers où l'écart entre les pratiques féminines et masculines est très accentué et où l'encadrement reste très masculin.
Il me paraît donc indispensable d'inciter un plus grand nombre de jeunes filles issues de ces quartiers à préparer les brevets du ministère des sports ou les diplômes de « sciences et techniques des activités physiques et sportives » (STAPS) proposés par l'éducation nationale. Elles pourraient ainsi alimenter le vivier de professeurs et d'éducateurs sportifs dont on a besoin dans les quartiers populaires. Telle pourrait être notre recommandation 9.
J'en viens maintenant à l'encadrement des politiques sportives et au sport de haut niveau. Les inégalités y sont plus manifestes.
L'encadrement des politiques sportives tout d'abord : qu'il s'agisse des structures administratives du ministère ou des instances dirigeantes du Mouvement sportif et du Mouvement olympique, la proportion des femmes tend à se réduire au fur et à mesure que l'on progresse dans les échelons de décision.
Outre qu'il est porteur d'injustices, ce phénomène de « plafond de verre » ne contribue pas à une bonne prise en compte du sport féminin et des attentes spécifiques des femmes en matière de pratique sportive.
Même si le portefeuille des sports a été confié à sept reprises à des ministres femmes, l'encadrement administratif du ministère reste très masculin.
D'après le dernier rapport sur la féminisation du sport établi par le ministère en 2009 :
- aucune direction de l'administration centrale n'était dirigée par une femme ;
- dans les services déconcentrés, les femmes n'occupent que 12 % des postes de directeur régional et 14 % des postes de directeur départemental ;
- elles sont, en revanche, plus nombreuses - un tiers environ - dans les postes d'adjointes aux directeurs de service ou de sous-directrices de l'administration centrale.
Le même phénomène se retrouve dans les centres régionaux d'éducation populaire et du sport (CREPS), des établissements publics de formation répartis sur le territoire qui assurent à la fois la préparation des sportifs de haut niveau et la formation des enseignants du sport, en particulier celles des agents des collectivités publiques et des cadres bénévoles permanents des associations.
Thierry Maudet, le directeur de l'INSEP, très sensible à cette problématique, nous a indiqué que même si la mixité était en apparence mieux assurée dans l'organigramme de son établissement, la division sexuelle des tâches restait très marquée : les femmes sont bien représentées dans les fonctions support et les ressources humaines mais se font rares dans les services techniques et l'encadrement des sportifs.
Les femmes restent également minoritaires parmi les conseillers d'animation sportive placés auprès des services déconcentrés pour développer les politiques locales et parmi les conseillers techniques sportifs placés par le ministère auprès des fédérations sportives.
C'est d'autant plus regrettable que l'on assiste depuis quelques années à une amélioration sensible de la proportion de femmes parmi les nouveaux titulaires de brevets et de diplômes sportifs : en 2009, les femmes ont représenté 20 % des candidats reçus au brevet d'éducateur sportif, 45 % au brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports, et entre 38 et 48 % aux diplômes des filières universitaires du sport.
Ces données encourageantes confirment qu'aucune fatalité ne renvoie la parité dans le sport à un horizon inaccessible. Ainsi, et ce sera notre recommandation 10, il faut inviter le ministère des sports à rechercher un véritable équilibre entre les femmes et les hommes dans l'encadrement administratif et la mise en oeuvre des politiques sportives.
Les femmes restent peu présentes à la tête des fédérations sportives : à peine un quart des membres élus des comités directeurs, un cinquième des élus aux bureaux. Seules 11 fédérations sur 117 sont présidées par des femmes.
La loi du 6 juillet 2000 a pourtant subordonné l'agrément des groupements sportifs et des fédérations à l'introduction, dans leurs statuts, de dispositions garantissant l'égal accès des femmes et des hommes à leurs instances dirigeantes. Ce principe se traduit par l'obligation de respecter au sein de leur direction la même proportion d'hommes et de femmes que parmi leurs licenciés.
Cette règle va dans le bon sens, mais outre qu'elle se heurte encore parfois à certaines réticences, elle est dépourvue de tout effet pratique dans les fédérations - et elles ne sont pas rares - qui sont très masculinisées ou très féminisées. Seule Mme Sauvageot, qui préside la Fédération d'éducation physique et de gymnastique volontaire (une fédération féminisée à 95 %), semble avoir perçu et dénoncé le problème. Les hommes ne voient aucun inconvénient à rester entre eux à la tête de fédérations presque exclusivement masculines.
Pour éviter cet inconvénient et appeler à davantage de mixité dans les fédérations, nous pourrions proposer de compléter la règle de proportionnalité en précisant qu'elle ne doit pas conduire à attribuer moins de 20 % des sièges au sexe le moins représenté. Ce serait notre recommandation 11 et je crois que c'est un point important pour les inciter à développer la pratique sportive du sexe minoritaire.
La mise en oeuvre de ce dispositif serait facilitée par la substitution du scrutin de liste au scrutin uninominal actuellement en vigueur car ce mode de scrutin, plus favorable à la parité, permettrait en outre aux femmes de surmonter les réticences qu'elles éprouvent à se présenter aux élections des fédérations (recommandation 12).
Pour encourager les femmes à se présenter et à exercer ces responsabilités dans des milieux très masculins, je vous propose en outre de recommander la création d'un réseau officiel de femmes dirigeantes sportives et la mise en place d'un système de parrainage des nouvelles élues (recommandation 13).
Le « plafond de verre » se retrouve également au sein des instances dirigeantes du Mouvement olympique, malgré les recommandations formulées par le Comité international olympique (CIO) de réserver à des femmes 20 % des postes dans les instances décisionnelles de l'ensemble du Mouvement olympique.
Quelques exemples :
- au sein du CNOSF, les femmes représentent près de 18 % des membres du conseil d'administration, mais une seule d'entre elles siège au bureau exécutif ;
- le comité d'organisation des Jeux olympiques de Londres ne compte qu'une femme, la princesse Anne, parmi ses 19 membres ;
- avec 3 femmes sur ses 24 membres élus, le comité de candidature d'Annecy 2018 se rapproche, mais sans l'atteindre, de l'objectif de 20 %.
Si, comme il faut le souhaiter, la candidature d'Annecy était retenue pour l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 2018, le CNOSF devra veiller à ce que la composition du futur comité d'organisation des Jeux olympiques respecte cet objectif minimum de 20 % de femmes. Il faut aussi inviter le CIO à prendre en compte à l'avenir, parmi les critères de sélection des villes candidates à l'organisation des Jeux, le respect de cette règle dans la composition des comités de candidature. Telle pourrait être notre recommandation 14.
D'une façon générale, nous devons recommander au CIO de veiller à ce que tous les comités nationaux olympiques et toutes les fédérations internationales olympiques réservent au moins 20 % des sièges dans leurs structures décisionnelles à des femmes (recommandation 15).
J'en viens maintenant au sport de haut niveau.
Certes, de grands progrès ont été enregistrés depuis les débuts du Mouvement olympique, quand le baron de Coubertin refusait d'envisager la participation des femmes aux Jeux olympiques.
Aujourd'hui, la totalité des disciplines olympiques comporte des compétitions féminines, mais ces dernières restent malgré tout moins nombreuses que les compétitions masculines, tout comme le nombre de médailles qui les récompensent.
En France, les femmes sont, dans bien des disciplines sportives, proportionnellement plus nombreuses dans le haut niveau que dans la population des licenciés des fédérations, mais elles sont globalement deux fois moins nombreuses que les hommes aussi bien dans la liste ministérielle des sportifs de haut niveau que dans la délégation que la France enverra aux Jeux olympiques.
Nous devons inciter les pouvoirs publics à consacrer davantage d'efforts à nos sportives de haut niveau pour plusieurs raisons.
En premier lieu, parce que, comme le rappelait le directeur des sports, la France ne conservera son rang dans le classement des nations sportives que si elle améliore les victoires de ses championnes. Aux derniers Jeux olympiques d'été, les femmes ont en effet remporté, en proportion, moins de médailles que les hommes, alors qu'elles étaient en revanche plus nombreuses dans la proportion des finalistes non médaillées.
Si la France ne veut pas régresser par rapport à d'autres nations qui ont compris l'avance que pouvaient leur apporter les victoires féminines, elle doit consentir un important effort en faveur du sport féminin de haut niveau. Il faut en particulier mieux prendre en compte la spécificité de l'entraînement des sportives, spécificité que notre visite à l'INSEP nous a permis de mieux percevoir et qui ne peut être assurée que grâce à une plus grande mixité des équipes chargées de l'entraînement (recommandation 16).
La seconde raison qui milite en faveur d'une plus grande attention au sport féminin de haut niveau tient à son pouvoir d'entraînement sur la pratique du plus grand nombre. Les fédérations peuvent trouver dans les victoires de leurs championnes des exemples positifs susceptibles de déclencher chez les femmes et les jeunes filles l'envie de pratiquer leur sport, à condition bien sûr que ces victoires soient relayées par les médias mieux qu'elles ne le sont aujourd'hui.
Deux de nos recommandations (les 17 et 18) tendent à améliorer cette visibilité médiatique :
- en proposant d'introduire dans le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions des dispositions garantissant une meilleure visibilité des compétitions féminines et du sport féminin en général ;
- en insistant pour que le projet de chaîne de télévision sportive privée gratuite contribue aussi à une meilleure retransmission des compétitions féminines.
Par ailleurs, les médias véhiculent encore trop souvent, à l'occasion des rencontres sportives et de ce qui les entoure, des remarques sexistes. Notre recommandation 19 propose pour y remédier de compléter la « Charte pour l'image de la femme dans les médias » par un volet relatif aux émissions et aux retransmissions sportives.
Enfin, et j'aborde le tout dernier volet de notre rapport, je crois que nous devons tirer parti des Jeux olympiques de Londres pour faire progresser la façon dont est perçu le sport féminin. Dans cette perspective, et pour éviter certaines régressions, il faut inviter le Mouvement olympique à réaffirmer son attachement à trois principes fondamentaux qui sont consacrés par la Charte olympique et à en tirer les conséquences qui s'imposent.
Premier de ces principes, celui de la neutralité du sport. Il est consacré par la règle 51.3 de la Charte olympique qui interdit toute sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale dans l'enceinte olympique. Ce principe doit faire obstacle à ce que certains États imposent à leurs athlètes femmes le port du voile ou d'un de ses succédanés, car on ne peut se méprendre sur la signification de ce type de tenue.
Il faut, c'est l'objet de notre recommandation 21, réaffirmer que le principe de neutralité du sport s'oppose au port de signes religieux par les sportives participant aux compétitions olympiques et internationales et appeler par conséquent les autorités françaises à relayer cette préoccupation auprès du CIO par le biais du CNOSF et des athlètes qui composeront la délégation française.
Second principe, le refus de toute discrimination fondée sur le sexe, figurant dans le cinquième principe de la Charte olympique.
Même si le nombre de délégations qui ne comportent aucune athlète féminine s'est beaucoup réduit, on peut légitimement se demander si le Mouvement olympique doit continuer d'accepter la participation de pays qui semblent s'en affranchir, dans la composition de leurs délégations nationales.
Il faut aussi demander au Mouvement olympique de ne plus cautionner l'organisation de Jeux séparés pour les femmes car ceux-ci institutionnalisent une discrimination fondée sur le sexe et aboutissent à une véritable ségrégation sexuelle dans le sport. Tel est l'objet de notre recommandation 22.
Troisième principe, consacré par la Charte olympique, celui de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce principe d'égalité est loin d'être atteint. Même si la quasi-totalité des disciplines olympiques comportent à la fois des compétitions masculines et des compétitions féminines, de fortes disparités subsistent dans le nombre d'épreuves : ainsi en canoë-kayak (11 contre 5), en tir (9 contre 6), en boxe (10 contre 3) ou en lutte (14 contre 4). Cette inégalité se répercute sur le nombre de médailles : 162 pour les hommes et 132 pour les femmes aux prochains Jeux de Londres.
Il faut aller plus loin dans le sens d'une harmonisation. C'est le sens de notre recommandation 23.
J'ai gardé pour la fin une dernière recommandation, en raison de sa portée symbolique.
Les épreuves féminines ne bénéficient pas du même traitement que les épreuves masculines de la part des médias comme de celle des autorités olympiques. La disparité de traitement dont fait l'objet la marathonienne par rapport à son homologue masculin est, à cet égard, bien révélatrice.
L'épreuve du Marathon occupe une place privilégiée au sein de l'Olympisme : la remise des médailles prend place juste avant la cérémonie de clôture et le vainqueur du marathon est le seul à recevoir sa médaille d'or des mains du président du CIO. Rien ne justifie que la marathonienne ne bénéficie pas du même traitement.
Aussi, je vous propose de reprendre la proposition formulée par le Comité Atlanta + et la Ligue du droit international des femmes tendant à ce que ce soit également le président du CIO qui remette la médaille d'or à la marathonienne, manifestant par ce geste d'une forte portée symbolique, l'attachement du Mouvement olympique à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Telles sont les grandes orientations et les principales recommandations que formule notre rapport.
Un débat s'est ensuite instauré.
Il est tout de même incroyable que l'on ait encore besoin de formuler une recommandation pour que le président du CIO remette la médaille d'or à la marathonienne, comme il le fait pour le vainqueur du Marathon. Cela donne la mesure des différences de traitement qui subsistent entre les sportifs et les sportives. J'approuve totalement cette recommandation.
Le parrainage des nouvelles dirigeantes sportives qui fait l'objet de la recommandation 13 pourra-t-il être également confié à des hommes ?
Oui, le parrainage des nouvelles dirigeantes sportives est indispensable et il me paraît souhaitable que des dirigeants acceptent aussi de s'en charger.
Le tournoi de tennis de Roland-Garros s'achève toujours par la « finale hommes », qui en constitue l'apogée. A quel titre la « finale femmes » est-elle reléguée dans une position moins en vue ?
Vous avez raison de souligner cette disparité de traitement. Mais faut-il aller jusqu'à recommander une stricte alternance des finales « hommes » et « femmes » ?
J'approuve entièrement les recommandations 17, 18 et 19 qui portent sur la médiatisation du sport et l'image de la femme dans les médias et je demanderai à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de les relayer car elles se rattachent au respect du principe de diversité.
La médiatisation joue un rôle essentiel dans l'économie du sport et il y a dans ce secteur bien des progrès encore à faire. Je me souviens de l'audition du rédacteur en chef du journal « L'Equipe » qui nous avait décrit l'accueil réservé par les journalistes à la première femme recrutée dans la rédaction : un panneau portant l'inscription « campement interdit aux femmes » !
Les 3e mi-temps ne se recommandent pas par une attitude particulièrement respectueuse envers les femmes. Mais je me souviens également de l'audition de cette femme remarquable, directrice des sports de TF1 et LCI, qui exerçait ses responsabilités dans le domaine du sport sans rien abdiquer de sa féminité. C'est le signe que les choses peuvent évoluer.
Les médias parlent peu du sport féminin et assurent que c'est parce que celui-ci ne fournit pas assez de véritables événements. Mais les choses changent un peu et je relève que L'Equipe a récemment consacré sa « Une » à la victoire des Lyonnaises en Coupe des champions féminine de l'Union des associations européennes de football (UEFA).
Les hommes ne pensent pas spontanément au sport féminin et j'ai entendu dernièrement une interview d'un responsable du football qui n'aurait pas pensé à évoquer la victoire des Lyonnaise si le journaliste - une femme - ne l'avait interrogé sur ce sujet.
Le groupe d'études Médias et nouvelles technologies dont je suis responsable doit prochainement auditionner Michèle Reiser, présidente de la commission sur l'image des femmes dans les médias, et je lui ferai part de notre recommandation 19.
Nos auditions sur les médias ont montré que les choses pouvaient bouger.
Oui, mais elles risquent de ne pas toujours bouger dans la bonne direction. Il ne faut pas sous-estimer les efforts qu'il faut encore accomplir pour parvenir à une vraie égalité.
Nous avons pu voir que les écarts de rémunération entre sportifs et sportives d'une même discipline étaient souvent très importants. C'en est la démonstration. Mais d'un autre côté, l'audition de la Fédération française d'équitation a montré que les femmes ont acquis une vraie place dans ce sport.
La mixité dans le sport me paraît un enjeu important et je me réjouis que les enfants qui découvrent le sport à l'école, dans la plupart des cas, aient cette première expérience dans un cadre mixte. Le problème tient à ce que les filles ont tendance à interrompre plus tôt leurs activités sportives. Ajoutons à cela que, dans les quartiers sensibles, la politique de la ville a favorisé la pratique sportive des garçons, à travers les activités proposées, les encadrants qui sont le plus souvent des hommes, et les équipements en libre-accès que s'arrogent les garçons. Mais les médias contribuent à faire évoluer les esprits : un fin connaisseur du football me confiait le plaisir qu'il avait eu à regarder le jeu des Lyonnaises, dont il avait apprécié la précision des gestes.
Pour la conférence de presse, ne faudrait-il pas alors commencer par les dernières recommandations, celles qui ont trait aux Jeux olympiques de Londres ?
Je crois que certaines recommandations sont de nature à intéresser nos collègues qui sont maires. Ne pourrions-nous pas les leur transmettre ?
Cela leur permettrait de sensibiliser leurs adjoints aux sports et à les rendre plus attentifs aux créneaux horaires qu'ils attribuent aux filles pour l'accès aux équipements sportifs municipaux. Mais peut-être faut-il attendre pour cela le renouvellement du Sénat.
L'Union pour un mouvement populaire (UMP) réunit aujourd'hui une convention sur « la place des femmes dans la société ».
Espérons que cela la conduira à investir des femmes pour les élections, car il y a souvent un écart entre les positions de principe, toujours favorables a priori, et les décisions prises par les partis politiques.
A ce propos, je vous rappelle que j'ai adressé récemment un courrier à l'ensemble des responsables des partis politiques représentés au Parlement ainsi qu'aux présidents des groupes politiques du Sénat pour leur indiquer que nous serions vigilants sur le nombre des femmes qu'ils investiront dans la perspective des prochaines élections sénatoriales.
J'ai pour ma part également beaucoup apprécié la teneur du communiqué de presse que vous avez diffusé sur le thème du viol.
C'est un problème intolérable et plus important que l'on ne croit : il représente près de la moitié de l'activité des cours d'assises...
alors que la proportion des victimes qui osent porter plainte est, on le sait, très réduite.
Je vous recommande la lecture d'un très beau roman de Joyce Carol Oates « Nous étions les Mulvaney » qui raconte la destruction d'une famille à la suite du viol de la fille, qu'elle s'attache à taire...
Aujourd'hui encore, en région parisienne, les familles s'attachent à les cacher.
Lorsque j'étais ministre, le gouvernement auquel j'appartenais s'était attaché à faire adopter par l'Assemblée nationale un amendement qui, en matière d'inceste, faisait courir la prescription de dix ans pleins non à compter de la date où les faits avaient été commis mais à compter de la date où la victime accédait à la majorité civile.
Mon directeur de cabinet avait reçu une lettre bouleversante d'une femme qui racontait comment sa vie avait été détruite par le viol incestueux qu'elle avait subi dans son enfance.
Et dans ces affaires, les agresseurs ont toujours la même attitude de défense prétendant que la femme était consentante.
Je voudrais souligner une dissymétrie frappante : la femme recevant le plus souvent la garde des enfants, l'autre conjoint connaît son adresse et sait où la trouver ; en revanche, la femme n'est pas nécessairement informée du domicile de son ex-conjoint. Je me réjouis que les débats relatifs à la loi du 3 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes aient permis de prendre également en compte la problématique de leurs incidences sur les enfants.
Au terme de cet échange de vues, la délégation adopte, à l'unanimité, l'ensemble du rapport d'activité et les vingt-quatre recommandations qu'il comporte.