Au bénéfice des explications présentées par M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, la commission a accepté le retrait de deux amendements déposés sur le texte n° 210 (2009-2010) de la commission des finances pour le projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Catherine Morin-Desailly sur la proposition de loi n° 93 (2009-2010) visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique.
a relevé qu'Internet constituait un espace nouveau de liberté d'expression, de communication et d'information pouvant contribuer au progrès culturel, économique et social.
Elle a cependant constaté que, malgré les opportunités sans précédent qu'il offrait, Internet pouvait être utilisé contre les droits fondamentaux et les libertés publiques : le respect de la vie privée et la protection des données personnelles au premier rang. Elle s'est inquiétée de la tendance, notamment chez les jeunes, à l'exposition de soi et d'autrui sur Internet qui contribue à l'apparition de mémoires numériques, disséminées sur la toile, facilement consultables et qui se retournent contre les internautes, notamment au moment de l'embauche.
a indiqué que la proposition de loi déposée par M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier, après la publication d'un rapport d'information au nom de la commission des lois, visait précisément à renforcer la protection des libertés fondamentales et à créer les conditions d'un droit à l'oubli.
Elle a précisé qu'elle s'était penchée sur quatre dispositions majeures du texte :
- l'inscription dans les programmes scolaires des questions de protection de la vie privée ;
- le statut de l'adresse IP (Internet Protocol) ;
- le droit de refus des témoins de connexion appelés « cookies » ;
- la conciliation entre le droit de suppression de données personnelles et la liberté d'information.
a souligné le rôle crucial de l'éducation nationale dans la formation des jeunes à la maîtrise de leur image publique et au respect de la vie privée. L'article premier de la proposition de loi prévoit que les élèves seront informés des dangers de l'exposition de soi et d'autrui sur Internet, ainsi que des droits d'accès, d'opposition, de rectification et de suppression des données personnelles.
Elle a cependant souhaité que cette disposition bienvenue soit inscrite au sein de l'enseignement d'éducation civique plutôt que dans l'enseignement de technologie et d'informatique. De plus, elle a proposé de donner une finalité plus large et plus positive à ce nouveau module de formation, pour viser l'acquisition d'une attitude critique et réfléchie par rapport à l'information et d'une attitude de responsabilité dans l'utilisation des outils interactifs.
L'enseignement de l'éducation civique lui a semblé le lieu le plus approprié pour sensibiliser les élèves au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, questions qui participent éminemment de l'apprentissage de la citoyenneté et de l'enracinement des valeurs de la République au sein de la jeunesse. Plutôt que de leur inculquer des compétences techniques, il lui a semblé nécessaire de développer l'esprit critique des jeunes et de les responsabiliser dans leur utilisation d'Internet, que cela soit pour la recherche d'informations ou pour échanger et dialoguer avec leur cercle d'amis.
Par ailleurs, Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis, a relevé que le texte soulevait plusieurs questions de fond sur la régulation de l'Internet.
Elle a indiqué que l'article 2 de la proposition de loi visait à clarifier l'état du droit en précisant que toute adresse IP constitue une donnée à caractère personnel. Il lui a semblé que cette rédaction était un peu trop générale. En effet, l'adresse IP, c'est-à-dire l'adresse identifiant un terminal de connexion au réseau Internet, ne permet pas systématiquement d'identifier directement ou indirectement une personne physique. Ainsi, certaines adresses IP sont associées à un équipement ou à une machine sans même que le propriétaire soit une personne physique ou sans qu'il soit même toujours possible de faire le lien avec un utilisateur précis. Elle a expliqué qu'une même adresse IP pouvait correspondre à plusieurs terminaux et à plusieurs utilisateurs, aussi bien dans un cybercafé qu'au sein d'un foyer. De même, dans les entreprises qui disposent d'un réseau interne, il est très fréquent qu'une seule et même adresse IP externe soit utilisée par l'ensemble des postes informatiques. Il conviendrait donc de spécifier que l'adresse IP est une donnée personnelle dans les seuls cas où elle peut être utilisée pour identifier une personne physique titulaire d'un accès à un réseau de communications électroniques.
Elle a ensuite abordé l'article 6 de la proposition de loi qui prévoit une obligation pour le responsable de traitement de recueillir le consentement de l'internaute dès que sont utilisés des cookies sur son ordinateur. Les cookies sont de petits fichiers installés sur l'ordinateur de l'internaute via son navigateur pour repérer et mémoriser ses connexions à différentes pages Internet. Ils ont une durée de vie limitée. Ils servent à fluidifier la navigation, permettent de construire des historiques de consultation ou des paniers d'achat sur les sites de commerce électronique. Mais, les cookies représentent aussi un enjeu commercial important : en permettant aux opérateurs de repérer les habitudes de navigation de l'internaute, ils les renseignent indirectement sur leurs centres d'intérêt et permettent donc d'offrir des services de publicité ciblés. Selon les données fournies à la rapporteure par Google, le marché français de la publicité sur Internet est estimé à 2,26 milliards d'euros, la moitié reposant sur l'utilisation de cookies.
a constaté que la proposition de loi transposait partiellement la directive du 25 novembre 2009 modifiant la directive de 2002 relative au traitement des données personnelles et aux communications électroniques. Cependant, la proposition de loi va plus loin en durcissant les obligations faites aux opérateurs de sites : la directive impose que l'internaute ait donné son accord après avoir reçu une information claire et complète mais elle ne demande pas de recueillir positivement son consentement. Le consentement constitue une manifestation de volonté libre et spécifique, alors que l'accord peut être exprimé par le biais du paramétrage du navigateur Internet.
En outre, Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis, a considéré qu'il convenait de préserver l'utilisation légitime de cookies indispensables pour assurer la fluidité de la navigation sur Internet. Or, demander un consentement préalable avant chaque installation de cookie plutôt qu'une information et la possibilité de régler finement les paramètres de navigation présente un inconvénient majeur : la multiplication des fenêtres surgissantes d'autorisation d'accès (pop-up). La navigation sur Internet en serait perturbée, sans aucun doute au détriment de l'utilisateur lui-même.
C'est pourquoi il lui a semblé préférable de rester fidèle à l'esprit de la directive en renforçant l'information de l'internaute sur les cookies et sur les moyens dont ils disposent pour les supprimer sélectivement. Il faudra cependant tenir compte du fait que peu de personnes savent correctement paramétrer leur navigateur. Un effort d'ergonomie doit donc être demandé aux opérateurs Internet et un effort de pédagogie doit être réalisé à destination du grand public.
Un dernier point majeur a retenu son attention : le droit pour la personne concernée de demander la suppression de données personnelles. Ce nouveau droit à l'oubli numérique ne doit cependant pas remettre en cause la liberté d'information. La proposition de loi vise à réguler le flot d'informations brutes, sans hiérarchie, peu traçables et peu recoupées qui se répand sur Internet. Elle n'a pas vocation à inquiéter et à gêner le travail des journalistes qui doivent respecter une déontologie exigeante et s'attacher au croisement des sources, à l'authentification et à la vérification de leurs informations avant de les rendre publiques. C'est pourquoi il conviendrait de préciser que la suppression de données personnelles ne peut :
- d'une part, faire obstacle à l'exercice d'une liberté fondamentale reconnue par la République comme la liberté de la presse ;
- d'autre part, concerner des faits historiques avérés, afin d'éviter des révisionnismes et des manipulations en tout genre.
Ainsi, les deux piliers de la vie démocratique que sont la protection de la vie privée et la diffusion d'une information libre et plurielle seront préservés.
Après une demande de précision de M. Jean-Léonce Dupont sur la notion de majorité numérique, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi sous réserve de l'adoption d'un amendement à l'article premier sur l'éducation au respect de la vie privée sur Internet.