La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Notre mission se penche sur l'impact de la révision générale des politiques publiques sur les collectivités territoriales. Les entreprises que vous représentez sont en contact avec l'État et avec les collectivités, au moment de leur création, de leur transmission, de leur développement, en matière d'exportation ou encore de formation. Quels sont pour vous les effets de la réforme des différentes cartes administratives, des suppressions d'emplois ou de la réorganisation des services ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

La CGPME a accueilli avec satisfaction le lancement de la RGPP ; nous partageons les objectifs d'amélioration de la qualité, de réduction des dépenses et de modernisation de la fonction publique. Nos chefs d'entreprise sont pragmatiques : ils voient avant tout les simplifications qu'apporte la RGPP sur le terrain. Ainsi, la mise en place de guichets unique est saluée. Avec le commissaire à la simplification, on entre dans une phase active. Je crains toutefois qu'il ne faille prendre d'autres dispositions si l'on veut réduire le déficit budgétaire à 3% d'ici 2013...

L'information sur la mise en place des nouveaux services déconcentrés et leur accessibilité nous paraît-elle suffisante et acceptable ? Sur le plan fiscal, la simplification est indubitablement efficace.

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Du moment que les chefs d'entreprise ne sont pas au bord de la jacquerie, c'est que le dispositif est a priori pertinent.

Il n'y a pas eu de document de vulgarisation global retraçant les effets de la RGPP pour les entreprises.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Nous mesurons l'insatisfaction des chefs d'entreprise, pas leur satisfaction. Parmi les causes d'insatisfaction, il y a Pôle Emploi. En revanche, le rapprochement entre l'administration fiscale et les entreprises pendant la crise est à saluer. L'administration est sortie de son rôle de contrôleur et s'est mise à notre écoute, accordant des délais de paiement, des facilités aux entreprises en difficulté. Désormais, les relations sont établies, les entreprises appellent directement le directeur de l'Urssaf ; j'ai récemment remis une médaille au trésorier-payeur général d'Annecy pour le remercier de sa collaboration exemplaire. Cette évolution, qu'elle découle de la RGPP ou de la crise, est en tout cas source de satisfaction.

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Prenons l'exemple de l'administration des douanes : d'un rôle de sanction, elle est passée à celui d'interlocuteur des entreprises, notamment en matière de lutte contre la contrefaçon. La création d'indicateurs de performance a encouragé cette nouvelle relation.

Les conséquences du retrait de services publics sur les emplois privés sont-elles évaluées et suffisamment prises en compte ? Dans les zones rurales, le regroupement des services publics, le retrait des services postaux par exemple, est parfois ponctuellement mal vécu. En revanche, la création des directions départementales des finances publiques (DGFIP) ne pose pas de problème.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Le retrait de garnisons dans certaines villes pose bien évidemment problème localement. Quant à la création des DGFIP, elle n'a pas occasionné de retour particulier de la part des entreprises.

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Il était aberrant que la même administration soit en charge à la fois de l'assiette et du recouvrement de la TVA. Pour l'ex-taxe professionnelle et l'impôt sur les sociétés, l'assiette relevait de la direction générale des impôts (DGI), le recouvrement de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Les chefs d'entreprise apprécient de n'avoir qu'un seul interlocuteur.

La qualité des relations varie bien entendu selon les cas : dans certains départements, le remboursement anticipé du crédit de TVA s'est très bien passé ; dans d'autres, les chefs d'entreprise tombaient toujours sur un répondeur !

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Ce n'est pas la RGPP qui est en cause, mais le facteur humain. Idem dans les administrations où le personnel change régulièrement.

Reste le problème de la stratification, voire de l'empilage de mesures prises très rapidement et parfois sans réelle cohérence : une mesure sur l'impôt sur les sociétés, une sur la TVA... Quid de la taxe sur les salaires, des autres types d'impôt ? Les seuils varient selon les impôts. Pour les PME, ce n'est pas gérable ! Pour la certification électronique, une filiale avait 25 documents à remplir ! Il y a donc encore des dissonances dans la mise en oeuvre des mesures, même si elles sont relativement marginales.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Le bilan du guichet simplifié unifié est globalement positif. Pour le crédit d'impôt recherche, nous avons encore plusieurs interlocuteurs : DGFIP, ministère de la recherche, Oseo. Mais globalement, les choses fonctionnent bien.

La création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) est positive. J'ai eu à faire à des directeurs très compétents ; l'un avait ainsi mené un travail de fond sur le coffre-fort numérique. C'est une grande satisfaction. Nous n'avons reçu aucun écho négatif de la part des entreprises.

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Les seuls blocages dont nous avons eu l'écho seraient liés au facteur humain. Nous n'avons eu aucun retour négatif, y compris lors des assises de la simplification.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Parmi les mesures de simplification, lesquelles nous paraissent les plus efficaces ? Nous avons cité le guichet unique, la qualité des hommes. La difficulté pour l'heure est d'assurer la coordination, de mettre de l'huile dans les rouages. Attention aussi à ne pas faire trop de guichets uniques ! Beaucoup de formulaires sont désormais disponibles en ligne, mais il faut toujours les remplir à la main et les renvoyer par la Poste !

De gros progrès ont été faits dans l'appui à l'exportation. Avec Ubifrance ou Coface, nous avons les outils adéquats. Exporter ne coûte rien pendant les deux premières années, mais ce n'est pas pour autant que les entreprises exportent davantage... À nous, chambres de commerce, de convaincre les chefs de petites entreprise qu'ils peuvent exporter, notamment vers les pays du bassin méditerranéen !

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

En quoi la RGPP a-t-elle modifié le fonctionnement et les méthodes de travail des PME ? Si la mise en place des télé-procédures a pu être source de complexité, le recours aux experts comptables a été bénéfique, qu'il s'agisse de délais ou d'efficience. La dématérialisation des imprimés évitera d'avoir à se déplacer : c'est positif, mais cela demande du temps.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

La mise en place du système Chorus a retardé le paiement des prestataires de l'État. Il nous a fallu intervenir, car beaucoup d'entreprises étaient pénalisées.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Oui. À terme, le système devrait fonctionner.

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

C'est surtout le ministère de la défense qui a accumulé les retards de paiement.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Quelles sont nos propositions d'amélioration ? Tout d'abord, poursuivre et renforcer le dialogue entre administration et entreprises. Le changement de comportement, induit par la crise, a été positif, et l'on ne craint plus désormais de s'adresser à l'administration. Il faut poursuivre la simplification, mais il faudra plus que des mesurettes si l'on veut réduire le déficit public à 3%...

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Quid des nouvelles directions à l'échelon régional, comme les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ou les directions de l'innovation, la recherche, l'économie et le tourisme (DIRET) ? Les entreprises souffrent-elles de l'éloignement qu'implique la régionalisation ?

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Nous n'avons pas eu de retour négatif. A priori, le système est efficient.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Cela pose la question plus large de la réorganisation administrative de l'État. L'empilage des échelons régionaux, départementaux et communaux est-il nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Merci de vos réponses exhaustives. Permettez-moi de vous poser une question plus générale. Dans l'accompagnement des entreprises, quelle est aujourd'hui la ligne de partage entre ce que l'on peut attendre de l'État, des organismes professionnels institués comme les chambres de commerce et d'industrie, et de vos propres organisations professionnelles ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

L'administration ne fait pas suffisamment la différence entre une grande entreprise capitalistique et une PME : pour elle, une « petite » entreprise compte déjà 500 salariés ! Or il faut aussi prendre en compte les petites entreprises de dix ou vingt salariés ! Le succès de l'auto-entrepreneur prouve l'intérêt de la simplification pour la création d'entreprises. Un patron de PME patrimoniale n'est pas un manager : pour lui, le résultat d'entreprise a peu d'importance au regard de la pérennité de son entreprise et de ses salariés, qu'il connaît personnellement. Or certaines décisions parfois hâtives, comme la prime de 1000 euros, ne tiennent pas compte de ces spécificités....

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

La question de l'intéressement dans les petites entreprises mérite d'être posée. La situation actuelle est bien trop complexe : les chefs d'entreprise s'y perdent. Pour promouvoir l'intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés qui ne connaissent pas la participation, il faut être incitatif. Prévoyons un intéressement « hors charges » pendant trois ou quatre ans, afin que le chef d'entreprise y trouve lui aussi son intérêt ! Les contrats-types actuels sont encore trop compliqués pour les entreprises de dix à vingt salariés. Il faut simplifier les dispositifs, en associant les chefs d'entreprise à la réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Qu'en est-il de la formation professionnelle ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Nous finançons la formation professionnelle, et pas seulement pour les salariés de nos entreprises. Le système fonctionne assez bien. Mais c'est avant tout à Pôle Emploi de former les demandeurs d'emploi pour répondre aux besoins des entreprises. Or on nous répond qu'il n'y a pas de candidats !

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Impossible de trouver un serveur de restaurant, un maçon, un frigoriste. Pourtant, il suffirait de former pendant quatre mois un titulaire d'un CAP d'électromécanicien pour qu'il trouve un emploi de frigoriste à 2000 euros par mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Comment faire pour mieux cibler la formation professionnelle ? Je connais pour ma part un gaillard de 24 ans, qui ne demande qu'à se former, mais auquel on ne propose rien ! Il faudrait que les PME contribuent à former ces personnes sans diplômes.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

C'est ce que nous faisons, notamment via le contrat de professionnalisation et la préparation opérationnelle à l'emploi, qui comprend une formation de quatre mois.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Le ministère du budget annonce la suppression de 800 points de Pôle Emploi, et de 1800 emplois. Comment voulez-vous que les choses s'améliorent ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Je ne suis pas qualifié pour vous répondre. Il est certain que la fusion à l'origine de Pôle Emploi a entraîné des problèmes d'organisation, qui ne sont pas encore résolus, et que le fonctionnement actuel n'est pas satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Vous dites que les choses vont mieux avec les douanes. La diminution du nombre d'agents vous aurait donc profité ?

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Avant le dossier des formulaires de TGAP, il y avait peu ou pas de relation avec la douane. Pour le chef d'entreprise, cette nouvelle facette de l'administration a une traduction concrète. La RGPP a fixé des indicateurs : l'administration est tenue de contacter 1500 entreprises. Une relation s'est tissée sur le terrain, notamment dans le domaine de la contrefaçon, où les entreprises sont désarmées. S'il y a moins d'agents, c'est que l'administration fait mieux avec moins !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Sur le plan fiscal, il y a désormais une écoute : c'est un grand pas, c'est de l'excellence territoriale ! L'administration a compris que les TPE et PME avaient besoin d'être accompagnées.

En effet, Pôle Emploi fonctionne mal, malgré la bonne volonté des agents. On ne trouve pas d'électriciens, de frigoristes, de femmes de ménage. Il y a un vrai problème de formation. Qu'en est-il de la formation professionnelle adulte, qui permettait de former des jeunes sans diplôme ?

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Nous avons connu plusieurs révolutions culturelles. D'abord, la commission Aicardi, en 1987. Ensuite, le rescrit, à la suite du groupe de travail mis en place par M. Woerth. C'est une nouvelle relation. En droit fiscal français, l'impôt est déclaratif. On institue le dialogue : à chacun de jouer le jeu. C'est une vraie révolution culturelle. On propose désormais d'étendre le dispositif au rescrit social.

Le fait d'imputer le crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés doit-il nécessairement entraîner un contrôle ? La fraude fiscale représente entre 40 et 50 milliards d'euros par an ; on reconnaît enfin que c'est un vrai sujet. Là aussi, les indicateurs retenus sont déterminants.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Les PME forment beaucoup de monde, en formation professionnelle adulte, en apprentissage ou en alternance. Avec le gouvernement, nous travaillons à augmenter encore ce chiffre. Il s'agit de développer l'alternance dans toutes les écoles, à tous les niveaux, jusqu'aux doctorants. Reconnaissons que beaucoup de choses fonctionnent, compte tenu que nous ne sommes pas encore complètement sortis de la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Les entreprises sont désormais confrontées à la hausse des prix des matières premières.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

C'est en effet la première préoccupation de nos entreprises aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME

Cela fait deux ans que la CGPME propose au législateur un amendement pour revenir à une provision pour hausse des prix.

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Cela donnerait un peu de souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

La RGPP n'a pas pour unique objectif de réaliser des économies : il s'agit également d'améliorer la qualité des services. Selon vous, quelles seraient les pistes à explorer, ou au contraire à éviter ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Roubaud, président de la CGPME

Je doute que l'on parvienne à un déficit de 3% en 2013 : nous dépensons trop par rapport à ce que nous gagnons. On ne peut continuer à asseoir le financement de la protection sociale sur les seuls salaires. Je prône pour ma part une flat tax, ou une TVA sociale, mais cela suppose une vraie volonté politique. Il faut réduire les charges pesant sur les entreprises, augmenter le pouvoir d'achat des salariés, si nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation que connaît l'Espagne aujourd'hui. Il faut revoir nos modes de financement pour être plus performants, changer nos habitudes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'avoir dégagé un peu de votre temps précieux pour être auditionné par notre mission. Bien entendu, à chaque audition, nous renouvelons le constat que la réorganisation de l'État et l'optimisation de ses services étaient nécessaires. Notre objectif est d'en évaluer les conséquences sur les collectivités territoriales. Le constat que celles-ci en retirent varie selon leur taille. Les plus grandes, disposant de compétences et de moyens de gestion importants, sont moins affectées que les petites villes et, a fortiori, que les communes rurales. Ces petites collectivités ont besoin de l'État et elles éprouvent un sentiment d'abandon : 84% des 180 maires interrogés par l'Association des petites villes de France pensent que l'État ne joue plus son rôle. Il faut reconnaître que l'accumulation des cartes à établir - sanitaire, judiciaire, scolaire etc. - gênent sérieusement certaines villes.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Je vous remercie de ces mots de bienvenue et je salue le travail de votre mission.

La RGPP était nécessaire pour dynamiser les services publics. En même temps elle est tout à fait compatible avec la recherche d'un meilleur service rendu au public. Elle est née d'une préoccupation majeure, celle de maîtriser la dépense publique en un moment où notre dette atteint 1 600 milliards d'euros et où son service coûte annuellement 45 milliards, soit deux fois le budget de l'Intérieur. Elle repose aussi sur la détermination des agents de la fonction publique auquel je rends hommage pour leur investissement dans cette réforme. Elle a eu pour résultat financier de diminuer de 7 milliards les dépenses de 2011 par rapport à celles de 2009. Mais cette recherche d'économies a toujours été précédée et accompagnée d'une analyse en profondeur du fonctionnement de l'administration. Et cette analyse préalable a permis que l'évolution de l'administration et la diminution de ses effectifs n'affectent pas la qualité des services publics.

Le ministère de l'intérieur a mis en oeuvre 67 réformes : 10 sont déjà appliquées, 44 le sont progressivement, 4 nécessitent encore des ajustements et 3 seulement sont retardées. Entre 2009 et 2011 nous avons gagné plus de 9000 emplois équivalents temps plein. Nous avons renforcé la présence sur le terrain des forces de sécurité en les recentrant sur leur coeur de métier. Avec le ministère de la justice, nous avons, depuis 2009, développé la visioconférence, ce qui diminue le nombre de transports de détenus, transports gros consommateurs de personnel. Nous avons aussi réduit les forces de sécurité chargées des audiences ou de la surveillance au dépôt, la Justice faisant davantage appel à des réservistes de nos deux ministères ou à des sociétés privées. Nous avons transféré la gestion des centres de rétention administrative de la gendarmerie mobile à la police des frontières. Il faut savoir que, pour une fonction déterminée, il faut un fonctionnaire statique et 1,7 fonctionnaire mobile ou de gendarmerie mobile.

Il est vrai que, souvent, cette réorganisation des services publics peut gêner les élus. Mais, elle est la condition de la pérennité ou de l'amélioration de ces services. En matière sanitaire par exemple, la qualité des soins sur l'ensemble du territoire dépend de leur réorganisation, ce qui passe, souvent, par des restructurations. De même La Poste, une fois transformée, peut apporter des services supplémentaires, bancaires par exemple, y compris au profit de populations auparavant privées d'accès au réseau bancaire.

L'autre objectif de la RGPP, c'est l'amélioration des services rendus. La délivrance des titres est désormais plus sûre et plus commode. Déjà 5 millions de passeports biométriques ont été délivrés, plus de 2 000 communes sont équipées et le délai de délivrance est de 7 jours. Le nouveau Système d'immatriculation des véhicules, après des débuts difficiles a permis d'immatriculer environ 20 millions de véhicules et plus de la moitié des cartes grises ont été délivrées sous trois jours et sans déplacement à la préfecture. Cette délivrance rapprochée a été possible grâce au concours des maires, et les titres délivrés sont plus sûrs. Dans les préfectures le courrier se dématérialise et, à la fin de 2010, 15% des actes étaient télétransmis et 19% des collectivités locales étaient raccordées. D'où économies, rapidité et sûreté de la réponse.

Dans un but de rationalisation, la gendarmerie a été rattachée à l'Intérieur en 2009 et il été décidé en 2007 que DST et RG fusionneraient au sein de la DCRI. Avec les RG nous avons supprimé le dernier vestige de police politique qui subsistait en France. Nous avons adapté les zones de compétences des deux corps dont la complémentarité opérationnelle est désormais évidente, comme j'ai pu le vérifier lors de ma visite en Eure-et-Loir, département qui subit des raids de cambrioleurs venus de Paris. Il ya également complémentarité entre les deux corps en matière de ressources humaines, d'immobilier, de commandement ou d'utilisation des hélicoptères. Certains services quotidiens - par exemple les trafics urbains difficiles - sont maintenant exécutés par les deux forces.

Deux autres réformes sont maintenant en préparation. La Direction de la sécurité civile et celle de la prospective et de la planification de la sécurité nationale vont fusionner en une Direction générale de la sécurité civile et des crises, d'ici l'automne. Nous rapprocherons également en un collège les différentes Inspections générales du ministère.

Les collectivités territoriales participent à ces réformes. Le groupe de travail du sénateur Lambert, en 2007, plaidait en faveur d'une clarification des compétences des diverses collectivités, ce que permet la récente réforme territoriale. Nous avons déjà allégé les contraintes normatives pesant sur elles, par le biais de plusieurs lois de simplification du droit. Leurs relations financières avec l'État ont évolué et nous avons fait un effort de péréquation en faveur des communes rurales et de celles qui bénéficient de la DSU. Il y aussi eu une réorganisation entre les différents services régionaux et départementaux.

L'État dispose donc désormais d'une nouvelle administration qui se rénove en permanence. Reste à compléter, à imaginer. Pour les sous-préfectures par exemple dont beaucoup d'anciennes fonctions ont migré vers les préfectures. Très prisées par les élus, elles doivent réinventer leurs fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Les collectivités territoriales, notamment les petites communes, ont le sentiment d'un certain désengagement de l'État et craignent que la diminution de ses effectifs n'aboutisse à un moindre service de celui-ci auprès de ces communes. A un moindre service par exemple en matière d'ingénierie et d'assistance à la maîtrise d'ouvrages. Au sein de notre mission les avis divergent : les uns dénoncent ce désengagement tandis que les autres y voient la conséquence logique des transferts de compétences. Mais si l'État fixe à la RGPP l'objectif de diminuer ses dépenses, on peut craindre que les missions qu'il exerçait autrefois, soient désormais remplies par les collectivités territoriales et, cela, sans que les moyens correspondants aient été transférés.

La RGPP renforce l'échelon régional, via les nouvelles compétences des préfets -conformément au rapport Balladur qui voyait dans la région l'échelon pertinent. Mais la réforme territoriale privilégie l'échelon départemental. N'est-ce pas contradictoire ? Le préfet de région a une mission de coordination de l'ensemble des politiques publiques. A-t-il les moyens de cette coordination alors que les moyens humains et matériels sont très centralisés, ministère par ministère ?

Et si le préfet de région doit coordonner les politiques publiques dans une logique interministérielle, pourquoi ne pas le placer sous l'autorité du Premier ministre et non plus sous celle du ministre de l'intérieur ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

La réforme de l'État tire enfin les conséquences de la décentralisation et de la répartition des compétences. Car malgré le vote des grands textes de décentralisation, tout le monde, y compris l'État, continuait à faire un peu tout. Moi-même, lorsque j'étais préfet de Bretagne, je m'occupais parfois de domaines qui relevaient d'autres collectivités.

L'assistance technique aux petites communes continuera. Le problème est de fixer le seuil à partir duquel on a affaire à une « petite » commune. Autre question : est-il bien opportun, ne serait-ce que du point de vue de la réglementation européenne, que ce soit l'État qui leur fournisse leurs moyens d'ingénierie ? Là aussi, mon expérience passée m'a appris que la fourniture de cette prestation par l'État aux collectivités était parfois un frein à la présence sur place de services d'ingénierie, y compris privés, qui auraient pu concourir au développement économique local.

Nous souhaitons conserver le maillage des sous-préfectures. Si l'on excepte le cas bien connu de Boulogne-Billancourt, leur réseau demeurera, même s'il faut, pour cela, renouveler leurs fonctions.

Le choix a été fait de privilégier le niveau régional comme élément de cohérence des politiques de l'État. C'est le préfet de région qui dispose donc des moyens nécessaires. Cette cohérence était indispensable parce qu'une même politique peut être traduite différemment selon les départements. Je me souviens de nos combats en Bretagne pour la qualité de l'eau : les arrêtés de la police de l'eau différaient selon les départements.

Il y a encore des progrès à faire : les ministères ont toujours tendance à gérer de façon verticale les personnels et les politiques. Mais pour les fonctions les plus interministérielles, l'implication du Secrétaire général du gouvernement est forte et cet engagement se traduira sans doute par une organisation de droit commun qui passera au ministère de l'intérieur. Il vaut mieux que les hauts cadres de l'État soient gérés de façon personnalisée, par un ministre, plutôt que, de façon anonyme, par une administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Les élus, toutes tendances confondues, sont troublés par cette réorganisation. Par celle de La Poste par exemple ou par la mise en place des Maisons de santé. Le problème n'est pas le même pour des services moins quotidiens. Je n'ai jamais vu de manifestations de citoyens réclamant le maintien de leur perception. Reste que la fermeture d'une perception rurale, la disparition de ses deux ou trois agents et de leurs enfants, peut concourir à faire fermer des classes, puis l'école.

Pourquoi ne pas délocaliser le travail plutôt que les agents ? En région urbaine les comptables - de services hospitaliers, d'organismes HLM etc. - sont surchargés. L'informatisation permettrait de délocaliser leur travail.

J'accorde que l'aspect régional est essentiel et que le préfet a un rôle de coordination. Mais prenons garde à ce qu'il ne devienne pas un sous-préfet de région. Le rôle d'ingénierie du sous-préfet est indispensable en zone rurale ou par exemple dans mon département qui compte 100 communes de moins de 50 habitants.

Ne peut-on envisager une gestion différenciée entre les zones urbaines et rurales ? Notre République « une et indivisible » est aussi « diverse ».

Envisagez-vous d'aller plus loin dans la clarification des compétences ? A-t-on encore besoin, maintenant que les ARS sont en place, que les ex-DASS restent dans les départements ?

Le gel des dotations et l'augmentation des dépenses sociales départementales laissent peu de marge de manoeuvre pour assurer le travail d'ingénierie. Le gouvernement envisage-t-il de nouvelles avancées - en matière de compétences et de ressources - pour assurer une meilleure cohésion sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

A en juger par les dernières perspectives en matière de croissance et de taux de chômage, il semble que cette politique de maîtrise des dépenses publiques est opportune. Et il était nécessaire de clarifier les différents échelons de compétences. Mais l'État n'aurait-il pas dû, au lieu de préparer sa réforme tout seul, le faire en concertation avec les collectivités territoriales, puisque cette RGPP a de notables conséquences sur celles-ci ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Les sous-préfets nous disent qu'ils ont du mal à continuer à faire du conseil, qu'ils ne font quasiment plus de contrôle de légalité et qu'ils s'interrogent, lorsqu'ils ne disposent plus que d'un fonctionnaire de catégorie A, sur la possibilité de remplir leur mission de conseil. Certains vont aussi, chaque matin, travailler en préfecture... Quelle est votre doctrine à ce sujet ?

Sur le contrôle de légalité : un personnel moins nombreux ne peut que contrôler moins d'actes, ce qui pose des problèmes aux élus.

Sur les titres : les photographes attendent un décret qui mette fin à la prise de photographies en mairie. Quand sortira ce décret et quand sera mise en place la carte nationale d'identité biométrique et électronique ? Actuellement 2 000 communes assurent la prise des empreintes et la démarche du CERFA mais ce ne sont pas les communes de naissance. Faudra-t-il modifier le réseau ? Certaines communes pourraient délivrer ces cartes d'identité avec le même matériel mais cela risque d'être plus compliqué dans les grandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Le rapprochement entre police et gendarmerie a tout d'abord suscité des inquiétudes mais j'ai récemment entendu le responsable de la gendarmerie du Maine-et-Loire le qualifier de très positif. Ce rapprochement connaîtra-t-il d'autres évolutions ? On entend la gendarmerie et la police se plaindre d'avoir à gérer les procurations électorales. Quelle autre solution peut-on envisager ? On demande le maintien des sous-préfectures en zone rurale mais il faudrait définir précisément leurs nouvelles fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Où en sont les schémas régionaux pour l'immobilier de l'État ? Tout le territoire est-il couvert ?

Question du maire d'une petite commune : l'organisation de la gendarmerie en comités de brigades peut varier. Dans mon département, on peut les redéfinir. Comment y associer les élus ? Autre problème : le maire n'a d'autre moyen, pour exercer ses pouvoirs de police, que de faire appel aux gendarmes. Or, ceux-ci sont de moins en moins disponibles...

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je dis clairement que les sous-préfectures doivent être maintenues, sauf exception en cas de consensus local. Cela pose évidemment la question de leurs missions. Elles sont un représentant de l'État, proche des maires, des citoyens, des associations. La difficulté vient de ce qu'elles avaient auparavant deux missions : le conseil juridique ou contrôle de légalité et la délivrance des titres. Le transfert du contrôle de légalité à la préfecture permet un contrôle plus pointu. Auparavant ce contrôle de légalité était souvent fait par deux agents non spécialisés, perdus dans le dédale des différentes règlementations. Des agents plus compétents sont garants d'une meilleure sécurité juridique. A l'avenir les sous-préfectures pourraient être les relais des politiques prioritaires de l'État ; la transition ne serait pas facile car les agents des sous-préfectures étaient des agents d'exécution et, lorsqu'on a fait toute sa vie des cartes grises, on ne s'improvise pas conseiller en matière d'emploi.

Monsieur Guillaume, l'informatisation, la télétransmission et le télétravail permettront en effet de délocaliser le travail. J'ai vu une sous-préfecture faire la sous-traitance d'une préfecture. Dans la sous-préfecture de Châteaubriant, trois agents travaillent sur la délivrance de titres, comme s'ils étaient à la préfecture, ce qui a évité leur déménagement.

Mais les services de l'État n'ont pas tous vocation à réaliser l'aménagement du territoire : la carte militaire, par exemple, n'est pas faite pour ça. Et la réforme de la DGFIP, avec la disparition de certaines trésoreries démontre que, lorsque plusieurs services sont rassemblés en un même lieu, le service public est amélioré. Faut-il aller plus loin, par exemple dans le secteur de la santé ? Les anciennes DASS ne représentent que peu d'agents. La question est posée mais l'État doit disposer d'un minimum de masse critique pour pouvoir réagir lors de circonstances exceptionnelles.

Monsieur Couderc, vous demandez si la concertation avec les collectivités a été suffisante. Si vous posez la question, c'est qu'elle n'a pas été suffisante. On aurait dû faire davantage, y compris avec les agents de l'État qui peuvent être fiers des réformes accomplies.

Monsieur Gouteyron, il peut y avoir des variations dans l'organisation des comités de brigade. Il faut que cela se fasse en lien étroit avec les élus. J'ai demandé aux commandants de brigades de gendarmerie d'informer davantage les élus de l'activité de leur brigade et de l'actualité de la sécurité telle qu'ils la ressentent.

Madame André, la carte nationale d'identité électronique sera l'occasion d'implanter 300 stations supplémentaires. Le décret sur les photographies est au Conseil d'État, il sera publié avant l'été et le 31 décembre 2011 sera le dernier jour des photos en mairie. La proposition de loi Lecerf sur la protection de l'identité passera le 31 mai devant le Sénat. C'est un texte important.

Madame Deroche, je vous confirme que les rapports entre police et gendarmerie sont excellents et que c'est un plaisir de constater leur esprit de collaboration.

J'ai cité un exemple tout à l'heure, mais il y en a bien d'autres.

Les gendarmes sont extrêmement attachés à leur statut militaire. Le gouvernement aussi. Bien sûr, la distribution des rôles doit être équitable. Je m'y attache.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Conjuguer la RGPP, la réforme de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales : telle est source des difficultés. On peut donc s'interroger légitimement sur l'opportunité d'une pause.

D'autre part, nous ne connaissons pas la répartition par départements des suppressions de postes opérées dans les ministères.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je vous les communiquerai.

Comme vous le savez, 15 escadrons de gendarmerie mobile ont été dissous ou doivent l'être. Pour l'essentiel, les postes seront affectés à la gendarmerie départementale, la pacification des rapports sociaux permettant de privilégier la sécurité au quotidien.