Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe

Réunion du 24 avril 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de notre mission d'information, constituée à la suite du scandale relatif à la viande de cheval.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

FranceAgrimer a notamment pour mission d'éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au sein de la chaîne de commercialisation des produits issus de l'agriculture. La direction marché, études et prospective de FranceAgrimer produit régulièrement des données chiffrées pour l'ensemble des filières. Après nous avoir présenté vos activités et vos services, peut-être pourriez-vous évoquer la question des marges dans les filières viande en France ?

A ma connaissance, il n'existe pas en Allemagne de salaire minimum dans la filière agroalimentaire, ce qui peut expliquer la distorsion de concurrence qui existe entre nos deux pays. Avez-vous identifié d'autres sources de cette distorsion de concurrence ? Enfin, avez-vous des données comparatives sur la situation des filières viandes dans les différents pays de l'Union européenne ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

FranceAgrimer est un établissement public à triple vocation : d'abord, il doit fournir des éléments de connaissance et d'analyse sur l'économie des filières. Sa deuxième mission est d'animer la concertation avec les professionnels des différentes filières et élaborer des stratégies de filières. C'est le rôle de la direction filières et international. Enfin, FranceAgrimer met en oeuvre les actions qui résultent des stratégies de filière. Cette fonction est partagée par diverses directions.

FranceAgrimer assure aussi le secrétariat de l'Observatoire de la formation des prix et des marges, présidé par M. Philippe Chalmin, que vous recevrez prochainement. Je vous propose donc de lui adresser directement les questions qui s'y rapporteraient.

Les revenus de la filière viande rouge, ovine et bovine, sont notablement inférieurs à la moyenne de l'ensemble des exploitations françaises. Pourtant, le niveau des prix est relativement élevé. Si les marges sont faibles, cela s'explique par le coût des matières premières. Autre élément marquant : le cheptel se réduit rapidement, et de manière continue dans la filière laitière, du fait de l'augmentation de sa productivité, à production globale stable. Le cheptel allaitant, lui, se stabilise, mais sans compenser la diminution du cheptel laitier.

La production de viande blanche diminue. Le nombre de truies baisse et l'augmentation du coût des matières premières pèse fortement sur les revenus de la filière porcine. Dans la volaille, la baisse de production est sensible depuis une dizaine d'années, quoiqu'elle se soit stabilisée depuis 2006. Surtout, la concurrence s'est accrue sur le marché intérieur, fragilisant financièrement les entreprises.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

La baisse est historique. Le cheptel ovin destiné à la production de lait est toutefois stable. La production française de viande ovine décroît régulièrement, mais nous importons également de moins en moins, ce qui, en définitive, améliore notre solde extérieur.

D'une manière générale, en viande, notre auto-approvisionnement se dégrade. Le solde de notre commerce extérieur s'est affaibli ces dernières années, surtout pour les viandes blanches, ce qui n'empêche pas notre balance de rester excédentaire sur ce segment. Sur les viandes rouges en revanche, nous sommes déficitaires. Les barrières non tarifaires, notamment sanitaires, sont pour nous un vrai sujet. La contrainte est bien plus lourde pour la viande que pour les produits végétaux. Certains marchés restent fermés depuis le scandale de la vache folle, et les démarches pour les faire rouvrir sont longues. FranceAgrimer travaille beaucoup sur ces questions, pour faire valoir la qualité des contrôles sanitaires et des procédures d'agrément français auprès de nos partenaires, accompagner les délégations, favoriser les discussions sanitaires.

Notons enfin que, sur le marché intérieur, la consommation globale de viande diminue, surtout celle de viande rouge.

Debut de section - Permalien
Yves Trégaro, chef de l'unité produits animaux et viande de FranceAgrimer

D'abord, les habitudes de consommation des Français ont changé : ils consomment globalement moins de viande. Ensuite, les produits sont élaborés différemment : les plats cuisinés, pizzas ou lasagnes, incorporent moins de viande. Enfin, la structure de consommation des ménages s'est modifiée : la part des loisirs et de la téléphonie a progressé au détriment du poste alimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Pouvez-vous chiffrer ces tendances, depuis dix ans par exemple ?

Debut de section - Permalien
Yves Trégaro, chef de l'unité produits animaux et viande de FranceAgrimer

FranceAgrimer a produit de nombreuses statistiques sur ce sujet. Les filières bovine et ovine accusent une forte baisse. La consommation de volaille a progressé. Le porc s'est maintenu.

Les importations, enfin, ont augmenté. Celles de porc et de viande bovine portent sur des produits bruts ou transformés, essentiellement en provenance d'Espagne, des Pays-Bas ou d'Allemagne. Les importations de volailles concernent surtout les viandes fraîches, des Pays-Bas, d'Allemagne ou de Belgique, mais aussi les viandes crues du Brésil, et les viandes cuites en provenance de Thaïlande, utilisées comme minerai pour l'industrie de deuxième transformation.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

La viande fraîche est-elle aussi importée sous forme de minerai ?

Debut de section - Permalien
Yves Trégaro, chef de l'unité produits animaux et viande de FranceAgrimer

Oui, ou sous forme de poulet entier, que vous trouverez en premier prix dans les grandes et moyennes surfaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

La consommation de porc décline alors que c'est une viande peu onéreuse. Comment l'expliquez-vous ?

Debut de section - Permalien
Michel Meunier, délégué filière viande de FranceAgrimer

C'est une tendance récente, due à la crise davantage qu'aux modes de consommation.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

La viande de cheval est extrêmement marginale dans la consommation des Français. Elle diminue en outre de manière constante depuis trente ans.

Debut de section - Permalien
Yves Trégaro, chef de l'unité produits animaux et viande de FranceAgrimer

300 grammes à peine, par personne et par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous avions pourtant entendu que la consommation de viande connaissait un certain regain.

Debut de section - Permalien
Yves Trégaro, chef de l'unité produits animaux et viande de FranceAgrimer

Ce regain est très faible. Il faut distinguer les circuits d'achat : dans les boucheries chevalines c'est le cas, beaucoup moins dans les grandes et moyennes surfaces et les marchés forains. Mais nous avons déjà vu des situations dans lesquelles, hors de tout contexte de crise, nous ne pouvions expliquer l'évolution différentielle entre deux circuits. Nous manquons de recul à ce stade. Nous en saurons plus dans deux ou trois mois.

Notez que 60 % de cette consommation dépend des importations, notamment d'Argentine, d'Uruguay et du Canada. Les défenseurs américains du bien-être animal ont en effet réussi à ce que les animaux y soient abattus, plutôt que sur le sol américain.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

Les marges du secteur de l'abattage-découpe sont très faibles, ce qui le rend extrêmement sensible à l'évolution des volumes. En outre, la France enregistre par rapport à ses concurrents un déficit de compétitivité. Il faut trouver des solutions pour optimiser les charges et valoriser nos produits et nos coproduits, ce que l'Allemagne fait bien mieux que nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Combien y a-t-il d'abattoirs en France, et combien d'animaux sont-ils abattus ?

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Nous comptons 280 abattoirs en France.

Debut de section - Permalien
Yves Trégaro, chef de l'unité produits animaux et viande de FranceAgrimer

Soit 3,5 millions de têtes de bovins.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Combien d'abattoirs s'occupent de ces 3,5 millions de bovins ?

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Sur les 280 abattoirs cités, 206 font du gros bovin, et éventuellement des ovins.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La filière a de faibles marges, dites-vous. De surcroît, les abattoirs allemands nous livrent une forte concurrence, grâce à l'application qu'ils font de la directive européenne sur le détachement de travailleurs. Comment rétablir notre compétitivité sur les outils d'abattage ? La restructuration des abattoirs, c'est-à-dire la fermeture de certains et la modernisation des autres, est-elle une solution ? Faut-il développer les circuits courts en développant des abattoirs de proximité qui associent mieux l'abattage et la découpe ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

C'est une question très complexe. Elle dépend en partie de la rentabilité de l'abattoir pris individuellement, et de sa proximité avec la zone de production. Le risque, c'est que la production décroisse et que l'outil de proximité ne soit plus alimenté, ou qu'à l'inverse les producteurs doivent supporter des coûts de transport plus élevés du fait d'une rationalisation du maillage des abattoirs, et que la compétitivité s'en ressente. Il faut raisonner localement. C'est l'objectif des commissions interrégionales d'abattoirs placées sous l'égide des préfets, et de l'Observatoire national créé il a quinze jours, dont FranceAgrimer assure le secrétariat.

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Tout dépend de la taille des outils et de la production locale. Les grands outils industriels travaillent toujours sur des volumes importants pour comprimer leurs coûts fixes. Mais leur rentabilité se joue à peu de choses. En France, les abattoirs sont généralement de qualité, et souvent intégrés dans des circuits locaux. Mais les gros volumes sont majoritairement réalisés par des outils de taille industrielle qui connaissent de fortes difficultés, car les volumes ne progressent plus guère depuis 2005. Ils décroissent même légèrement depuis 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Le plan abattoirs est sous votre responsabilité, n'est-ce pas ?

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Oui. Il a été mis en place par le ministère de l'agriculture, et nous le gérons. Une commission administrative d'attribution des aides a été créée pour étudier les dossiers, au sein de laquelle siège le ministère de l'agriculture, ainsi qu'un expert du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, M. Xavier Ravaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

L'État encourage-t-il le développement de chaînes d'abattages rituel ? Cela sous-entend-il que nous manquons d'abattoirs rituels en France ? Avez-vous des chiffres précis sur la question ?

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

L'abattage rituel ne fait pas partie des principaux objectifs et des orientations du plan abattoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

On dit parfois qu'une chaîne d'abattage rituel est souhaitable pour que l'abattoir bénéficie d'une subvention. Est-ce exact ?

Debut de section - Permalien
Michel Meunier, délégué filière viande de FranceAgrimer

Seule la direction générale de l'alimentation (DGAL) peut vous donner des informations chiffrées sur l'abattage rituel.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

Le plan abattoir ne contient aucune orientation sur l'abattage rituel. Il faut cependant prendre en compte la demande commerciale des entreprises. L'abattage rituel est, du point de vue de FranceAgrimer, un des types de présentation des produits possible, au même titre que le mode de découpe.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Savez-vous combien d'abattoirs pratiquent l'abattage rituel en bovin ?

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

La DGAL doit pouvoir vous fournir le chiffre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

Ce mode d'abattage nécessite désormais une autorisation : c'est le seul suivi officiel qui existe de ces pratiques. FranceAgrimer ne s'intéresse qu'à la dimension économique.

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Non, ce n'est pas une catégorie relevée dans nos enquêtes statistiques auprès des abattoirs. Nous connaissons les volumes par catégorie d'animaux en fonction des conformations mais pas du mode d'abattage. Mais nous pourrions mettre en place un tel décompte.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Donc personne ne connaît les chiffres. Ceux que l'on annonce ici ou là sont donc faux !

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

La DGAL suit les données statistiques relatives à chaque abattoir. L'administration n'a toutefois pas en sa possession de recensement exhaustif des pratiques d'abattage rituel. Cela ne peut être communiqué pour chaque abattoir, individuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Peut-on procéder à un abattage rituel dans n'importe quel abattoir ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

Oui, si l'on est équipé et autorisé à le faire. On dispose du nombre des abattoirs autorisés mais on ne sait pas dans quelles proportions ces abattoirs pratiquent l'abattage rituel.

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Ce suivi statistique n'a pas été demandé à FranceAgrimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Notre production de viande s'érode. Nous avons perdu 50 % de notre production ovine depuis les années 1980. Nous importons 55 % à 60 % de notre consommation. Nous venons de perdre 300 000 bovins en deux ans. Les responsables de la filière volaille ont mis en évidence le volume élevé d'importations auquel nous sommes confrontés. Je ne veux pas cacher mon inquiétude. Si l'on ajoute à cela les contraintes spécifiques à la filière viande, que les céréaliers ne subissent pas, dans cinq, dix ou vingt ans, serons-nous entièrement dépendants des importations de viande pour nourrir notre pays ?

On parle de plus en plus de taxes sur les transports et l'approvisionnement, et du bilan carbone sur les étiquettes. Les exploitants agricoles sont en première ligne, tandis que les agriculteurs d'Amérique du Sud par exemple, dont nous sommes de gros clients, ne sont pas soumis aux mêmes règles. A force de laver plus blanc que blanc, que va-t-il rester sur notre territoire ? L'alimentation des volailles sud-américaines est à base d'organismes génétiquement modifiés (OGM) : sans être pro-OGM, il faut remarquer qu'il est paradoxal de s'y opposer chez nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les plans proposés pour l'élevage de volailles et l'élevage porcin ? Sont-ils en adéquation avec les problèmes que rencontre la filière ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

Pour tempérer le pessimisme ambiant, remarquons que la dégradation sur les filières viande est lente, ce n'est pas une catastrophe brutale. Mais un effet boule de neige peut se produire, la baisse de la production entraînant celui de l'équipement industriel. Ces dernières années, la viande ovine mise à part, la tendance a plutôt été à l'augmentation de notre production sur longue période, en viande porcine et de volaille. Nous avons encore le premier cheptel bovin d'Europe. Nous restons excédentaires en termes de commerce extérieur sur nos productions animales. Il ne faut pas se laisser aller au catastrophisme mais corriger les tendances. Deux plans ont été élaborés, sur la volaille et le porc. Ils ont été présentés la semaine dernière, par le délégué interministériel aux industries agroalimentaires. FranceAgrimer y a participé en amont à travers la concertation avec les professionnels.

Le porc est un enjeu majeur. Il faut éviter la décapitalisation du cheptel. La mise aux normes « bien-être truies » a fragilisé certaines entreprises. Malgré les aides, certaines ont disparu. Mais il faut aussi aider les élevages porcins à se moderniser et à se regrouper. Trop de contraintes administratives pèsent sur la filière, en matière environnementale notamment : les porcheries, installations classées comme polluantes, doivent faire l'objet d'autorisations attribuées au terme de procédures lourdes. L'idée du plan est de les alléger.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

La France se pénalise elle-même. Elle est moins compétitive que d'autres pays, car nombre d'entre eux font preuve de moins de scrupules. Il faut certes être exigeant en matière sociale et environnementale, mais pas au point de pénaliser ses propres éleveurs et sa propre industrie. Notre rapport devra répondre à la question de savoir pourquoi il est si compliqué pour un jeune éleveur de s'installer en France. Dans d'autres pays, on fait des ponts d'or à ceux qui veulent créer un élevage de porcs ! Cette situation est désastreuse pour notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Il faut dire que l'opinion publique ne veut pas toujours entendre parler de porcheries industrielles. Les Allemands ont mis en place 7 000 unités de méthanisation : nous n'en avons que 90... Avec le plan méthanisation, les ministres de l'agriculture et du développement durable exploitent nos marges de manoeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

En France, l'équarrissage est pris en charge par la chaîne d'abattage. En Allemagne, les Länder s'en occupent. Y a-t-il là un élément d'amélioration de nos marges pour une réforme de l'équarrissage ?

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Il faut distinguer ce qui relève des coproduits d'abattage et ce qui relève de l'équarrissage des cadavres d'animaux morts en exploitation. L'administration a fait un effort pour que la réglementation des coproduits ne soit pas plus contraignante que ce qu'impose le droit européen. Elle a de plus évolué ces dernières années, pour permettre la valorisation des coproduits issus des abattoirs.

A la demande des professionnels, nous avions créé un observatoire des coproduits pour étudier ces coûts. Fermé en 2010, il a été de nouveau présenté à notre comité spécialisé au sein de FranceAgrimer très récemment. La situation s'est améliorée, mais des efforts supplémentaires peuvent être faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Nos sommes dans des sociétés de marché, de libre-concurrence. Beaucoup d'accidents économiques sont dus à des pratiques contestables de vente, de rachat, de regroupement. Sur quelles instances de régulation FranceAgrimer s'appuie-t-il ? Ce qui m'inquiète, c'est l'absence de médiation sur le marché français des abattoirs. La situation est effroyable, et les élus ne sont pas informés en amont de ce qui se passe.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar Delahaye, directeur général par intérim de FranceAgrimer

Il faut distinguer les irrégularités d'une part, et les restructurations, rachats ou regroupements d'autre part. Ces derniers sont étudiés par les commissions interrégionales des abattoirs, qui font le point avec les acteurs de l'économie locale. Les collectivités territoriales font partie de ces commissions.

Les dérives sont un tout autre sujet. Lorsque des dérives en matière sanitaire, de commercialisation, de traçabilité ou d'étiquetage sont constatées, elles sont sanctionnées, et c'est d'autant plus heureux en période de crise économique, où la tentation de s'affranchir des règles est plus forte.

Debut de section - Permalien
Michel Meunier, délégué filière viande de FranceAgrimer

Concernant l'aviculture, nous agissons d'abord en amont pour moderniser les élevages. Nous cherchons à assouplir les dispositions contraignantes de protection de l'environnement, source de handicap par rapport aux concurrents européens. Nous soutenons l'agrandissement des élevages, qui restent de taille bien inférieure à ceux de pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas qui ont rationalisé tous les maillons de la chaîne de production, un élevage correspondant à un abattoir. Nous prenons en compte également les difficultés liées au renouvellement des éleveurs souvent âgés de plus de 50 ans. En outre, nous accompagnons les stratégies industrielles destinées à diminuer les coûts grâce à une utilisation optimale des infrastructures, notamment les abattoirs, par des regroupements ou des restructurations. Nous cherchons enfin à améliorer les relations entre l'industrie et le secteur aval - grande distribution, transformateurs -, afin que tous les membres de la filière contribuent à améliorer la valeur produite dans son ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Que pensez-vous de la contractualisation ? Un éleveur a-t-il le droit d'acheter directement ses céréales à un agriculteur sans passer par un distributeur agréé ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye

Oui. Mais les collecteurs sont contraints de payer comptant les céréaliers. FranceAgrimer gère un dispositif de garantie des collecteurs qui finance les coûts de stockage et de portage financier, dénommé « aval ». Des collecteurs agréés vendent des céréales produites et stockées selon des procédés standardisés, donc de qualité constante. Il est donc préférable pour l'éleveur de passer par un collecteur agréé. L'enjeu de la vente directe entre agriculteurs est d'échapper aux taxes car FranceAgrimer bénéficie de taxes et les interprofessions prélèvent également des cotisations à l'occasion de la vente de céréales. Mais ces taxes sont très faibles, de moins de un euro par tonne.

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

FranceAgrimer garantit l'obligation de paiement comptant par le collecteur qui a obtenu son aval. Ainsi les coûts financiers des collecteurs diminuent et la rentabilité de la filière est améliorée. L'encours garanti s'élève à 2,8 milliards. En outre les collecteurs sont soumis à des contrôles sur leurs stocks, sur la sincérité de leur comptabilité.

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Non.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Les opérateurs sont-ils libres d'importer ou d'exporter ou sont-ils soumis à des autorisations ? Quelle est l'étendue des contrôles sur les produits qui franchissent les frontières ? Quel est votre rôle ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye

Les importations et exportations doivent respecter les règles sanitaires, contrôlées par les services vétérinaires aux frontières. De notre côté, nous gérons, pour le compte des autorités européennes, les contingents de produits importés exemptés de droits de douane. Pour les produits exportés, nous vérifions le respect des règles sanitaires européennes et des exigences sanitaires des pays de destination. Nous fournissons également un soutien logistique à la DGAL en accueillant les délégations vétérinaires étrangères afin d'obtenir les agréments et ouvrir les marchés à l'exportation.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye

Les importations sont soumises à des règles sanitaires européennes. Les contrôles relèvent de la responsabilité des Etats membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pourtant il existe des distorsions, comme pour la cervelle de mouton. La France est peut être trop tolérante en matière d'importations, ce qui pénalise nos éleveurs.

Debut de section - Permalien
Claire Legrain, chef du service « entreprises et marchés » de FranceAgrimer

Un effort important d'harmonisation entre notre réglementation et la réglementation européenne a été accompli depuis ; il reste peu de divergences.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Interbev rassemble l'ensemble des acteurs de la filière bétail et viandes dans une organisation interprofessionnelle large. Nous sommes impatients d'entendre votre diagnostic et vos propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Dans votre dernière lettre d'information électronique, vous souligniez que certains facteurs expliquant les différences de compétitivité entre les filières viande française et allemande relevaient de distorsions de concurrence très préjudiciables à la France. De même M. Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats exploitants agricoles (FNSEA), s'étonnait récemment de constater que, dans un abattoir employant 2500 personnes près de Düsseldorf, les travailleurs portaient des tenues différentes et étaient payés en fonction de leur pays d'origine. L'Allemagne qui se présente comme un modèle n'est apparemment pas un modèle social et exploite sans vergogne une main-d'oeuvre à bas coût. Comment sauver notre agriculture, dans un tel contexte ?

Vous avez réagi très vite après la découverte de la fraude à la viande cheval dont chaque jour révèle un aspect différent : découverte de viande de boeuf en provenance d'Espagne, emploi de viande avariée, présence de viande porc dans des préparations halal, etc. La France serait le pays le plus touché par la fraude : 13 % des échantillons ADN testés contiendraient de la viande de cheval et non du boeuf, soit trois fois plus que la moyenne européenne. Pourquoi ? Comment éviter de nouveaux scandales ? Pourquoi l'industrie refuse-t-elle d'améliorer l'étiquetage des préparations à base de produits carnés ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Je parle aujourd'hui en tant que représentant des filières ovine, bovine, équine et la filière veau. La concurrence allemande est forte. En Allemagne, en effet, les salariés peuvent être rémunérés au salaire de leur pays d'origine. Les écarts de salaire sont supérieurs à neuf euros de l'heure dans un secteur où le coût du travail représente 55 % des coûts. C'est une distorsion de concurrence qui nous pénalise tant sur le marché européen qu'à l'exportation. Il n'est pas possible de réduire les salaires en France ni de les augmenter en Allemagne. Sans doute conviendrait-il de limiter le nombre de travailleurs transfrontaliers en Allemagne. En outre les conditions de travail dans les abattoirs allemands sont ne sont pas comparables à celles prévues par le droit du travail en France et par les conventions collectives. Une harmonisation sociale a minima est nécessaire.

La fraude à la viande de cheval dans les lasagnes n'est pas d'ordre sanitaire mais économique. Elle porte préjudice à l'image de l'élevage en France. En 1996, sous l'impulsion de M. Philippe Vasseur, alors ministre chargé de l'Agriculture, nous avons lancé le label Viande Bovine Française (VBF), repris par l'Europe en 2000. Aucune viande fraîche ne peut être aujourd'hui commercialisée sans indication d'origine. L'enquête en cours sur cette fraude déterminera quelles mentions figuraient sur l'étiquette. Les tests ADN montrent en effet que la France est le pays le plus touché par le « horse gate ». Sans doute est-ce en raison d'un biais dans la réalisation des tests, ciblés sur les clients en France des entreprises incriminées tandis qu'ils ont été réalisés de manière aléatoire dans d'autres pays. Mais l'essentiel de la viande de cheval semble avoir été destiné à la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Comment expliquer que malgré les contrôles la France, pourtant en pointe en matière de réglementation, soit le pays le plus touché ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Dans cette fraude, un montage impliquant de nombreux opérateurs a permis de contourner les règles de traçabilité. Les viandes européennes doivent porter la mention du lieu de naissance, d'élevage et d'abattage. Interbev se portera partie civile. Dès le départ nous avons réclamé que les industriels indiquent de manière spontanée sur les étiquettes l'origine de la viande utilisée dans les préparations carnées. Nous avons trouvé une oreille favorable auprès du Président de la République et du Premier ministre. Notre législation est lacunaire à cet égard car aucune obligation n'existe. La crise de l'ESB en 1996 n'avait concerné que la viande fraîche, non les plats cuisinés.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

L'étiquetage relève du droit communautaire. La Commission européenne a avancé la remise d'un rapport sur le sujet d'août à juin, à la suite de l'intervention des ministres allemands et français. Elle ne semble pas favorable à une modification de l'étiquetage car certains pays y sont hostiles. Nous souhaitons, comme en 1996, une initiative volontariste des industriels.

Dans tous les cas, l'étiquetage ne pourra être immédiat car le label VBF suppose une démarche d'adhésion et des audits de contrôle des producteurs et des fournisseurs. Nous instruisons actuellement 25 demandes d'adhésion. Nous refusons les harmonisations a minima. Le label « VBF » est très bien perçu par les consommateurs. La consommation de viande fraîche, d'ailleurs, n'a pas baissé, à la différence des produits surgelés. La consommation de viande de cheval a même augmenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pourquoi ne pas appliquer cette procédure à la viande ovine et aux autres viandes ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Notre production de viande ovine ne couvre que 40 % de nos besoins. Importer reste nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Tout le monde aurait à gagner à renforcer la qualité. Peut-on développer les signes de qualité et mieux valoriser les races à viande ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Le consommateur est en effet sensible aux indications d'origine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Quelle est la part de la viande provenant d'Amérique du sud dans la consommation française ? Dans l'Orne les abattoirs pâtissent de la baisse de l'activité et sont en difficulté. Nous vendons, en effet, de plus en plus de bétail sur pied à des pays qui nous achetaient autrefois des morceaux travaillés, les droits de douane étant parfois plus élevés pour ces derniers, comme en Turquie. Pourtant des responsables turcs reconnaissent notre savoir-faire en matière d'élevage et d'abattage. Peut-être reviendront-ils à l'achat de viande transformée.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Rappelons les chiffres. Nous abattons 1,4 million de tonnes en France, dont 1,3 million de gros bovins. Nous importons 300 000 tonnes de viande et en exportons 250 000. En France 55 % du cheptel est constitué de races à viande et 45 % de races laitières. La France est le premier producteur européen de viande bovine et son troupeau allaitant est le plus important d'Europe. Notre déficit vient du manque de viande issue des troupeaux laitiers et utilisée pour confectionner les steaks hachés et les plats élaborés. Les importations s'expliquent par ce déséquilibre.

La consommation de viande brésilienne est marginale. Le principal acheteur de viande brésilienne est l'Allemagne.

La Turquie avait instauré un embargo concernant l'importation de viande européenne après la crise de la vache folle en 1996. Mais en raison de l'augmentation de sa demande intérieure, elle a levé l'embargo en 2010. Les Allemands ont réagi en 15 jours, alors qu'il nous a fallu deux mois pour que le ministre signe un certificat sanitaire prévoyant des tests de dépistage de l'ESB sur les animaux de moins de 30 mois...

Au 1er trimestre 2011, nous avons surtout exporté des carcasses de jeunes bovins à des prix rémunérateurs ; les cours ont augmenté de 25 centimes d'euros. En août 2011, la Turquie a demandé la signature d'un certificat sanitaire autorisant l'exportation de bovins finis, prêts à abattre. Interbev s'y est opposé, considérant qu'il s'agissait d'une délocalisation de l'abattage. Nos clients turcs appréciaient la qualité de nos carcasses malgré quatre jours de transport. Cette autorisation a malheureusement été donnée entraînant une hausse des exportations de bovins et une baisse de l'abattage de 6 % en 2012. Aujourd'hui la Turquie n'importe plus de viande en raison de la pression des éleveurs locaux et du bas prix de la viande issue des troupeaux laitiers turcs.

Debut de section - Permalien
Yves Berger, directeur d'Interbev

Il ne s'agit pas d'une interdiction formelle d'importer, mais les Turcs n'envoient plus d'équipes de vétérinaires pour signer les certificats de départ.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Nous étions les seuls à exporter du vif car les Allemands avaient refusé de signer le certificat sanitaire au nom du bien-être des animaux. La Turquie réfléchit néanmoins à une évolution, car le Brésil a réduit ses exportations et les autres fournisseurs n'apportent pas toutes les garanties sanitaires. Grâce à de bonnes relations avec la Turquie, un nouveau déplacement est programmé. Nous sommes d'accord pour exporter de jeunes animaux à engraisser et des carcasses, ainsi que pour contribuer à l'amélioration du savoir-faire en matière d'engraissement. Nous n'autoriserions en revanche l'exportation de produits finis que de manière marginale, notamment lors des fêtes religieuses où la demande est forte. Nous ne pouvons accepter de délocaliser notre activité d'abattage, secteur en crise, l'activité ayant chuté de 8 % au 1er trimestre 2013. Les prix monteront moins vite, mais la hausse sera plus durable. Nous avons également des contacts avec la Tunisie et une délégation algérienne sera reçue en mai avec laquelle nous espérons conclure un accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Les droits de douane sont-ils différents selon qu'il s'agisse de viande ou de bétail vif ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

En effet. Les droits sur les carcasses ont été portés de 25 % à 100 %, contre 45 % sur les animaux vifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Que pensez-vous de la volatilité des prix et de la contractualisation avec la filière aval ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Malgré une hausse des prix importante du bétail en 2012, de l'ordre de 13 % en moyenne, les revenus des éleveurs n'ont pas augmenté. La rémunération moyenne de 15 000 euros par an n'incite pas les jeunes à s'installer, ce qui menace l'avenir de toute la filière.

Il est indispensable que la France ne cède rien sur la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC).

La volatilité des prix met également en péril l'industrie de transformation de la viande, comme l'a souligné le rapport Chalmin. L'année 2012 a été une mauvaise année, l'année 2013 sera pire encore car il n'est pas possible de répercuter les hausses de prix. Lors d'une réunion de suivi de l'accord du 3 mai 2011 sur la volatilité des prix conclu sous le patronage du ministre de l'Agriculture, il a été rappelé que le consommateur ne devait pas subir la hausse des prix du bétail. Mais ni les producteurs ni les industriels ne gagnent d'argent. La marge moyenne d'un abattoir est de 1,4 % net, ce qui pose des problèmes pour financer les investissements. Le rapport Chalmin a conclu que la grande distribution a une marge négative de 1,9 % sur la viande. Même si ces données sont des moyennes qui ne tiennent pas compte des promotions, la marge est faible.

A l'issue des États généraux de l'interprofession: un accord semble imminent sur la contractualisation. Il concernerait d'abord les jeunes bovins, mais servirait surtout de signal à l'attention des éleveurs et des autres filières.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La contractualisation est déjà à l'oeuvre pour la viande ovine.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

L'accord conclu sur la filière ovine en 2011 est différent car il ne détermine pas de niveau de prix et prévoit une subvention de 3 euros par brebis.

L'accord sur les bovins s'adresse aux producteurs de plus de 20 animaux, définit des engagements réciproques de production et d'enlèvement des animaux. Les prix seront basés sur le système de cotation refondu par FranceAgrimer en 2012 qui fournit une vue très claire des prix payés et sur un indice de revalorisation évoluant en fonction des variations du prix de l'alimentation du bétail. Ce contrat sera fondé sur le principe de l'adhésion volontaire. Une caisse de sécurisation amortira les variations des prix. Elle sera abondée par un prélèvement lorsque les prix sont élevés ou par des fonds du deuxième pilier de la PAC. Des discussions sont en cours avec les céréaliers sur un concours du Fonds de mutualisation céréalier des éleveurs (FMCE). Les éleveurs ont besoin de perspectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Existe-t-il une volonté commune avec les organisations professionnelles agricoles des autres pays de l'Union européenne pour favoriser l'élevage au sein de la PAC ? Qu'en est-il du fonds céréaliers ? Les céréaliers ont-ils décidé de le financer ? Que pensez-vous des effets sur la compétitivité de l'écotaxe qui alourdira la charge des exploitants alors que nos voisins ne l'ont pas prévu, ou de l'inscription du bilan carbone sur les étiquettes, véritable casse-tête ? Nous sommes favorables à la contractualisation. Mais une part du commerce de bétail est réalisée sur les foirails ou sur des marchés au cadran.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Une volonté partagée apparaît pour que le FMCE soutienne l'élevage français. Mais la contractualisation constitue un préalable. Chacun a compris que tous les intérêts sont liés.

L'écotaxe pèsera sur tous les acteurs de la filière, éleveurs comme industriels et commerçants. Des aménagements semblent prévus pour certaines productions. Espérons que l'équité prévaudra. De plus, comme pour la hausse des carburants, les transporteurs publics pourront répercuter l'écotaxe, mais les transporteurs privés ne pourront le faire.

Les handicaps de compétitivité sont dus également à des mesures sanitaires franco-françaises. Ainsi les têtes d'ovins de moins de douze mois restent interdites alors que les scientifiques ont conclu à l'absence de risque sanitaire. Certes il ne s'agit que de 2 millions d'euros, mais dans la filière, chaque centime, voire chaque demi-centime, compte ! La jurisprudence des ris de veaux du conseil d'État est claire : si l'Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA) a conclu à l'absence de risques sanitaires, la réglementation française ne peut être plus dure que la réglementation européenne. De même la démédullation n'est justifiée par aucun élément scientifique. Enfin, alors que l'Europe s'est prononcée sur la suppression des tests ESB, le premier ministre n'a toujours pas rendu son arbitrage. Or, la réglementation communautaire autorise les Etats-membres, soit à tester de façon aléatoire, soit à tester les animaux à risque, ce que nous souhaitons. Il n'y a pas de raison que la France n'applique pas ce qui sera appliqué en Allemagne, en Angleterre, en Irlande. Nous avons respecté les règles, notre transparence nous a valu des embargos que les autres pays n'ont pas eu à subir, nous avons eu à nous battre pour rouvrir les frontières. Après dix ans de combat, le Japon s'ouvre enfin, alors que la viande américaine élevée dans des feed lots, hormonée, non tracée et non testée ESB y est vendue sans problèmes... Nous appliquons volontiers des règles justifiées, mais les agences française et européenne s'étant prononcées, le dispositif n'a plus de raison d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Qu'en est-il de la fièvre catarrhale ovine (FCO) ?

Debut de section - Permalien
Yves Berger, directeur d'Interbev

Il n'y a plus d'obligation de vaccination ; nous sommes reconnus indemnes, et les pays dans lesquels nous exportons, en particulier le pourtour méditerranéen, ont supprimé l'obligation de vaccination.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Les commerçants en bestiaux représentent 60 % de la commercialisation des animaux. Ces commerçants en bestiaux font pleinement partie d'Interbev. L'interprofession est en effet constituée de 13 familles : producteurs, marchands de bestiaux, commerçants de bestiaux, industriels, coopératives, distribution, boucheries traditionnelles, restauration collective ... qui fonctionnent selon la règle de l'unanimité. Lorsque nous arrivons à un accord, il a de la force. La commercialisation sur les marchés de bestiaux représente cependant une part faible des échanges d'animaux : moins de 10 %.

Debut de section - Permalien
Yves Berger, directeur d'Interbev

La PAC concerne en priorité les producteurs. Nous avons une unanimité interprofessionnelle au sujet des mesures demandées par la Fédération nationale bovine (FNB), essentiellement le couplage et une politique de l'herbe, et même par France Nature Environnement (FNE). A la demande de la FNB, nous avons participé à l'animation d'un groupe de plusieurs pays parmi lesquelles l'Italie, l'Irlande, l'Espagne et l'Angleterre, qui concentrent l'essentiel des vaches allaitantes européennes. Comme pour la réforme précédente, ces pays ont élaboré une plateforme commune qui a été adoptée lors du dernier sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand. A l'issue d'un colloque, le président de la FNB et ses collègues présidents d'associations d'éleveurs ont signé un document qui a été adressé aux gouvernements de chaque pays ainsi qu'au Parlement européen. Une action a également été menée auprès de nos représentants français, l'un d'entre eux étant rapporteur au Parlement dans le cadre des trilogues.

Concernant le FMCE, des travaux sont en cours. Nous attendons le verdict de la Cour de justice européenne qui a été interrogée par le Conseil d'Etat français sur le caractère public ou privé des fonds collectés par les interprofessions. Le rapporteur général a conclu au caractère privé des contributions volontaires obligatoire (CVO). Cette décision importante doit intervenir d'ici le mois de juin.

Les aspects environnementaux sont importants en élevage. En ce qui concerne l'étiquetage du bilan carbone, nous avons saisi à plusieurs reprises le ministère de l'environnement et les services responsables : nous soulignons un problème de méthodologie et revendiquons que soient comparés des choses comparables. L'écoute du ministère de l'environnement semble s'améliorer. Au sein d'Interbev, nous avons désigné un responsable élu pour suivre le sujet et nous sommes dotés d'un référent technique. Le point central est le bilan carbone ; nous ne nions pas que les vaches émettent du méthane, mais le bilan doit aussi prendre en compte le rôle des prés comme puits de carbone, comme réservoir de biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La commission des affaires européennes du Sénat a adopté une proposition de résolution européenne relative à la PAC qui va dans votre sens puisqu'il s'agit de sauver l'élevage français.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Dans un communiqué de presse du 8 mars 2012 adressé aux parlementaires, vous avez souhaité « mettre un terme à la politique politicienne autour de l'abattage rituel ». Leur volume atteindrait, selon vous, 14 % des abattages totaux en France, et la viande issue de ce type d'abattage et potentiellement commercialisée dans les circuits classiques représenteraient moins de 3,5 % de la consommation française des viandes bovines et ovines. Nous confirmez-vous ces chiffres ?

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Tout à fait. Nous abattons rituellement en France 226 000 tonnes, sur un abattage total de 1 600 000 tonnes, boeuf, veaux, et ovins. Nous exportons 40 000 tonnes de viande issue d'abattage rituel et en consommons 230 000 tonnes. Nous importons 108 000 tonnes de viande issue d'abattage rituel et la viande issue d'abattage rituel vendue dans le circuit hors-rituel représente 64 000 tonnes, soit 4 % du total.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Nous n'avons pas ces chiffres.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Ce sont les remontées de la direction générale de l'alimentation (DGAL), qui dispose des tonnages exacts abattus. Depuis le décret de décembre 2011, les abattages rituels sont soumis à autorisation préfectorale. Les services vétérinaires départementaux font remonter les chiffres d'abattage rituel et la consolidation est réalisée au niveau du ministère. Nous avons anticipé l'application du décret en avril 2012 : en sus de l'autorisation préfectorale, il prévoit l'obligation de former des certificateurs et de tenir un registre permettant de vérifier le volume abattu par rapport aux commandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Nous avions compris que vous aviez obtenu ce chiffre en sondant une quinzaine d'abattoirs.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Cette méthode a été suivie dans le cadre du rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), un rapport important et souvent cité, mais dont les conclusions ne peuvent s'étendre à l'ensemble de l'abattage : il ciblait en effet quinze abattoirs qui ne font que du rituel. Quant au communiqué, il a été rédigé en pleine campagne électorale, alors qu'une candidate à l'élection présidentielle avait déclaré que 100 % des Franciliens mangeait rituel. C'est un mensonge total : les quatre abattoirs de la région Ile de France ne représentent que 4 000 tonnes, pour une consommation totale de 160 000 tonnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pourtant, 100 % de ce qui est abattu en Ile de France est bien rituel.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Certes, mais 100 % d'abattage ne correspondent pas à 100 % de la consommation.

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

Il est très clair, les statistiques existent. Cet abattage est réalisé conformément à un règlement communautaire très précis, permettant aux Etats-membres d'accorder une dérogation à l'étourdissement des animaux, sous réserve que l'abattage ait lieu dans un abattoir, ce qui évite les tueries clandestines ...

Debut de section - Permalien
Dominique Langlois, président d'Interbev

L'animal doit également être immobilisé et l'abattage réalisé par un sacrificateur habilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Coop de France est un acteur majeur de l'agriculture française. Quelle vision avez-vous sur la filière viande ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quelles réformes préconisez-vous pour améliorer la filière viande en France ? Comment maîtriser les coûts de l'alimentation animale ? Faut-il aller plus loin sur l'étiquetage d'origine des viandes, y compris transformées ? Les plans destinés à la filière porcine et volaille de chair présentés par le gouvernement vous donnent-ils satisfaction ? Nous avons beaucoup de questions.

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Le pôle animal de Coop de France regroupe les cinq filières : porcine, bovine, volaille, ovine et nutrition animale. Les coopératives appartiennent à l'économie sociale et solidaire. Sur le terrain, la coopérative n'est que le prolongement des exploitations : nous sommes nous-mêmes agriculteurs. Les coopératives sont des acteurs importants : je suis responsable du groupe coopératif Terrena. Nous sommes n° 2 dans les filières bovines et volailles, et n° 1 sur le lapin en association avec la société Loeul & Piriot.

Debut de section - Permalien
Gérard Viel, président de la filière porcine

Je suis éleveur dans les pays de la Loire. Je suis responsable de la filière porc de Coop de France, et vice-président de la Cooperl Arc-Atlantique, structure spécialisée dans la production de porc et dont le chiffre d'affaires représente presque 2 milliards d'euros pour 5 000 salariés.

La filière est engagée dans tous les maillons, de l'éleveur jusqu'à la salaison. Nous avons en effet repris un outil de salaisonnerie, Brocéliande, et lancé une enseigne de petits boucheries-charcuteries : Aurélien.

La coopération représente 60 % de la production en aviculture, 33 % en viande bovine, 60 % en viande ovine et 90 % en viande de porc. Au total, la coopération représente 60 % de la production de viande.

L'abattage et la découpe constituent la partie aval de la coopération. En abattage découpe, la coopération représente 35 % en, volailles, 20 % en viande bovine, 30 % en viande ovine et 34 % en viande porcine.

Au total, la production représente environ les deux tiers de l'activité des coopératives et l'abattage-découpe un tiers.

Nous recensons 2 850 entreprises coopératives, sans compter les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), soit 160 000 salariés au total. Le chiffre d'affaires global de la coopération représente 84 milliards d'euros, la partie viande représentant 25 000 salariés pour un chiffre d'affaires de 15 milliards d'euros.

La part d'approvisionnement extérieur des coopératives est faible. Notre priorité est de valoriser les produits de nos adhérents. Un principe est inscrit dans nos statuts : nous ne devons pas dépasser 20 % de notre chiffre d'affaires avec des tiers non-adhérents, ce qui nous conduit à travailler essentiellement avec nos adhérents.

Toutes filières confondues, le secteur de la viande est aujourd'hui dans une situation de crise, pour des raisons de rentabilité : tous les maillons de la filière sont touchés. L'élevage est confronté à l'augmentation du coût des matières premières et des céréales. La hausse des prix de l'alimentation ne se répercute que très difficilement sur le maillon suivant, l'abattage-découpe, qui connaît une baisse de production. Les filières porcs ou bovins ne fonctionnent plus comme avant de manière cyclique, et connaissent une chute durable de la production.

Le maintien des niveaux de production est un défi que nous devons relever : s'il baisse, c'est l'emploi qui est menacé. Or, tous les voyants sont au rouge.

Nous avons cependant quelques pistes. Un phénomène est commun à toutes les filières : la difficulté à répercuter les évolutions de coûts de production sur l'aval des filières, essentiellement les coûts de l'alimentation. Certes, on observe une évolution plus favorable en ce qui concerne le lait, et la situation progresse aussi sur le porc. Un autre élément est à prendre en compte : la capacité à nous positionner sur les marchés d'exportation. En porc, toutes les pièces ne sont pas valorisées sur le marché français. Il faut exporter. La compétitivité est un enjeu majeur. La distorsion du coût de la main-d'oeuvre, notamment sur le bassin du nord, pose des problèmes récurrents. Le ministre de l'agriculture a été très clair : autant les ministres belges ont pu entreprendre un recours contre l'Allemagne auprès de la commission européenne, autant chez nous, le sujet est éminemment politique : les discussions avec l'Allemagne doivent avancer et elles ne sont pas de son ressort. Pour une activité comme le porc, cette distorsion représente 5 euros par porc : pour un atelier moyen de 30 000 porcs par semaine, cela représente 150 000 euros de différentiel !

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Nous avons une conviction : plus qu'une crise, nous vivons la fin d'un modèle économique. Si nous ne sommes pas capables, dans les deux années à venir, de fournir à notre profession des éléments moteurs de croissance et de compétitivité, nous allons à la catastrophe, et les dégâts sociaux seront importants. Ce discours est alarmiste, mais nous avons aussi des rasions de garder espoir. Si la France a perdu sa place de leader dans la production alimentaire, c'est parce qu'elle n'a pas su accompagner les évolutions du marché, mondial, européen et français. Ces dix dernières années, la production de viande de volaille a augmenté de 54 % en Allemagne, la nôtre a régressé de 20 %. L'Espagne a gagné 27 %, l'Italie, 47 %. Une réforme s'impose donc.

Les Allemands sont les meilleurs de l'automobile avec Mercedes ; pourquoi ne serions-nous pas les meilleurs de la gastronomie et de l'agro-alimentaire ?

Il faut mettre fin aux distorsions sur les coûts de main-d'oeuvre, mais pas seulement. En amont, l'offre en bovins est insuffisante. Le marché a besoin d'une offre bovine de viande industrielle alors que c'est l'offre haut de gamme qui prédomine. Nous sommes capables, au niveau de la coopération, de réorienter l'offre : pour ce faire, nous devons procéder par contractualisation et engagements rémunérateurs. En ce qui concerne la volaille, c'est la compétitivité qui fait défaut. Nous ne voulons pas de clivage entre les céréaliers et les éleveurs : il est facile de dire aux éleveurs de faire un effort sur le prix, mais cela ne peut durer éternellement. Lorsque l'élevage diminue, la végétalisation gagne du terrain... 11 millions de tonnes de céréales françaises vont aujourd'hui directement alimenter le bétail. Si l'élevage quitte nos régions, il faudra aussi trouver d'autres débouchés pour les céréales. C'est pourquoi nous devons nous mobiliser.

Toutes les régions françaises veulent leur abattoir de proximité. C'est logique : là où il a de l'abattage, il y a de la production. Cependant, pour résister à la concurrence, nous avons besoin de gros outils, avec des performances industrielles élevées. En multipliant les petits abattoirs, on diminue la compétitivité des gros.

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

C'est le besoin du marché qu'il faut prendre en compte. Il faut être capable de répondre à une demande de produits bon marché ou de bêtes nourries à l'herbe. Il y a aussi plusieurs marchés : le marché intérieur et les marchés export.

Nous exerçons un métier de pauvres. Quand notre rentabilité atteint 1 % dans nos outils d'abattage, nous sommes contents. Nous voulons juste gagner assez d'argent pour innover. Nous sommes allés visiter nos concurrents anglo-saxons et allemands. Ils ont su croître en volume et mobiliser des fonds européens pour investir dans des outils de transformation.

Enfin, répondre aux demandes du marché est essentiel : il n'y a pas un, mais des consommateurs, et la demande n'est pas la même le lundi ou le dimanche. Nous devons être capables de faire face à toutes les demandes. C'est possible, pourvu que les pouvoirs publics se mobilisent, que l'investissement soit relancé, et qu'une remise à plat ait lieu. J'assistais lundi à une réunion des producteurs de volaille : ils réclament une augmentation des prix. A court terme, nous pouvons le répercuter sur la grande distribution ; mais à plus longue échéance, cela ne résout en rien les difficultés de la filière.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Il faudrait aller vers plus d'industrialisation pour baisser les prix. Cette politique du prix bas n'est-elle pas responsable de la crise ?

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Si nous ne voulons pas aller dans le mur, nous devons rénover notre relation commerciale avec les grandes et moyennes surfaces (GMS). La guerre des prix bas entre Carrefour et Leclerc ne peut pas continuer. Elle va nous faire passer de 11 % de chômage à 13 %, et demain 15 %. « Ne comptez-pas sur moi pour arrêter la guerre, car si j'arrête je perds des parts de marché », nous répond-on.

L'industrialisation ne vise pas à faire baisser les prix, mais à avoir des coûts industriels compétitifs, et à renouveler notre offre. Nos distributeurs commencent à réaliser qu'ils n'ont plus de fournisseurs français, et réfléchissent à une meilleure relation avec eux, fondée sur une offre construite. Pour y parvenir, il nous faut des outils industriels performants et innovants.

Debut de section - Permalien
Gérard Viel, président de la filière porcine

Pour sortir de ce cycle infernal du prix toujours plus bas, nous sommes favorables à l'identification de l'origine des produits, avec un étiquetage identifiant l'origine nationale. Informer le consommateur sur la provenance du produit ne peut pas constituer une entrave au commerce ! Certains maillons traînent les pieds, notamment la salaison : ils craignent de perdre en compétitivité en étant obligés de s'approvisionner sur le marché français alors que la viande allemande est moins chère. Mais il s'agit-là de la liberté du consommateur et de la transparence. Pour moi, la mesure est fondamentale. A travers son acte d'achat, le consommateur peut orienter l'offre, car le distributeur suivra toujours le donneur d'ordres.

Debut de section - Permalien
Denis Gilliot, coordinateur des filières de Coop de France

Nous défendons l'étiquetage sur les produits bruts, ce qui existe déjà pour la viande bovine depuis la crise de la vache folle, mais qui devrait être étendu aux produits transformés. Quand il est écrit « transformé en France », on peut être certain que l'origine est douteuse. Nous voulons que l'étiquetage précise « transformé en France à partir de tel élevage » : l'origine doit également être mentionnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Vous dites faire partie de l'économie sociale et solidaire. Les gens s'interrogent de plus en plus sur ces grandes structures coopératives. Comment conciliez-vous vos objectifs économiques avec les fondamentaux de la coopération, comme le principe «un homme, une voix» ? Un texte sur l'économie sociale et solidaire est à venir et les coopératives seront au centre du débat : comment vous positionnerez-vous ?

L'élevage représente environ un sixième du chiffre d'affaires général de la coopération. Les éleveurs sont confrontés au quotidien à des difficultés d'approvisionnement, aux fluctuations des prix. Comment la coopérative gère-t-elle les différences de situation entres les uns et les autres ?

Dans les scandales, les personnes attachées à la coopération regrettent que le secteur coopératif se soit fait prendre les doigts dans le pot de confiture... Comment vivez-vous cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

La hausse du coût des matières premières est un souci majeur pour l'élevage. Coop de France est l'un des plus grands fédérateurs de production de céréales, en particulier de maïs, dont la valorisation a été remarquable depuis quelques années. Comment Coop de France joue-t-il les médiateurs ? Le problème des matières premières n'est pas extérieur, ce n'est pas la faute des autres ! Euralis ou Maïsadour sont des coopératives françaises...

Nous soutenons l'éthique du mouvement coopératif, mais les erreurs de stratégie y sont plus difficiles à admettre que dans le secteur privé, surtout dans le domaine de la restructuration des abattoirs. Les choix ne sont pas toujours heureux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

La diminution de la production dans l'élevage m'inquiète. Nous avons perdu 300 000 têtes de bovins, nous sommes passés de 12 millions de têtes ovines à 7,5 millions. Avec l'augmentation du prix des céréales, les pâtures deviennent des terres labourées ... C'est bien d'informer l'opinion publique de l'importance de l'élevage, mais il faut aussi alerter les commerçants et la grande distribution. Alors que notre sécurité alimentaire est plus forte qu'ailleurs, les consommateurs seront de plus en plus tributaires d'aliments importés. Nous ne voulons pas d'OGM, mais les poulets qui viennent du Brésil sont tous nourris avec...

Un pays doit nourrir ses habitants, d'autant que la population va augmenter. Mais la grande distribution ne peut augmenter les prix. Lorsque nous allons rencontrer les transformateurs, ils nous disent que chaque centime est pesé. Or, quand je compare la part du producteur et celle de la transformation dans la valeur finale du produit, il y a un problème de répartition des marges. Un exemple : je suis producteur de comté. Le prix de vente de la meule atteint, après l'affinage, 9,50 voire 10 euros. Ce prix rémunère les agriculteurs, les engrais, les vaches, le transporteur de lait, le fromager, l'affineur. Comment se fait-il que le comté soit ensuite vendu à 25 ou 28 euros au détail ?

Si tous les maillons de la filière sont en difficulté, la grande distribution va être obligée de changer, de même que nos concitoyens devront accepter de payer un peu plus cher. L'alimentation en produits agricoles non finis ne représente que 4 % dans le budget des ménages. N'y a-t-il pas à communiquer dans ce domaine ?

Jusqu'où aller dans la transparence ? Accepteriez-vous de mentionner « génisse alimentée à base d'ensilage » ?

Avec une meilleure rentabilité, davantage d'agriculteurs s'installeraient...

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Les grands groupes coopératifs ont été créés par des hommes qui se sont battus, à partir de petites structures coopératives. Les dérives de la gouvernance, condamnables, font les choux gras des médias ... Je vous invite cependant à venir voir de près nos structures pour constater que nous restons dans l'économie sociale et solidaire. En 2008, lors de la crise, cette autre économie a été portée aux nues, beaucoup la découvrent aujourd'hui. La gouvernance d'une coopérative, ce sont les hommes. Nous avons 500 réunions par an ! Nous adhérons aux sept principes de Rochdale : un homme-une voix ; une société de personnes et non de capital ; nos valeurs sont la solidarité, l'engagement, le respect et la considération. Bien sûr, les dérives existent, dans certaines filiales. Quand je suis arrivé à la tête de Terrena en 2005, des directeurs ont été remplacés par des élus. Nous les avons formés pour qu'ils apprennent à travailler en respectant les valeurs de la coopération. Nous avons aussi des comités d'audit. Attention à l'amalgame : plus c'est gros, moins c'est bien. Venez assister à nos assemblées générales. ..

Comment les coopératives naviguent-elles entre les céréaliers et les éleveurs ? Lorsque les variations vont de quelques centimes à quelques euros, la coopérative fait le tampon. Quand elles atteignent 50 euros, c'est impossible. Nous avons des systèmes d'amortissement des prix. Si nous n'étions pas dans l'économie sociale et solidaire, avec les difficultés que nous connaissons, nous serions passés à l'ajustement social depuis deux ans. C'est parce que nous nous inscrivons dans la pérennité que nous arrivons, avec nos fonds propres, à passer ces moments difficiles. Sans cette économie, nous dépendrions des financiers. Nous avons décidé, nous, agriculteurs, de serrer les rangs et de faire le dos rond en attendant de trouver des solutions.

Debut de section - Permalien
Gérard Viel, président de la filière porcine

Le monde des coopératives s'apparente à celui de la politique : il y en a qui trichent, mais il ne faut pas généraliser. Si l'on en trouve, il faut les retirer du jeu. Mais la plupart font du beau travail.

Avec les GMS, nous essayons de promouvoir ce qui parle au consommateur. Au-delà de l'origine des produits, nous insistons sur des critères sociaux - maintien de l'emploi de proximité -, environnementaux et sanitaires. Sur ce dernier point, nous avons d'ailleurs une longueur d'avance. Notre système de traçabilité fonctionne, le scandale récent en est la preuve.

Nous avons connu de nombreuses années où le prix des céréales était très bas. Comme sur tout marché, il dépend de l'offre et de la demande. On sait que la demande des pays émergents, notamment de la Chine, crée des déséquilibres. Les stocks mondiaux sont faibles, ce qui fait pression sur les prix. La hausse des coûts de l'alimentation animale sera durable, nous n'avons pas d'autre solution que de la répercuter. En réalité, le bas prix pendant de longues années des céréales a engendré des effets pervers : le prix de la viande a été longtemps fixé à un niveau qui empêchait toute réévaluation. Il faut désormais l'expliquer aux consommateurs.

Enfin, le transfert de l'élevage vers la production de céréales est aujourd'hui extrêmement rapide. Il est urgent de prendre le problème à bras-le-corps.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Tout cela ne profite ni au producteur, ni au consommateur. Les jeunes ne s'installent plus parce que le métier a perdu en attractivité, il n'est plus rentable. La grande distribution ne se rend pas compte de l'enjeu : elle se dit qu'on ira bientôt chercher ces produits au Brésil ou en Chine. Mais en définitive, les coûts auront augmenté car les métiers connexes ont eux aussi disparu.

Le 23 février 2012, Coop de France a réclamé un étourdissement avant l'abattage rituel des animaux. Vous avez mis en garde les pouvoirs publics contre toute exagération possible. Vous avez en outre demandé que les services vétérinaires effectuent des contrôles sur les carcasses lors de leurs visites dans les abattoirs. Laissez-vous entendre qu'ils sont aujourd'hui insuffisants sur les chaînes d'abattage rituel ? Ne craignez-vous pas qu'un scandale éclate sur l'abattage rituel sans étourdissement ? Coop de France a indiqué que certains pays ont conclu des accords destiné à ne pratiquer l'abattage rituel qu'après étourdissement ou électronarcose. Est-ce la solution ?

Debut de section - Permalien
Denis Gilliot, coordinateur des filières de Coop de France

Nous ne pensons pas que l'étiquetage de l'abattage rituel soit une bonne solution. En France, l'abattage rituel fait l'objet d'une dérogation pour le dispenser de l'étourdissement préalable. Coop de France se préoccupe d'abord du bien-être animal, qui ne sera pas réglé par l'étiquetage. C'est pourquoi nous défendons l'abattage précédé d'un étourdissement ou d'une électronarcose. Nous nous heurtons à un certain nombre de considérations culturelles pas forcément harmonisées. On ne voit pas bien comment échapper aux critiques sur les pratiques d'abattage sans étourdissement. Il faudra peut-être prendre la décision d'interdire l'abattage rituel sans étourdissement, comme certains pays l'ont fait, quitte à ce que certains marchés nous échappent.

Je souligne que l'étiquetage du mode d'abattage pose un problème de valorisation des produits. Dans le rite casher, comme dans le rite musulman, on n'utilise qu'une partie des carcasses. Nous aurions alors un problème de déclassement et de valorisation des carcasses. Les communautés musulmane ou juive n'accepteraient pas de payer le surcoût lié à ce déclassement. Sur ce terrain, on n'est pas à l'abri d'une attaque médiatique qui mettra nos filières dans une situation difficile.

Debut de section - Permalien
Denis Gilliot, coordinateur des filières de Coop de France

Nous y sommes favorables. On ne peut s'y opposer. Mais depuis la révision générale des politiques publiques (RGPP), l'Etat s'est désengagé des inspections sanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Quand le fonds de modernisation céréaliers éleveurs (FMCE) va-t-il se mettre en place ? Sera-t-il significatif ?

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Le premier FMCE n'a pas été mis en place car il était fondé sur une contribution volontaire. Il est donc déjà mort. Le second FMCE est quant à lui fondé sur une contribution volontaire obligatoire. Reste la question de savoir à quoi est destiné ce fonds : redonner de la compétitivité à toutes les filières est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous n'êtes pas très optimistes quant à sa mise en oeuvre. M. Le Foll m'a indiqué que la fluctuation des aides en fonction des prix n'était pas envisageable dans le cadre de la PAC. C'est pourtant de ce type de fonds dont nous avons besoin.

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Soyons honnêtes : 180 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose. La seule incidence des matières premières sur notre activité animale nous a coûté 84 millions d'euros. Nous y voyons plutôt un accompagnement à la remise à plat de la filière animale.

Il y a un travail en profondeur à mener sur les coûts. Il faut notamment intégrer les différences de prix qui existent sur toute la chaîne, entre l'amont agricole et la distribution. La grande distribution fait 5,9 % de marges au rayon volaille. Ces derniers temps, ils auraient pu prendre sur leurs marges pour ne pas augmenter les prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

En combien de temps les bâtiments de la grande distribution sont-ils amortis ? Cela dépend de la manière de faire un compte d'exploitation. Quelles sont les aides dont bénéficient les coopératives ?

Debut de section - Permalien
Gérard Viel, président de la filière porcine

Les coopératives peuvent bénéficier du crédit d'impôt compétitivité emploi : à hauteur de 4 % sur 2013 et 6 % sur 2014. Mais ce dispositif aurait pu être davantage fléché vers nos industries.

Quant à l'écotaxe, elle va peser lourd sur nos entreprises. Son exonération a été décidée pour les activités laitières : pourquoi ne le serait-elle pas également pour la filière viande ? Nous sommes très dépendants des transports : presque toute notre production transite par camions.

Debut de section - Permalien
Hubert Garaud, vice-président de Coop de France

Merci de nous avoir écoutés. L'élevage est en danger. Il doit être sauvé. Pour retrouver des raisons d'espérer, pour soutenir les jeunes, des décisions sont à prendre par les pouvoirs publics, comme au sein des entreprises. Quoi qu'il advienne, la coopérative restera présente sur le territoire, car c'est sa raison d'être. Nous sommes des acteurs non délocalisables.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous avons le plaisir de recevoir Sopexa, groupe spécialisé dans le marketing international pour les produits alimentaires, le vin et l'art de vivre français.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Le groupe Sopexa mène son action de promotion des produits agroalimentaires à l'international dans 43 pays. Il a ainsi une vraie légitimité pour apporter à notre mission des éclairages sur la performance des entreprises françaises à l'exportation. Quels sont actuellement les marchés porteurs et les marchés en croissance pour la production française de viande ? Quels sont les principaux concurrents de la France à l'exportation, et pourquoi ? Quelles sont les forces et les faiblesses des filières de production françaises face à la concurrence internationale ? Comment améliorer les performances françaises à l'exportation dans le contexte difficile que nos filières connaissent actuellement ?

Debut de section - Permalien
Pierre Montaner, directeur des produits laitiers et carnés de Sopexa

Créé en 1961 dans le cadre défini par la loi d'orientation agricole du 5 août 1961, le groupe Sopexa est fort d'une longue expérience dans le domaine des exportations de produits alimentaires.

L'action de Sopexa permet de mettre en avant l'image des produits français à l'étranger comme au niveau national. A quelques rares exceptions près comme les Pays-Bas, les acteurs puissants sur le marché international sont en effet souvent également des acteurs performants sur leur marché intérieur. Ils peuvent en effet répartir leurs risques et déployer leurs produits sur les marchés qui leur permettent d'obtenir les meilleures plus-values.

Le groupe bénéficie d'une nouvelle délégation de service public (DSP) pour le compte de l'État pour la période 2012-2017, grâce à laquelle il participe à l'effort public en matière d'amélioration des performances françaises à l'exportation. Créées en 2008 par Sopexa pour promouvoir l'image de la France dans le cadre de cette DSP, les marques « France » et « France Bon Appétit » sont également utilisées par les interprofessions pour permettre d'identifier l'origine des produits français.

Afin de faire connaître les produits français à l'étranger, nous organisons différents types de manifestations : nous participons à 38 expositions internationales ; nous organisons annuellement 10 000 actions en points de vente ; la manifestation « Apéritif à la française », qui se tient dans 10 villes à travers le monde, fête cette année sont dixième anniversaire ; nous organisons des conférences de culture alimentaire. Nous organisons également des opérations de formation des personnels de la grande distribution ou des restaurants, ce qui nous paraît essentiel pour l'exportation de nos produits, et notamment de nos produits de qualité. A travers ces actions, nous insistons notamment sur la qualité de la production française et sur sa traçabilité.

Les dix premiers marchés sur lesquels nous échangeons nos produits représentent 75 % de nos exportations de viande en valeur, et 67 % de ces exportations en volume. Il s'agit de l'Italie, de l'Allemagne, de la Grèce, de la Belgique, de l'Arabie saoudite pour la volaille, du Royaume-Uni, de l'Espagne, de la Russie, des Pays-Bas et du Japon. Ces marchés ont des maturités différentes, notamment selon le type de viande que nous exportons.

La Grèce, l'Italie, l'Allemagne représentent nos marchés majeurs pour la viande bovine (de 75 à 80 % de nos exportations sur ce segment). Ces marchés hautement stratégiques, sur lesquels nous ne devons pas relâcher notre effort, se caractérisent par leur particulière solvabilité et par leur importance en volume ; nos produits sont de plus particulièrement adaptés à la demande. La Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni constituent quant à eux des marchés d'opportunité pour la production française : l'adéquation de nos produits à la demande n'y est pas aussi forte que sur les précédents, et la concurrence y est plus intense. On peut enfin identifier de nouveaux marchés en cours d'ouverture, tels que le Moyen-Orient depuis juin 2012 ou le Japon, qui constitue principalement un marché de très haut de gamme, depuis mars 2013. Bien que ce mouvement soit très progressif, nous nourrissons de grands espoirs sur ces derniers. Certains marchés comme par exemple la Russie sont en revanche très difficiles à pénétrer. Par ailleurs, l'exportation vers les pays tiers à l'Union européenne présente cet inconvénient que les marchés de ces pays peuvent se fermer à notre production du jour au lendemain.

S'agissant de la viande porcine, l'Italie, qui absorbe annuellement 160 000 tonnes de viande (essentiellement destinée à la transformation) et la Grèce, qui en absorbe 40 000 tonnes, constituent nos principaux débouchés. L'Europe constitue notre marché le plus important, mais nous y faisons face à une très forte concurrence allemande et espagnole. Nous fondons de grands espoirs sur le marché asiatique, sur lequel nous pouvons valoriser au mieux certains morceaux comme la queue ou les oreilles. Le marché russe présente également un fort potentiel. Très peu de programmes de communication sont lancés sur la viande porcine.

Pour l'exportation de volaille, on peut identifier deux grands marchés. Au Moyen-Orient tout d'abord sont principalement présents deux grands acteurs, les groupes Doux et Tilly-Sabco. Les grandes campagnes de communication qui y ont été menées pendant plusieurs années sont aujourd'hui à l'arrêt en raison des difficultés du groupe Doux, bien que Tilly-Sabco poursuive ses efforts. Sur ce marché, nous devons faire face à la concurrence brésilienne. En Europe ensuite, nous exportons principalement vers l'Allemagne et la Belgique, sur des volumes restreints et principalement sur des produits de label comme le label rouge. Sur le marché européen, la concurrence est principalement européenne et provient de Belgique, d'Espagne, d'Allemagne et de Grande-Bretagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Quelles ont été les répercussions de l'affaire de la viande de cheval sur des marchés lointains comme l'Asie : nos produits ont-ils perdu en crédibilité ? L'étiquetage des produits exportés indique-t-il l'origine française ou l'origine européenne de la viande ? Existe-t-il des produits qui pourraient trouver un débouché à l'étranger mais que nous ne produisons pas, ou pas suffisamment ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Quelles différences notez-vous selon les pays s'agissant des contraintes auxquelles sont soumis nos produits à l'export ? La France est-elle comparativement particulièrement rigoureuse sur l'étiquetage des denrées ? Quels pays sont au contraire particulièrement libéraux sur leurs importations ? Afin que nous puissions comprendre ce qui fait la richesse de la France à l'exportation, pouvez-vous nous indiquez la part que représentent respectivement les vins, les végétaux et les animaux dans le chiffre d'affaires total de nos échanges extérieurs ? Enfin, vous n'avez pas mentionné le groupe LDC dans le tableau que vous nous avez dressé des exportations de volaille. Quelle est sa place dans nos échanges internationaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Est-il possible de dresser une évaluation chiffrée de l'action de Sopexa en matière de promotion des produits français à l'étranger, afin que nous puissions nous faire une idée de la plus-value apportée par votre groupe ? Votre action se traduit-elle par des exportations supplémentaires ?

Debut de section - Permalien
Pierre Montaner, directeur des produits laitiers et carnés de Sopexa

La répartition de l'activité de Sopexa s'établit comme suit : 41,4 % pour les vins et spiritueux, 14,6 % pour les fruits et légumes, 11,7 % pour les produits carnés, 5,9 % pour les industries alimentaires et les collectivités régionales, 5,1 % pour les produits laitiers et enfin 21 % d'actions multiproduits.

Toutes nos opérations de communication, qu'elles soient effectuées pour le compte de l'État, d'interprofessions ou d'entreprises, font l'objet d'une évaluation selon une procédure différente pour chacun des médias utilisés. Les résultats de cette évaluation nous permettent de réajuster constamment nos actions.

Si le groupe LDC est très présent en Europe, il l'est beaucoup moins au Moyen-Orient. Poids lourd sur le marché français, ce groupe est un petit Poucet au niveau mondial. Cependant, la taille d'une entreprise n'influe pas nécessairement sur ses performances à l'exportation. Ainsi, le groupe producteur de pintades Savel, qui est particulièrement dynamique à l'exportation et qui vend sa production dans 65 pays, reste une entreprise familiale de taille modeste.

Le scandale de la viande de cheval a eu très peu d'effet sur nos exportations. Nous avons eu de fortes craintes au début de cette affaire, dans la mesure où Spanghero est une entreprise très connue en Europe du Sud. Les acteurs ont cependant su distinguer un problème de fraude d'une crise sanitaire. Cette affaire a eu d'autres conséquences : la Grande-Bretagne fait ainsi désormais figurer la mention de l'origine britannique de la volaille sur ses plats préparés comme le coq au vin. En règle générale, on observe dans toutes les crises une tendance au repli sur l'origine locale.

Sur les normes en matière d'étiquetage, je peux évoquer devant vous l'exemple grec, où celles-ci sont très diversement appliquées selon le circuit de distribution. Dans le circuit traditionnel des boucheries, qui représente 60 % des ventes de viande dans ce pays, il n'est pas rare que la mention de l'origine disparaisse ou soit falsifiée. Dans le circuit de la grande distribution en revanche, la réglementation est davantage appliquée et un suivi plus important est pratiqué, ce qui conduit à limiter ce type de pratiques.

L'image des produits français à l'étranger est très forte : c'est l'idée de la bonne chère, de l'art de vivre et de la gastronomie qui est achetée par les opérateurs. La qualité constitue une promesse faite au consommateur, qui est prêt à la payer dans une certaine mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

N'est-il pas difficile au consommateur de se repérer parmi la diversité de signes de qualité et de labels qui lui sont présentés ? Serait-il possible de mettre en place une étiquette unique indiquant l'origine française pour tous les produits de nos différentes filières viande, comme cela se fait déjà à l'étranger avec le « By British » au Royaume-Uni ? On pourrait imaginer que cet étiquetage figure sur l'ensemble de nos exportations, qu'elles soient ou non alimentaires.

Debut de section - Permalien
Pierre Montaner, directeur des produits laitiers et carnés de Sopexa

On se heurte sur ce point à la réglementation européenne, qui interdit de faire figurer la mention de leur origine sur les produits européens en dehors des labels de qualité. Un signe tel que le Label rouge n'a cependant aucune signification sur des marchés lointains tels que le marché asiatique ; le symbole de la France à l'étranger, c'est principalement la Tour Eiffel. Les Anglais peuvent apposer un tel label parce qu'il est financé par des fonds privés ; mais il nous serait impossible de mettre en place un tel étiquetage s'il devait être financé par FranceAgrimer. C'est un réel problème, et les interprofessions ont interpellé les autorités européennes sur ce sujet.

Il nous paraît cependant plus important de parvenir à faire travailler ensemble les différentes filières et les différents acteurs du secteur, ce qui peut se révéler complexe. Il a été très difficile d'imposer la mention « France Bon appétit » aux entreprises, qui sont attachées à leur marque propre. La diffusion à la télévision d'une campagne multiespèces mettant en avant l'origine française des produits pour l'association de promotion de la volaille française (APVF), qui a lieu en ce moment, constitue une première. Le regroupement depuis deux ans sur un stand français commun d'Inaporc et Interbev dans les divers salons - auxquels nous espérons adjoindre les représentants de la production de volaille dans les trois prochaines années - marque déjà une étape importante dans ce travail de longue haleine. Par ailleurs, les labels doivent correspondre à une demande ; c'est le cas de la marque Charlux en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

On pourrait imaginer qu'un label commun figure sous des marques différenciées selon les marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Cela va dans le sens de l'action du club « Produire en France » que je préside, et qui travaille sur des labels et des signes qui soient identifiables en France comme à l'étranger. Cette démarche est très importante, d'autant qu'on ne dit pas suffisamment que les produits alimentaires français sont peut-être à la France ce que la Mercedes est à l'Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Nous importons également des produits carnés, peut-être encore davantage que nous n'en exportons. Trouve-t-on dans d'autres pays européens une organisation telle que la vôtre pour la promotion des produits ?

Debut de section - Permalien
Pierre Montaner, directeur des produits laitiers et carnés de Sopexa

Notre solde commercial s'est dégradé l'année dernière sur la viande, principalement sur la viande bovine, et sera négatif à partir de 2013 alors qu'il était excédentaire de 2 milliards d'euros il y a dix ans. Notre perte de compétitivité résulte surtout du prix de nos produits. Nous manquons également de production pour pouvoir fournir les marchés étrangers, non seulement dans le secteur de la viande mais également dans les fruits et légumes. Nos concurrents profitent de cette faiblesse : les Allemands sont ainsi devenus les premiers producteurs de porc et d'asperges. Ce problème majeur ne peut être réglé qu'au niveau français.

La plupart des pays européens disposent de structures comparables à Sopexa ou Ubifrance. Dans les années 1960 ou 1970, l'Espagne a mis en place un organisme dénommé Isex, qui constituait une sorte de combinaison entre ce que sont aujourd'hui Ubifrance et Sopexa. Il existait également un organisme comparable à Sopexa en Allemagne, CMA, qui a été dissous ; cette activité y relève désormais du niveau des Länder. Au Royaume-Uni, les attributions de la structure Food from Britain ont été reprises par des sociétés privées qui assurent des missions similaires au nôtres et à celles d'Ubifrance.

L'Irlande, le Brésil et l'Argentine ont également des programmes de communication centrés sur le consommateur et les chaînes de distribution. Certains pays en revanche ne communiquent pas sur leurs produits à l'étranger. C'est par exemple le cas de la Pologne, qui fonde sa compétitivité davantage sur le prix que sur la qualité des viandes exportées.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

J'ai noté que le Danemark exportait de la viande vers l'Espagne. Quelle est notre place sur le marché espagnol ? Les exportations danoises concernent-elles des morceaux particuliers ?

Debut de section - Permalien
Pierre Montaner, directeur des produits laitiers et carnés de Sopexa

Nous exportons également des produits vers l'Espagne - environ 80 000 tonnes de viande -, notamment de la viande bovine et porcine, des abats ou encore du cheval. L'Espagne ne constitue cependant pas un marché prioritaire pour nous, d'autant qu'elle est aussi notre concurrente sur d'autres marchés. Il nous faut d'abord travailler sur les marchés sur lesquels nous pouvons obtenir la meilleure plus-value. Un outil informatique créé par Inaporc et repris par FranceAgrimer permet de collecter des informations précieuses sur ce point précis.

J'aimerais insister sur une autre question. La qualité et la traçabilité constituent aujourd'hui une condition nécessaire pour toute exportation. Elles ne sont cependant plus suffisantes : une qualité standard est attendue pour tous les produits et le contrôle sanitaire peut être revendiqué par la plupart des pays - bien que nous puissions avoir l'impression d'être le pays le plus strict en la matière. Nous devons dès lors mettre en valeur d'autres éléments de différenciation de nos produits, comme par exemple son prix ou ses qualités gustatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quelle est la place des produits halal et casher dans nos exportations ?

Debut de section - Permalien
Pierre Montaner, directeur des produits laitiers et carnés de Sopexa

Nos exportations de volaille vers le Moyen-Orient concernent bien sûr des produits halals. En dehors de ce cas, de faibles volumes vers la Malaisie, et de petites quantités de viande bovine vers les Émirats arabes unis, nous n'exportons pratiquement pas de viande halal et casher. Nous rencontrons globalement de grandes difficultés pour l'exportation des produits halals en raison des différentes obédiences des mosquées, notamment entre les mosquées lyonnaise et parisienne. L'Espagne rencontrerait moins de problèmes sur ce point en raison de l'aura particulière de la mosquée de Grenade.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous avons le plaisir de recevoir l'Institut national de la recherche agronomique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

En guise d'introduction, permettez-moi de citer l'une de vos consoeurs, Jocelyne Porcher, chargée de recherche à l'INRA : « Dans notre monde radicalement artificialisé, seuls les animaux, en nous rappelant ce qu'a été la nature, nous permettront peut-être de nous souvenir de notre propre humanité. Mais saurons-nous vivre avec eux ? Le voulons-nous encore ? Car l'abattage de masse des animaux, considérés comme de simples éléments des productions animales, leur inflige une terreur et une souffrance insoutenables qui désespère les éleveurs. L'élevage, après 10 000 ans d'existence, est aujourd'hui souvent décrit comme une nuisance pour l'environnement comme pour notre santé, une condamnation reposant sur une confusion entre élevage et production animale dont il nous faut comprendre les enjeux. » En tant que scientifiques, comment voyez-vous l'agriculture de demain ? Comment faire en sorte que les agriculteurs français puissent vivre décemment de leur travail, dans le respect de l'environnement, des animaux et des consommateurs ? Comment nourrir la planète en 2050 lorsqu'elle comptera 9 milliards d'êtres humains ?

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

L'INRA mène des exercices de prospective intitulés « Agrimondes » sur la thématique « Nourrir la planète ». Nous étudions notamment la question de l'utilisation des terres, une problématique qui concerne directement l'élevage.

Nous avons acquis la conviction qu'il sera possible de nourrir 9 milliards d'êtres humains à la condition de jouer sur plusieurs leviers simultanément. Du côté de l'offre, il faudra augmenter la production sans augmenter la superficie des terres utilisées, car elles devront être préservées pour des raisons environnementales afin de préserver la biodiversité et le stockage de carbone. Il faudra augmenter les rendements dans les zones où ils sont faibles et les maintenir là où ils sont élevés. Il faudra aussi agir sur la demande, et notamment réduire les gaspillages. 30 % de la nourriture est perdue dans le monde actuellement, à parts égales au Sud et au Nord : au Nord lors de la distribution et de la consommation, au Sud lors des récoltes et après les récoltes.

Mais le principal levier d'action à long terme reste l'éducation. Il ne faut sans doute pas généraliser le modèle de consommation occidental à l'ensemble de la planète. Il faut donc réduire la consommation de produits carnés là où elle est excessive. Il faudra à l'inverse l'augmenter là où elle est insuffisante. Rappelons en outre que les productions animales assurent de par le monde de nombreux services, font vivre beaucoup d'agriculteurs, sont une source d'engrais mais aussi de patrimoine pour les pauvres de la planète.

Les filières animales connaissent aujourd'hui des difficultés liées à trois facteurs : le prix élevé de l'alimentation - c'est le point essentiel -, car le prix élevé des céréales grève les coûts de production. Le deuxième est la question environnementale. Le troisième est la diminution de la consommation de viande rouge en France et en Europe. La viande rouge est considérée comme chère et la société y est moins favorable car une surconsommation de viande rouge est perçue comme dangereuse pour la santé. Du coup, la consommation a diminué de 5 à 10 kg équivalent carcasse par personne et par an en France depuis 20 ans même si nous restons les plus gros consommateurs de viande rouge en Europe avec les Irlandais. Sur les quinze dernières années, la viande blanche tend à remplacer la viande rouge car elle est moins chère et bénéficie d'une meilleure image. Le point positif est que la demande mondiale est malgré tout en augmentation.

Les niveaux de prix des céréales resteront élevés, peut-être avec une volatilité plus importante. Les équations d'équilibre entre l'offre et la demande au niveau mondial ne nous conduisent pas à envisager que les prix puissent s'effondrer même si des accidents sont toujours possibles. Les phénomènes lourds de croissance démographique et d'urbanisation font que l'on consomme plus de produits carnés. La réforme de la PAC devra prendre en compte ces différents enjeux pour l'élevage.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Le prix élevé de l'alimentation est une grande source de difficultés pour les éleveurs mais il est possible d'en atténuer les effets en diminuant par exemple la consommation de concentré par kilogramme de viande produite, car cette consommation est excessive aujourd'hui.

L'environnement est un problème au niveau global mais pas au niveau local : dans certaines zones, le vrai problème est celui de la productivité des surfaces.

La sinistrose dans les élevages français me paraît excessive car d'autres pays ont les mêmes difficultés que nous mais vont beaucoup plus de l'avant, par exemple les Irlandais qui connaissent actuellement une phase d'euphorie avec la fin des quotas laitiers. Les Hollandais sont eux aussi plus optimistes car ils croient davantage en la science pour trouver des solutions.

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Il ne faut pas oublier que les revenus de l'élevage ont déjà été moins bons par le passé qu'ils ne le sont aujourd'hui. Le problème vient de la comparaison avec les grandes cultures puisqu'il existe un écart de revenus de 1 à 3 voire 4 avec un travail beaucoup plus important à accomplir pour les éleveurs. Je crois vraiment que la comparaison avec ce que gagne le voisin pour un temps de travail inférieur a des effets dévastateurs sur le moral des éleveurs. C'est ce qui explique que des agriculteurs refusent aujourd'hui de se lancer dans la production animale se spécialisent dans les grandes cultures, s'ils en ont la possibilité.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Une récente enquête de l'Institut de l'élevage dans une ferme de l'Est de la France pratiquant la polyculture montre que l'heure de production de céréales est rémunérée six fois plus que l'heure de production animale. C'est ce qui conduit les agriculteurs à cesser la production animale dès qu'il existe un problème de main d'oeuvre ou un changement de génération à la tête de l'exploitation. De gros élevages très performants décident de produire uniquement des céréales, ce qui est très symptomatique de la crise de l'élevage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pour mener un veau à l'âge adulte, l'éleveur doit accomplir un travail considérable et attendre plusieurs années avant de vendre son animal. Dans la production de céréales, les contraintes apparaissent bien moindres. Quelle est votre analyse sur ce point ? Les veaux français sont d'ailleurs engraissés en Italie avec du maïs français.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Je ne pense pas qu'il s'agisse de maïs français. Vous évoquez le cas des broutards français, qui se font engraisser en Italie. Il s'agit d'un marché très lucratif, mais les Italiens de la plaine du Pô vont être rattrapés par les problèmes d'environnement. L'obligation de ne pas dépasser le seuil de 50 mg de nitrates par litre pour les eaux de surface va les contraindre à réduire leur utilisation d'azote organique. Cela risque d'ailleurs d'être un problème pour les éleveurs du Massif Central dont l'Italie constitue le débouché. Le renchérissement du coût des céréales affecte également considérablement la rentabilité de l'activité des engraisseurs italiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Nous évoquions à l'instant les exploitations laitières. De quelles projections disposez-vous concernant la disparition des quotas en 2015 ? Quand on voit le nombre de fermetures d'exploitations laitières, existe-t-il vraiment un risque de surproduction laitière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

En outre, cela risque de poser plusieurs problèmes pour la filière viande : afflux sur le marché de viande bovine de réforme, disparition de certaines races...

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Nous avons travaillé sur les conséquences de la sortie des quotas laitiers. Elle devrait être favorable aux revenus des producteurs laitiers en raison d'une demande européenne et mondiale en augmentation. Mais nous devrions assister à une concentration des exploitations, en particulier dans l'Ouest, le Nord et l'Est. Il est vrai que nos études ont été réalisées avant que les céréales atteignent les cours qui sont les leurs aujourd'hui. Les fermetures d'ateliers de production de lait avaient donc été sous-estimées. Les revenus des producteurs restant n'en seront que plus élevés. La réponse à la pénibilité du travail est l'agrandissement de la taille des exploitations et le recours aux robots de traite.

Il ne devrait pas y avoir d'afflux de viande sur le marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Quel sera l'impact de la nouvelle PAC sur l'élevage ?

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

La réforme de la PAC telle qu'elle se dessine pénaliserait les élevages intensifs de l'Ouest qui bénéficient de primes à l'hectare plus élevées que les céréaliers et leurs collègues du Massif central. Toute la question est de savoir dans quelle mesure le dispositif de surprime des 50 premiers hectares permettrait de contrebalancer ce phénomène. En tout état de cause, ces aides n'auront pas d'effets puissants sur les décisions des producteurs, même si elles viendront compléter leurs revenus.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Avec la nouvelle PAC, les éleveurs vont globalement gagner en primes, mais la répartition des élevages sur certains territoires risque de changer, tant pour les producteurs de lait que de viande.

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

L'élevage de ruminants français se caractérise par sa grande hétérogénéité. Certains agriculteurs peinent à passer le point mort. L'effort de restructuration des éleveurs a été plus tardif que celui des céréaliers. Il n'y a pas non plus de grands industriels capables de porter le secteur contrairement à ce qui existe pour le végétal, même s'il existe des acteurs forts dans le lait.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Vous n'évoquez pas les productions spécialisées comme par exemple dans ma région la production de foie gras. Il y a là des sources de richesses non négligeables, qui vont bien au-delà de simples marchés de niches. La coopérative Euralis est partie en Chine avec le Président de la République et va créer une unité de production avec un million de canards chinois pour pouvoir exporter ensuite des produits en Chine.

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Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Euralis est déjà en Chine mais la vraie question est celle d'une éventuelle augmentation de la production locale en France, qui est tout sauf certaine. Les productions animales sont déjà très différenciées en France avec une grande richesse gastronomique, en matière de viande et de produits laitiers. La capacité à avoir une différenciation supplémentaire est assez mince. Arriverons-nous à vendre sur des marchés étrangers des produits différenciés et présentant une véritable valeur ajoutée ? Je pense qu'Euralis va produire ses canards en Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Nous parlons des animaux, mais se pose aussi la question des carcasses. Des animaux très lourds sont présentés au Salon de l'Agriculture alors que cela ne correspond pas aux attentes du marché, qui souhaite des carcasses moins lourdes. La recherche doit-elle viser à réduire la taille des carcasses ?

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Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Il s'agit d'un problème de gestion des filières. Les grands industriels de la viande demandent avant tout des quartiers avant pour produire des steaks hachés : des carcasses de vaches laitières de réforme peuvent leur convenir. Ils ne recherchent pas nécessairement des carcasses très conformées.

Pour autant, on trouve toujours des éleveurs qui continuent à travailler sur des animaux de plus en plus lourds alors même que les consommateurs ne désirent pas acheter une côte de boeuf charolais, beaucoup trop grosse !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

L'avenir de la filière viande dépend de la taille des carcasses.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Faites-vous des recherches sur les circuits de commercialisation de la viande ? Quel est le rôle des traders ?

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Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Nous ne travaillons pas sur ces sujets. Nous étudions par contre l'efficacité des mesures de traçabilité. Nous étudions aussi l'économie des filières, y compris les cas de fraude.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Les scientifiques recherchent-ils l'animal parfait qui consommerait peu et ne polluerait plus ? Peut-on envisager de produire de la protéine animale sans animaux ?

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Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Avec les progrès de la génétique et de la sélection génomique, il est possible de beaucoup mieux contrôler la longévité et la durabilité des animaux. Les recherches portent aussi beaucoup sur l'alimentation, afin de réduire les rations consommées et les rejets chez les monogastriques. Aujourd'hui une poule, qu'elle soit pondeuse ou qu'il s'agisse d'un poulet de chair, émet 60 % de phosphore en moins et 30 à 35 % d'azote en moins que dans les années 1980 pour une même production de viande. Des progrès manifestes ont été accomplis. Il sera difficile d'aller beaucoup plus loin mais on pourrait imaginer nourrir l'animal par des machines exactement selon son phénotype. Si la société l'accepte, la technique pourra le réaliser.

La question de cet animal idéal très efficient se pose en particulier pour les ruminants. Nous y réfléchissons actuellement à l'INRA. Quel animal efficient veut-on ? L'indice de consommation est-il si important pour une vache laitière ? Je pense que l'animal idéal sera un animal qui valorise très efficacement la cellulose, par des fourrages ou des coproduits variés. La qualité gustative peut être recherchée par les races et par les techniques de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il faut en effet accorder beaucoup d'importance à la qualité de la viande.

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Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

On peut examiner la performance des éleveurs sous l'angle de la robustesse des animaux et de la qualité mais si on améliore l'un des critères, on détériore souvent l'autre. Parviendrons-nous demain, avec les progrès de la génétique, à réduire cet arbitrage entre qualités zootechniques et autres qualités des animaux ? Je crois que cela sera possible mais il s'agit d'un choix politique : quel animal veut-on, dans quels territoires, pour quelle consommation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

L'élevage pollue-t-il la planète ? Les chiffres qui nous sont donnés sont-ils sérieux ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Les ruminants émettent du méthane. C'est la contrepartie de la digestion de cellulose. Les émissions de méthane par les ruminants français ont diminué en un siècle en raison de la réduction de la taille du cheptel. Accuser les ruminants d'être responsables du réchauffement de la planète est donc tout à fait excessif.

Il est possible de limiter les émissions de méthane par les ruminants grâce à des additifs alimentaires. Aujourd'hui, les graines de lin réduisent les émissions et ont aussi l'avantage d'augmenter la teneur en omégas 3 des viandes. Cette solution coûte cher et reste globalement marginale. Le seul autre additif qui pourrait avoir de l'effet serait le nitrate mais il faudrait des quantités très importantes susceptibles de mettre en danger la santé des animaux. On peut progresser sur l'efficience des rations mais les effets seront minimes. L'autre façon de réduire l'empreinte carbone est de considérer l'animal dans son système, en particulier dans la prairie, en étudiant les méthodes de culture permettant de stocker le carbone.

L'affichage environnemental pénalisera toujours la production animale si l'on s'en tient aux émissions de gaz à effet de serre car la production animale est une production secondaire qui par définition pollue plus que la production de végétaux, puisqu'il faut d'abord produire des végétaux pour nourrir les animaux. La piste d'affichages multidimensionnels de l'empreinte environnementale, étudiée notamment dans le cadre de programmes financés par le Compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (CASDAR), serait à cet égard particulièrement intéressante.

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Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Il faut toujours vérifier, lorsque l'on met en place des affichages environnementaux, que la base de comparaison est bien valable. Certes, la taille du cheptel français conduit à afficher une plus grande pollution animale que chez nos voisins européens mais notre industrie nucléaire nous permet par ailleurs d'éviter beaucoup d'autres pollutions. Il faut regarder l'ensemble du tableau. Comment assurer un étiquetage aussi complet que possible qui puisse en même temps rester lisible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Pouvons-nous prévoir un étiquetage très exigeant en matière d'empreinte carbone pour les seuls produits français ? Cela ne risque-t-il pas de les pénaliser ?

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Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Tous les pays le font et les Irlandais ont déjà certifié 70 % de leurs élevages en matière d'empreinte carbone.

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Les difficultés viennent essentiellement des nouveaux États membres. Il faut arriver à ce que la réglementation soit européenne.

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Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

Il faut aussi garder à l'esprit que le troupeau français est très atypique en Europe, avec un gros troupeau allaitant. Or l'empreinte carbone est très sensiblement plus forte sur le kilogramme de viande bovine que pour les autres animaux d'élevage.

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Le consentement à payer ou à ne pas payer du consommateur pour une viande plus respectueuse de l'environnement est très faible.

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Jean-Louis Payraud, directeur de recherche à l'INRA

La viande in vitro, sur laquelle vous nous avez interrogés, n'est pas un grand sujet d'études. Techniquement, on peut faire de la recherche sur les cellules indifférenciées du muscle des animaux, que l'on met en culture avec des hormones de croissance. Aujourd'hui on parvient seulement à réaliser des plaquettes d'un micron d'épaisseur et pas du tout un steak !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

J'ai relevé dans plusieurs rapports scientifiques concernant l'abattage sans étourdissement préalable que les bovins peuvent connaître une agonie avant perte de conscience allant jusqu'à 14 minutes. Quand on sait qu'on abat un bovin toutes les deux minutes dans les abattoirs, on peut s'interroger sur la souffrance des animaux ! Quelles sont les conclusions de l'INRA sur ce type d'abattage ? Quel est l'impact de cet abattage sur la qualité et la salubrité de la viande ? Des responsables religieux nous disent que les animaux ne souffrent pas, faut-il les croire ? Comment améliorer la situation face à ces pratiques qui paraissent inconcevables en 2013 ? D'après-vous l'étourdissement préalable pourrait-il être une solution pour lutter contre cette souffrance animale ?

Debut de section - Permalien
Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'INRA

Notre étude sur la souffrance animale se basait sur la littérature scientifique. Nous allons interroger nos chercheurs spécialisés sur cette question pour vous renseigner davantage.