Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe

Réunion du 23 mai 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • abattage
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  • animaux
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  • halal
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  • viande
  • étiquetage
  • étourdissement

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Notre mission commune d'information sur la filière viande souhaite entendre tous les interlocuteurs et prendre en compte toutes les opinions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pouvez-vous nous présenter rapidement l'association L214, en précisant ses activités et ses préconisations pour l'avenir ?

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Notre association L214 tire son nom de l'article 214 du code rural qui a reconnu en 1976 les animaux comme des êtres sensibles. Dans le code rural, mais non dans le code civil... Quoi qu'il en soit, c'est en constatant que les pratiques ne prenaient pas en compte la sensibilité des animaux que nous avons créé l'association, en 2008.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Les animaux ont la capacité de ressentir la douleur, la souffrance, la joie et le plaisir. Ils ont un intérêt à vivre et poursuivent des buts qui leur sont propres. L'association L214 veut montrer au consommateur ce que les animaux de boucherie vivent, dans le but d'éliminer les pratiques qui leur causent du tort. Elle réalise des campagnes d'information et entend susciter le débat sur la légitimité des pratiques humaines envers les animaux.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Nous avons bien compris que votre mission fait suite à divers scandales, celui de l'abattage sans étourdissement, celui de la viande de cheval. Mais quel est son objectif : s'agit-il de remettre des oeillères au consommateur et de passer sous silence les pratiques de l'industrie de la viande ? Le but est manifestement d'augmenter la consommation de viande, la filière étant largement déficitaire et ne survivant qu'à coups de subventions : aides au fourrage, aides indirectes pour l'eau... sans compter la prise en charge des conséquences néfastes de l'élevage par la collectivité, je songe au traitement des algues vertes notamment.

Mais il y a aujourd'hui surproduction et surconsommation de viande. Alors que la tendance commençait enfin à s'inverser, pourquoi faire marche arrière ? Les conséquences négatives de la consommation de viande sont pourtant avérées, qu'il s'agisse de l'effet de serre, de l'eau ou des importations massives d'aliments pour bétail en provenance de pays lointains, alors qu'un milliard d'individus ne mangent pas à leur faim dans le monde. On sait que la surconsommation de viande accroît la prévalence de certaines maladies, connues mais pas combattues. En outre, la recrudescence de grippes aviaires en Asie est due aux conditions d'élevage - le confinement des animaux - qui favorisent le développement des maladies et agents infectieux.

Plus grave, on veut restaurer la confiance en passant sous silence la souffrance des animaux. En France, on tue chaque année 1 milliard d'animaux terrestres et 17 milliards d'animaux marins. Nous sommes face à une question sociétale : accepte-on de mettre à mort des animaux sans nécessité nutritionnelle ? Nous aurions aimé que le débat s'ouvre enfin, or nous assistons à une énième tentative d'étouffer les scandales à répétition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

J'entends, dans votre longue litanie, certaines affirmations inacceptables. Si vous voulez manger des graines, grand bien vous fasse. Personnellement, je préfère le tournedos, et j'estime que c'est mon affaire.

Parler de gaspillage de l'eau du fait de l'élevage est un non-sens. Pour tenir de tels propos, vous devez méconnaître la réalité du terrain, à moins que vous ne la déformiez volontairement : ce sont les pâturages qui protègent les nappes phréatiques !

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Ce que vous mangez n'est pas seulement « votre affaire » car cela a un impact sur des êtres vivants, sur l'environnement.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Nous avons le droit de demander l'ouverture du débat sur l'eau, d'autant que le problème est mondial : l'ONU et la FAO viennent de tirer la sonnette d'alarme. Ce n'est pas un problème franco-français.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

La pluie du sud-ouest ne résout pas la sécheresse au Sahel.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Les calculs font apparaître que l'on consomme beaucoup plus d'eau pour produire des calories d'origine animale que végétale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous connaissez mon attachement à la sensibilité animale et ma démarche sur l'abattage sans étourdissement. Depuis un siècle, la nature a été davantage bousculée qu'en un millénaire. Mais nous sommes des mammifères qui nous inscrivons dans une chaîne alimentaire. Avant de redevenir poussière, nous nous nourrissons. J'ajoute que l'économie agricole est une réalité. Si nous arrêtions la production de viande, nous jetterions dans le chômage et la misère des milliers de personnes. C'est toute une économie qui s'effondrerait.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

En effet, c'est un tout. Je suis fille d'agriculteur, je sais comment les animaux sont traités. Mais si l'on supprime la consommation d'animaux, comment préserver les espèces ? Certaines races de chevaux qui ne sont plus consommées sont en voie disparition. Comment dans votre logique préserve-t-on l'équilibre écologique de la planète ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Nous ne souhaitons pas que la production s'arrête du jour au lendemain. Quoique... Nous demandons que l'on réfléchisse à une transition, afin de sortir de l'impasse. Votre mission en est sans doute consciente : il n'existe pas de mort douce. Nous connaissons votre combat contre l'abattage sans étourdissement, mais l'étourdissement pose aussi des problèmes. La seule mort respectueuse est l'euthanasie, qui n'est même pas acceptée pour les humains.

C'est l'industrialisation qui a fait disparaître des espèces : on a sélectionné génétiquement les animaux, comme les poulets de chair, qui « poussent » en un temps record, 42 jours, jusqu'à devenir énormes. Veut-on préserver les vaches laitières génétiquement déformées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Préconisez-vous également l'arrêt de la consommation de produits laitiers ? Comment nourrissez-vous le bébé dont la mère n'a pas de lait ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Oui, nous espérons l'extinction progressive de toute production d'aliments d'origine animale. Il est possible de s'en passer sans recourir aux produits chimiques.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Certains bébés sont allergiques au lait d'origine animale et ils survivent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Recentrons le débat sur notre sujet. Notre objectif est que les gens qui ont envie de manger de la viande puissent le faire dans de bonnes conditions, que chacun sache ce qu'il a dans son assiette. Le but, c'est la transparence. Le bien-être animal progresse-t-il dans les élevages ?

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Parler de bien-être animal est presque un abus de langage au regard de la situation : les animaux sont à 80 % élevés dans des élevages intensifs et hors-sol, ils ne verront jamais un pré. Cochons, poules pondeuses, canards et veaux subissent des mutilations, souvent à vif. Ces animaux sont niés dans leur qualité d'êtres sensibles, conscients, intelligents et joueurs. La petite basse-cour familiale n'est plus une réalité.

Il serait plus approprié de parler de diminution du mal-être animal. Y a-t-il eu des progrès ? Aucun, malgré quelques règlementations européennes encadrant les pratiques actuelles, donc les reconnaissant. Ces obligations, au mieux, tendent à limiter la souffrance animale. La France n'a pris aucune initiative sur la question au plan européen, au contraire, elle est debout sur le frein.

Une réglementation européenne de 1999 a agrandi la taille des cages de l'équivalent de deux tickets de métro par poule pondeuse. Une directive de 2007 a encadré la pratique de l'élevage intensif des poulets de chair, posant une limite de 42 kilogrammes, soit environ 20 oiseaux, au mètre carré. Depuis le 1er janvier 2013, il est interdit de maintenir en cage les truies gestantes, qui doivent être placées en parc. Pendant une partie de leur vie, elles quittent donc leur cage individuelle. Quantité d'espèces ne font en revanche l'objet d'aucune réglementation : les dindes, les pintades, les lapins, les vaches laitières.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

A cela s'ajoutent les carences en matière de contrôle. L'office alimentaire et vétérinaire (OAV) européen évalue à moins en 1 % le taux de contrôles en France. Et encore ceux-ci ne sont-ils assortis d'aucune sanction dissuasive, proportionnelle et effective. Entre deux visites, rien n'est modifié. Un élevage de cochon ne respectait pas les normes et laissait les animaux baigner en permanence dans leurs excréments. Il a fallu la médiatisation de l'affaire et la mobilisation de la population pour provoquer un changement.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Non seulement la France est en retard, mais, contrairement à ses voisins, elle s'oppose à toute évolution de la réglementation sur le bien-être animal. En Allemagne, les poules pondeuses en cage représentent seulement 15 % de la production d'oeufs, contre 80 % en France. En Italie la proportion a baissé de 85 % à 58 % en seulement quatre ans. En Belgique, l'initiative est venue de la grande distribution. Les cochons ne sont plus castrés sans anesthésie, comme c'est systématiquement le cas en France. L'Autriche interdit d'élever les lapins en batterie ; chez nous, 100 % des lapins vivent dans des cages au format A4... La grande distribution, aux Pays-Bas, a relevé ses critères d'achat. Aucun supermarché n'accepterait plus de vendre des animaux tels qu'ils sont élevés en France, coincés à vie dans leur cage ...

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Dans les négociations européennes, la France freine, notamment sur les poulets de chair : c'est elle qui a bataillé pour maintenir les 42 kilos d'oiseaux par mètre carré. Elle s'oppose également à la mention du type d'abattage - avec ou sans étourdissement - sur les étiquettes.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

C'est notamment M. Hortefeux qui a pris cette position au Parlement européen.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Y a-t-il des pays européens dont l'étiquetage spécifie le type d'abattage ? Cela a-t-il une influence sur le comportement du consommateur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quand on achète du halal en France, on sait que l'animal a été abattu sans étourdissement.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Pas forcément. On fait souvent l'amalgame entre viande halal et abattage sans étourdissement, d'autant que la loi prévoit une exception pour l'abattage rituel de la viande casher ou halal. Or l'abattage rituel n'est pas incompatible avec l'étourdissement : les poulets notamment sont étourdis électriquement.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Une note de service circule en France concernant les normes à appliquer pour la viande à destination de l'Indonésie. Ce pays importe de la viande de bovin étiquetée halal. La note précise que les animaux peuvent être étourdis avec le matador.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

D'autres pays musulmans acceptent l'étourdissement : il existe en Jordanie un abattoir pratiquant l'étourdissement. L'assimilation de l'abattage rituel avec l'absence d'étourdissement est abusive ; et elle fausse le débat sur la suppression de cette pratique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Vous dites que la France s'oppose à l'étiquetage mais vous n'avez pas répondu à ma question. Y a-t-il des pays dans lesquels l'étiquette mentionne le type d'abattage ? S'il n'y en a pas, pourquoi accuse-t-on la France d'être en retard ?

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Le Parlement européen a demandé cet étiquetage, la France s'y est opposée. Il a été voté à quelques voix d'écart...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

puis le Conseil des ministres l'a rejeté. Au Conseil les délibérations ne sont pas publiques, on ne sait pas qui s'est opposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Dans de nombreux pays, l'abattage sans étourdissement est interdit : l'étiquetage y serait inutile ! La France est un des rares pays d'Europe à l'autoriser.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

D'autres pays sont revenus sur cette législation : les Pays-Bas, la Belgique et la Pologne. Comment est pratiqué l'abattage halal avec étourdissement ? S'agit-il bien d'assommer la bête avec un matador dans les cinq secondes suivant l'égorgement ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Non. L'étourdissement précède l'égorgement. Pour les poulets, il y a électronarcose puis égorgement. En Indonésie, il s'agit d'un étourdissement au matador, suivi par l'égorgement. Le post stunning s'est développé dans certains abattoirs où les animaux sont étourdis après avoir été égorgés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

L'Australie refuse d'exporter ses animaux vers des pays pratiquant l'abattage sans étourdissement.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Oui, et ce depuis les campagnes d'information d'associations qui ont filmé des animaux tout au long de leur voyage, de leur départ jusqu'à la fin, à l'abattoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La formation du personnel des abattoirs est-elle suffisante ? Y a-t-il des incidents d'étourdissement ?

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

L'OEuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) serait mieux à même de vous répondre. Les défaillances humaines sont nombreuses : étourdissement mal effectué, temps excessif entre l'étourdissement et la saignée, aiguillon électrique utilisé de façon abusive dans le couloir avant le poste d'abattage, couteaux mal aiguisés,... Nous le savons d'expérience mais un rapport de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) en fait aussi état. L'étourdissement échoue pour 6 % des génisses et 16 % des taureaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

La formation est peut-être insuffisante ? On peine à recruter dans ce secteur.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Les principales raisons sont techniques : le système d'électronarcose est mal réglé, la taille de l'animal varie. Les poulets sont abattus toutes les secondes : pas le temps de vérifier qu'ils sont bien étourdis. Il y a aussi des arrêts techniques sur la chaîne, pour un changement d'outillage. Les animaux sont stoppés un moment entre l'étourdissement et la lame ; ils arrivent conscients dans le bac d'échaudage.

L'abattage rituel suit les mêmes cadences. En théorie l'animal doit être immobile jusqu'à la fin de saignée, mais ce n'est pas toujours le cas.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

L'agonie des bovins peut prendre 14 minutes. Celle des poissons dure 4 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Nous nous concentrons sur la viande. Il y a déjà tant à dire !

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Nous avons réalisé une enquête pendant les fêtes de l'Aïd-el-Kébir et constaté que certaines villes mettaient des bennes à disposition des habitants, pour qu'ils y déposent les restes des animaux qu'ils ont abattus chez eux.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Pendant l'Aïd, l'abattage rituel à domicile est courant. A Roubaix, à Tourcoing, dans ma région, les moutons sont livrés sur le trottoir, dans l'indifférence des autorités. Tourcoing a mis en place cinq ou six bennes : en l'espace d'une journée, elles étaient remplies à ras bord de restes de moutons. Cette action de la ville est-elle légale ? Car c'est un encouragement à l'abattement à domicile, en principe interdit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quand vous constatez de tels phénomènes, portez-vous plainte ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

L'association L214 existe depuis 2008. Nous avons commencé par effectuer des signalements auprès des directions départementales de la protection des populations (DDPP). Mais nous constatons le plus souvent une absence de réponse et c'est alors que nous nous tournons vers le tribunal. La plupart de nos plaintes sont classées sans suite, alors que nous apportons des preuves incontestables des manquements à la réglementation, par exemple des vidéos.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Nous avons constaté la présence des bennes l'année dernière seulement, et nous n'avons pas eu le temps d'entreprendre les démarches, souvent complexes.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Certaines directions départementales prennent des mesures immédiatement, en Haute-Loire notamment. D'autres sont dans le déni, et défendent résolument les abattoirs dont nous dénonçons les pratiques. Peut-être parce que les services vétérinaires sont souvent présents au moment des faits...

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Nous avons des difficultés à connaître les suites apportées à nos signalements. Une relance ne suffit pas. Nous devons systématiquement passer par la commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour avoir accès aux documents, qui ne sont jamais mis spontanément à notre disposition.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Et encore ! Nous avons dû saisir le tribunal administratif. La procédure a pris deux ans. Le juge nous a donné raison, et depuis, nous montrons le jugement pour obtenir rapidement les documents administratifs.

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

L'équipe de campagne de François Hollande avait pris des engagements auprès de nous mais depuis, plus de nouvelles...

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

M. Hollande, en mai 2012, s'était engagé à ce qu'il n'y ait plus de viande halal dans les écoles françaises. Je lui ai posé récemment la question, il ne m'a pas répondu.

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Nous avions aussi évoqué le texte sur la restauration scolaire qui impose un certain rythme de consommation de viande, sans proposer d'alternative végétale. L'équipe de campagne l'avait jugé « aberrant ». Mais là non plus, pas de nouvelles...

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Il existe une abondante littérature scientifique à ce sujet. Le débat porte sur l'interprétation des mouvements des animaux. Sont-ils conscients, ou s'agit-il de réflexes ? Il existe des outils qui permettent d'évaluer la reprise de conscience.

Souvenons-nous que la souffrance des nourrissons a été reconnue tardivement. Nous savons identifier la souffrance chez nos chats et nos chiens, mais feignons d'ignorer la terreur, le stress et la souffrance des animaux à l'abattoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il est vrai qu'au Salon de l'agriculture, la vache Marguerite côtoie le plateau de viande... On a vulgarisé la mort et on a tendance à ignorer les étapes intermédiaires entre la vache et le steak haché. Peut-on parler de défaut de pédagogie ?

Debut de section - Permalien
Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214

Je le crois. La plupart des publicités sont cofinancées par les collectivités territoriales ou l'Europe. L'animal y est représenté sur fond de pâturage, ce qui correspond assez peu à la réalité. Or, on promeut cette image sur fonds publics.

En Angleterre, les enquêtes des associations de protection animale ont montré la cruauté de certains employés envers les animaux et des caméras ont été installées dans les abattoirs.

J'ignore qui a accès à l'enregistrement : les services de l'État, les associations de protection animale, les consommateurs ? Quoi qu'il en soit, restaurer la confiance du consommateur, c'est aussi instaurer une transparence sur l'élevage, le transport et l'abattage des animaux qui sont mangés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Ne serait-ce que par l'étiquetage, une mesure simple et pédagogique...

Debut de section - Permalien
Johanne Mielcarek, porte-parole de l'association L214

Une précision : en France, aucun vétérinaire ne supervise tous les postes d'abattage comme cela devrait être le cas. Quand il y a un vétérinaire, il se concentre sur le post mortem et les analyses après abattage, jamais sur l'ante mortem. Le décret du 9 février 2012 a autorisé une quinzaine d'abattoirs pilotes, spécialisés dans les lapins et les volailles, à fonctionner sans vétérinaire. La pénurie d'effectifs y est sans doute pour quelque chose. Mais nous ne comprenons pas que la Commission européenne ait validé ce texte alors que la réglementation européenne impose la présence de vétérinaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Merci d'avoir répondu à notre invitation. Cette audition permettra d'aborder les questions d'abattage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Merci pour votre présence : j'attends beaucoup de nos échanges. La France garantit à tous la liberté de conscience et de culte ; elle permet donc aux musulmans et aux juifs de s'alimenter selon leur culte, en produits halal ou casher, élaborés selon leur loi religieuse et issus de filières d'abattage rituel. Je précise d'emblée que je n'ai rien contre l'abattage rituel, mais je m'interroge sur la pratique d'abattage rituel halal sans étourdissement préalable : de nombreux pays musulmans imposent l'étourdissement préalable à l'abattage des animaux de boucherie, et la France importe de la viande certifiée halal d'animaux abattus après avoir été étourdis ; rien dans le Coran n'interdit l'étourdissement préalable, et la jurisprudence islamique n'apporte pas de réponse tranchée sur ce point.

Pourquoi la pratique de l'abattage sans étourdissement préalable est-elle répandue en France, sinon pour répondre aux souhaits des musulmans radicaux ? J'ai lu que seul un musulman sur deux était très attaché à l'étourdissement préalable.

Contrairement à ce que le Consistoire central israélite a mis en place pour le casher, il n'existe pas de label halal unifié en France : en créer un était l'une des missions confiées au Conseil français du culte musulman (CFCM) lors de sa création en 2003 ; elle n'a pas été accomplie. Trois mosquées, celles de Paris, Lyon et Évry sont habilitées à délivrer des cartes de sacrificateurs, mais ensuite une multitude d'organismes effectuent les contrôles, dans des abattoirs qui fonctionnent selon des protocoles différents ; certaines entreprises se certifient elles-mêmes ou emploient leur contrôleur, et certains organismes de certification appartiennent à des non-musulmans... Le rite halal appartient à une religion, mais la certification halal n'est-elle pas avant tout un marché juteux qu'il convient de réguler ? Un ami musulman me confiait récemment que sa femme souhaiterait être sûre, lorsqu'elle achète halal, que les produits le sont réellement.

Pour des raisons religieuses et pratiques, les musulmans ne consomment pas l'arrière des animaux : ces parties sont donc écoulées dans le circuit de distribution classique.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Vous confondez avec les Juifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il faudrait pouvoir identifier, sur les barquettes de viandes ainsi commercialisées, l'origine rituelle de la viande. J'ai lu sur le site Internet Al kanz : « La filière cacher va souffrir de cette mesure, tout comme certains organismes de certification musulmans qui ont entretenu, avec les industriels, une opacité sur la viande qu'ils certifient. Les juifs, parce que la plus grande part des carcasses de bête casher passe dans le circuit traditionnel, certains organismes de certifications musulmans parce qu'ils ont noué des partenariats économiques sur le laxisme et la permissivité à l'égard de pratiques islamiquement inacceptables. »

Qu'en pensez-vous ? Vous êtes, je n'en doute pas, très attachés - comme nous - à la liberté de conscience. Êtes-vous favorable à ce que le consommateur soit clairement informé sur l'origine rituelle d'une viande, ou non ? Nous accordons ce droit au consommateur musulman, pourquoi ne pas l'accorder aux autres ? Une telle différence de traitement ne serait-elle pas de nature à accroître la stigmatisation des musulmans ? Tout ce qui tend à la transparence est efficace pour lutter contre la montée du racisme à laquelle nous assistons.

De nombreux pays musulmans ont accepté l'étourdissement préalable : y êtes-vous favorable ? Si vous ne l'êtes pas, pourquoi ?

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Je note avec satisfaction votre attachement au principe de la liberté de conscience - je n'en attendais pas moins de vous - que nous partageons.

Il n'y a pas de parties non consommables par des musulmans : la bête est consommée en entier. Le CFCM a mis en place depuis 2008 un groupe de réflexion sur l'abattage rituel et la certification halal, qui a pris part, aux côtés du Consistoire central israélite de France, au travail sur le Grenelle de l'animal et à l'élaboration de la réglementation européenne en 2009. Bien sûr, vous trouverez dans la tradition musulmane des avis selon lesquels l'étourdissement préalable est acceptable. Ils sont ultra minoritaires. La position officielle des quatre ou cinq écoles juridiques musulmanes est que l'étourdissement ante mortem n'est pas compatible avec l'abattage rituel. Sur ces questions nous ne différons de la religion juive que par quelques détails, comme par exemple le degré de rotation de l'animal. Certains organismes prennent des positions qui leur sont propres, et qui s'appuient sur les pratiques d'autres pays musulmans, mais elles seraient difficiles à défendre devant des consommateurs musulmans : il suffit de consulter des forums Internet, notamment du Proche-Orient, pour s'en apercevoir. Lorsque le bruit se répand que la viande française est abattue avec étourdissement préalable, les appels au boycott se multiplient : cela ne serait pas rendre service aux professionnels ou aux producteurs que de dire que nous sommes favorables à l'étourdissement. N'ébranlons pas notre filière halal !

Je ne sais pas ce qui vous permet d'affirmer qu'aucun verset coranique n'interdit l'étourdissement préalable. Rapporteure d'une commission au Sénat, vous n'êtes pas une spécialiste de l'exégèse du Coran. Quelle est votre source ? Les cinq écoles juridiques musulmanes sont toutes sur la même ligne : l'étourdissement préalable n'est pas admissible. Bien sûr, les textes peuvent être interprétés dans le contexte français, et donner lieu à des assouplissements, comme l'étourdissement post mortem. Mais le respect de la liberté de conscience et de religion impose de mettre en place les conditions d'un abattage rituel conforme aux textes, et si l'on impose aux musulmans des contraintes qui ne seraient pas imposées aux juifs cela générera des frustrations et l'impression d'un traitement différencié contraire aux principes de la République.

Je ne puis vous répondre sur la question de la viande halal qui serait écoulée dans les circuits classiques, faute de disposer de chiffres. Depuis 2003, le CFCM a travaillé à l'élaboration d'une charte halal ; à ce stade nous avons un document de travail, pas encore validé car nous avons connu en 2008 des difficultés pour renouveler nos instances. Ces difficultés nous ont contraints à réformer notre mode de gouvernance : nos statuts ont été revus le 23 février. Le dossier de la charte halal, qui avait été ajourné pour cette raison, va pouvoir être traité, comme l'a récemment été celui du calendrier lunaire.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Nous ne disposons d'aucun chiffre officiel sur le tonnage abattu, mais d'estimations : sur 1,6 million de tonnes de bêtes abattues, 14 % le sont selon un abattage rituel, sans que l'on sache quelles sont les parts respectives du casher et du halal. Et le halal représente 21 % de nos importations, soit 108 000 tonnes.

Poser la question de l'information du consommateur, c'est poser la question de l'étiquetage. S'il est imposé en France, il ne le sera pas dans les autres pays de l'Union européenne : les consommateurs ne pourront pas faire la différence. C'est le sens du communiqué d'Interbev du 8 mars 2012 : « Les viandes importées hors de l'Union européenne pourront être issues d'abattage rituel et resterons non étiquetées comme telles, générant ainsi une distorsion de concurrence. Ce nouveau dispositif constituera ainsi un handicap à la compétitivité de la filière viande française »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Sur quel tonnage d'importations est calculé le chiffre de 21 % que vous évoquez ?

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Sur un tonnage de 521 000 tonnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous ne connaissez pas les chiffres de l'abattage rituel en France : légalement, celui-ci ne peut être fait que sur commande.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Oui, une loi va l'imposer...

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Depuis quelques mois seulement.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Les sacrificateurs doivent suivre avant la fin de l'année une formation au bien-être des animaux et obtenir un certificat de compétence auprès du ministère de l'agriculture. Toute commande d'un abattage rituel doit être soumise à la Préfecture, et doit porter sur un tonnage strict, qui ne peut être dépassé - afin d'éviter que d'éventuels surplus ne soient écoulés dans le circuit standard. Cela complique les choses pour les abattoirs : utilisation des premières plages horaires, où les chaînes sont propres, chambres froides spécifiques, sacrifice à la suite de centaines d'animaux, avant de revenir à des modalités classiques d'abattage....

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Nous avons eu ce débat au niveau européen. Je regrette que la communauté juive, qui était à nos côtés, ne soit pas là aujourd'hui, puisque nous parlons de l'abattage rituel en général. Il ne s'agit pas que d'un problème religieux : d'après une étude du cabinet Solis, le halal représente un chiffre d'affaires de plus de cinq milliards d'euros. Nous sommes aussi sensibles que vous au bien-être animal. Il faut donc que nous réfléchissions ensemble à la manière d'en finir : à chaque nouvelle législature, le halal est remis en question ; il fait l'objet d'une stigmatisation permanente. Il faut trouver une solution ! Je suis heureux que votre mission s'y consacre, car il y a cinq millions de musulmans en France, et plus de 2 500 mosquées, dont la représentation nationale doit tenir compte ! Ce sujet concerne toute une panoplie de métiers : éleveurs, abattoirs, industriels. Les musulmans ne sont pas des barbares. Le Coran parle de l'objet sacrificiel et de la manière de le traiter en des termes précis : l'animal doit être traité avec respect. Nous souhaitons que votre mission prenne des initiatives dans ce domaine, afin que les musulmans, qui sont des citoyens français, aient les mêmes droits que les autres, et que leur liberté de conscience soit respectée.

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Je sais que nous sommes d'accord, mais je préfère le redire : votre sujet, c'est la filière viande, pas la viande halal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Notre mission porte sur la production, l'abattage, la transformation et le transport, ainsi que sur la commercialisation des viandes animales. Nous n'ignorons pas le nombre de personnes musulmanes présentes en France et susceptibles de consommer de la viande halal ; j'ignorais en revanche le chiffre de cinq milliards d'euros de chiffre d'affaires que vous avez mentionné. Nous savons aussi que cela concerne de nombreux emplois. Mais la société française s'interroge sur des méthodes qui pourraient infliger des souffrances animales évitables. Vous connaissez la législation européenne, à laquelle vous avez travaillé ; nous devons essayer de concilier les points de vue, tout en respectant la liberté de conscience et de culte reconnue par la Constitution française. Nous avons donc le devoir de vous interroger, et nous prendrons en compte vos réponses, comme pour toutes les parties prenantes que nous avons auditionnées : ce n'est pas facile !

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

En ce qui concerne le tonnage, nous n'avons aucun moyen, en tant qu'organisation religieuse, de collecter de l'information. Nous ne disposons pas d'un registre central des commandes : il faudrait consulter les registres de chaque établissement d'abattage, ce que rien ne nous autorise à faire.

Chaque consommateur a le droit de savoir ce qu'il consomme, c'est vrai. Mais de quel type d'information sur l'animal a-t-il besoin ? Sur sa nourriture ? Sur son transport ? Sur son traitement ? La manière dont il a été abattu n'est qu'une information parmi d'autres. Et comment faut-il la formuler ? Étourdi ? Insensibilisé ? Tué à vif ? Il existe plusieurs formulations possibles. Nous ne sommes pas opposés à l'information du consommateur, mais il faudrait d'abord prouver la pertinence ou l'importance des informations qu'il faudra lui apporter. Actuellement, il ne dispose pas de toutes les informations, et celle sur la méthode d'abattage n'est pas la seule qui manque ! Si l'on décide que l'information sur les modalités d'abattage est primordiale, quelle forme lui donner ? Il existe plusieurs méthodes d'étourdissement : pistolet à tige perforante, asphyxie par gaz, électrocution...

La seule raison pour laquelle le culte musulman est contre l'étourdissement préalable est que nous considérons que c'est une souffrance supplémentaire infligée à l'animal. C'est notre conviction, libre à vous de ne pas la partager ! La manière dont les musulmans et les juifs procèdent à l'abattage est plus respectueuse du bien-être animal que l'abattage standard. Les études scientifiques sur la question sont loin d'être univoques, d'ailleurs. Il y a des arguments dans les deux camps. Il faut conduire des études sur la souffrance animale, sérieuses, impartiales...

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Elles existent déjà. Des études scientifiques prouvent que si l'animal n'est pas étourdi il peut mettre jusqu'à quatorze minutes à perdre connaissance.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Il existe des études de toutes sortes !

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Les scientifiques se sont penchés sur la question de la souffrance animale. Mais si les musulmans étaient sûrs que l'abattage standard fait moins souffrir l'animal, ils l'adopteraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous partagez notre attachement au principe de liberté de conscience garanti par la Constitution. Les musulmans voient sur l'emballage que la viande est halal, mais les autres peuvent acheter de la viande halal sans le savoir. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Nous parlons de l'abattage, et non du sacrificateur.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Les hadiths du prophète sur la souffrance animale sont clairs, et nous sommes parfois nous-mêmes effrayés, en visitant les abattoirs, de constater qu'ils ne sont pas respectés. L'animal ne doit pas voir l'outil tranchant. Il faut donner un seul coup, sans faire un aller-retour. Le couteau doit être bien aiguisé, pour minimiser la souffrance. Les conditions de transport doivent être particulières.

Nous sommes stigmatisés à chaque campagne électorale. Nous n'avons été reçus l'année dernière par le Premier ministre que parce que l'abattage rituel juif avait été remis en cause. Si l'abattage musulman avait été concerné, nous aurait-on ouvert la porte ? Certains partis politiques stigmatisent notre abattage rituel, comme vous l'avez souligné.

Vous avez parlé de laxisme : je suis pratiquant, et je suis tout-à-fait rassuré. Lorsque je vais chez Carrefour, et que je trouve de la viande contrôlée par des institutions reconnues, comme la mosquée de Lyon, avec un étiquetage affichant une traçabilité, je suis rassuré, et j'achète, devant les autres musulmans. Je connais aussi des non-musulmans qui viennent à la mosquée d'Evry acheter de la viande halal ; de même, lorsque je vais dans les magasins discount, je vois des non-musulmans se précipiter sur la viande halal, car elle est bon marché ! Pour autant, je suis d'accord avec vous, il ne faut pas imposer à des non-musulmans de consommer halal. Mais je ne veux pas être moi-même victime d'une double mesure. Nous demandons que le marché de la certification du halal soit réglementé : même les sachets Knorr au poisson sont certifiés halal !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Comment sont organisées les structures de certification ? Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

La mosquée de Paris, celle d'Evry et celle de Lyon, ont un organisme de contrôle. Leur numéro de téléphone figure sur l'étiquetage. Mais l'on trouve dans le commerce divers types d'estampillages halal... Nous demandons une réglementation du halal, assortie de contrôles efficaces, pour rassurer le consommateur.

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Trois mosquées - Paris, Lyon et Evry - ont reçu un agrément du ministère de l'Agriculture et du ministère de l'Intérieur, mais il ne porte que sur les sacrificateurs. Ce sont elles qui font la plus grande partie des certifications. Une vingtaine d'organismes - dont Veritas ou Socotec ! - font aussi de la certification. Les entreprises qui veulent certifier en halal trouvent ainsi quelqu'un pour leur apposer un cachet, une signature, qui fait office de certification. Le système industriel encourage le développement de ces structures. Peut-on empêcher cela ? Nous respectons la liberté du commerce. Seule la mise en place d'une charte précise règlera ce problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je comprends qu'une telle charte est en cours d'élaboration et qu'elle débouchera sur un cahier des charges dont le respect sera contrôlé par les trois mosquées que vous avez citées.

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Tout à fait.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Comment envisageons-nous la certification ? Le cahier des charges définira l'abattage halal, et la charte précisera les caractéristiques des organismes de vérification, ainsi que le mécanisme par lequel le CFCM leur donnera son agrément. Nous envisageons aussi un comité de suivi qui fera des audits pour s'assurer que les engagements seront réellement respectés, et qui pourra éventuellement retirer les agréments. La charte est prête : il s'agit d'un texte d'une trentaine de pages. Mais les problèmes de gouvernance du CFCM, jeune institution, nous ont contraints de différer sa validation, car celle-ci réclame une large concertation et une large adhésion. Je suis convaincu que c'est à présent une question de mois.

Les citoyens peuvent ne pas souhaiter consommer halal. C'est leur droit absolu. La réglementation européenne considère que l'abattage rituel est une dérogation par rapport à l'abattage standard : nous pourrions imaginer de les placer sur un pied d'égalité. D'un point de vue scientifique, la qualité de la viande est la même. Le consommateur a le droit de savoir, mais il faudrait que l'information donnée soit équitable, et ne stigmatise pas les musulmans ou les juifs. La mention « abattue de façon rituelle » me paraît meilleure que « non étourdie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

La mention « étourdie » ou « non-étourdie » pourrait convenir.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Non : dire « étourdie » ou « non-étourdie » serait stigmatisant.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Ce n'est pas un étourdissement, mais un assommage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pourquoi pas ? Vous évoquiez la crainte que l'étiquetage ne stigmatise une religion et n'affaiblisse la filière française. Pourtant, vous dites que les musulmans achètent du halal sans trop y regarder... La transparence n'est pas une stigmatisation, bien au contraire : au lieu d'entretenir le vivre à côté des autres, travaillons sur le vivre-ensemble, qui réclame la transparence. Si je veux acheter un gigot halal, je dois pouvoir le faire en conscience. Si ma religion me l'interdit, je veux pouvoir le faire en conscience

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Auparavant, les musulmans devaient aller chez des bouchers juifs. Ils pouvaient aussi aller chez des bouchers chrétiens, ce qui n'est plus possible aujourd'hui : ceux-ci ont modifié leur manière d'abattre. Les bouchers musulmans de Barbès ont beaucoup fraudé sur le halal : ce sont les musulmans qui ont été les premiers à les dénoncer. Si nous décidons d'étiqueter, il faut aussi étiqueter l'abattage traditionnel, ...

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

pour que les musulmans ne tombent pas dans ce piège, ainsi que le casher.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Quand je vais au centre commercial proche de la Mosquée d'Evry, je m'aperçois que des viandes traditionnelles sont présentes sur les rayons halal, car certains consommateurs, voyant leur prix, les y déposent. J'aimerais que le magasin différencie mieux les rayons casher, halal et traditionnel.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Le problème de l'étiquetage devrait être confié aux professionnels. C'est à eux de s'en occuper, notamment pour identifier les surplus.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Il faut que les professionnels valident la charte du CFCM et que le CFCM agrée des organismes certificateurs. Dans son communiqué de mars 2012, Interbev souligne que si jamais l'étiquetage était appliqué, cela nuirait à la compétitivité de la filière viande française, car les viandes importées ne seront pas étiquetées.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Lundi j'ai refusé de passer une convention avec une société française qui va abattre aux Pays-Bas. Nous voulons promouvoir et encourager, face à la crise, une consommation française de produits français.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Les 21 % d'importation proviennent souvent de pays qui interdisent l'abattage sans étourdissement.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Pas tous !

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Il n'est pas consommé essentiellement par les musulmans. La plus grande partie du mouton consommée par les musulmans est abattue en France. De plus en plus de boucheries traditionnelles ferment leurs portes et sont remplacées par des boucheries halal. Les personnes âgées y font leurs achats : la viande halal est consommable par tous !

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Elle a les mêmes qualités. Nous consommons la bête entière. Certains professionnels vendent la partie avant aux musulmans car elle est peu onéreuse, et gardent l'arrière pour le reste de leur clientèle. Nous avons discuté de tout cela à Bruxelles et avec M. Le Foll, qui avait compris l'intérêt économique que cela pouvait représenter. Reste que les musulmans sont favorables à la mention du type d'abattage sur les étiquettes pour rassurer les consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Un étiquetage transparent et clair ne poserait donc pas de problème.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Mais l'information destinée au consommateur doit être précise.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Indiquer si l'animal a été étourdi ou non n'a pas de sens : le terme est impropre.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Si c'est à la souffrance animale que l'on veut s'en prendre, autant mentionner « assommé avec une tige perforante », et préciser s'il a fallu un ou deux coups pour y parvenir, ou bien indiquer que la bête a été gazée, ou électrocutée. Pour la viande transformée, il faudrait préciser le pourcentage de viande abattue rituellement. Mais alors c'est un cahier entier qui devra accompagner les produits, et non plus une étiquette.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

S'il y avait plus de cahiers dans la filière viande, aucune viande de cheval n'aurait pas été prise pour de la viande de boeuf.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

C'était un problème de contrôle de l'espèce, pas un problème d'abattage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Mais derrière cela, il faut poser la question des pratiques religieuses.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Les musulmans n'ont pas été mis en cause dans le scandale de la viande de cheval.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

J'entends bien. Pourquoi autorisez-vous l'étourdissement de certaines espèces, comme la volaille ?

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

L'électronarcose permet en principe de calmer la bête. Mais à fortes doses, elle peut en mourir. Certains abattoirs utilisent l'électronarcose de façon mesurée, ce qui conserve la bête en vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Est-il envisageable d'utiliser ce type d'étourdissement réversible sur d'autres espèces ?

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

L'essentiel, c'est de savoir comment la bête est morte.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Sans prétendre me substituer aux spécialistes ou sortir en quoi que ce soit de mon rôle, je me suis documentée sur la position de l'islam sur ces questions. J'ai trouvé une fatwa égyptienne de Jad Al-Haq Ali Jad Al-Haq rendue le 18 décembre 1978, ainsi qu'une fatwa saoudienne de 1977. Elles stipulent que « si l'animal a été abattu par un pistolet ou par un choc électrique, et que l'animal a été égorgé pendant qu'il était encore en vie, après avoir reçu le coup sur la tête, alors sa viande est licite en raison de la parole de Dieu ». Ces fatwas, parmi d'autres, démontrent que les autorités musulmanes admettent le recours à l'étourdissement à condition qu'il ne provoque pas la mort de l'animal. Elles disent encore que « les autorités musulmanes sont plus larges que certaines autres autorités puisqu'elles admettent l'étourdissement des animaux avant la saignée, soit par électronarcose soit par pistolet, à la seule condition que l'animal soit encore vivant lorsqu'il est saigné, donc que son coeur batte ». Ne croyez-vous pas que les autorités religieuses doivent s'adapter à l'évolution de la société ?

Un hadith dit en outre ceci « Dieu a prescrit la bonté en toute chose. Si vous tuez, faites-le avec bonté, et si vous saignez un animal, faites-le avec bonté ». De ce fait, les autorités ne s'opposent pas, dans certains pays, à l'étourdissement des animaux à condition qu'il ne provoque pas la mort avant qu'ils soient saignés.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Vous citez des fatwas qui vont dans le sens de ce que vous souhaitez démontrer.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Nous pourrions vous en citer d'autres, plus nombreuses encore, disant exactement le contraire. Tous les conseils des oulémas des pays musulmans organisent leur forum halal pour élaborer leur propre norme : c'est leur interprétation du Coran qui fonde les pratiques légitimes. La seule chose que l'on peut envisager aujourd'hui est d'éviter l'étourdissement. Les associations de défense des animaux font tout pour cela, et nous ferons tout pour que cela n'arrive pas, car il y a autant de références religieuses qui vont dans le sens contraire de celles que vous citez.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je vous demande de ne pas poursuivre sur le terrain religieux, qui n'est pas dans le champ de notre mission. Recentrons le débat sur la question de la souffrance animale. Vous avez parlé des études scientifiques sur la question : l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) a notamment publié un rapport qui reconnaît que l'abattage fait souffrir les animaux, qu'il soit effectué par électronarcose, par matador ou rituellement. Avez-vous de votre côté des éléments scientifiques qui mesurent la souffrance animale, notamment en fonction du moment de l'étourdissement ? Je connais un abattoir qui tue les animaux rituellement, mais en les étourdissant dans les cinq secondes suivant l'égorgement. Les consommateurs ont le droit de savoir si la méthode d'abattage utilisée heurte leur conscience.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Il existe aussi des études démontrant que l'abattage rituel fait moins souffrir les animaux que l'abattage classique. Le CFCM est prêt à faire le recensement de toutes les études disponibles pour les départager.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Le ministre de l'agriculture en a déjà fait plusieurs, avec des scientifiques.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Je me borne au constat qu'il existe des études démontrant les deux positions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pouvez-vous nous fournir les études démontrant que l'abattage rituel fait moins souffrir les animaux ?

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Oui. Il y a même une thèse de doctorat à l'Inra qui va dans ce sens. A nouveau, la seule raison pour laquelle les musulmans défendent l'abattage rituel, c'est la conviction qu'il fait moins souffrir les bêtes. Le hadith que vous avez cité va dans ce sens.

Un mot sur ce qui peut heurter le consommateur : si l'animal se débat après la première incision, c'est en raison de ce que les études appellent des mouvements inconscients. L'animal égorgé est en effet en état de mort encéphalique : ces mouvements, destinés à irriguer son cerveau, permettent de le vider plus rapidement de son sang. De manière analogue, on prélève bien des organes chez des personnes hospitalisées et déclarées en état de mort encéphalique sans que cela vous choque.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Admettons. Mais pourquoi ne pas utiliser le matador pour étourdir la bête préalablement à son égorgement ?

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

L'étourdissement serait une source de souffrance supplémentaire ! Ce n'est pas une question de réversibilité de l'étourdissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Tous les syndicats de vétérinaires sont favorables à l'étourdissement préalable.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Les syndicats de vétérinaires ne font pas la religion musulmane.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous n'êtes donc pas si soucieux de la souffrance animale, que les vétérinaires connaissent mieux que vous et moi.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Le CFCM, seule institution représentative des musulmans de France, n'a jamais changé de position : il est défavorable à l'étourdissement, à quelque moment que ce soit, comme le Consistoire central israélite de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pensez-vous que les consommateurs, musulmans ou non, soient rassurés de savoir que l'animal égorgé mais non étourdi peut se débattre pendant quatorze minutes ?

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Nous sommes convaincus que l'abattage rituel est ce qui fait le moins souffrir les animaux. Prouvez-nous le contraire et nous en tirerons les conséquences.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

M. Moussaoui vous l'a dit : des études démontrent le contraire. Nous sommes prêts à faire une étude commune avec les vétérinaires et les professionnels de l'abattage.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Elles n'impliquaient pas toutes les parties prenantes. Nous avons nos propres spécialistes. Avançons vers une synthèse. La fatwa que vous citez a été rendue par un homme mort il y a vingt ans. Elle appartient à son auteur, et a été contredite depuis. Croyez-le bien : nous sommes à la recherche d'une solution technique pour ne pas faire souffrir les animaux, et pensons que les méthodes rituelles, juive ou musulmane, sont les plus avancées en la matière. Vous dites le contraire...

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Les scientifiques ne sont pas unanimes. Faisons une étude commune.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Vous avez une vision partiale des choses. Les études que nous invoquons sont tout aussi scientifiques que les vôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous inviterons prochainement les vétérinaires qui ont travaillé sur le rapport de l'Inra en 2009, et les confronterons le cas échéant avec les spécialistes que vous nous aurez recommandés.

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Toutes ces questions sur l'abattage sont-elles liées aux problèmes globaux que pose la filière viande, ou cherche-t-on simplement limiter voire interdire l'abattage rituel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Cette mission d'information porte sur les productions animales, leur abattage et leur transformation, ainsi que sur leur commercialisation. L'abattage s'analyse sous l'angle qualitatif, économique, mais aussi au prisme des questions de société. L'objectif est de rétablir la confiance des consommateurs.

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

N'oublions pas que certains pays importateurs de viande française imposent chez eux l'abattage rituel. L'Arabie Saoudite a récemment découvert que Doux lui vendait du poulet non halal. Comment l'économie française compte-t-elle répondre à la demande des pays musulmans si l'on restreint la possibilité de pratiquer les méthodes d'abattage rituel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous sommes conscients que le problème n'est pas simple, mais nous voulons lui apporter une solution, comme à tous ceux qui se posent dans la filière viande française.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Nous ne voulons rien imposer à personne. Mais il ne faut pas nous accuser de mettre dans le circuit commercial classique le solde de la viande halal ! Et si nous sommes favorables à l'étiquetage, celui-ci doit être imposé à tous les types de viande, halal, casher ou traditionnel. C'est un problème de liberté de conscience et de liberté de choix des consommateurs.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

En tant que président du CFCM, je suis incapable de vous dire combien les musulmans consomment de viande. Nous sommes favorables à l'information transparente des consommateurs, mais il faut qu'elle se fasse de façon équitable, sans stigmatiser les musulmans.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Personne ici ne le souhaite. Nous souhaitons tous mieux vivre ensemble.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

J'ai vu des campagnes d'affichage dénonçant les méthodes d'abattage rituel. Il faudrait montrer également les véritables conditions d'abattage traditionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Plus il y a de transparence, moins l'on stigmatise qui que ce soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Y a-t-il une taxe halal sur la viande abattue rituellement dans le culte musulman ?

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

La certification halal est une industrie qui emploie beaucoup de monde. A la mosquée de Lyon, 80 personnes y sont affectées, soit une masse salariale de l'ordre de 80 % à 85 % du chiffre d'affaires. Lorsque l'on avance le chiffre de 5,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, c'est de la filière halal entière que l'on parle. La certification a une place minime dans ce total : elle n'équivaut qu'à 1 à 3 centimes par kilo.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

La taxe représente en effet 1 à 3 centimes par kilo. Elle est reversée à tous les acteurs de la chaîne de production, « de la fourche à la fourchette ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Mais au bout du compte, la viande n'est pourtant pas plus chère. Et d'où viennent exactement ces 1 à 3 centimes le kilo ? S'agit-il de centimes équivalent-carcasse sortie d'abattoir ?

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Oui. C'est le coût de la certification.

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

L'industriel les verse à l'organisme de certification. Le casher coûte 50 centimes à 1 euro le kilo.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

L'abattage rituel en équivalent-carcasse représente 14 % du tonnage total soit 226 000 tonnes sur 1,6 millions de tonnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

A un centime le kilo, les montants générés par la certification ne sont pas négligeables.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Mais il est reversé à tous les acteurs, de la fourche à la fourchette ! Dans le prix, la certification représente 0,01 centime. Multiplié par 226 000 tonnes, vous ne trouvez pas 5 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Le sacrificateur est-il salarié de l'abattoir ou de l'organisme de certification ?

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Il est salarié de la société d'abattage. Nous avons mis en place un organisme chargé de les former.

Debut de section - Permalien
Cheikh Alsid, responsable du service halal de la mosquée de Paris

Un certificat de compétence est exigé des sacrificateurs par le ministère de l'agriculture. Les certificats déjà délivrés courent jusqu'à la fin de l'année. Pour en obtenir un, il suffit de répondre à un questionnaire à choix multiples. J'ai demandé que l'on y ajoute une épreuve pratique : le ministère a estimé cela trop compliqué à mettre en oeuvre, mais a demandé aux responsables des abattoirs d'instaurer pour ses salariés une formation à la langue française. Ceux qui échoueront à cette épreuve se verront retirer leur droit d'exercer, ce qui serait une terrible sanction.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il faut bien évidemment qu'ils passent une formation pratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous recevrons prochainement les représentants du ministère.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

A Evry, l'abattoir doit faire la demande de délivrance des cartes de sacrificateur à ses salariés. Nous demandons que le candidat passe un test devant vétérinaire, puis nous le convoquons pour lui faire passer un test de moralité.

Nous manquons de certificateurs. La mosquée d'Evry en avait 355 en 2012. Seuls 130 ont pour l'instant été renouvelés pour l'année 2013. A Lyon, seuls 42 ont été renouvelés. A Paris enfin, 429 personnes ont l'autorisation d'exercer. Or cette profession est capitale, puisque le sacrificateur est chargé de veiller à ce que les animaux ne souffrent pas. La vue de ses congénères au moment de l'abattage est un autre facteur de souffrance animale : il faut donc également travailler sur les cadences et sur la configuration des bâtiments, pour isoler autant que possible les bêtes les unes des autres au moment de l'abattage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous arrivons au terme de cette audition. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Je ne remets pas en cause le besoin de clarifier les choses dans le domaine du halal. Mais proposition de loi après proposition de loi, il ne faudrait pas donner le sentiment de s'acharner sur l'abattage rituel. Nous faisons confiance aux institutions de la République pour combattre ce sentiment. J'appelle de mes voeux un débat serein portant sur les vraies questions. Les musulmans de France, pour leur part, ne souhaitent qu'une chose : pouvoir consommer de la viande abattue selon leurs rites, et ne souhaitent rien imposer à personne.

Debut de section - Permalien
Kahlil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry

Certains musulmans que je rencontre, fatigués d'entendre parler de halal, envisagent de devenir végétariens... Travaillons ensemble pour trouver de vraies solutions. Notre souci est d'abord de servir notre pays : en promouvant l'élevage français, en consommant français.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Nous demanderons une enquête commune sur la souffrance animale, en dépit du risque qu'il y aurait à allonger les débats. J'ai noté également que vous n'étiez pas opposés à un étiquetage juste et équitable des produits issus de la filière halal.

Bien que tolérante et très attachée au vivre-ensemble, je ne peux m'empêcher de vous dire que les religions ont toujours évolué. Par exemple aujourd'hui, on ne brûle plus les sorcières...

Debut de section - Permalien
Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon

Nous ne brûlons pas les sorcières !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Si nous devions appliquer certains textes religieux, nous serions confrontés à quelques difficultés. Aucun de nous n'a envie de voir des femmes lapidées en France. Convenez qu'il faut faire évoluer les religions, notamment sur les questions d'abattage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je vous remercie. Nous attendons vos références en matière de souffrance animale, dans l'optique de la confrontation que nous organiserons entre scientifiques. Soyez assurés que nous n'avons pas la volonté de stigmatiser qui que ce soit, et que nous ne cherchons qu'à assurer la plus grande transparence sur l'ensemble de la filière viande et à promouvoir le bien-être animal.

Debut de section - Permalien
Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman (CFCM)

Madame la rapporteure, quelle est votre position sur la tauromachie ou sur la chasse ? Cela fait partie de la souffrance animale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Cela déborde le champ de nos travaux, mais j'évoquerais avec grand plaisir tous ces sujets avec vous en d'autres occasions.