Déposé le 29 janvier 2008 par : Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard, Muller.
I. - Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :
« Le retrait de la réduction de peine dont a bénéficié le condamné et la décision de rétention de sûreté sont prises par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente ».
II. - Compléter le texte proposé par le I cet article pour l'article 706-53-16 du même code par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle ne peut toutefois excéder la durée correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont le détenu a bénéficié et qui ont fait l'objet d'une décision de retrait conformément au quatrième alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale ».
III. - Rétablir ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-17 du même code :
« Art. 706-53-17. - Au moins trois mois avant la date d'expiration de la durée maximum de la rétention de sûreté mentionnée au troisième alinéa de l'article 706-53-16, la juridiction régionale de la rétention de sûreté prononce d'office la fin de la rétention de sûreté. Elle peut toutefois, si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l'article 706-53-13, par la même décision et après débat contradictoire, au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d'office, placer cette personne sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an.
« La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par l'article L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Elle comprend également l'obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 132-26-2 du code pénal et l'obligation de déplacement surveillé sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire.
« La surveillance de sûreté peut être renouvelée selon les modalités prévues par l'alinéa premier du présent article et pour la même durée. »
La rétention de sûreté est applicable au condamné à l'issue de l'exécution de sa peine.
Ainsi, la rétention de sûreté aura vocation à s'appliquer au-delà de la peine qui a été exécutée par le condamné.
Dans une décision du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif de surveillance judiciaire en considérant qu'il ne s'agissait pas d'une peine mais d'une mesure de sûreté. Selon le Conseil Constitutionnel, une mesure ne constitue ni une peine ni une sanction si entre autre « elle est limitée à la durée des réductions de peines dont bénéficie le condamné.
En vertu de ce critère, la rétention de sûreté mise en place par ce projet de loi ne constitue pas une mesure mais une peine. Il s'agit d'une peine après la peine, instituant une privation de liberté contraire aux principes fondamentaux du droit pénal:
Le principe du respect de la présomption d'innocence ;
Le principe de légalité des délits et des peines ;
Le principe non bis in idem ;
Le droit à la liberté et à la sûreté.
Concernant ces deux derniers griefs, il convient de faire plusieurs commentaires.
Le principe « non bis in idem » est garanti par l'article 368 du code de procédure pénale et se trouve consacré dans plusieurs instruments internationaux de protection des droits fondamentaux, tels que le Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (article 14 § 7), le protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 4) et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 50).
L'article 4 du Protocole 7 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) a pour but de prohiber la répétition de procédures pénales définitivement clôturées. Selon le rapport explicatif sur le Protocole no 7, rapport qui se réfère lui-même à la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs, « une décision est définitive « si elle est, selon l'expression consacrée, passée en force de chose jugée. Tel est le cas lorsqu'elle est irrévocable, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est pas susceptible de voies de recours ordinaires ou que les parties ont épuisé ces voies ou laissé passer les délais sans les exercer ».
Une personne ne peut donc être punie deux fois pour les mêmes faits, sauf dans des cas très précis, comme la réouverture d'un procès pénal. L'article 4 § 2 du Protocole no 7, autorise expressément les États contractants à instituer un mécanisme de réouverture du procès en cas de survenance de faits nouveaux ou de découverte d'un vice fondamental de la procédure précédente de nature à affecter le jugement intervenu.
Hormis ce cas, un jugement ayant autorité de la chose jugée ne peut donc être complété par une nouvelle mesure complémentaire.
Dans le projet de loi, la référence au fait que la juridiction de jugement puisse prévoir, à l'avance, le réexamen de la situation du condamné ne s'applique pas à une peine qui n'est pas comprise dans la peine prononcée. Or le réexamen de la situation ne doit jamais emporter violation du principe de la chose jugée, notamment en ce qui concerne le quantum de la peine prononcée. Le réexamen profite normalement au condamné et constitue en général un aménagement ou une réduction de la peine mais jamais pour une aggravation. Celle-ci ne peut résulter que de la réouverture du procès pénal, notamment lorsque des faits nouveaux sont soumis à la juridiction de jugement.
Si une formation collégiale statue sur une mesure de sûreté à l'expiration de la peine, alors elle agit au-delà du jugement initial. Elle juge une seconde fois. D'où la violation de l'article 4 protocole 7.
Dans ce projet de loi, il est précisé que la mesure de rétention de sûreté n'est pas liée à la peine prononcée à l'encontre du condamné mais à sa dangerosité. Ainsi, l'enfermement n'est pas fondé sur un crime mais sur la potentialité de commission d'un crime.
Ainsi, il y a également violation de l'article 5 de la CEDH.
Selon cet article, nul ne peut être privé de liberté, sauf dans des cas strictement énumérés par l'alinéa 2 de l'article (condamnation par un tribunal, détention préventive, détention d'un aliéné).
Le dispositif de rétention de sûreté mis en place par ce projet de loi ne trouve de justification possible que dans le a. de l'article 5 en vertu duquel un individu peut être privée de liberté s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ».
Or il apparaît que la privation de liberté d'une personne seulement présumée dangereuse ne relève pas du a. de l'article 5. Ni d'ailleurs d'aucune autre exception posée par l'article 5 de la CEDH.
Selon la Cour européenne des droits de l'homme, il doit exister un lien de causalité entre la condamnation et la privation de liberté. Le terme « après une condamnation » implique « un ordre chronologique de succession entre condamnation et détention : la seconde devait en outre résulter de la première, se produire à la suite et par ‘suite' ou ‘en vertu' de celle-ci ».
Elle a ainsi décidé qu'elle « n'aperçoit pas le lien de causalité voulu par la notion de régularité figurant à l'article 5 § 1 a). de la Convention entre la possibilité que le requérant se rende coupable d'autres infractions (...) et la peine qui lui avait été infligée à l'origine pour meurtre en 1967 » (arrêt Stafford contre Royaume-Uni du 28 mai 2002). Cet arrêt fixe l'état du droit positif dans le domaine des mesures de sûreté prononcée à l'égard d'une personne considérée comme dangereuse et s'oppose à l'adoption du projet de loi en l'état.
Afin de rendre le dispositif de ce projet de loi compatible avec la Constitution et les engagements internationaux de la France, cet amendement prévoit la possibilité de substituer la mesure de rétention de sûreté à la durée totale des réductions ou crédits de peine accordés au condamné.
Dans la mesure où les condamnés bénéficient de crédits de peine ou de réduction supplémentaires de peines, et qu'ils ne purgent jamais leur peine dans sa totalité, il est possible de retirer les réductions de peine et leur substituer la mesure de rétention de sûreté.
En effet, selon les statistiques établies par le Professeur Tournier dans une étude relative aux violences sexuelles publiée en novembre 2007, les condamnés à un crime sexuels effectuent en moyenne 69 % de leur peine.
Les condamnés n'ayant pas bénéficié d'une libération conditionnelle ont effectué 71, 1 % de leur peine. Dans ce cas très précis, la réduction de peine est égale à 28, 9 %.
Si l'on devait appliquer ce pourcentage aux condamnations à une peine de 15 ans, la durée totale moyenne de la réduction de peine est égale à 4, 3 années.
Cette moyenne représente donc la durée maximum durant laquelle pourra être exécutée une mesure de rétention de sûreté, ce qui est largement suffisant au regard de l'objectif poursuivi par le projet de loi.
Ainsi, la constitutionnalité du dispositif est garantie dans la mesure où la rétention de sûreté devient une modalité d'exécution de la peine, et ne constitue pas une peine au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.