Déposé le 10 novembre 2009 par : Mmes Keller, Bout, Sittler, B. Dupont, MM. Jarlier, Courtois.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-4. - I. - Afin de compenser l'inégalité de fait que subissent les femmes dans leur vie professionnelle et à titre provisoire, les femmes assurées sociales bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans des conditions fixées par décret, dans la limite de huit trimestres par enfant.
« II. - Si la preuve est néanmoins rapportée que c'est le père qui a seul assuré effectivement la charge de cette éducation, celui-ci pourra bénéficier des dispositions du I.
« III. - Le Gouvernement remet au Parlement, avant le terme de chaque législature, un rapport évaluant les progrès accomplis en matière d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le travail, ainsi que l'impact de ces évolutions sur les pensions de retraite. Ce rapport, appuyé sur des éléments sociologiques solides étayés par des statistiques, présente une analyse détaillée des écarts entre les hommes et les femmes en terme de niveau de pension et d'âge de départ à la retraite, en terme de taux d'emploi et d'interruptions de carrière, en terme de niveau de rémunération et en terme de répartition des tâches ménagères et éducatives. Il examine l'opportunité, en fonction de cette analyse et d'une évaluation précise des progrès accomplis, de maintenir ou d'infléchir la majoration de durée d'assurance prévue au I. »
Cet amendement s'inspire du principe selon lequel l'égalité par le droit se révèle dans certains cas plus pertinente que l'égalité dans le droit. Il propose une ligne médiane entre la réforme de la majoration de durée d'assurance retraite des mères de famille (MDA) proposée par le Gouvernement et amendée par les députés, et le statu quo, politiquement souhaitable mais juridiquement intenable du fait des évolutions jurisprudentielles.
Souvent qualifiée de "moindre mal" par les observateurs attentifs, la réforme de la MDA comporte en fait trois faiblesses majeures et ne sécurise en rien le droit des femmes :
- le système d'option entre les parents pour les quatre trimestres "éducation" risque d'introduire des tensions accrues au sein du couple et certaines décisions d'opportunité, irréversibles, s'avèreront préjudiciables pour les femmes au moment de leur départ à la retraite ;
- les critères d'arbitrage, en cas de désaccord entre le père et la mère, conduiront certaines femmes à devoir apporter la preuve de leur contribution à l'éducation des enfants, dans un contexte d'accès de plus en plus difficile au droit et de précarité accrue des femmes : c'est un recul pour le droit des femmes, alors que le rapport annuel du Secours catholique vient de révéler qu'elles étaient de plus en plus nombreuses à frapper à sa porte.
- les mères adoptantes se retrouvent discriminées, notamment parce que potentiellement, elles ne pourraient bénéficier d'aucun trimestre.
C'est pourquoi cet amendement propose tout simplement de maintenir le dispositif de majoration de durée d'assurance retraite des mères de famille tel qu'il existe aujourd'hui, en précisant bien dans la loi que le dispositif, provisoire, vise à compenser l'inégalité persistante que subissent les femmes dans leur vie professionnelle, et en prenant le soin de l'ouvrir aux hommes dans certains cas exceptionnels.
La Cour de justice des communautés européennes admet sous certaines conditions les actions de discrimination positive. En tout état de cause, la MDA du régime général ne paraît pas rentrer dans le champ de son contrôle. Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, est-on réellement certain qu'elle condamnerait formellement un dispositif dont on plaiderait avec des arguments solides le caractère provisoire et le fondement "objectif et raisonnable" ? La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est nuancée et pragmatique. Une arrêt Stec et autres. Royaume-Uni du 12 avril 2006, qui concerne la différence d'âge de départ à la retraite entre les homes et les femmes prévu par le régime vieillesse britannique, précise même que rien n'interdit à un Etat membre "de traiter des groupes de manière différenciée pour corriger des inégalités factuelles entre eux" et que "les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour déterminer ce qui est d'utilité publique en matière économique ou en matière sociale".
La confiance légitime et la sécurité juridique auxquels les assurés sociaux sont en droit de prétendre, sont des principes juridiques au moins aussi importants que la stricte égalité dans la règle de droit. La MDA a prouvé son utilité de longue date. Son effet correcteur est efficace. Sa réforme ne peut être envisagée à la va-vite, sans concevoir son articulation avec les autres avantages familiaux et surtout avant-même qu'une quelconque évolution positive ait été constatée dans les faits en matière d'égalité professionnelle avérée entre les hommes et les femmes.
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