Déposé le 3 juin 2010 par : M. du Luart.
Supprimer cet article.
Cet article introduit dans le code du travail l'obligation d'organiser des élections professionnelles dans toutes les entreprises de moins de 11 salariés, étant donné que la représentativité des organisations syndicales de branche sera fonction des résultats consolidés des élections professionnelles dans toutes les entreprises, y compris dans celles de moins de 11 salariés qui n'étaient pas, par définition, astreintes à en organiser jusqu'à présent.
L'opportunité du présent projet de loi « complémentaire » est prétendument justifiée par l'existence d'un vice caché constitutionnel qui serait de nature à fragiliser la loi du 20 août 2008 sur la démocratie sociale.
Qu'en est-il exactement ?
Même si le Conseil constitutionnel a donné depuis 1977 pleine valeur constitutionnelle au principe de participation figurant au 8èmealinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (« tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises »), il admet, que pour mettre en œuvre ce principe, le législateur possède une marge d'appréciation, notamment celle de ne pas traiter toutes les entreprises de la même manière.
Est-il alors justifié de considérer que la mesure d'audience doive s'appliquer, même dans les TPE, au regard du respect du principe d'égalité qui exigerait en l'espèce que puissent désormais voter aux élections professionnelles les 4 millions de salariés qui travaillent quotidiennement dans une TPE ?
Comme l'affirme une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes « ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ». Dans le respect de cette différence de traitement vis-à-vis des petites entreprises, le législateur a reconnu lui-même en 2008 la validité d'une solution dérogatoire adaptée aux branches composées pour plus de la moitié d'entreprises de moins de 11 salariés, permettant d'assurer la représentativité des syndicats en l'absence d'élections professionnelles. La loi du 20 août 2008 avait ainsi introduit un mécanisme transitoire spécifique de présomption simple (et non irréfragable comme auparavant) de représentativité pour les syndicats affiliés à des syndicats reconnus représentatifs au niveau national interprofessionnel.
Alors, la différence de traitement, qui consisterait à ne pas organiser d'élections professionnelles dans les TPE, serait-elle en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ?
La loi qui l'établit, c'est la loi du 20 août 2008 sur la démocratie sociale. Elle a repris les termes de la Position commune du 9 avril 2008, qui avait pour objet de modifier les critères de représentativité syndicale en faisant en sorte que les délégués syndicaux cessent d'être désignés par des organisations présumées représentatives au niveau national interprofessionnel. Elle avait aussi pour objet de déterminer les organisations syndicales représentatives pour négocier dans la branche. Elle n'avait nullement pour objet d'étendre la tenue obligatoire d'élections professionnelles dans des entreprises qui, en raison de leur taille, ne sont pas astreintes à en organiser. En d'autres termes, jamais la loi n'a eu pour but d'imposer l'organisation d'élections professionnelles pour mesurer la représentativité syndicale dans les TPE, ni de créer des institutions représentatives du personnel adaptées aux entreprises de moins de 11 salariés.
Il ne faut pas faire dire à la loi de 2008 ce qu'elle ne dit pas.
Par ailleurs, considérer que l'organisation d'élections professionnelles dans les TPE est désormais une obligation pour rendre constitutionnellement viable la loi de 2008 revient à dire que la solution dérogatoire trouvée à l'époque aurait été elle-même inconstitutionnelle puisque le présent projet de loi, qui prétend compléter la loi de 2008, ne retient pas cette solution. Or, le Conseil constitutionnel, saisi par l'opposition en 2008, n'a pas soulevé lui même l'inconstitutionnalité de ce dispositif dans sa décision du 7 août 2008. Il n'est donc nullement impératif, ni nécessaire et a fortiori encore moins urgent, de mesurer l'audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés. Il convient donc de supprimer cet article.
Tel est l'objet de cet amendement.
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