Déposé le 19 mars 2015 par : Mme Deromedi.
Supprimer cet article.
L’article dont nous proposons la suppression autorise « la désignation en justice des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires pour exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire à titre habituel ». Cet article tend à permettre aux huissiers et aux commissaires priseurs judiciaires d’exercer la profession de mandataire judiciaire.
1°) L’ouverture de la profession de mandataire judiciaire aux huissiers et commissaires priseurs judiciaires, écartée par le ministre
Les experts consultés au cours des travaux préparatoires ont exprimé des doutes sur l’existence d’un dénominateur commun entre les professions de mandataire judiciaire d’une part et celle d’huissier et de commissaire priseur judiciaire d’autre part. La mission d’information Untermaier et le rapport Ferrand ont confirmé ces doutes et le Conseil d’Etat signalé le caractère injustifiable d’un tel rapprochement. Au cours des travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale, le ministre de l’économie a demandé le retrait des mandataires judiciaires du projet de création d’une profession unique de l’exécution fusionnant les professions de mandataire judiciaire, d’huissier de justice et de commissaire priseur judiciaire. Il a indiqué qu’il n’existait pas de métier commun à ces trois professions, les mandataires judiciaires ayant une activité notablement différente. Le projet de création d’une profession de commissaire de justice n’a donc été maintenu que pour les seuls huissiers de justice et commissaires priseurs judiciaires.
2°) Une ouverture de la profession de mandataire judiciaire fondée sur des motifs contestables
L’une des justifications avancées pour fonder l’ouverture de la profession de mandataire judiciaire aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires est le souci d’améliorer le maillage territorial. Il s’agit d’élargir le vivier de professionnels susceptibles d’être désignés de façon que tous les tribunaux bénéficient de mandataires disponibles en nombre suffisant. Ce raisonnement ne peut être retenu. D’une part, la liste des mandataires est nationale et lorsqu’un tribunal n’a pas de mandataire disponible dans son ressort (situation rarissime que l’on peine à illustrer), il peut désigner un professionnel exerçant dans un ressort proche, qui aura l’obligation d’accepter le mandat de justice qui lui est confié. D’autre part, le projet de loi permet l’accès à la profession des personnes ayant obtenu un simple diplôme de M2 spécialisé en droit des entreprises en difficulté, sans examen d’accès ni d’aptitude. Le projet facilite également les dispenses de stage et d’examen et introduit le statut de salarié. Ces mesures cumulées augmenteront dans des proportions importantes et à bref délai le nombre d’administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires, de sorte que la crainte de pénurie qui fonde l’art. 20 quater paraît d’ores et déjà conjurée par ces dispositions.
Le nombre de mandats de justice est limité. Si l’on accueille de nouveaux mandataires judiciaires sur la liste d’aptitude en grand nombre, tout en les mettant en concurrence avec les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, on risque de ne pas avoir suffisamment de dossiers à leur confier pour assurer l’équilibre financier de leur étude. Les mandataires judiciaires inscrits sur la liste ne seraient donc pas en mesure de développer une activité professionnelle équilibrée, sachant que leur statut leur interdit d’exerceraucune autre activité complémentaire, tandis que les huissiers et commissaires priseurs judiciaires pourront eux prendre quelques dossiers de temps à autre, sans se préoccuper de la rentabilité de cette activité accessoire qu’ils compléteront en exerçant leur activité première et principale.
3°) L’impossibilité pour les huissiers et commissaires-priseurs judiciaires de se voir confier un mandat de justice
L’art. 20 quater méconnaît la différence essentielle entre les trois professions. Les commissaires priseurs judiciaires n’ont jamais exprimé le souhait d’exercer le métier de mandataire judiciaire, métier qui n’est pas le leur. Ils ont, au contraire, au cours de leurs auditions mis en lumière l’originalité et la spécificité de leur propre métier.
Autoriser les huissiers et les commissaires priseurs judiciaires à exercer la profession de mandataire judiciaire serait préjudiciable pour toutes les parties aux procédures collectives puisque ces professionnels n’ont pas reçu la formation leur permettant de mener à bien ces missions.
Réserver aux « petits dossiers » (rétablissement professionnel, liquidation judiciaire simplifiée) la possibilité de faire intervenir un huissier de justice en lieu et place d’un mandataire judiciaire n’est pas la bonne solution. On créerait ainsi une discrimination en privant les débiteurs les plus modestes de l’intervention d’un professionnel compétent et indépendant. Les huissiers sont encore moins légitimes à intervenir dans ces dossiers impécunieux, dans lesquels il n’y a aucun actif à réaliser et où leurs compétences de professionnels de l’exécution ne leur confèrent donc aucun titre pour intervenir.
Enfin, subordonner la désignation d’un huissier de justice ou d’un commissaire-priseur judiciaire en qualité de liquidateur à la condition que l’entreprise soumise à la procédure collective ne compte aucun salarié n’est pas une garantie suffisante. Ces professionnels seront appelés à intervenir en droit du travail, qui n’est pas leur domaine. En effet, dans de nombreuses affaires, pour savoir s’il existe des salariés et des contentieux de nature prud’homale, il faut ouvrir une procédure collective. Ce n’est qu’au fur et à mesure de l’avancement des opérations de liquidation que l’on peut s’assurer qu’il n’y a pas et qu’il n’y a jamais eu de salarié au sein de l’entreprise ou qu’au contraire il apparaitra que des contrats de travail ont existé.
Enfin, si les huissiers et commissaires priseurs judiciaires sont autorisés à exercer la profession de mandataire judiciaire, il y a un risque patent de conflit d’intérêts. Or, le mandat de justice requiert une totale indépendante en vue d’écarter précisément tout conflit d’intérêt. Il en va ainsi tout particulièrement des huissiers qui, inévitablement, seront exposés à connaître, en qualité de mandataire judiciaire, du sort de créanciers qui ont pu être leurs clients auparavant. Comment l’huissier pourra-t-il être indépendant, en qualité de mandataire judiciaire, lorsqu’il lui reviendra de vérifier la créance d’une banque qui est par ailleurs son client habituel ? Comment pourra-t-il attaquer sur le terrain des nullités de la période suspecte une saisie que lui-même ou l’un de ses confrères (dont il est solidaire à travers leur caisse de garantie commune) a pu effectuer ? Poursuivra-t-il en responsabilité ou en extension une banque ou un fournisseur avec lequel il réalise une part de son chiffre d’affaires d’huissier ?
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