Déposé le 30 octobre 2015 par : M. Frassa.
I. – Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 58 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Le juriste d’entreprise au sens du présent article est au moins titulaire du diplôme mentionné au 2° de l’article 11, exerce en exécution d’un contrat de travail conclu avec une entreprise ou une association et est chargé, à titre permanent et exclusif, dans le cadre d’un exercice individuel ou au sein d’un département structuré dont c’est la mission principale, de connaître des questions juridiques de l’entreprise, du groupe d’entreprises ou de l’association qui l’emploie.
« Le juriste d’entreprise est tenu de s’immatriculer, suivant les modalités fixées par un décret en Conseil d’État, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du ressort duquel se situe le siège de l’entreprise qui l’emploie.
« Les avis, documents et échanges émis par un juriste d’entreprise dans le cadre de ses fonctions juridiques :
« – qui sont relatifs, à titre principal, à une consultation juridique et à son élaboration, ou encore à la préparation et à la rédaction d’actes sous seing privé se rapportant à l’activité de l’entreprise, du groupe d’entreprises, ou de l’association qui l’emploie,
« – ainsi que tous les échanges avec un autre juriste d’entreprise, ou avec un avocat, que ceux-ci soient français ou étrangers et qu’ils soient localisés en France ou dans un autre État et qui se rapportent à ce qui précède,
« sont couverts par la confidentialité au bénéfice de l’entreprise, du groupe d’entreprises, ou de l’association qui l’emploie.
« Cette confidentialité est présumée pour les informations échangées sous couvert d’une mention explicite : "confidentiel – juriste d’entreprise".
« Cette confidentialité est opposable à toute autorité judiciaire, administrative ou de contrôle dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives qu’elle diligenterait à l’encontre de l’entreprise, du groupe d’entreprises ou de l’association qui emploie le juriste d’entreprise et les informations concernées ne peuvent être saisies par ladite autorité, sauf dans les cas où ces informations constitueraient des infractions pénales ou contribueraient à leur réalisation ou de menace grave et imminente à la sécurité publique.
« Toute contestation relative à l’opposabilité de la confidentialité relève de la compétence du juge de la détention et des libertés dont la décision est susceptible d’appel devant la Chambre de l’instruction. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Confidentialité des avis des juristes d’entreprise
Il est proposé au 5° du I de l’Article 52, d’habiliter le gouvernement à créer un statut de « consultant juridique étranger » en droit français permettant à des personnes inscrites comme avocats ou conseils juridiques dans un pays en dehors de l’Union européenne de fournir des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé dans des domaines juridiques prédéterminés.
Il est indispensable de résoudre le déficit de compétitivité dont souffrent les entreprises et leurs fonctions juridiques internes installées en France à l’égard de leurs homologues étrangers des plus grands pays de droit, avant l’introduction d’un nouveau statut de « consultant juridique étranger» (dont la définition est à ce jour inconnue en droit français) qui risquerait de l’aggraver encore.
Ce déficit de compétitivité provient de l’absence de protection de la confidentialité des avis et consultations juridiques rendus en France par les juristes d’entreprise visés à l’article 58 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et bien qu’ils soient déjà soumis au secret professionnel en vertu de l’article 55 de la loi n° 71-1130.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la direction juridique d’un grand nombre des groupes internationaux implantés en France est déjà confiée à des juristes étrangers.
Ces groupes peuvent en effet bénéficier ainsi, en dehors de France, de la protection de la confidentialité des avis de ces juristes étrangers qui leur est accordée dans leur pays d’origine où il n’existe aucune distinction entre l’exercice en mode libéral, ou salarié, des professionnels du droit.
La nécessité de résoudre ce problème -reconnue depuis de nombreuses années- et soulignée à nouveau dans les débats et rapports parlementaires récents (notamment débats du Senat des 13 et 14 avril 2015 sur la loi Macron, Rapport d’information du Senat sur le droit des entreprises du 8 avril 2015) a également été appelée à l’être en mai dernier par plus de 100 directeurs généraux des plus grandes entreprises et ETI de notre pays.
Cet amendement a donc pour objet de répondre à cette nécessité en assurant aux entreprises et leurs juristes français installés en France, que les avis, notes et autres correspondances juridiques qu’ils émettent ne soient susceptibles de se retourner contre l’entreprise qui les a sollicités et qui les emploie, dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative (notamment à l’étranger dans le cadre de procédures de « discovery») ou encore dans le cadre de la mise en œuvre par ces entreprises et leurs juristes des indispensables programmes de conformité (« compliance ») aux lois et règlementations applicables aux activités desdites entreprises.
Cet amendement précise également la définition du juriste d’entreprise, en consacrant celle donnée par la jurisprudence et fixe les conditions et limites de la confidentialité et de sa protection, accordées à leurs avis et consultations juridiques au bénéfice de leur employeur.
Cet amendement répond ainsi à l’objet de la présente loi de renforcer et sécuriser le droit dans les entreprises et son exercice en France, et de préserver la compétitivité de celui-ci et de ses professionnels dans l’environnement international.
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