Amendement N° 3 rectifié (Rejeté)

Mise au point au sujet d'un vote

Discuté en séance le 12 novembre 2015
Avis de la Commission : Défavorable — Avis du Gouvernement : Défavorable
( amendement identique : )

Déposé le 5 novembre 2015 par : MM. Frassa, Cantegrit, del Picchia, Mme Deromedi, M. Duvernois, Mmes Garriaud-Maylam, Kammermann, M. Cadic.

Photo de Christophe-André Frassa Photo de Jean-Pierre Cantegrit Photo de Robert del Picchia Photo de Jacky Deromedi Photo de Louis Duvernois Photo de Joëlle Garriaud-Maylam Photo de Christiane Kammermann Photo de Olivier Cadic 

I. – Alinéas 36 à 50

Supprimer ces alinéas.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Exposé Sommaire :

Cet amendement vise à supprimer le paragraphe 1 bis de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui étend le prélèvement de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers des non-résidents.

L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 soumet aux prélèvements sociaux (au taux global de 15, 5 %) les revenus immobiliers (revenus fonciers et plus-values immobilières) de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.

Les revenus fonciers sont par conséquent imposés aux prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine, à un taux de 15, 5 %, et les plus-values immobilières sont imposées aux prélèvements sociaux sur les produits de placements (recouvrés à la source en pratique par l’intermédiaire des notaires), à l’instar des personnes fiscalement domiciliées en France, déjà assujetties à ces prélèvements.

Ces mesures s’ajoutent aux prélèvements déjà appliqués, s’agissant de l’imposition sur le revenu, et se sont traduites pour les soixante mille contribuables concernés par une hausse d’imposition moyenne de près de 4 200 euros.

Ces mesures sont également contraires au principe d’équité.

La précédente majorité avait repoussé l’idée d’un assujettissement aux cotisations sociales des plus-values immobilières des non-résidents, au motif que ces derniers ne bénéficient pas des prestations sociales financées par la sécurité sociale.

Ces mesures sont, en outre, contraires au droit européen qui subordonne le paiement des cotisations sociales au bénéfice du régime obligatoire de sécurité sociale, régime dont sont exclus les Français établis hors de France, leur protection sociale, lorsqu’ils le souhaitent, relevant du régime volontaire de la Caisse des Français de l’étranger.

Le Gouvernement a, pour sa part, soutenu que la CSG et la CRDS, bien que concourant au financement de la sécurité sociale, ne constituaient pas des cotisations ouvrant droit au bénéfice des prestations versées par les organismes obligatoires de sécurité sociale, mais relevaient de la catégorie d’« impositions de toute nature » à vocation universelle.

À maintes reprises, nous avons alerté le gouvernement sur les risques de condamnation contentieuse qu’encourait notre pays en raison de la contrariété de cette mesure au droit européen.

Dans son arrêt du 26 février 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C-623/13 Ministre de l’Économie et des Finances / Gérard de Ruyter), sur une question préjudicielle du Conseil d’Etat, a examiné pour la première fois la question des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, au regard du champ d’application du règlement n° 1408/71, article 13, paragraphe 1 : ces prélèvements, décrits comme étant à vocation universelle et non contributifs, entrent-ils ou non dans le champ de ce règlement ?

Reprenant la position de l’Avocate générale, Madame Sharpston et contrairement à la position du gouvernement français, le critère déterminant retenu est l’affectation spécifique d’une contribution au financement de la sécurité sociale indépendamment de l’existence de contreparties en termes de prestations (définition du lien pertinent et décisif de la contribution avec les lois qui régissent l’une des branches de sécurité sociale) ; le fait que les contributions ne se substituent pas aux cotisations n’est pas un critère décisif ; pas plus l’absence de lien avec l’exercice d’une activité professionnelle, voire, l’exercice d’une activité professionnelle, ou encore les modalités de collecte ou de contrôle par les autorités fiscales.

La Cour a, par conséquent, conclu que des contributions prélevées sur les revenus du patrimoine, telles que la CSG et la CRDS, le prélèvement social et la contribution additionnelle à ce prélèvement présentent un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois françaises qui régissent les branches de sécurité sociale et relèvent du champ du règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971, les rendant incompatibles avec les dispositions communautaires, et ce, indépendamment de l’exercice de toute activité professionnelle.

Le Conseil d’Etat a rendu le 27 juillet 2015 sa décision (n° 334551) à la suite de la Cour de justice de l’Union européenne et a suivi le raisonnement de la Cour du 26 février 2015. Dans cet arrêt, la haute juridiction administrative indique clairement que Monsieur de Ruyter, salarié d’une entreprise néerlandaise et assujetti au régime obligatoire d’assurance maladie néerlandais, ne peut être soumis à la CSG/CRDS.

Malgré cela, le présent paragraphe de l’article 15 que notre amendement propose de supprimer vise à attribuer le produit de la CSG/CRDS au Fonds de Solidarité Vieillesse afin de contourner les arrêts du 26 février 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne et du 27 juillet 2015 du Conseil d’Etat.

En effet, M. Christian Eckert, secrétaire d’Etat chargé du Budget a déclaré, le 24 septembre dernier, lors de la présentation à la presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 : « Comme le gouvernement s’y était engagé, ce PLFSS assure la mise en conformité des prélèvements sociaux sur le capital avec le droit communautaire tel que l’a interprété la CJUE. En effet, il s’avère qu’il n’est plus possible de les affecter au financement de prestations d’assurance dont certains redevables ne bénéficient pas du fait de leur affiliation dans un autre Etat membre. Dès lors, dans le respect du droit communautaire mais aussi de l’équité entre l’ensemble des contribuables qui bénéficient de revenus de source française, le PLFSS prévoit d’affecter ces prélèvements au financement de prestations non contributives, identiques à celles financées par les autres impôts. Par ailleurs, bien entendu, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires afin d’assurer que les personnes qui entrent dans le champ de cet article puissent, pour le passé, bénéficier d’un remboursement des prélèvements effectués à tort.».

Le gouvernement estime ainsi pouvoir contourner ces décisions de justice en affectant à des prestations non-contributives telles le Fonds de Solidarité Vieillesse la recette de la CSG prélevée aux non-affiliés.

Or, le principe d’unicité de législation s’applique à toutes les législations nationales relatives aux branches vieillesses comme le précisent l’article 4-1 c du règlement n° 1408/71 ainsi que l’article 3-1-d du règlement n° 883/04.

L’affectation proposée du produit de ces prélèvements à des prestations non-contributives se heurte toujours au principe d’unicité de législation sociale puisque les prestations non-contributives relèvent également des champs d’application des règlements européens de sécurité sociale n° 1408/71 et n° 883/04. Au demeurant, les transferts entre affectataires requis pour permettre cette réaffectation accréditent davantage encore le lien spécifique et pertinent avec les règlements n° 1408/71 et n° 883/04.

Dès lors, le fait que les prestations sociales soient contributives ou non-contributives est inopérant.

Par ailleurs, en substituant de la CSG fléchée à de la CSG affectée, l’article met un frein à la mobilité des capitaux. En effet, uniquement les résidents en France peuvent bénéficier du Fonds de solidarité vieillesse, les dispositifs d’assistance sociale non contributifs étant territorialisés. Le mode de financement des dispositifs non contributifs doit aussi être posé dans le cadre de la libre circulation des capitaux.

Par conséquent, si cet article 15 est adopté en l’état, il engendrera à nouveau un contentieux.

Ainsi, se pose la question de la sécurité juridique de ce montage au regard du droit européen.

De plus, dans la mesure où cet article affecte la CSG sur les revenus du capital à des prestations sociales non contributives, cette mesure s’apparente à une première étape vers la fusion CSG/impôts. Une telle décision est du ressort du PLF.

C’est la raison pour laquelle, le présent amendement vise à supprimer le paragraphe IV de l’article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.

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