Déposé le 26 mai 2016 par : MM. Gabouty, Lemoyne, Forissier, rapporteurs.
Rédiger ainsi cet article :
I. L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
« 1° À des difficultés économiques caractérisées par l’évolution significative de plusieurs indicateurs tels qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.
Les difficultés économiques sont réelles et sérieuses lorsque les encours des commandes ou le chiffre d’affaires de l’entreprise baissent d’au moins 30 % pendant deux trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente.
« 2° À une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, en raison notamment de la perte d’un marché représentant au moins 30 % des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise ;
« 3° À des mutations technologiques ;
« 4° A une ordonnance du juge commissaire sur le fondement de l’article L. 631-17 du code de commerce, à un jugement arrêtant le plan sur le fondement des articles L. 631-19 et L. 631-22 du code de commerce ou à un jugement de liquidation judiciaire ;
« 5° À la cessation d’activité de l’entreprise.
« Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste des indicateurs mentionnés au 1°, le niveau et la durée de leur baisse significative qui varie selon les spécificités de l’entreprise et du secteur d’activité, ainsi que les situations justifiant une réorganisation de l’entreprise mentionnée au 2°.
« La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
« Si l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectue au niveau des entreprises du groupe, exerçant dans le même secteur d’activité et implantées sur le territoire national.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées auX 1° à 5°.
II. A la première phrase de l’article L. 1235-7 du même code, le mot « douze » est remplacé par le mot « six ».
III. L’article L. 1235-7-1 du même code est ainsi modifié :
« a) Le premier alinéa est précédé d’un « I ».
« b) L’article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« II.- Si le litige porte sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse d’un licenciement prononcé dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, le juge statue dans un délai de six mois. Si, à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la Cour d’appel territorialement compétente qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l’issue de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant la Cour de cassation qui peut statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie.
IV. Après le premier alinéa de l’article L. 1235-9 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« A la demande de l’une des parties, ou de sa propre initiative, le juge peut inviter toute personne indépendante, dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner au recours, à produire des observations pour apprécier le caractère réel et sérieux des éléments mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 1233-3.
« Cet avis est rendu dans un délai fixé par le juge et qui ne peut être supérieur à deux mois. »
En premier lieu, cet amendement sécurise la définition du licenciement économique.
Tout d’abord, il modifie la définition des difficultés économiques justifiant un licenciement. Il ressort en effet des auditions de vos rapporteurs que la rédaction des alinéas 7 à 11 ne correspond pas à la réalité du monde des entreprises :
- un seul critère (comme la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation) ne suffit pas toujours à lui-seul à caractériser l’existence de difficultés économiques ;
- les périodes considérées font abstraction des spécificités des secteurs d’activité (certaines activités connaissent des cycles longs de plusieurs années, tandis qu’un grand nombre d’entreprises n’ont parfois de visibilité sur leur carnet de commande qu’à l’horizon d’un mois) ;
- la baisse significative d’un indicateur économique n’est pas objectivée (s’agit-il d’une baisse d’au moins 10 %, 20 %, 30 % par rapport à l’année précédente ?) ;
- enfin, le Conseil constitutionnel pourrait censurer ces dispositions en considérant que leur différenciation en fonction de la taille de l’entreprise est contraire au principe d’égalité devant la loi.
L’amendement pose comme principe que les difficultés économiques résultent le plus souvent d’un faisceau de critères concordants. Toutefois, dans certaines situations évidentes, l’employeur doit pouvoir s’appuyer sur un critère simple et incontestable. Ainsi, tout licenciement sera présumé reposer sur une cause réelle et sérieuse s’il est consécutif à une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise d’au moins 30 % pendant deux trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente. De même, une entreprise doit pouvoir se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité si elle perd un marché qui représente au moins 30 % de son chiffre d’affaires ou de ses commandes. L’amendement renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser la liste des indicateurs économiques, le niveau et la durée de leur baisse significative qui varie selon les spécificités de l’entreprise et du secteur d’activité, ainsi que les situations justifiant une réorganisation de l’entreprise nécessaire pour la sauvegarde de sa compétitivité. Vos rapporteurs souhaitent que ce décret soit pris après concertation des employeurs et des professionnels de la gestion des entreprises et rappellent qu'il s'imposera au juge judiciaire au même titre qu’une disposition légale.
Par ailleurs, l’amendement indique que si un juge a prononcé une procédure de sauvegarde, un plan de redressement ou une liquidation de l’entreprise, le licenciement économique des salariés reposera également sur une cause réelle et sérieuse.
En outre, il rétablit la version initiale du projet de loi sur le périmètre du licenciement, qui prévoit que l’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectuera uniquement au niveau des entreprises du groupe, exerçant dans le même secteur d’activité et implantées sur le territoire national.
En deuxième lieu, l’amendement sécurise la procédure en cas de contestation du caractère réel et sérieux d’un licenciement économique.
Tout d’abord, le salarié licencié pour motif économique disposera de six mois, et non plus d’un an, pour engager une procédure judiciaire s’il estime que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
Ensuite, les délais imposés à la justice pour rendre son jugement en cas de contestation du bien fondé d’un plan de sauvegarde de l’emploi sont encadrés : le juge prud’homal devra se prononcer dans un délai de six mois et la Cour d’appel dans un délai de trois mois, tandis que la Cour de cassation pourra juger au fond le litige si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie.
Enfin, l’amendement invite le juge, en cas de doute sur le caractère réel et sérieux d’un licenciement économique, à solliciter une expertise extérieure, qui devra être rendue dans un délai de deux mois.
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