Déposé le 17 octobre 2017 par : Mme Mélot, MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Wattebled.
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - La première phrase du premier alinéa de l’article 1195 du code civil est ainsi modifiée :
1° Les mots : « rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie » sont remplacés par les mots « prive de cause l’engagement d’une des parties » ;
2° Après les mots : « le risque », sont insérés les mots : «, de sorte que cette partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes si elle avait prévu ce changement de circonstances ».
Le nouvel article 1195 du code civil introduit en droit positif la théorie de l’imprévision qui permet de réviser les conditions convenues, en particulier le prix, en cas de changement de circonstances imprévisible.
La proposition de la Commission des lois de supprimer le pouvoir de révision du juge en cas d’imprévision va dans le bon sens.
En effet, le pouvoir de révision judiciaire en cas d’imprévision aurait porté atteinte à la sécurité juridique et abouti à une judiciarisation excessive du contrat, dommageable à la vie des affaires et génératrice de contentieux. Le juge serait devenu une véritable « troisième partie » au contrat, ce qui contrevient aux principes essentiels énoncés dans les dispositions liminaires du Code civil, à savoir de liberté contractuelle et de force obligatoire du droit. En pratique, la poursuite d’une relation contractuelle modifiée et imposée par le juge alors que les parties ont refusé de renégocier ou ne sont pas parvenues à un accord lors de la renégociation du contrat risquerait d’être sérieusement compromise.
Cependant, la Commission des lois n’a pas proposé de modifier les conditions de l’imprévision pour les encadrer davantage.
Or la consécration de la théorie de l’imprévision a pour effet d’affaiblir la portée de l’accord des parties et la sécurité juridique qui y est attachée. L’utilité pratique de cette disposition apparaît discutable, dans la mesure où les contrats entre professionnels prévoient quasiment systématiquement que l’une des parties assume le risque d’un changement de circonstances imprévisible (stipulation de clauses de sauvegarde ou de hardship) et où les contrats de consommation sont assortis d’un droit de résiliation unilatérale, d’ordre public, en faveur du consommateur.
Il conviendrait dès lors d’encadrer strictement la mise en œuvre la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision.
S’agissant du changement de circonstances imprévisible justifiant la mise en œuvre de la procédure prévue par l’article 1195 nouveau du code civil, il serait opportun de s’inspirer du droit allemand des contrats (§313 du BGB[1]) qui se réfère, d’une part, aux circonstances qui ont constitué le fondement du contrat (les circonstances essentielles qui faisaient partie du contrat et ont été modifiées après conclusion du contrat de façon grave) et, d’autre part, à un changement de circonstances imprévisible au point que les parties n’auraient pas conclu le contrat ou du moins ne l’auraient pas conclu dans les mêmes conditions si elles avaient connu ce changement.
[1]« § 313 - Störung der Geschäftsgrundlage
(1) Haben sich Umstände, die zur Grundlage des Vertrags geworden sind, nach Vertragsschluss schwerwiegend verändert und hätten die Parteien den Vertrag nicht oder mit anderem Inhalt geschlossen, wenn sie diese Veränderung vorausgesehen hätten, so kann Anpassung des Vertrags verlangt werden, soweit einem Teil unter Berücksichtigung aller Umstände des Einzelfalls, insbesondere der vertraglichen oder gesetzlichen Risikoverteilung, das Festhalten am unveränderten Vertrag nicht zugemutet werden kann.
(2) Einer Veränderung der Umstände steht es gleich, wenn wesentliche Vorstellungen, die zur Grundlage des Vertrags geworden sind, sich als falsch herausstellen.
(3) 1Ist eine Anpassung des Vertrags nicht möglich oder einem Teil nicht zumutbar, so kann der benachteiligte Teil vom Vertrag zurücktreten. 2An die Stelle des Rücktrittsrechts tritt für Dauerschuldverhältnisse das Recht zur Kündigung.»
Traduction libre : « (1) Lorsque les circonstances qui ont été le fondement du contrat ont gravement changé après la conclusion du contrat, de sorte que les parties n'auraient pas conclu le contrat ou du moins ne l'auraient pas conclu dans les mêmes conditions si elles avaient agi en connaissance de cause, une adaptation peut être demandée dans la mesure où l'exécution du contrat initial ne peut être exigée de l'une des parties, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce et plus spécialement à la répartition contractuelle ou légale des risques.
(2) Est assimilé à un changement de circonstances le fait que les conceptions essentielles des parties qui ont été le fondement du contrat se révèlent erronées.
(3) Lorsque l'adaptation du contrat est impossible à réaliser ou qu'elle ne peut être exigée de l'une des parties, la partie défavorisée peut déclarer le contrat résolu. La résolution est remplacée par la résiliation lorsqu'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée.» (La codification d'institutions prétoriennes, W.-T. SCHNEIDER, Revue internationale de droit comparé, 2002, n° 4, p. 967. )
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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