Déposé le 13 décembre 2021 par : Mmes Valérie Boyer, Billon, M. Tabarot, Mme Dumont, M. Anglars, Mmes Belrhiti, Noël, M. Brisson, Mme Garnier, MM. Pellevat, Daniel Laurent, Mme Lopez, M. Bernard Fournier, Mme Lassarade, MM. Duplomb, Meignen, Mme Micouleau, M. Saury.
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre Ierdu titre IX du livre premier du code civil est ainsi modifiée :
1° La première phrase du dernier alinéa de l’article 373-2 est complétée par les mots : « sauf lorsque l’un des parents exerce sur la personne de l’autre des violences physiques ou psychologiques » ;
2° L’article 373-2-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « commande », sont insérés les mots : « ou lorsque l’un des parents exerce sur la personne de l’autre des violences physiques ou psychologiques » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les motifs graves peuvent résulter des violences physiques ou psychologiques qu’un des parents exerce sur la personne de l’autre. » ;
c) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux » sont remplacés par les mots : «, lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux ou lorsque l’un des parents exerce sur la personne de l’autre des violences physiques ou psychologiques » ;
3° L’article 373-2-9 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La résidence de l’enfant ne peut être fixée au domicile du parent qui exerce sur la personne de l’autre des violences physiques ou psychologiques. » ;
b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux » sont remplacés par les mots : «, lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux ou lorsque l’un des parents exerce sur la personne de l’autre des violences physiques ou psychologiques ».
En 2018, pas moins de 25 [1] enfants ont été tués sur fond de conflit intrafamilial, dont 16 sans que l’autre membre du couple ne soit victime, tandis que 82 se sont retrouvés orphelins de père, de mère ou des deux parents. Parmi les homicides commis sur fond de conflit intrafamilial, 18 ont été commis devant des enfants mineurs, 29 enfants ayant été présents au moment des faits ou ayant découvert un corps à leur domicile[2].
Or le droit de la famille ne prend pas suffisamment en compte les situations de violences intrafamiliales. La justice civile paraît trop déterminée par le modèle de la coparentalité, selon lequel le parent – singulièrement le père – doit être reconnu dans son statut de parent quelles que soient les circonstances, comme si le conjoint violent pouvait être un « bon » parent. Ce constat a été corroboré par la Délégation aux droits des femmes du Sénat en conclusion de ses travaux sur les violences intrafamiliales, aux termes desquels elle soulignait « les difficultés posées par l’autorité parentale d’un parent violent, qui laisse la possibilité à celui-ci de continuer à exercer son emprise sur les membres de sa famille »[3].
Longtemps la Justice a cru qu’il fallait que l’enfant puisse garder un lien à tout prix avec ses deux parents. Nous entendions toujours la formule « un mari défaillant n’est pas forcément un mauvais père ».
Cette « culture » du maintien du lien à tout prix est-elle bien conforme à l’intérêt de l’enfant ? Nous savons que pour certains enfants, les droits de visite et de garde sont très angoissants. Souvent le père s’empresse de questionner l’enfant sur la mère afin par exemple de tenter de savoir si elle a un nouveau compagnon.
Comme l’a rappelé le Juge Edouard Durand [4], « on ne peut pas déconnecter la protection des femmes victimes de violence du traitement de la parentalité ». D’autant plus que la plupart des femmes victimes de violences (80 %) sont des mères. Selon lui, « la première manière de venir en aide à ces enfants traumatisés, c’est de protéger leur mère par une rapide mise à l’abri. Ensuite, un traitement adapté de la parentalité s’impose pour que même après la séparation du couple, le père ne dispose pas de la capacité voire des moyens juridiques de perpétuer son emprise sur la mère et sur l’enfant. ».
Oui, les enfants sont les premières victimes collatérales des violences conjugales. Nous devons aujourd’hui basculer dans une logique préventive.
De plus, les enfants sont bien souvent instrumentalisés comme objet de chantage par le parent violent pour maintenir l’emprise sur le parent violenté. C’est la raison pour laquelle afin de protéger les femmes victimes de violences conjugales, nous devons également améliorer la protection de leurs enfants.
Dans le cadre du 5ème Plan national de lutte contre les violences faites aux femmes (2017-2019), une étude relative aux enfants exposés aux violences au sein du couple a été réalisée par la Direction générale de la cohésion sociale. Elle montre trois choses : les enfants exposés et donc victimes sont une réalité massive. 83 % des femmes qui ont appelé le 3919 ont des enfants ; dans 93 % des cas, ils sont témoins de violences et dans 21, 5 % des cas, ils sont eux-mêmes maltraités.
Prenons l’exemple de Julie Douib, assassinée le 7 juin 2019, en Corse, vraisemblablement par son ex- conjoint, Bruno Garcia. Du fond de sa cellule, cet individu s’opposait à ce que la résidence de ses enfants soit fixée auprès de leurs grands-parents maternels.
Tous les jours, ou presque, des conjoints violents se servent ainsi des enfants. Tous les jours, ou presque, ces derniers sont réduits à des objets transactionnels permettant de maintenir l’emprise perverse du parent violent.
Assister aux violences commises par son père sur sa mère ou inversement a des conséquences bien réelles sur les enfants, et tout au long de leur vie : en tant que témoins, ils deviennent des victimes. Aussi, nous devons légitimement considérer qu’un parent violent n’est pas un bon parent.
Ces propositions sont issues de la proposition de loi 2468 du 03 décembre 2018 de Valérie Boyer « relative aux violences au sein des couples et à la protection des enfants »[5] qui a permis notamment le retrait total de l’autorité parentale ou l’exercice de l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal du parent condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par leur enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit sur la personne de l’autre parent[6].
Cet amendement vise à renforcer les dispositions du code civil relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale dans le cas où l’un des deux parents est poursuivi pour violences sur l’autre parent, afin de protéger l’enfant des agissements du parent impliqué dans ces violences. Plusieurs évolutions sont ainsi proposées :
– la levée de l’obligation d’informer l’autre parent du déménagement de la résidence des enfants en cas de situation de violences intrafamiliales commises par l’un des deux parents ;
– la possibilité d’attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale au bénéfice du parent victime de violences intra- familiales, et non pas seulement lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ;
– l’exclusion de la résidence alternée en présence de violences intrafamiliales et l’interdiction que la résidence de l’enfant soit fixée exclusivement au domicile du parent présumé violent ;
– l’ajout des situations de violences intrafamiliales parmi les motifs graves justifiant le retrait du droit de visite et d’hébergement du parent présumé violent ;
– l’introduction des violences intrafamiliales comme un motif justifiant l’organisation du droit de visite du parent présumé violent au sein de lieux médiatisés ;
En tout état de cause, le juge dispose déjà de la faculté d’organiser le droit de visite de l’autre parent, lorsqu’il aura décidé de le maintenir, dans un lieu médiatisé, adapté au contexte de violences intrafamiliales et en présence d’un tiers.
[1]https ://stop-violences-femmes.gouv.fr/les-chiffres-de-reference-sur-les.html
[2]Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et http ://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r2285.asp
[3]Rapport d’information (n° 564, session ordinaire de 2017-2018) de Mmes Laurence Cohen, Nicole Duranton, M. Loïc Hervé, Mmes Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol au nom de la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur les violences faites aux femmes, juin 2018, pp. 165-166.
[4]Edouard Durand est un juge pour enfants, au tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint- Denis) et membre du conseil scientifique de l’Observatoire national de l’enfance en danger
[5]https ://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2468_proposition-loi#
[6]loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
Déclaré irrecevable au titre de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution par la commission saisie au fond
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