Déposé le 27 mai 2024 par : Mmes Souyris, Poncet Monge, MM. Benarroche, Grégory Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Jadot, Mmes Guhl, de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon, Mmes Senée, Mélanie Vogel.
Supprimer cet article.
Toutes les études montrent que les bloqueurs de puberté, et la prise d’hormones pour les adolescents permettent aux adolescents de développer moins de risques suicidaires et de risques dépressifs, et une amélioration du bien-être global. Une étude de 2022 (Tordoff DM, Wanta JW, Collin A, Stepney C, Inwards-Breland DJ, Ahrens K, 2022) montre que la prise de retardateur de puberté et d’un traitement hormonal était associée à une baisse de 60% de dépression modérée ou sévère et à une baisse de 73% de tendances suicidaires. Une autre de 2023 (Kyle K H Tan, Jack L Byrne, Gareth J Treharne, Jaimie F Veale, 2023) démontre que la non-réponse aux besoins spécifiques de soins d’affirmation de genre est associée à une détérioration de la santé mentale, en montrant que les jeunes qui demandent des hormones et ne les reçoivent pas présentent un risque de tentative de suicide deux fois plus élevé que ceux qui reçoivent effectivement ce traitement. Pour finir, une étude sur plus de 20 000 personnes trans (Turban JL, King D, Carswell JM, Keuroghlian AS, 2020) démontre que les adultes transgenres ayant reçu des bloqueurs de puberté pendant leur adolescence présentent un risque moindre de suicide comparé à ceux qui n’ont pas reçu ces traitements malgré leur désir d’y accéder.
Les bloqueurs de puberté déjà prescrits depuis longtemps en cas de puberté précoce visent chez l’adolescent trans à retarder le développement pubertaire. Ils peuvent avoir des effets indésirables, et étant donné leur balance bénéfices-risques très favorables chez les jeunes adolescents trans en grande souffrance de voir leur corps se développer dans un sens qui ne correspond pas à leur identité de genre, ils peuvent leur être proposé, sans que ce soit pour autant systématique. Cela nécessite le double accord parental, et est prescrit pour une durée limitée dans le temps. Selon l’étude de 2023 de Christine Lagrange sur les “Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d’Île-de-France” dans la revue de Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, étudiant les 239 jeunes pris en charge à la Pitié Salpêtrière depuis 2012, seuls 11% des adolescents trans suivis à l’hôpital en ont bénéficié, en moyenne à partir de 14 ans.
Les hormones permettent le développement du corps de façon à ce qu’il soit en harmonie avec l’identité de genre de la personne - poitrine, voie, pilosité. Étant donné les effets durables des hormones, il faut que l’adolescent ait développé une maturité cognitive suffisante pour apprécier cette durabilité, donc ils sont proposés plus tardivement, en moyenne vers 17 ans - et autorisés qu'à partir de 16 ans -, et là encore ne sont pas systématiques : seuls 44% en ont bénéficié à l’hôpital. Avant 18 ans, il faut un accord parental.
Pour les chirurgies, seules les torsoplasties sont proposées chez les mineurs, là encore sont réalisés à un âge tardif et souvent un âge tardif, après la majorité (18.4 ans en moyenne), et ne concernent qu’1 jeune homme trans sur 5. Concernant la chirurgie de réassignation de sexe, elle est déjà interdite avant 18 ans.
Chaque parcours trans est singulier, et faire une transition n'implique pas nécessairement une opération. Il convient de souligner que les adolescents trans bénéficiant de soins spécifiques constituent une infime minorité au sein de la population trans adolescente. Selon une étude de 2019 de l'Agence européenne des droits fondamentaux, seulement 2% des répondants trans français âgés de 15 à 17 ans ont bénéficié ou bénéficient de tels soins.
Chaque personne trans qui souhaite engager dans une transition médicale est suivie par une équipe pluridisciplinaire, et l'objectif premier est de se donner du temps et d'éviter les angoisses liées aux modifications corporelles de l'adolescence avec par exemple le bloqueur de puberté, qui permet l'amélioration de l'état psychologique du ou de la jeune, et de réduire les risques dépressifs et les tentatives de suicides. Il y a en moyenne un délai d'environ un an entre la première consultation de la famille et la prescription éventuelle de bloqueurs de puberté ou d'hormones, ce qui témoigne de la lenteur nécessaire des consultations pour évaluer la situation et fournir une information complète à la famille. C’est lorsque la puberté est bien entamée, voire terminée, que des traitements hormonaux féminisants ou masculinisants pourront être prescrits à la personne, qui aura largement eu le temps de mûrir sa réflexion et d'affirmer sa décision. Ces traitements sont semi-réversibles, et le risque de regret s'avère extrêmement faible.
En effet, les enfants qui transitionnent dans un environnement affirmatif - une famille et des proches soutenant - vont massivement conserver leur identité de genre à l’adolescence, pour 97.5% d’entre eux (Olson KR, Durwood L, Horton R, Gallagher NM, Devor A, 2022). Pour les personnes qui choisissent de détransitionner : la transphobie systémique - la famille et la société - est responsable de plus de 8 détransitions sur 10 chez les personnes trans (Turban JL, Loo SS, Almazan AN, Keuroghlian AS, 2021). Certaines études évoquant un taux de 80% de désistance “naturelle” de la transidentité ne repose que sur une seule étude - largement critiquée dans d’autres études -, réalisée sur les jeunes trans de Toronto, au Canada. L’unité qui prenait en charge ces jeunes a été dissoute après un audit confirmant qu’on y pratiquait des thérapies de conversion, c’est-à-dire que les identités non-conformes au genre y étaient réprimées et vues comme un résultat développemental non souhaitable.
Interdire, ou restreindre très fortement les pratiques médicales mentionnées dans l’article 1 de cette proposition de loi, c’est mettre en danger les personnes trans. Comme dit précédemment, les mineurs trans pris en charge, et qui réalisent des soins affirmatifs, représentent une extrême minorité des mineurs trans. Les mineurs trans qui en bénéficient sont dans une situation psychologique préoccupante, dans des graves épisodes dépressifs, ayant fait déjà une ou plusieurs tentatives de suicides et étant déscolarisés. Une étude portant sur plus de 27 000 personnes trans (Jody L. Herman Taylor N.T. Brown Ann P. Haas, 2019), a révélé que la tranche d’âge la plus jeune présentait le risque suicidaire le plus élevé, avec 42% de tentatives de suicide chez les 18-25 ans. Selon cette même étude, les taux d'idéations suicidaires et de tentatives de suicide sont six fois plus élevés chez les jeunes trans que chez leurs homologues non-trans. La vague de 2022 de cette étude (Sandy E. James, Jody L. Herman, Laura E. Durso, and Rodrigo Heng-Lehtinen, 2024), incluant plus de 92 000 personnes trans, indique que 94% des individus ayant entamé une transition de genre déclarent être plus satisfaits de leur vie depuis cette transition.
Par ailleurs, comme le rappelle la Défenseur des Droits, « si cet article venait à être adopté, il introduirait une différence de traitement à raison de l’identité de genre dans l’accès aux soins». En effet, les bloqueurs de puberté comme les traitements hormonaux sont régulièrement et depuis longtemps prescrits à des mineurs non trans, cisgenres, notamment dans le traitement de la puberté précoce et des troubles hormonaux. De même pour les opérations chirurgicales de la poitrine et du torse qui sont ouvertes avant 18 ans pour les mineurs cisgenres. Ainsi, ces disparités de traitement pourraient constituer une discrimination fondée sur l'identité de genre. Aucune raison médicale ou éthique ne justifie que des traitements accessibles aux autres mineurs soient inaccessibles aux mineurs transgenres
Cet amendement vise donc à supprimer cet article..
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