Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Jean-Pierre Lacotte, directeur des affaires institutionnelles européennes de la société Thomson, président du HD-Forum, accompagné de MM. Arnaud Bosom, directeur des technologies de TF1, vice-président du HD-Forum, et Olivier Milliès-Lacroix, directeur commercial d'Eutelsat, vice-Président du HD-Forum.
A titre introductif, M. Jean-Pierre Lacotte a indiqué que le HD-Forum s'était constitué en juillet 2004, sous la forme d'une association de la loi de 1901, à l'initiative de 17 membres fondateurs répartis dans les trois collèges que sont les éditeurs-producteurs, les industriels et les diffuseurs-distributeurs. Il regroupe aujourd'hui 62 membres et 7 invités, témoignant de la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la chaîne de l'image en faveur de la promotion de la télévision haute définition (TVHD).
Il a précisé que le HD-Forum avait contribué par ses travaux sur le plan technique et commercial au développement de normes standards, à l'exemple du MPEG-4, au lancement du label HD-Ready et du PaD. Il a su convaincre le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'autoriser les expérimentations en matière de haute définition, notamment pour la retransmission sur le réseau numérique terrestre des épreuves de la Coupe du monde de football en juillet 2006. Il entretient également des liens privilégiés avec les 11 HD-Forum européens.
Il a déclaré qu'en l'état actuel des techniques de compression, seuls deux programmes HD pouvaient être diffusés sur un même multiplexe terrestre, alors qu'en définition standard il est possible d'y installer six programmes. La résolution de l'image HD est d'une qualité supérieure, d'un facteur cinq par rapport à l'image standard, à laquelle il convient d'associer une qualité de son proche de celle de l'industrie cinématographique.
a confirmé que la haute définition, qui requiert la norme MPEG-4, est nettement plus consommatrice de bande passante que la résolution standard.
Il a noté, également, que les contraintes liées à la bande passante étaient allégées dans la technique satellitaire.
a écarté les difficultés susceptibles de se poser en termes de contenus. Il a précisé, notamment, que les programmes destinés à l'exportation vers l'Asie et les Etats-Unis devaient déjà répondre à la résolution HD, et que la qualité de la production cinématographique était très proche de la haute définition.
a indiqué que cette adaptation ne concernait que les fictions et autres programmes de type événements sportifs. Il a considéré que la captation d'un match de football en HD représentait un surcoût technique et financier de l'ordre de 20 %, qui doit être relativisé au regard du montant des droits de retransmission sportifs. Il a estimé le coût supplémentaire de la retransmission en HD de l'ensemble des compétitions de la Coupe du monde de rugby à 2,5 millions d'euros.
a fait état d'une croissance rapide en matière d'équipement en téléviseurs HD Ready des foyers français : 1,5 million de téléviseurs HD Ready seront vendus pour l'année 2006, sur un marché probable de 5 millions d'unités.
a confirmé l'accélération du renouvellement du parc de téléviseurs en France et l'accroissement considérable du multi-équipement des foyers. Selon les prévisions, 8 % des foyers disposeront à la fin de l'année 2006 d'un écran susceptible de recevoir la haute définition, et entre 2010 et 2011, plus de la moitié des foyers en seront équipés.
a formulé plusieurs remarques, qui conduisent à considérer ces évolutions comme inéluctables et définitives : la télévision HD est une nouvelle étape normale dans l'évolution de la télévision, qui bénéficie des progrès de la technologie, de la diversification des moyens de diffusion et de la transformation du paysage audiovisuel français.
Il a mentionné, ainsi, que plus de 35 programmes HD étaient accessibles en Europe, essentiellement par le biais du satellite et du câble, mais qu'un accès en mode numérique terrestre faisait l'objet de quelques expérimentations en Grande-Bretagne et en France, y compris de la part des chaînes de création très récente. La haute définition connaît une progression rapide tant en termes de production que de diffusion et de réception.
Après avoir affirmé qu'avant 2015, l'ensemble des chaînes ne diffuseront plus qu'en haute définition et en très basse définition à destination des mobiles, il a défendu la nécessité de se donner les moyens de réussir, en France, cette mutation à l'égard de tous les publics.
Sur le plan des services, il s'est déclaré favorable à une couverture accélérée de l'ensemble du territoire par la télévision numérique terrestre (TNT), qui doit associer l'extension du nombre d'émetteurs, le lancement du satellite avec cryptage pour les zones d'ombre et l'ensemble des moyens techniques de diffusion.
Il a encouragé le basculement vers la norme MPEG-4, qui pourrait coïncider avec l'extinction de l'analogique, dès 2008-2009, pour tous les « chipsets » (circuits intégrés) inclus dans les décodeurs. Cette évolution technologique aura peu d'incidence sur la disponibilité des fréquences qui demeureront une ressource rare.
Il a souligné les apports essentiels de ces nouvelles technologies en termes d'innovation de par leur place dans les activités de recherche, mais aussi en termes de convergence d'intérêts entre les industries de contenu, les industriels, les diffuseurs et le consommateur, qui conduisent à une évolution vers le contenu « ce que je veux, comme je veux, quand je veux et où je suis ».
Il a affirmé que la TNT aurait l'obligation de trouver de la place sur les multiplexes pour la trentaine de chaînes existantes ainsi que pour les futures télévisions locales.
Considérant que la haute définition, dans le cadre des chaînes gratuites et payantes, devait assurer la protection des contenus, il s'est déclaré favorable au maintien de règles homogènes de soutien à la production audiovisuelle en échange de fréquences, sans dégrader la concurrence avec les chaînes basées à l'étranger.
Il a encouragé enfin la diffusion d'un pourcentage élevé et croissant de programmes « HD native ».
Après avoir rappelé qu'il aurait préféré, à titre personnel, le choix de la norme MPEG-4 lors du lancement de la TNT, M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur l'accélération des avancées technologiques en matière de normes de compression.
a souhaité disposer d'informations sur les liens éventuels entre télévision haute définition et téléphonie mobile. Il s'est interrogé sur la perception des évolutions techniques au sein de la population et sur l'adaptabilité des décodeurs actuellement commercialisés. Il a affirmé l'importance de s'adresser aux foyers français ne disposant pas encore d'équipement.
a soulevé la question de l'obligation de mise sur le marché d'adaptateurs numériques compatibles MPEG-4. Il a questionné les représentants du HD-Forum sur le projet de loi, au regard des enjeux évoqués. Il s'est interrogé sur la raréfaction des ressources à partir de 2015.
s'est inquiétée des possibilités de réception des chaînes par les foyers ne s'étant pas équipés de décodeur TNT et de la mise en place par les industriels de filières de recyclage des postes de télévision obsolètes.
En réponse aux différents intervenants, MM. Jean-Pierre Lacotte, Arnaud Bosom et Olivier Milliès-Lacroix ont apporté les précisions suivantes :
- la seule contrainte susceptible d'être imposée aux radio-diffuseurs se situe au niveau de la compatibilité descendante des équipements ;
- le principal progrès consiste à faire passer 3 à 4 programmes HD sur un multiplexe terrestre ;
- la haute définition ne présente pas d'intérêt pour les écrans en mobilité dont la norme de diffusion relève du DVB-H (digital video broadcasting handheld) ;
- l'extinction de la diffusion en mode analogique, en libérant de la bande passante sur le spectre hertzien, permettra de recouvrer une capacité supplémentaire de fréquences pour d'autres usages de type multimédia ou télécommunication ; mais il faut être attentif au fait que la HD consomme 4 fois plus de bande passante que la définition standard ;
- la TNT permet actuellement de recevoir 18 chaînes gratuites, via la norme MPEG-2, et 12 chaînes payantes, via la norme MPEG-4 ;
- les chaînes susceptibles d'être diffusées en haute définition ne pourront être reçues avec un décodeur MPEG-2, alors qu'il s'agit de la norme courante des décodeurs actuellement commercialisés ; il n'est pas prévu de faire évoluer techniquement les différents adaptateurs ;
- à l'occasion du vote d'une loi relative au secteur audiovisuel, il pourrait être introduit une disposition législative faisant obligation, au 1er janvier 2008, de ne commercialiser que des décodeurs de norme MPEG-4 ;
- le coût d'un boitier MPEG-4 HD est de l'ordre de 170 à 200 euros actuellement, alors que des décodeurs MPEG-2, qui bénéficient d'une technologie déjà amortie, sont disponibles à partir de 40 euros ; mais ce coût devrait diminuer à l'horizon 2012 ;
- l'ensemble des partenaires du HD-Forum soutient le dispositif du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, et souhaite qu'il puisse être voté avant la fin de la législature, pour écarter tout risque de retard préjudiciable tant aux industriels qu'aux téléspectateurs français par rapport à leurs voisins ;
- l'exigence de conversion des 30 chaînes nationales existantes en haute définition est compatible avec les prévisions techniques actuelles ;
- le multi-équipement des foyers constitue une question sensible dans la perspective de l'extinction de l'analogique ; il faudra envisager une multiplication du nombre de décodeurs TNT par foyer ;
- le Groupe Thomson a mis en place des structures de recyclage des équipements obsolètes, conformément aux directives européennes.
La commission a procédé ensuite à l'audition de M. Didier Huck, vice-président du Groupe Thomson chargé des relations constitutionnelles et de la réglementation, sur le projet de loi n° 467 (2005-2006) relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
a indiqué que Thomson était présent sur tous les métiers de la chaîne de l'image et était à l'interface entre le consommateur, les chaînes, les opérateurs de réseaux et les créateurs de contenu.
Il a précisé que l'audiovisuel tendait à se développer selon deux axes principaux : la substitution de la haute définition à la définition standard ainsi que l'émergence de la diffusion mobile. L'un des défis est l'obtention de modèles économiques viables pour la diffusion mobile, d'où la nécessité de disposer d'une certaine flexibilité.
Après avoir souhaité que l'allocation des fréquences libérées par l'extinction de la diffusion analogique ne soit pas effectuée prématurément, il a préconisé un lancement rapide des services mobiles et des chaînes diffusées en haute définition pour permettre aux opérateurs de bénéficier d'une phase d'apprentissage nécessaire au développement de ces nouvelles applications.
Concernant le calendrier d'arrêt de la diffusion analogique, il a estimé que la date ne devait pas être postérieure à 2011, compte tenu de l'avance prise par certains pays étrangers et de la nécessité de disposer du dividende numérique pour poursuivre le développement de la haute définition et de la diffusion mobile en tenant compte de l'importance de la diffusion hertzienne en France. Il a proposé qu'un délai soit fixé pour la définition du schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique afin de permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel de publier rapidement le calendrier d'extinction des émetteurs.
Il a souligné qu'en vue du développement de la haute définition, il convenait que le fonds créé par l'article 5 du projet de loi contribue à l'équipement de ses bénéficiaires en démodulateurs Mpeg 4, dont le prix est appelé à baisser.
S'agissant des services de télévision mobile personnelle, il a souhaité que soit définie une seule norme de diffusion. Il a souligné qu'il existait une véritable attente des consommateurs vis-à-vis de ces nouveaux services et qu'une partie suffisante de la ressource hertzienne devrait leur être réservée. Après avoir rappelé que le projet de loi proposait d'attribuer les autorisations d'émettre sur ce format aux éditeurs de chaînes, il a estimé qu'une allocation aux distributeurs de services pouvait également être envisagée lorsque des ressources hertziennes complémentaires pourront être dégagées à cet usage.
Il a enfin souhaité que l'utilisation de la ressource hertzienne ne donne pas lieu à paiement, comme ce fut le cas pour la téléphonie mobile.
Un débat s'est ensuite engagé.
a souhaité savoir quelle était la stratégie mise en place par Thomson pour répondre aux nouveaux modes de consommation audiovisuels des téléspectateurs.
Après avoir rappelé que la norme DVB-H avait l'avantage d'épargner la batterie des récepteurs mobiles, il s'est demandé si les téléspectateurs disposant de récepteurs équipés en Mpeg 2 pourraient recevoir les programmes diffusés en haute définition.
a souhaité disposer d'informations complémentaires concernant les normes de compression des signaux numériques et l'interopérabilité des récepteurs mobiles.
Répondant aux différents intervenants, M. Didier Huck a apporté les précisions suivantes :
- la norme DVB-H devrait être retenue pour la diffusion des programmes télévisés destinés aux récepteurs mobiles, quelle que soit la bande de fréquence utilisée (UHF, L, S). Cette norme bénéficie du soutien des industriels, n'a pas de véritable concurrents et est déjà utilisée par d'autres pays.
Cette norme permet effectivement d'économiser les batteries des récepteurs mobiles en envoyant par intermittence vers ceux-ci des paquets d'informations numériques compressées, le signal télévisé numérique classique étant transmis quant à lui sous la forme d'un flux ininterrompu d'informations numériques compressées. La consommation de spectre par un flux émis en DVB-H est toutefois supérieure à celle constatée en DVB-T ou en DVB-S ;
- le téléspectateur ne regardera pas forcément les mêmes programmes sur son récepteur mobile et sur son récepteur de salon. Il convient par conséquent de favoriser l'émergence de services novateurs en leur garantissant une part significative de ressource hertzienne, d'où la nécessité de trouver dans un avenir proche des ressources hertziennes complémentaires ;
- la norme de compression Mpeg 4 sera, au premier trimestre 2007, deux fois plus efficace que la norme Mpeg 2 utilisée pour la compression des chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre. Les progrès technologiques devraient permettre d'améliorer encore les performances de cette norme ;
- à norme de compression donnée, la haute définition consomme quatre fois plus de bande passante que les programmes standards, ce qui nécessite de dégager de nouvelles ressources hertziennes pour la diffusion de ce type de programmes ;
- les adaptateurs MPEG2, conçus pour la réception de contenus en définition standard et actuellement commercialisés, ne permettent pas de recevoir les contenus en haute définition, qu'ils soient en MPEG2 ou en MPEG4.