Au cours d'une première réunion tenue le matin, la mission a entendu MM. Christian Garin, président des Armateurs de France, et Joël Gentil, vice-président de CMA CGM Antilles-Guyane.
Après avoir rappelé qu'Armateurs de France était l'organisation professionnelle des entreprises françaises de transport et de services maritimes regroupant tous les secteurs d'activité maritime, M. Serge Larcher, président, a souligné le rôle clé du fret maritime outre-mer : les départements d'outre-mer (DOM) recourent en effet essentiellement à un transport extérieur de marchandises maritime. Il a relevé que le coût du transport était souvent cité comme contribuant au niveau élevé des prix, notamment dans le cadre du récent conflit qui a touché les DOM.
a tout d'abord relevé le grand déséquilibre des flux entre la métropole et les DOM, les importations en direction de ces derniers étant d'un niveau largement supérieur à celui des exportations. Cette situation explique que de nombreux navires reviennent à vide de ces départements.
Pour La Réunion, les importations représentent ainsi quelque 110 000 équivalents vingt pieds (EVP) ou conteneurs par an, contre 17 000, en flux retour, pour les exportations. Les importations représentent 62 000 EVP par an pour la Martinique et 55 000 EVP par an pour la Guadeloupe, contre respectivement 18 000 EVP et 9 400 EVP pour les exportations. L'asymétrie est encore plus importante pour la Guyane avec 21 000 EVP par an à l'import contre 1 600 EVP à l'export.
a ensuite souligné que les deux grands marchés des Antilles et de La Réunion étaient marqués par une réelle concurrence, avec la présence de cinq armements à La Réunion et de six armements aux Antilles. Si l'entreprise CMA-CGM, acteur historique du fret ultra-marin jouit d'une position dominante, le nombre d'acteurs empêche toute position monopolistique. En Guyane cependant, seulement deux armateurs se partagent un marché étroit et marqué par d'importantes difficultés logistiques.
Il a indiqué que le prix d'un conteneur de quarante pieds s'élevait, hors frais de manutention, à 3 000 € environ aux Antilles et à 3 900 € en Guyane ou à La Réunion. Afin d'illustrer l'impact du fret sur le prix des produits de grande consommation, il a cité les exemples suivants :
- pour un litre de lait : 10 centimes d'euros à La Réunion et en Guyane et 9 aux Antilles ;
- pour un litre d'huile : 12 centimes d'euros à La Réunion et en Guyane et 11 aux Antilles ;
- pour un kilogramme de pommes de terre : 12 centimes d'euros à La Réunion, 18 aux Antilles et 22 en Guyane.
Tout en précisant que ce coût ne prenait pas en compte le coût du chargeur, il a souligné que ces chiffres étaient très éloignés de ceux parfois avancés. Il a également rappelé que la tarification était faite en fonction des volumes transportés et non du prix des marchandises transportées.
a enfin souligné que la comparaison avec les autres marchés, notamment le marché asiatique, n'était pas pertinente, notamment du fait de la taille limitée des marchés des DOM et de la capacité proportionnelle des navires assurant la desserte qui ne permettaient pas les économies d'échelle ainsi que de la fluctuation saisonnière importante de l'offre et de la demande.
s'est interrogé sur une éventuelle évolution des volumes du fret au cours des derniers mois et sur la possibilité d'une diminution de son coût si de nouveaux marchés locaux venaient à se développer.
a souligné qu'aujourd'hui 90 % des flux concernant La Réunion, et presque 100 % aux Antilles et en Guyane, étaient en provenance ou en direction de l'Europe, illustrant le maintien du lien historique entre ces départements et la métropole et la faiblesse de l'insertion dans l'environnement régional.
a précisé que les volumes de marchandises transportées avaient diminué de près de 39 % depuis le début de l'année 2009 entre la métropole et la zone Antilles-Guyane. Par ailleurs, il a indiqué que le maillage de CMA CGM était important dans la Caraïbe, l'entreprise ayant même mis en place un service spécifique entre les Antilles et la Guyane, représentant aujourd'hui un volume de 60 EVP par semaine.
En réponse à une question de M. Eric Doligé, rapporteur, M. Christian Garin, a indiqué que le transport maritime des personnes était limité vers les DOM. Il a également souligné que le volume de 60 EVP par semaine évoqué pour le fret entre les départements des Antilles et la Guyane devait être comparé aux 2 000 EVP arrivant chaque semaine en Martinique et en Guadeloupe en provenance de la métropole.
Répondant à M. Henri de Raincourt, M. Joël Gentil a insisté sur le poids marginal du fret dans le prix des produits de première nécessité dans les DOM, l'évaluant à 3 ou 4 %, cette proportion comprenant l'ensemble des opérations, du transporteur en amont à la décharge. Il a également relevé que les prix pratiqués en mars 2009 étaient semblables à ceux pratiqués en mars 2006, le coût du fret n'ayant donc pas contribué au renchérissement du coût de la vie. Il a souligné que les armateurs s'étaient néanmoins engagés dans des actions spécifiques en lien avec la grande distribution afin de participer à l'effort de réduction des prix des produits de première nécessité.
Après avoir confirmé la difficulté des conditions d'exploitation en Guyane, M. Georges Patient a estimé qu'une entente commerciale existait depuis 1995 dans ce département entre les deux compagnies qui y interviennent.
a indiqué que les armateurs avaient mis en place un trafic « sur mesure » dans les DOM, ce qui pouvait peser sur les prix. Il a estimé que la régularité de rotation des navires dans ces départements offrait une desserte comparable à celle en vigueur pour l'ensemble du territoire métropolitain. Il a enfin souligné que la stabilité du prix du fret au cours des trois dernières années était d'autant plus remarquable qu'une forte augmentation du prix du baril de pétrole avait caractérisé la période.
a relevé que les compagnies d'armateurs avaient effectué des investissements à hauteur de 180 millions d'euros afin d'assurer une desserte hebdomadaire de la Guyane. Il a par ailleurs nié l'existence d'une entente tarifaire entre les armateurs présents dans ce département, rappelant que d'autres compagnies avaient tenté de s'y implanter mais s'en étaient rapidement retiré.
En réponse à une question de M. Jean-Paul Virapoullé, M. Joël Gentil a indiqué que CMA CGM desservait de nombreuses îles du bassin caribéen, à des tarifs comparables à ceux pratiqués en Martinique ou en Guadeloupe. Il a par ailleurs relevé qu'au début de l'année 2008, le prix du fret entre l'Asie et l'Europe était comparable à celui pratiqué entre l'Europe et les Antilles.
Répondant à M. Denis Detcheverry, il a rappelé que le prix du fret dépendait essentiellement du volume de produits transportés, ceci expliquant les tentatives de regroupement des producteurs afin d'optimiser le remplissage des navires.
a observé que le fait, pour la Martinique, d'exporter deux fois plus que la Guadeloupe, ne lui permettait pas pour autant de bénéficier de tarifs de fret préférentiels. Lui indiquant l'impossibilité de pratiquer un prix différent entre la Guadeloupe et la Martinique, M. Joël Gentil a confirmé que les exportateurs de bananes martiniquais contribuaient à la baisse du prix du fret et à la régularité du service d'approvisionnement.
En réponse à une interrogation de M. Jean-Paul Virapoullé qui faisait valoir l'existence à La Réunion d'un marché de 800 000 habitants, M. Joël Gentil a indiqué que La Réunion ne paraissait pas aujourd'hui le lieu géographiquement le mieux placé sur les routes maritimes pour l'installation d'un port d'éclatement.
Puis la commission a entendu M. Alain Gras, sous-directeur à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Après avoir rappelé que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait pour mission d'assurer un fonctionnement loyal et sécurisé des marchés, M. Serge Larcher, président, a rappelé que le niveau et les mécanismes de formation des prix avaient été au coeur du mouvement social qui a touché les DOM au cours des derniers mois.
Après avoir indiqué que la DGCCRF comprenait une direction interrégionale pour les Antilles et la Guyane et une direction départementale à La Réunion, M. Alain Gras, sous-directeur à la DGCCRF, a précisé que ces services, placés sous l'autorité des préfets, travaillaient en fonction d'une directive nationale d'orientation mais aussi d'orientations fixées régionalement : ainsi en 2009, aux Antilles et en Guyane, l'action de la DGCCRF a porté notamment sur la question du chlordécone dans les produits frais, sur les activités touristiques ou sur l'économie souterraine. Il a observé que les effectifs de la direction générale étaient proportionnellement plus importants dans les DOM que dans les départements métropolitains et constitués d'agents polyvalents susceptibles de mener des enquêtes aussi bien en matière de concurrence que de sécurité du consommateur.
S'agissant des engagements pris dans le cadre des négociations menées aux Antilles par la grande distribution en matière de prix de produits de référence, les enquêteurs de la DGCCRF vérifient aujourd'hui que l'affichage est correctement réalisé. Quelques difficultés, qui ne devraient être que temporaires, dans l'approvisionnement de ces produits ont été constatées.
Rappelant que depuis 1986 les prix étaient libres en France, M. Alain Gras a souligné que l'action de la DGCCRF ne pouvait concerner aujourd'hui que les cas d'abus de position dominante ou de pratiques anticoncurrentielles, difficiles à détecter. Il a rappelé que le secrétaire d'État à l'outre-mer avait confié à l'Autorité de la concurrence le soin d'émettre un avis sur la situation des prix dans les DOM : dans ce cadre, la DGCCRF assure un appui technique de cinq enquêteurs à l'Autorité de la concurrence, dont le rapport devrait être rendu public au mois de juin.
Après avoir rappelé la mise en place de l'observatoire des prix et des marges en métropole, il a évoqué plusieurs pistes afin de faire baisser les prix dans les DOM : le renforcement de la concurrence dans la grande distribution par l'installation de nouvelles enseignes ou la fin des marges arrière. Il a souligné que la transparence et la vigilance des acteurs étaient également importantes.
S'agissant du dispositif de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) permettant au Gouvernement de fixer par décret le prix de produits ou de familles de produits de première nécessité, il a estimé qu'un engagement des différents acteurs à faire baisser les prix lui semblait une solution plus efficace.
En réponse à M. Eric Doligé, rapporteur, M. Alain Gras a estimé que les premiers éléments en sa possession semblaient montrer que la grande distribution respectait ses engagements. Il a affirmé ne pas disposer d'éléments suffisants lui permettant de décomposer le prix des produits de première nécessité.
En réponse à M. Serge Larcher, président, il a indiqué qu'une flambée des prix avait été également constatée en métropole dans les mois précédents et que cette flambée avait conduit à la mise en place de l'observatoire des prix et des marges.
a estimé que la DGCCRF n'avait pas fait son travail dans le passé, estimant que certaines situations scandaleuses, comme l'écart de prix entre les DOM et la métropole pour le ciment ou les engrais, auraient dû être dénoncées. Il a estimé que le rapport de l'Inspection générale des Finances sur le prix des carburants mettait en avant de nombreux abus de position dominante, illustrant l'inaction de la DGCCRF dans les dernières années.
Approuvant l'intervention précédente, M. Georges Patient a estimé que la concentration économique constituait un véritable problème dans les DOM.
Après avoir exprimé son scepticisme quant à l'impact sur les prix d'un renforcement de la concurrence dans la grande distribution, M. Henri de Raincourt a souhaité connaître le ratio d'installation des grandes surfaces commerciales dans les DOM par rapport à la métropole.
Après s'être engagé à fournir des éléments chiffrés sur cette question à la mission d'information, M. Alain Gras a souligné la complexité de la situation dans les DOM et a regretté la mise en cause de l'action de la DGCCRF.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Jacquier, directeur général délégué de l'Agence française de développement, et de Mme Odile Lapierre, directrice du département Amériques, Océan indien, Pacifique sud » de l'Agence française de développement.
A titre liminaire, M. Michel Jacquier a appelé de ses voeux des relations au niveau national aussi régulières que celles qui existent au plan local entre les responsables de l'Agence française de développement (AFD) et les élus d'outre-mer.
Puis il a rappelé les trois principaux enjeux actuels de l'outre-mer : premièrement, une autonomie plus forte sur le plan économique, impliquant un développement plus endogène, moins lié à la métropole et plus intégré dans l'environnement régional ; deuxièmement, le traitement des questions environnementales, très pesantes parfois, mais pouvant être aussi des atouts et constituant, dans certains cas, un enjeu mondial ; troisièmement, le maintien ou l'amélioration de la cohésion sociale, compte tenu des défis démographiques et des enjeux liés au capital humain (éducation, formation, santé, habitat, migrations, etc.).
Abordant les actions de l'AFD auprès des différents acteurs locaux, il a indiqué qu'elles s'articulaient autour des trois axes susmentionnés et comportaient :
pour le développement économique endogène : des actions en faveur du secteur privé (renforcer la compétitivité des entreprises, les accompagner sur les secteurs innovants risqués), des actions auprès du secteur public (participation aux grands projets structurants et à l'élaboration de politiques publiques incitatives) et, dans tous les cas, des mesures visant à favoriser les initiatives de coopération régionale ;
sur les enjeux environnementaux : la mise à disposition des décideurs publics de l'expertise technique de l'AFD et l'orientation des financements vers des projets préservant les ressources naturelles ;
pour le renforcement de la cohésion sociale : des appuis aux secteurs de la santé, de l'éducation, du logement et de l'aménagement urbain (financements et conseils) et de l'aide indirecte à l'emploi (en plaçant les PME/TPE au coeur des dispositifs AFD).
S'agissant des modalités d'intervention de l'AFD, M. Jean-Pierre Bastié a précisé que l'aide aux collectivités portait sur la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques (globales ou sectorielles), sur le financement bonifié des investissements relevant des priorités sectorielles locales et, enfin, sur la poursuite des actions de restructuration financière des collectivités et de catalyseur des fonds européens perçus par les collectivités.
Vis à vis du secteur privé, il a souligné que l'AFD se positionnait sur des types d'entreprises ou des segments vis-à-vis desquels les financeurs traditionnels sont plus réticents à s'engager, tels que les prêts de longue durée, la micro-finance, les TPE ou la création d'entreprises dans les secteurs innovants.
La palette des outils mis à disposition va de l'offre de crédits bonifiés à moyen terme via les banques, au financement à court terme de la commande publique (OSEO), en passant par la micro-finance et les fonds de garantie (fonds DOM, Sogefom, FGM et FGSPM), ainsi que le capital investissement .
a détaillé les actions de l'AFD en matière d'habitat et d'aménagement qui visent à remédier à l'insuffisance de l'offre de logements et à accompagner les politiques d'aménagement durable des territoires urbains (excellence architecturale, haute qualité environnementale, technologies modernes de transport et de communication) notamment par le financement bonifié des sociétés d'économie mixte d'aménagement.
A l'avenir, il a annoncé que l'AFD comptait intervenir davantage sur les grands projets structurants, en accompagnant les décideurs par une expertise technique sur les investissements financés, en sensibilisant les autorités publiques aux questions environnementales soulevées par ces projets, ou encore en accompagnant des structures publiques (voire des partenariats public-privé ou des structures privées). L'AFD pourrait venir ainsi en appui dans la définition des stratégies de développement économique, par exemple sur la vie scolaire en Guyane, le port et l'aéroport à La Réunion ou le schéma de développement en Guadeloupe.
Par ailleurs,il a rappelé que l'AFD était chargée de mettre en oeuvre le plan de soutien aux PME en outre-mer, décidé par le Gouvernement et qui vise à renforcer l'offre de financement d'OSEO et de garantie aux crédits bancaires d'investissement pour développer l'activité entrepreneuriale, ainsi qu'à offrir deux nouvelles garanties spécifiques concernant les prêts de consolidation des créances bancaires à court terme et les lignes de crédit court terme confirmées.
Au total, les engagements de l'AFD dans les DOM ont augmenté de plus de 50 % entre 2007 et 2008, passant de 591,4 à 744,6 millions d'euros.
a pris note du fait que l'AFD était demandeuse de contacts institutionnels au plan national.
a relevé avec satisfaction le bon fonctionnement de l'AFD en Guyane mais a attiré l'attention sur l'absence de solution pour les communes de Saint Laurent du Maroni et de Roura dont la situation financière est très préoccupante, s'étonnant de l'absence de préfinancement pour les subventions de l'Etat, alors qu'un tel préfinancement existe pour les aides européennes. Il a également regretté que les aides OSEO et BDPME ne puissent s'appliquer correctement en outre-mer, en raison du filtrage opéré par les banques, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, et a suggéré la mise en place d'un fonds de garantie spécifique.
a proposé la mise en place, dans le contexte actuel de crise, de conférences réunissant l'AFD, les banques et les présidents des organismes consulaires pour examiner directement les dossiers. Il a souhaité que le Gouvernement consulte les partenaires financiers, comme la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour les décrets d'application concernant les quatre zones franches d'activité créées par la loi LODEOM.
s'est dit favorable à un véritable audit financier sur la situation des collectivités territoriales citées, à un nouvel examen de la question du préfinancement des subventions de l'Etat, à l'évolution des pratiques bancaires mais sans aller jusqu'à une substitution par l'AFD et a évoqué un élargissement des offres de produits d'accompagnement et un partenariat renforcé avec les régions.
Sur les fonds propres, il a attiré l'attention sur la mise en place d'un système de fonds commun de placement en 2008 à La Réunion qui pourrait être transposé à la Guyane, ainsi que sur ses deux spécificités (l'existence de deux volets, l'un pour les petites entreprises avec un financement région-AFD, l'autre destiné à attirer les investisseurs institutionnels pour le développement d'entreprises plus importantes, et l'accompagnement des entreprises).
Sur le logement social, Mme Odile Lapierre est intervenue pour préciser que l'AFD était favorable au dispositif de défiscalisation sous réserve d'une progressivité et du respect de la mixité sociale. Pour les communes guyanaises, la solution passe, selon elle, par des subventions et non par des prêts. Par ailleurs, l'AFD est favorable à un contact direct avec les entreprises pour « rattraper » certains dossiers (le cas s'est posé en Polynésie) et est prête à aider gratuitement en amont à la restructuration des filières.
Répondant enfin à une question de M. Georges Patient, M. Michel Jacquier a approuvé le principe de réunions locales entre l'AFD et les banques, et d'un préfinancement des aides publiques passant par l'OSEO.
Puis la mission a auditionné M. Yves Mansillon, préfet, chargé de l'élaboration du schéma minier en Guyane.
a rappelé qu'à la suite du rejet du projet d'exploitation d'une mine d'or à ciel ouvert sur le site de la montagne de Kaw, le président de la République avait annoncé l'élaboration d'un schéma minier en Guyane, chargeant M. Mansillon de cette tâche.
a rappelé que le principe du schéma minier guyanais avait été fixé dans le projet de loi de programmation de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (« Grenelle I ») et que la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) comprenait un article plus précis prévoyant une adoption de ce schéma par décret en Conseil d'Etat. Il a indiqué qu'il avait été choisi, du fait de son expérience d'ancien président de la Commission nationale du débat public (CNDP), afin de mener une mission de concertation et de formuler des propositions.
Dans l'esprit du « Grenelle de l'environnement », il a donc mené des consultations à cinq avec les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations de défense de l'environnement et les services de l'Etat, se rendant à six reprises en Guyane et entendant près d'une centaine de personnes. L'unique postulat de départ était la mise en place d'une exploitation minière dans le respect de l'environnement.
A également été organisé un véritable séminaire scientifique : le schéma minier doit en effet combiner développement économique et protection de l'environnement. Une carte de la ressource minière existe aujourd'hui, celle du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui indique les présences potentielles des différents minerais, mais cette carte est ancienne et peu opérationnelle pour les entreprises. Il n'existe en revanche aucune carte de la biodiversité guyanaise : dans le cadre de ce séminaire scientifique, ont donc travaillé les différents organismes de recherche et de gestion de la biodiversité. Dix à quinze ans de travaux devraient cependant être nécessaires avant de disposer d'une véritable carte de la biodiversité.
D'un point de vue méthodologique, M. Yves Mansillon a indiqué avoir tout d'abord défini certaines orientations générales :
- favoriser l'activité minière, en assurant une place à toutes les entreprises, des entreprises artisanales aux grands groupes internationaux ;
- prendre en compte pleinement les enjeux environnementaux, l'exploitation légale pouvant faire un certain nombre de progrès ;
- mettre en place un pôle technique minier capable d'aider les entreprises sur un plan administratif et technique.
Il a ensuite travaillé sur la mise en place de règles : en effet, une loi de 1998 a appliqué et adapté le code minier en Guyane. Ces règles, en constante évolution depuis cette date dans le sens d'un durcissement du contrôle avant que le code de l'environnement ne soit appliqué dans le département, constituent des contraintes très importantes pour nombre d'entreprises. Le schéma minier devrait quant à lui être valable pendant dix ans, un bilan devant être réalisé à mi-parcours.
Enfin, il a travaillé sur un zonage avec la définition notamment :
- de zones interdites à l'activité minière, du fait des enjeux en matière de biodiversité, d'eau ou encore du fait de la présence de populations amérindiennes ;
- de zones où des contraintes supplémentaires doivent s'appliquer, par exemple des exigences plus grandes en matière de notices d'impact.
Il a affirmé que ses propositions résultaient de la concertation et que son rapport serait remis sous peu. Le Gouvernement pourra alors rédiger le décret qui sera soumis à la consultation de la population et des collectivités territoriales puis, éventuellement une seconde fois au Conseil d'État avant son adoption définitive au plus tard à la fin 2009.
a estimé que le schéma avait été élaboré au mépris des élus de la Guyane et qu'il était rejeté par l'ensemble des élus locaux. Il a regretté notamment qu'il s'impose au schéma d'aménagement régional (SAR) et au schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et que l'importance des zones interdites ne laisse que peu de place à l'exploitation minière. Enfin il a noté qu'il ne tenait pas compte de l'importance de l'orpaillage illégal.
En réponse, M. Yves Mansillon a indiqué que l'activité clandestine se situait hors du champ de sa mission, estimant cependant que l'opération exceptionnelle de police lancée en 2008 avait été trop brève et que la lutte contre l'exploitation clandestine constituait un préalable à la mise en oeuvre du schéma minier.
Il a affirmé que les élus locaux avaient été associés à l'ensemble de ses travaux et que si de nombreux maires n'avaient pas répondu à ses invitations, les conseils général et régional s'étaient exprimés.
Il a rappelé que la version originelle du projet de loi prévoyait que le schéma minier prenait en compte le SAR et le SAGE, mais que la logique avait été inversée après le passage du texte devant le Conseil d'État. Il a cependant indiqué que ses premières propositions avaient été faites sur la base du texte originel, soulignant par ailleurs que bon nombre de demandes du conseil régional avaient été retenues.
Il a noté que les zones interdites représentaient aujourd'hui un peu moins de 30 % du territoire guyanais (parc naturel amazonien, réserves naturelles nationales) et que ses propositions conduiraient à faire passer cette proportion à 45 %. En y ajoutant les zones sous fortes contraintes (ces dernières pouvant être très lourdes et donc dissuasives pour les entreprises artisanales), on atteint alors une proportion de 53 % du territoire guyanais.
a estimé que ces chiffres montraient qu'une place très réduite serait laissée à l'activité aurifère, contrairement au Surinam où elle constitue un moteur du développement.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM.
Accueillant M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM, M. Serge Larcher, président, a rappelé que la mission avait effectué, le 15 avril dernier, un déplacement à Bruxelles, au cours duquel elle s'était entretenue avec les conseillers de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, les représentants des différents services de la Commission européenne chargés des relations avec les régions ultrapériphériques, ainsi qu'avec les représentants des régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises. Il a indiqué que, face au resserrement des marges de négociation auprès des instances européennes résultant de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, il semblait indispensable que la France, en partenariat avec d'autres pays, comme l'Espagne ou le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et plus cohérente en faveur des régions ultrapériphériques.
a présenté en introduction les différents organismes de défense des intérêts des régions ultrapériphériques à Bruxelles, qui comprennent EURODOM, association regroupant les différents secteurs économiques des départements français d'outre-mer, l'Union des entreprises des régions ultrapériphériques de la Communauté (UPEC), dont EURODOM est la composante domienne et qui rassemble les différents intérêts économiques des sept régions ultrapériphériques, et l'association des producteurs européens de banane (APEB). Il a également mentionné la conférence des présidents des régions ultrapériphériques qui regroupe les présidents de régions ou de provinces des sept régions ultrapériphériques.
a ensuite évoqué la politique de l'Union européenne à l'égard des régions ultrapériphériques. Il a rappelé que cette action reposait sur l'article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne, introduit par le traité d'Amsterdam, qui permet de prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la mise en oeuvre du droit communautaire et d'accorder des dérogations à ces régions, aussi bien concernant le droit primaire, c'est-à-dire les traités, que le droit secondaire, c'est-à-dire les règlements et les directives communautaires ou les politiques communes.
Il a toutefois relevé que la mise en oeuvre de cet article dépendait dans une large mesure de la Commission européenne, laquelle dispose d'une grande marge de manoeuvre en la matière, mais aussi des autres institutions européennes et en particulier du Conseil des ministres.
a estimé que, si l'action de l'Union européenne à l'égard des régions ultrapériphériques avait été jusqu'à présent très positive, il existait des motifs d'inquiétude pour l'avenir, en raison notamment des conséquences de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et du passage d'une Europe à quinze à une Europe à vingt-sept.
Parmi les aspects positifs, il a mentionné la politique agricole commune à l'égard des régions ultrapériphériques, avec le POSEIDOM, qui représente une enveloppe de 273 millions d'euros et qui joue un rôle très important pour l'agriculture dans les départements d'outre-mer, y compris pour le sucre et la banane, la fiscalité, avec les dérogations accordées par l'Union européenne à la France en ce qui concerne le régime de l'octroi de mer et le régime spécifique du rhum en matière de droits d'accises, ou encore les dérogations accordées en matière d'aides d'Etat, qui ont été toutefois encadrées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes selon laquelle ces aides doivent être justifiées, proportionnelles et précisément déterminées. Il a indiqué que, si la politique régionale n'était pas spécifiquement destinée aux régions ultrapériphériques, puisqu'elle s'appliquait à l'ensemble des régions de l'Union en retard de développement, ses modalités d'application avaient toutefois été adaptées pour tenir compte de la situation particulière des régions ultrapériphériques, avec notamment des taux de cofinancements de l'Union européenne supérieurs à ceux applicables sur le continent européen et la mise en place d'une allocation spécifique de compensation des handicaps dus à l'éloignement au titre du FEDER, dotée d'une enveloppe globale de 480 millions d'euros sur sept ans pour l'ensemble des sept régions ultrapériphériques et ayant vocation à financer aussi bien les aides à l'investissement que le fonctionnement.
En revanche, il a estimé que la situation particulière des régions ultrapériphériques n'était pas suffisamment prise en compte par l'Union européenne dans le domaine de la politique commune de la pêche, puisque ces régions sont dans une situation très différente de celle existante autour des côtes du continent européen marquée par un épuisement des ressources halieutiques, et que, contrairement à ce qui se passe sur le continent, la filière de la pêche était insuffisamment développée dans les départements d'outre-mer, notamment en Martinique. Il a aussi estimé que la situation particulière de chaque région ultrapériphérique n'était pas suffisamment prise en considération par l'Union européenne, jugeant paradoxal par exemple que la Guyane, qui constitue pourtant la région ultrapériphérique la plus défavorisée, dispose du dispositif le plus restrictif en matière d'octroi de mer.
Evoquant ensuite les motifs d'inquiétude pour l'avenir, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que les élargissements de l'Union européenne de 2004 et 2007 s'étaient traduits par l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale, dont les deux tiers des régions avaient un PIB par habitant inférieur à celui des départements français d'outre-mer, à budget européen constant, en raison de la position des pays contributeurs nets comme l'Allemagne, la France ou l'Autriche.
Il a estimé que ces élargissements rendaient les institutions européennes plus réticentes à accorder des dérogations aux régions ultrapériphériques, la Commission européenne craignant une opposition du Conseil des ministres où les trois Etats disposant de régions ultrapériphériques, la France, l'Espagne et le Portugal, sont dans une situation plus difficiles dans une Europe à vingt-sept que dans une Europe à six ou neuf.
Il a également regretté que l'unité chargée des régions ultrapériphériques, créée à l'initiative de Michel Barnier, qui était auparavant rattachée directement au président de la Commission européenne, ait été, lors de la mise en place de l'actuelle Commission, rattachée au Commissaire européen chargé de la politique régionale. Il a estimé que ce changement lui avait fait perdre de l'autorité face aux autres directions générales de la Commission, comme la direction générale de l'agriculture ou du commerce, et qu'elle avait nui à la coordination entre les différents services de la Commission, l'unité chargée des régions ultrapériphériques n'étant parfois même pas informée des initiatives prises par les autres directions générales qui la concernent.
Dans le prolongement des propos du président, M. Serge Larcher, il a estimé indispensable que la France, en partenariat avec l'Espagne et le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et plus cohérente en faveur des régions ultrapériphériques.
Il a souhaité attirer l'attention de la mission sur un sujet particulièrement préoccupant à ses yeux, qui tient à la volonté de la Commission européenne de mettre en place une méthodologie particulière de calcul de compensation des handicaps résultant de l'éloignement. Il a indiqué que le système initialement proposé par la Commission européenne en la matière ayant été unanimement critiqué et que la Commission attendait désormais de la part des autorités françaises une proposition de méthodologie alternative, mais que, en raison du retard de l'administration française à présenter cette proposition, on pouvait craindre que le système retenu ne soit pas favorable aux régions ultrapériphériques.
Au sujet des accords de partenariat économique avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que l'annonce de ces accords avaient suscité une forte attente de la part des départements français d'outre-mer, désireux d'élargir leurs débouchés par de nouveaux marchés situés dans les pays voisins, mais que, en définitive, le résultat des négociations menées par la Commission européenne sur ces accords avait abouti à un échec complet, puisque non seulement les départements d'outre-mer n'auront pas accès aux marchés des pays ACP, mais qu'ils devront ouvrir immédiatement leur propre marché aux produits en provenance de ces pays. Il a indiqué que les régions ultrapériphériques n'avaient obtenu qu'une dérogation pour le sucre et la banane et une « clause de sauvegarde régionalisée », dont il a considéré qu'elle serait difficile à mettre en oeuvre et dont il a douté de l'efficacité.
En définitive, il a estimé que l'attitude de l'Union européenne était paradoxale puisque, d'un côté, elle apporte des financements pour aider les entreprises situées dans les départements d'outre-mer à investir et à produire, et que, de l'autre côté, elle leur interdit simultanément d'exporter dans leur voisinage.
Il a considéré que, en dépit des nombreuses déclarations de la Commission européenne en faveur de l'intégration des régions ultrapériphériques dans leur environnement géographique, il n'existait pas de véritable politique européenne d'intégration régionale de ces régions, notamment en matière de débouchés économiques.
En ce qui concerne le régime de l'octroi de mer, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que les menaces pesant sur ce régime n'étaient pas nouvelles, même si elles semblent plus fortes aujourd'hui. Il a également rappelé que, sous l'influence de l'Union européenne le régime de l'octroi de mer avait fortement évolué, passant d'une mesure équivalente à un droit de douane à un instrument fiscal de soutien au développement économique et constituant une ressource essentielle des collectivités locales.
Estimant que la prorogation de ce régime par l'Union européenne dépendait avant tout de la volonté de la France de défendre un tel régime, il s'est déclaré davantage préoccupé par les critiques formulées dans notre pays à l'encontre de l'octroi de mer, notamment au sein du ministère de l'économie et des finances, jugeant que le choix sur la prorogation ou non de ce régime serait avant tout un débat national.
Enfin, s'agissant des négociations sur les futures perspectives financières et l'avenir de la politique régionale après 2014, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que, si les discussions n'avaient pas encore débuté et qu'il était encore trop tôt pour se prononcer, il était peu vraisemblable que l'on aille vers une augmentation du budget européen, compte tenu de l'opposition des pays contributeurs nets, mais que la crise actuelle renforçait les Etats partisans du maintien d'une politique régionale ambitieuse de l'Union européenne, face aux pays désireux de « renationaliser » cette politique.
s'est interrogé au sujet de l'attitude de la Commission européenne dans les négociations sur les accords de partenariat économique avec les pays ACP. Il a également fait part de ses inquiétudes concernant la défense des intérêts des départements d'outre-mer par l'administration française à Bruxelles, citant l'exemple du rapport remis par les autorités françaises à la Commission européenne sur les effets économiques de l'octroi de mer, qui a été jugé très insuffisant par les services de la Commission.
a répondu que la Commission européenne avait fait preuve de faiblesse vis-à-vis des pays ACP dans les négociations sur les accords de partenariat économique, car elle n'avait pas su imposer l'ouverture de leurs marchés aux produits issus des régions ultrapériphériques.
Rappelant qu'il avait été chargé d'un rapport d'information, au titre de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, avec M. Yann Gaillard, sur la politique régionale lors de l'élaboration des perspectives financières 2007-2013 et que, déjà à l'époque, cette politique, et en particulier l'objectif 2, risquait de devenir la variable d'ajustement, M. Simon Sutour a souhaité avoir des précisions au sujet du taux de consommation des crédits au titre des fonds structurels dans les départements français d'outre-mer.
a indiqué que le taux de consommation des crédits au titre de la politique régionale variait sensiblement entre les différents départements français d'outre-mer et selon les fonds concernés, allant en moyenne de 50 à 70 %.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a confirmé à M. Serge Larcher, président, que La Réunion connaissait le taux le plus élevé de consommation des crédits et la Martinique le plus bas.
a exprimé le souhait que la mission étudie plus attentivement cette question.
a indiqué que, malgré les derniers élargissements de l'Union européenne, les quatre départements français d'outre-mer connaissaient encore un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, contrairement d'ailleurs aux autres régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises, et qu'ils restaient donc éligibles à l'objectif 1, mais que la Martinique, avec un PIB par habitant de l'ordre de 74 % de la moyenne communautaire, risquait de ne plus être éligible à cet objectif dans le cadre des prochaines perspectives financières.
Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, M. Thierry Dahan et M. Jean-Rémi Bourhis, rapporteurs, de l'Autorité de la concurrence.
a rappelé que l'Autorité de la concurrence, créée par la loi de modernisation de l'économie pour succéder au Conseil de la concurrence, était une autorité administrative indépendante spécialisée dans l'analyse et la régulation du fonctionnement de la concurrence sur les marchés. Il a indiqué que l'autorité de la concurrence était chargée d'assurer un équilibre entre la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique la liberté de fixer les prix, et l'absence d'abus de puissance économique par ceux qui la détiennent.
Rappelant que le niveau et les mécanismes de formation des prix avaient été au coeur du mouvement social ayant touché les départements d'outre-mer au début de l'année, il a indiqué que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait saisi, à la mi-février, l'Autorité de la concurrence afin que celle-ci puisse rendre, avant l'été, un rapport sur le fonctionnement de la concurrence outre-mer, notamment dans deux domaines essentiels que sont les carburants et les produits de grande consommation, et qu'il avait donc pensé utile d'entendre les représentants de l'Autorité de la concurrence sur ces questions.
a tenu à excuser le président de l'Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, qui ne pouvait encore s'exprimer dès lors que l'Autorité de la concurrence ne s'était pas encore prononcée sur ces sujets.
Elle a indiqué que les deux rapporteurs avaient commencé leur travail en effectuant un premier déplacement à La Réunion et que l'Autorité de la concurrence rendrait son rapport avant le mois d'août, celui-ci devant comporter deux parties, l'une consacrée aux carburants, et l'autre, plus vaste, sur la grande distribution.
s'est interrogé au sujet du coût du fret. Il a également souhaité savoir si un renforcement de la concurrence dans le secteur des carburants était envisageable.
a répondu que, pour le coût du fret, nous étions en présence de deux systèmes très différents aux Antilles et à La Réunion et que la situation était à première vue plus favorable à cette dernière en raison principalement du fait que la conférence maritime, qui a été récemment supprimée à la demande de la Commission européenne, ne couvrait que la moitié du fret dans la zone de l'Océan indien, alors qu'elle couvrait la totalité du fret aux Antilles. Il a considéré que cette situation se traduisait concrètement par une absence de concurrence aux Antilles, puisque les quatre navires de transport de fret effectuent une rotation et qu'ils pratiquent le même tarif, alors qu'il existe une plus grande concurrence à La Réunion, avec trois sociétés de transport.
Il a cependant observé que le coût du fret ne couvrait pas seulement le transport mais également les frais annexes, comme le coût de l'embarquement et du débarquement des conteneurs, et il a estimé que les surcoûts liés à ces frais annexes n'étaient pas exempts de toutes critiques.
s'étant interrogé le renchérissement du coût du fret dans les départements d'outre-mer résultant du retour à vide des navires, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a fait part de son scepticisme sur cette cause. Citant l'exemple des millions de conteneurs en provenance de Chine et à destination des Etats-Unis, qui repartaient généralement à vide, il a estimé qu'il n'y avait pas de véritable corrélation entre ce phénomène et le coût du fret, dont le niveau résultait davantage de l'existence ou non d'un marché concurrentiel. Il a mentionné à cet égard la différence entre le coût du fret vers La Réunion et celui du fret vers l'Australie, le second étant moins élevé en raison de la plus grande concurrence sur le marché.
Evoquant ensuite la question du prix des carburants, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a indiqué que le rapport de l'Autorité de la concurrence étudierait plusieurs pistes.
Il a estimé que, face au constat selon lequel l'existence de prix réglementés n'avait pas empêché des dysfonctionnements et des contestations au sein de la population, il convenait de s'interroger sur leur maintien.
Il a indiqué qu'une autre piste serait de conserver le monopole pour l'achat du carburant, ce système permettant des économies d'échelle et évitant des surcoûts pour des territoires de faible étendue, tout en libéralisant le prix à la pompe, ce qui aurait d'ailleurs plus d'effets en outre-mer qu'en métropole du fait de la fiscalité moins lourde pesant sur les carburants, et présenterait l'avantage de mieux contrôler l'amont et moins l'aval, contrairement à ce qui se passe actuellement.
Il a souligné qu'une troisième possibilité, si on souhaite maintenir le système actuel de régulation des prix, serait d'améliorer la réglementation.
a observé que, au vu de la situation en matière de formation des prix et de son influence sur le déclenchement de la crise outre-mer, on pouvait s'interroger sur l'action menée par les services de l'Etat dans ce domaine au cours des dernières années et il a souhaité recueillir le sentiment des représentants de l'Autorité de la concurrence sur ce point.
a indiqué qu'il était nécessaire de distinguer l'action des services de l'Etat dans le domaine particulier du prix des carburants, objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances, de celle sur la grande distribution et les produits de première nécessité, dont les prix ne sont pas réglementés et qui, de ce fait, n'ont pas fait l'objet d'une surveillance particulière de la part des services de l'Etat présents sur place, même si des actions ont pu être menées par ces services en matière de respect de la concurrence.
A cet égard, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a rappelé que plusieurs affaires avaient été révélées aux Antilles, notamment dans le secteur des télécommunications, à propos des téléphones portables ou de l'Internet, mais que pour que l'Autorité de la concurrence se prononce sur ces affaires il fallait qu'elle soit au préalable saisie de plaintes, ce qui était rare.
Soulignant que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer prévoyait la possibilité pour le Gouvernement de réglementer par décret en Conseil d'Etat, après consultation de l'Autorité de la concurrence, les prix de produits ou de familles de produits de première nécessité, M. Eric Doligé, rapporteur, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de mettre en place un meilleur système d'observation des prix dans les départements d'outre-mer.
a observé que la mise en place de système d'observation des prix se heurtait à des obstacles méthodologiques importants, comme la structure de consommation, qui est différente outre-mer et en métropole, la construction d'un panier de prix ou encore des stratégies de contournement de la part des distributeurs.
Revenant sur l'exemple du prix des carburants outre-mer, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a fait valoir que l'on se heurtait davantage à des problèmes d'ordre structurels que conjoncturels.
Soulignant que le prix de l'essence sur le long terme était d'un niveau inférieur outre-mer par rapport à la métropole, mais que, en raison des prix réglementés, on constatait un décalage de trois mois dans l'évolution entre le prix à la pompe outre-mer et en métropole, il a estimé que la récente crise outre-mer autour du prix du carburant résultait moins du prix en valeur absolue de l'essence à la pompe que de son évolution et de l'inertie constatée par les usagers dans le mouvement de baisse lié à l'évolution du prix du baril.
a fait valoir que l'« Union des consommateurs Que choisir ? » avait réalisé en 2005 une enquête sur les différences de prix entre la métropole et les départements d'outre-mer, qui avait montré des écarts pouvant atteindre 200 % sur des produits de première nécessité tels que le dentifrice. Elle a également mentionné une récente enquête de l'INSEE sur ce sujet, qui avait confirmé ce diagnostic.
a estimé qu'il fallait faire preuve de prudence au sujet de ces enquêtes, la structure de la consommation étant différente outre-mer, et tenir compte des produits fortement sensibles aux variations saisonnières, comme certains légumes par exemple.
Il a indiqué avoir demandé à l'INSEE des précisions sur la manière dont avait été conduite cette récente enquête, sans à ce jour avoir obtenu de réponse.
Il a considéré que la seule étude disponible était une enquête de l'INSEE, réalisée dans les années 1990, qui montrait un écart de prix maximal de l'ordre de 25 % entre les départements d'outre-mer et la métropole.
Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Marc Duncombe, délégué à l'outre-mer du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
a d'abord rappelé l'importance du Conservatoire du littoral au plan national.
Il s'agit d'un établissement public à caractère administratif, chargé d'une mission foncière de protection des écosystèmes et des paysages littoraux. Créé en 1975, il représente 635 sites protégés le long des rivages, 123 000 hectares définitivement préservés, plus de 400 conventions de partenariat pour la gestion des sites, 600 gardes du littoral et plus de 1 000 conventions d'usage (agriculture). Son objectif à long terme est de permettre qu'un tiers du littoral français soit protégé.
Les lignes directrices de son action sont principalement de développer des partenariats avec les collectivités, d'aménager les sites pour l'accueil des visiteurs, de gérer la biodiversité littorale, de protéger des unités foncières cohérentes afin d'en favoriser une gestion satisfaisante et de permettre une réappropriation locale des sites.
Au plan financier, il tire ses recettes de la taxe de francisation des navires (37 millions d'euros), des subventions de l'Union européenne (11 millions d'euros) et du mécénat d'entreprise et des produits dérivés (1,5 million d'euros), soit un budget total en 2008 de près de 50 millions d'euros. Ses dépenses se répartissent entre 10 millions d'euros de frais de fonctionnement, 25 millions d'euros de frais d'acquisitions et 15 millions d'euros au titre des travaux et de la gestion
Au plan organisationnel, le Conservatoire comporte un conseil d'administration présidé par un député, M Jérôme Bignon, onze conseils de rivage composés d'élus locaux, la quasi-totalité des communes concernée et dix délégations (une par façade), dont la délégation outre-mer et ses antennes créées en 2003 (soit 10 emplois permanents).
Le contrat d'objectifs du Conservatoire lui confie pour l'avenir cinq actions majeures : continuer l'acquisition foncière ; organiser la gestion avec les collectivités; intégrer le changement climatique ; développer l'action outre-mer et consolider les moyens nécessaires à l'action.
Puis, M. Marc Duncombe a abordé les spécificités du littoral en outre-mer marqué par des situations foncières contrastées, une législation spécifique (loi littoral, schéma d'aménagement régional), le régime des cinquante pas géométriques, le caractère souvent indissociable des espaces maritimes et des espaces terrestres (mangroves, récifs) et surtout une biodiversité exceptionnelle.
A cet égard, il a précisé que la biodiversité sur les sites du Conservatoire en outre-mer, s'illustrait par 130 sites préservés et, selon l'inventaire réalisé en 2007, 726 espèces remarquables (240 végétales et 486 animales), 48 espèces strictement endémiques, 34 espèces menacées, 56 espèces rarissimes et 402 espèces protégées.
Puis, M. Marc Duncombe a détaillé la situation de chacun des DOM. En Guadeloupe, on compte 900 hectares de « 50 pas géométriques » et 80 sites d'intervention. A la Martinique, le bilan est de 1 800 hectares acquis sur 8 sites, 71 hectares de « 50 pas géométriques » affectés, dont 5 ilets, et 30 sites d'intervention. En Guyane, on compte 5 400 hectares acquis ou affectés sur 10 sites, 9 000 hectares de mangroves et une quinzaine de sites d'intervention. Enfin, La Réunion se caractérise par 870 hectares acquis sur 9 sites, 50 hectares de «50 pas géométriques » et une vingtaine de sites d'intervention.
a précisé les cinq objectifs spécifiquement fixés pour l'outre-mer qui sont de conforter l'acquisition des grands sites en assurant la cohérence foncière, de renforcer la gestion des sites, d'accentuer la valorisation éco-touristique des sites, d'approfondir les relations partenariales, et de structurer la délégation outre-mer.
Pour l'acquisition des grands sites, il a indiqué que la délégation utilisait notamment des procédures à l'amiable (auprès des SAFER, par exemple), mais également, le cas échéant et face à des situations foncières bloquées, les droits de préemption ou d'expropriation (la grande Anse des Salines à la Martinique, par exemple).
Citant l'exemple du Grand cul de sac à la Guadeloupe, il a insisté sur les caractéristiques particulières du domaine public maritime (DPM) ultramarin, imbriquant souvent à la fois « les cinquante pas géométriques », les mangroves, le domaine lacustre et de riches fonds sous-marins.
A M. Eric Doligé qui l'interrogeait sur l'articulation de la délégation à l'outre-mer avec les autres délégations internes et sur l'existence éventuelle de conflits d'intérêts entre respect de l'environnement et accueil du public, M. Marc Duncombe a précisé que la délégation à l'outre-mer, bien que récente, bénéficiait d'une réelle dynamique au sein du Conservatoire avec une superficie totale de 20 000 hectares (120 000 hectares en métropole), un rattrapage budgétaire et des antennes locales réparties sur huit régions. Toutefois, il a appelé l'attention sur l'importance des emplois précaires, seuls dix postes étant permanents, et les difficultés du recrutement local en l'absence de formations spécifiques.
Il a admis que l'enjeu actuel était d'obtenir une plus grande adhésion, au-delà de celle des communes d'outre-mer qui est acquise, des départements et des régions, regrettant le retard pris, notamment dans les formules de partenariat. Par ailleurs, si la délégation souhaite mettre en place l'aménagement des sites dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, elle en est freinée car en matière de financement certaines directives (comme Natura 2000) ne sont pas applicables en outre-mer. Enfin, pour le développement éco-touristique, il faut éviter le « mitage » du littoral résultant d'un urbanisme épars qui, en outre, coûte cher aux collectivités en termes de réseaux, d'où l'importance des schémas d'aménagement régionaux qui prévoient une définition précise des zones à aménager et prend en compte les espaces naturels.