Commission des affaires économiques

Réunion du 26 juin 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ARCEP
  • dividende
  • fréquences
  • numérique
  • régulateur
  • télévision

La réunion

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La commission a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Bruno Retailleau sur le bilan et les perspectives d'évolution des compétences de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

rapporteur, a souhaité, à l'occasion du dixième anniversaire de l'ARCEP, faire le bilan de l'action de cette autorité de régulation économique sectorielle, première du genre, et dessiner ses perspectives d'évolution afin qu'elle puisse contribuer à renforcer les positions françaises dans ce secteur économique de première importance. Il a fait valoir que l'enjeu était de taille : les technologies de l'information et de la communication ont un effet d'entraînement considérable sur le développement des entreprises, et, plus largement, de l'économie, puisqu'elles permettent d'expliquer près de 0,40 point de croissance par an sur la période 1995-2002 et auraient représenté 60 % des gains de productivité enregistrés par l'économie française entre 1995 et 2000, selon les estimations gouvernementales. En outre, la seule filière de téléphonie mobile représente 95.000 emplois, à comparer aux 75.000 emplois de la filière aéronautique.

Il a expliqué que la révolution numérique en cours conduisait à modifier les perspectives de la régulation des communications électroniques à l'avenir et soulevait plusieurs questions : faut-il abandonner la régulation sectorielle au profit d'une régulation de droit commun ? Faut-il fusionner l'ARCEP avec le CSA ? Faut-il un régulateur européen des communications électroniques comme l'a pu évoquer Mme Viviane Reding, commissaire européen responsable de la société de l'information et des médias ? Il a jugé important que la commission des affaires économiques prenne position sur ces débats essentiels et urgents, à l'heure où la France doit décider de l'affectation des fréquences qui seront prochainement libérées, par l'extinction de la diffusion analogique de la télévision hertzienne, et à la veille d'une refonte du cadre réglementaire européen des communications électroniques.

Présentant d'abord le bilan de l'Autorité, il a rappelé que la création d'une autorité indépendante pour réguler le secteur des télécommunications, alors désignée comme autorité de régulation des télécommunications (ART), était sans doute l'un des points les plus novateurs de la réforme issue de la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications. Il a déclaré que l'ART permettait :

- une intervention publique pour encadrer l'ouverture à la concurrence, décidée à l'échelon communautaire, en corrigeant les défaillances du marché et en recherchant l'intérêt général ;

- une régulation indépendante pour résoudre le conflit d'intérêt de l'Etat-actionnaire ;

- une régulation sectorielle pour combiner durablement, par une forme de prophylaxie, les exigences de la concurrence et de l'intérêt public.

Relevant que, dix ans après, l'ART était devenue l'ARCEP, il a fait le point sur l'étendue des pouvoirs qu'elle cumulait : pouvoirs de réglementation, d'enquête, de sanction, de règlement des différends, de médiation, et évoqué le « magistère d'influence » dont elle disposait. Il a également relevé que le champ de sa régulation s'était élargi à de nouveaux acteurs (y compris postaux) et à de nouveaux marchés (tels celui de la diffusion audiovisuelle), avant de faire observer que son mode de régulation s'était imposé, au plan national avec la création de la commission de régulation de l'énergie, mais aussi au plan européen, où elle avait acquis une réputation solide.

Présentant le bilan de l'ARCEP, il l'a jugé globalement positif. Il a ainsi noté que la régulation concurrentielle avait acquis une crédibilité certaine auprès des acteurs économiques, grâce à sa fiabilité juridique et au caractère avisé et expert de ses avis -incitant le Gouvernement à la modération lors de l'attribution des licences UMTS- ou décisions, particulièrement déterminantes en matière de dégroupage, pour le développement de la concurrence pour l'accès à l'Internet haut débit. Il a aussi jugé qu'elle avait montré son efficacité, le régulateur ayant convenablement rempli ses missions, parfois délicates à concilier :

- l'ouverture à la concurrence, qui a permis diversification des services et baisse des prix (la France, championne du « triple play » avec une offre à 30 euros) au bénéfice du consommateur, dont le surplus s'est accru de plus de 10 milliards d'euros sur la période;

- le service universel, qui est globalement assuré, malgré les difficultés de mise en place de l'annuaire universel ;

- la couverture du territoire en téléphonie mobile (GSM) et en haut débit, que facilite le régulateur ;

- le développement d'une industrie performante des télécommunications, qui a été encouragé même si les opérateurs français consacrent une moindre part de leur chiffre d'affaires à l'investissement, comparativement à leurs concurrents étrangers ; M. Bruno Retailleau, rapporteur, a estimé que ce point devait alerter contre un consumérisme excessif préjudiciable au consommateur de demain.

Enfin, il a apporté quelques « bémols » à ce tableau flatteur, regrettant le caractère parfois trop théorique de la régulation -ouverture à la concurrence du marché des renseignements en 2006 suivie de son recul de 27 % ; nouvelle baisse du prix des terminaisons d'appels mobiles sans baisse avérée des prix de détail- ou le manque d'attention accordée à certaines missions confiées au régulateur par le législateur : protection des consommateurs (SAV du haut débit, coûts de sortie pour un abonné au mobile), sécurité des réseaux...

Jugeant que la régulation d'un secteur soumis à des évolutions technologiques si rapides que celui des communications électroniques devait s'ajuster en permanence à ces évolutions, susceptibles de bousculer l'architecture institutionnelle en place, M. Bruno Retailleau, rapporteur, a abordé sans tabou les défis que l'ARCEP devait relever à l'avenir.

Concernant l'opportunité de maintenir une régulation sectorielle, il a d'abord relevé que la répartition des rôles entre l'ARCEP et le Conseil de la concurrence paraissait harmonieuse aujourd'hui, mais que la régulation sectorielle semblait de moins en moins justifiée, du fait de son glissement progressif et programmé vers une régulation de droit commun et du désengagement de l'Etat de France Télécom. Il a pourtant jugé que la régulation sectorielle demeurait nécessaire, même si elle perdait son caractère asymétrique, pour assurer des missions non concurrentielles, mais aussi et surtout pour relever les nouveaux défis concurrentiels, notamment le déploiement des réseaux en fibre. Il en a conclu que l'ARCEP, appelée à perdurer, devait être mieux contrôlée : juridiquement, par un renforcement de l'expertise des organes d'appel (Conseil d'Etat et Cour d'appel de Paris) de ses décisions ; politiquement, par le renforcement de l'implication du Parlement dans le contrôle du régulateur, notamment par un traitement plus approprié du budget de l'ARCEP dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Il s'est ensuite interrogé sur la meilleure architecture institutionnelle pour exploiter le potentiel numérique français, et, notamment, sur l'opportunité d'une fusion ARCEP/CSA. Déclarant que l'ère numérique représentait un double défi, il a expliqué que la convergence induisait des stratégies croisées des acteurs des télécommunications, de l'audiovisuel et de l'informatique pour conquérir les clients, appelés à vivre dans un réseau ambiant leur proposant une connexion permanente pour répondre à tous leurs besoins et que, de ce fait, la mobilité, permettant une telle connexion en tout lieu et à tout moment, était le prolongement naturel de la convergence. Or, a-t-il relevé, la mobilité ne peut s'envisager que grâce aux transmissions par radiofréquences.

Il a alors évoqué le dividende numérique, c'est-à-dire les fréquences que libérera la bascule en 2011 d'une diffusion analogique à une diffusion numérique de la télévision hertzienne, le présentant comme une opportunité à ne pas manquer, ces fréquences étant une ressource rare, et particulièrement prometteuse. Après avoir fait allusion aux controverses autour de la taille du dividende, il lui a semblé qu'elles démontraient que le dividende ne résultait pas seulement d'un constat technique, mais qu'il constituait un objectif politique. Il a appelé à ce que la répartition du dividende entre divers usages (nouveaux services de TNT, services de TV en haute définition, télévision mobile personnelle, mais surtout couverture à bas coût du territoire en internet haut débit, ce qui lui a paru un enjeu majeur...) soit déterminée après un débat très large, notamment au Parlement, devant se conclure par un arbitrage politique du Premier Ministre. Pour garder ce débat ouvert, il a fait observer qu'il fallait vite identifier une sous-bande harmonisée de fréquences en Europe, sans laquelle le dividende ne pourrait servir qu'à la diffusion audiovisuelle.

Dans le prolongement de ces réflexions sur le dividende, il a rappelé que le spectre hertzien était le support d'une activité représentant 2 % du PIB et 2 milliards d'euros, selon le rapport de MM. Lévy et Jouyet sur l'économie de l'immatériel. Il a donc jugé nécessaire d'améliorer parallèlement la gestion du spectre radioélectrique, résultat d'une stratification historique et non d'une optimisation : valoriser comptablement les autorisations d'usage de fréquences déjà octroyées à titre gratuit inciterait ainsi à en économiser l'usage (ce qui impliquerait de démontrer l'équivalence entre les contreparties culturelles exigées des chaînes de TV et la valeur des fréquences qu'elles utilisent et de mettre en place un système financièrement neutre de loyers budgétaires pour les ministères utilisant des fréquences, voire de les intéresser à la restitution de leurs fréquences). Pour les fréquences issues du dividende, il a suggéré de faire payer les licences (octroyées sur la base d'un cahier des charges précis imposant des objectifs d'intérêt public) pour accompagner la prise de conscience de leur valeur et financer le basculement vers la diffusion numérique (dont les USA estiment le coût à 1 milliard de dollars).

Il a conclu sur le besoin d'une nouvelle architecture institutionnelle adaptée au numérique. Il a écarté l'idée de fusionner l'ARCEP et le CSA, jugeant que l'exemple du régulateur britannique n'était pas transposable en France et qu'il serait dommage de perdre huit ans à mettre en place une autorité indépendante unique, dont le poids politique heurterait la tradition régalienne française. Il lui a semblé plus urgent de donner un pilotage politique aux services de l'Etat concernés par le numérique, mais éclatés entre des ministères aux logiques concurrentes, en les réunissant sous l'autorité politique d'un commissariat au numérique rattaché au Premier Ministre, pour exploiter le manque à gagner de 0,7 % de croissance annuelle du PIB dû au retard français dans le numérique. En outre, il a insisté sur la nécessité d'organiser le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement sur les sujets numériques. Enfin, il a appelé à optimiser la gestion des fréquences dans la durée en l'unifiant entre les mains de l'Agence nationale des fréquences, qui passerait sous la tutelle du Premier Ministre et à qui pourraient être transférés les moyens dont disposent l'ARCEP et la Direction des technologies du CSA pour planifier les fréquences.

Enfin, M. Bruno Retailleau, rapporteur, a répondu à la question, soulevée par Mme Viviane Reding : faut-il un régulateur européen des communications électroniques?

Reconnaissant, avec la Commission européenne, le défaut patent de cohérence de la régulation dans l'Union européenne, et ses conséquences pour les opérateurs, il a toutefois appelé à refuser la création d'un régulateur européen, solution contestable aussi bien politiquement que juridiquement, au nom des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il a plaidé, à la place, pour un renforcement de la coordination au sein du groupe des régulateurs européens (GRE), afin de faire converger la pratique des régulateurs et pour une plus grande harmonisation entre Etats membres pour mieux appréhender les sujets transnationaux (normes, services satellitaires...).

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

a félicité le rapporteur pour la clarté de son exposé, sur des sujets particulièrement techniques, jugeant qu'il était utile, à l'extérieur du Sénat, de montrer que le technique ne l'emportait pas sur le politique et, à l'intérieur, d'assurer l'information des sénateurs. Il s'est interrogé sur la signification du mot « régulation » et sur les responsabilités de l'autorité qui en était chargée, demandant notamment si elle était à même d'intervenir pour limiter le démarchage téléphonique à domicile ainsi que l'incitation, par certaines émissions de télévision, à passer des appels payants concourant au financement de ces programmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

a également chaleureusement félicité le rapporteur et considéré que son idée de créer un commissariat au numérique méritait d'être poussée. Il s'est demandé si cette idée avait été défendue dans d'autres enceintes. Il a également souhaité savoir comment serait financé le basculement vers la télévision numérique. Enfin, il a relevé que l'accès de tous aux nouvelles technologies souffrait des inégalités entre les territoires et, même, tendait à les aggraver, notant que, dans sa circonscription, une délégation de service public avait été conclue pour un montant de 30 millions d'euros quand d'autres départements n'avaient pas eu besoin de financer l'accès à ces technologies.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En réponse à M. Charles Revet, M. Bruno Retailleau, rapporteur, a distingué la régulation de la dérégulation, expliquant que la régulation se justifiait pour faire émerger la concurrence dans un secteur jusque là monopolistique et pour concilier cette ouverture avec d'autre exigences d'intérêt public, telles que le service universel ou la couverture territoriale. Il a d'ailleurs noté que les pouvoirs de l'ARCEP avaient été élargis et lui permettaient de prendre des sanctions, même si elle y recourait peu. Il a jugé que les questions soulevées par M. Revet relevaient de la protection des consommateurs, mais que l'ARCEP avait surtout traité cet aspect sous l'angle tarifaire. Enfin, il a indiqué à M. Revet l'existence de la liste orange, qui constituait une protection contre le démarchage, dans la mesure où les coordonnées des abonnés figurant sur cette liste ne pouvaient être vendues par France Télécom à des fins de marketing.

En réponse à M. Gérard Bailly, M. Bruno Retailleau, rapporteur, a confié qu'il avait entrepris une démarche commune avec le président Emorine et ses collègues Bruno Sido et Pierre Hérisson pour faire valoir au Président de la République et au Premier ministre la nécessité de créer ce commissariat au numérique. Il a d'ailleurs noté que la présidence de la République avait semblé réceptive à cette proposition et relevé que, lors de sa campagne électorale, le candidat M. Nicolas Sarkozy avait lui-même émis l'idée d'un pilotage politique en matière numérique. Il a également fait allusion au rapport de M. Patrice Martin-Lalande au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui avait récemment suggéré la création d'un secrétariat d'Etat au numérique.

S'agissant du financement de la bascule vers la télévision numérique, il a rappelé sa proposition de recourir à une mise aux enchères, encadrée par un cahier des charges précis, ou à une soumission comparative pour l'octroi des licences d'usage des fréquences du dividende numérique.

Enfin, il a confirmé que les inégalités territoriales en matière d'accès aux nouvelles technologies étaient encore criantes et qu'en tant qu'élu local, il mesurait l'attente des foyers dont les lignes ne seraient pas éligibles à l'ADSL (2 % du total). Il a insisté sur ce point, d'autant plus que la couverture territoriale apparaît comme un horizon fuyant, chaque nouvelle technologie reculant l'horizon. Notamment, il a précisé que les réseaux en téléphonie mobile de troisième génération ainsi qu'en télévision mobile personnelle ne couvriraient à court terme que 30 % du territoire et que la télévision en haute définition serait seulement diffusée sur 70 % du territoire. Il en a conclu que ces questions amenaient à réfléchir sur le périmètre du service universel dans un proche avenir.

Le rapport d'information de M. Bruno Retailleau, rapporteur, a ensuite été adopté à l'unanimité par la commission.