Mission d'information médicaments

Réunion du 7 février 2006 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFSSAPS
  • conflits d'intérêts
  • expert
  • indépendance des experts
  • liens d'intérêts

La réunion

Source

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Gilbert Barbier, président, la mission d'information a procédé à l'audition de M. Lionel Benaiche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a rappelé que le système de déclarations d'intérêts a été mis en place dès 1993 à l'Agence du médicament et qu'en 1996, l'agence a souhaité disposer de la compétence d'un magistrat pour la gestion des conflits d'intérêts pouvant apparaître dans le cadre des missions d'expertise. Cette initiative a conduit l'agence à réfléchir sur la notion de conflits d'intérêts, absente du droit positif jusqu'en 1998. Il s'agit, en effet, d'une notion subjective si l'on n'y associe pas des critères précis. Il a fallu convaincre les experts externes du bien-fondé du dispositif de déclaration des liens d'intérêts, ce qui a nécessité un long dialogue sur leur mission et la nature de leurs relations avec les laboratoires. Il a regretté que la succession de directeurs et les changements d'équipe fréquents depuis 1998 n'aient pas facilité la mise en place de ce dispositif ; il a considéré que le croisement des expertises internes et externes constitue aujourd'hui un atout majeur pour l'agence.

Il a observé que les liens d'intérêts peuvent être financiers mais aussi matériels. Tel est le cas lorsqu'un laboratoire de recherche public finance une recherche grâce aux contributions d'un laboratoire pharmaceutique. Il a estimé que les experts sont souvent pragmatiques dans leurs relations avec les laboratoires. Aussi bien ne doivent-ils pas être stigmatisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

a demandé si l'administration fiscale est intervenue dans la mise en place des procédures de déclarations d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a indiqué que les services fiscaux ont été contactés pour proposer des modules de formation aux experts mais que cette initiative n'a pas eu de suite du fait des nombreux changements de direction.

Il a constaté que le taux de dépôt des déclarations d'intérêts est croissant depuis la mise en place de cette procédure même si certains experts, souvent mal informés, continuent à ne pas respecter la réglementation. Même en accentuant le contrôle, le système actuel ne peut pas mieux garantir l'indépendance des experts, dans la mesure où leurs fonctions les obligent à être en contact avec les laboratoires pharmaceutiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

a demandé si l'expertise externe est vraiment nécessaire pour l'évaluation des médicaments et s'il existe suffisamment d'experts indépendants et compétents auxquels l'agence peut faire appel.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a estimé que l'expertise externe est indispensable mais que le système doit être refondu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

a déclaré que l'expertise doit être mieux reconnue dans la carrière des médecins hospitalo-universitaires.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a rappelé qu'il s'agit d'un débat récurrent depuis vingt ans au ministère de la santé, puis à l'Afssaps.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

a demandé si la publicité des débats peut constituer un moyen de renforcer l'indépendance des experts et de mieux prendre en compte leur opinion.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a indiqué que l'agence a déjà rendu publics certains débats sur des sujets très médiatiques, comme l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), mais que la question sur l'indépendance des experts comprend bien d'autres aspects. Il a constaté que les débats et les procédures de la Food and drug administration (FDA) sont bien plus solennisés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

a déploré que l'obligation de déclarer les liens d'intérêts n'existe pas pour les experts de la HAS.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a fait valoir que les experts internes de l'agence n'ont qu'une influence réduite sur la décision d'AMM. Il a souhaité la création d'un statut plus clair pour les experts externes sur le modèle des experts de la FDA, notamment en matière de recrutement et de cumul des mandats afin de les rendre indépendants des réseaux et des changements politiques. Il a estimé que les règles de procédure doivent être renforcées et qu'une formation sur leur mission doit être proposée aux nouveaux experts.

Il a indiqué qu'en 1998, il a mis en place une base de données à l'Agence du médicament rassemblant les liens d'intérêts positifs et négatifs avec l'industrie et retraçant le parcours professionnel de chaque expert. Il a regretté que cette base n'ait pas été tenue à jour et que la cellule de veille ait aujourd'hui disparu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

s'est interrogée sur les moyens dont disposent l'agence pour gérer la question des conflits d'intérêts. Elle a voulu savoir si des conflits d'intérêts peuvent survenir en raison de divergences théoriques entre les experts.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a estimé que la question doit être abordée de façon plus globale au travers du développement d'une expertise interne plus importante. Cela passe par le recrutement, pour une durée déterminée, d'experts de haut niveau qui, durant leur passage à l'agence, devront se détacher de tous leurs liens d'intérêts financiers ou matériels. Cette solution est celle retenue par la FDA.

Il a précisé que ces experts sont valorisés par le travail qu'ils fournissent pour le compte de cette agence et que, contrairement à ce qui se passe en France, cela est pris en compte pour le déroulement de leur carrière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

a rappelé que les experts, notamment dans le milieu hospitalier, ne travaillent pas seuls mais sont rattachés à un laboratoire de recherche au sein duquel ils travaillent en équipe. Il s'est interrogé sur les risques d'isolement scientifique que ferait courir aux experts le fait de se détacher de leurs projets de recherches pour se consacrer uniquement à l'expertise.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

s'est étonné que le représentant de l'académie de médecine soit le seul membre de la commission d'AMM à ne pas avoir de conflits d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a estimé que les mesures visant à renforcer la procédure ne produisent plus d'effets suffisants pour renforcer l'indépendance des experts. Il est donc nécessaire de dépasser les règles de fonctionnement en vigueur.

Il a observé que les fonctions d'évaluateur, menées pour le compte des agences sanitaires, ne nécessitent pas uniquement une connaissance scientifique pointue mais également des compétences juridiques ou procédurales qui sont insuffisamment prises en compte lors du recrutement des experts.

Il a rappelé que les experts les plus éminents n'interviennent pas systématiquement pour le compte des agences.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

a souligné qu'au-delà des problèmes soulevés par le recrutement des experts, l'intervention d'au moins trois structures indépendantes les unes des autres (la commission d'AMM, la commission de la transparence et le comité économique des produits de santé) fait de la procédure conduisant à la commercialisation d'un nouveau médicament un parcours complexe. Il s'est interrogé sur les effets bénéfiques à attendre d'une unification de cette procédure.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a estimé qu'il existe des problèmes de transmission de l'information entre ces instances et qu'il conviendrait probablement de rationaliser les structures en charge des produits de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la cellule déontologique de l'Afssaps a été supprimée. Il a voulu savoir si cette suppression traduit une moindre volonté de clarifier la situation des experts et une détérioration de la gestion des conflits d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a jugé qu'il est impossible de recruter des experts dont l'indépendance sera totale. Il a rappelé que, parmi les réflexions engagées au sein l'Afssaps, l'hypothèse de faire présider les différentes commissions de l'agence par des non-scientifiques a été étudiée, le président étant alors un arbitre, un médiateur entre les différents experts. Finalement, cette solution n'a pas été retenue.

Il a considéré que la suppression de la cellule de déontologie pose un problème de structure car elle prive les experts d'un interlocuteur unique. Or, ces derniers ont besoin d'informations pour les aider à identifier les conflits d'intérêts dont ils sont porteurs ainsi que cela se fait au sein de la FDA.

A titre personnel, il s'est déclaré favorable à la création d'une autorité indépendante chargée de gérer les questions relatives à l'indépendance des experts. Il a considéré que ces questions ne doivent pas être traitées au sein des agences sanitaires, mais par une structure ad hoc composée de magistrats des ordres judiciaire et administratif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

a voulu savoir si des règles particulières d'indépendance s'imposent aux présidents des différentes commissions de l'Afssaps.

Debut de section - Permalien
Lionel Benaïche, vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre

a précisé qu'en 1998, le ministre chargé de la santé avait souhaité que les présidents de commissions de l'Afssaps se détachent de tous leurs liens d'intérêts pendant la durée de leur mandat et qu'en contrepartie, il leur soit versé une rémunération. Cette recommandation n'est pas entrée en vigueur et les règles qui président à la nomination des présidents et des membres de la commission ne font pas l'objet de publicité.

Il a jugé qu'il devient indispensable de renforcer une procédure de nomination que les experts eux-mêmes ne maîtrisent pas et qui les place dans une situation de fragilité notamment au moment des renouvellements de mandats. Cette procédure doit fixer des règles en termes de durée et de cumul des mandats et préciser le rôle de chacun des participants aux travaux d'une commission, à l'instar de ce qui se passe devant un tribunal où le ministère public, la défense, les témoins ou le greffier voient leurs rôles encadrés par une procédure écrite. Cette ritualisation est de nature à faciliter le travail des experts et elle constitue une mesure préalable à la publicité des travaux.