Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé tout d'abord à une table ronde sur le projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires avec les organisations syndicales représentatives des salariés de ces deux réseaux.
a rappelé que les dispositions prévues par le projet de loi concernant le volet social du rapprochement entre les caisses d'épargne et les banques populaires tendent à :
- créer une branche spécifique pour la négociation des accords collectifs dans le réseau des banques populaires ;
- conférer à l'organe central la qualité de groupement patronal au sein des commissions paritaires nationales des deux réseaux ;
- et adapter, de manière transitoire, le fonctionnement de la commission paritaire nationale du réseau des caisses d'épargne dans l'attente de l'application des nouvelles conditions de représentativité des organisations syndicales prévues par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Il a souhaité que les représentants des organisations syndicales répondent aux trois questions suivantes. Pouvez-vous dresser un état des lieux de la concertation sociale en cours sur l'organisation du rapprochement des réseaux des caisses d'épargne et des banques populaires ? Êtes-vous favorable à la création d'une branche spécifique pour les banques populaires compétentes, au même titre que pour la branche des caisses d'épargne, pour la négociation des futurs accords collectifs ? Quelles interrogations et quelles recommandations exprimez-vous concernant la représentation des salariés dans la création du nouvel organe central et la gouvernance du groupe qui sera constitué ?
En réponse à la première question, M. Jean-Paul Krief, représentant la CGT pour les caisses d'épargne, s'est étonné de l'absence de présentation d'un quelconque projet stratégique pour le futur groupe alors même que la discussion du projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires était déjà engagée à l'Assemblée nationale. Il a considéré que le dialogue social est très peu développé dans la mesure où une seule réunion du comité d'entreprise a été consacrée à ce sujet.
Confirmant ces propos, M. Jean-François Largillière, secrétaire général du syndicat SUD pour les caisses d'épargne, a précisé que les consultations engagées sont purement formelles et ne contiennent aucun élément de fond concernant les objectifs de la fusion. Ainsi, il a regretté que seules les conditions de création du nouvel organe central soient prévues dans la loi et qu'aucune disposition ne concerne le volet statutaire des salariés des deux réseaux, les régimes de retraite, le statut des filiales informatiques, et, plus largement, les conséquences sociales en matière d'emploi et de conditions de travail.
a noté la précipitation avec laquelle est présenté le projet de fusion et l'absence de véritable plan social concerté entre les deux réseaux. En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui souhaitait connaître son avis sur la prise de participation de l'Etat dans le capital du futur organe central, il a indiqué qu'il n'y est pas a priori défavorable mais que l'importance des capitaux, d'un montant de trois milliards d'euros, que l'Etat souhaite apporter de façon transitoire posera à court terme la question des modalités de leur remboursement par le groupe. Il a exprimé sa crainte que ces titres soient mis sur les marchés, au bénéfice des actionnaires et au détriment des sociétaires et des salariés.
a considéré que le dialogue social n'a pas encore commencé dans la mesure où il n'y a pas de véritable consultation des organisations syndicales mais uniquement une information lacunaire ne prenant pas en compte l'éventualité des restructurations qui pourraient résulter de la fusion.
a déploré que les problématiques tenant à la finalité du rapprochement, à la gestion des pertes engendrées par Natixis, et à l'organisation des effectifs au sein des deux groupes soient reportées à une discussion postérieure à l'adoption du projet de loi.
a fait part de sa surprise sur le choix d'une procédure accélérée qui fait l'impasse sur les modalités précises de gouvernance du nouvel organe central ainsi que sur le bilan de l'application de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière qui a doté la caisse d'épargne d'un statut coopératif et a créé une convention de branche spécifique.
a considéré que si l'urgence n'est jamais satisfaisante d'un point de vue parlementaire, il convient de prendre en considération l'impact de la crise économique et la nécessité de procéder au rapprochement sur la base de comptes arrêtés au 30 juin 2008. Un délai supplémentaire conduirait à retarder de plusieurs mois l'opération, après un arrêt des comptes au 30 juin 2009, et serait tout à fait préjudiciable dans la perception qu'ont les marchés du bien-fondé de la fusion. S'agissant de la gouvernance, il a estimé que la création d'un conseil de surveillance du nouvel organe central permettra de mettre fin à « l'endogamie » aujourd'hui constatée au sein du conseil d'orientation et de surveillance de la caisse nationale des caisses d'épargne qui est essentiellement composé des présidents de directoires des caisses régionales.
Après que M. Bruno Aguirre a fait remarquer que la rédaction actuelle du projet de loi n'empêche en rien que cette « endogamie » perdure au sein du conseil de surveillance du nouvel organe central, M. Claude Lerouge, président de la CGC pour les caisses d'épargne, a demandé qu'une information complète soit donnée par M. François Pérol, président du directoire de la caisse nationale des caisses d'épargne et directeur général de la banque fédérale des banques populaires, au sujet des risques que fait peser sur l'emploi le rapprochement des deux réseaux.
a salué la nomination de M. Jean-Luc Vergne en qualité de directeur des ressources humaines compétent pour l'ensemble du groupe. Toutefois, il a indiqué que si l'adoption de la loi devait intervenir avant la fin juin 2009 pour des raisons de valorisation comptable, l'absence d'éléments d'information complémentaires sur le volet social de la fusion pourra conduire les comités d'entreprise des deux réseaux à allonger leur calendrier de décision au-delà de la date du 30 juin. Il s'est également interrogé sur les moyens qui seront mis en oeuvre par le groupe pour rembourser l'Etat et sur leurs conséquences en termes de dégradation des conditions de travail et des services à la clientèle.
a souligné que le trait commun qui se dégage de l'ensemble des interventions est le caractère lacunaire et perfectible de la négociation sociale qui entoure le projet de fusion.
En réponse à la deuxième question portant sur la création d'une branche spécifique pour le réseau de banques populaires, M. Jean-Marie Zieba a mis en exergue le paradoxe qui consiste à créer une branche supplémentaire alors même que le Président de la République a appelé l'ensemble des partenaires sociaux à entamer une réflexion sur la réduction globale du nombre de branches compétentes en matière de négociation des accords collectifs. Il a précisé que, avec la création d'une nouvelle branche pour les banques populaires, quatre régimes de négociation sont appelés à coexister au sein du nouveau groupe :
- la branche propre aux banques commerciales qui réunira notamment le nouvel organe central, les banques régionales ex-HSBC, la compagnie marseillaise de crédit et Natixis ;
- la branche des caisses d'épargne ;
- et la branche de la caisse du crédit mutuel maritime.
Il s'est également interrogé sur le futur statut des salariés du centre informatique IBP, de Priam et de Foncia. Dans ce contexte, il a considéré que la multiplication des branches contribue à diluer les capacités de négociation des partenaires sociaux, voire à les entraver.
Tout en confirmant le mauvais accueil fait par les salariés des banques populaires à l'annonce de la création d'une branche spécifique les concernant, M. Claude Bertrand a souhaité que soient privilégiées des négociations à l'échelle de l'ensemble du futur groupe dans la mesure où des thématiques telles que la formation professionnelle ou les conditions de travail concernent l'ensemble des salariés, quel que soit leur réseau d'appartenance.
a précisé que, nonobstant la mise en oeuvre des nouvelles conditions de représentativité prévues par la loi précitée du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, le projet de loi a pour but de maintenir les statuts actuels des caisses d'épargne, des banques populaires et des filiales qui relèvent de la convention « bancaire ». Il n'a pas exclu qu'un mouvement de convergence s'opère dans la durée.
a indiqué que la CFTC est favorable à la création de la branche des banques populaires qui permettra non seulement de conserver les accords actuels, mais également de protéger les intérêts des salariés et l'indépendance du réseau des banques populaires. A cet égard, il a considéré que la pluralité des statuts sociaux demeure une garantie contre la menace de la constitution d'un réseau unique regroupant les deux enseignes caisse d'épargne et banque populaire.
a considéré que la pluralité des branches au sein d'un même groupe permet d'afficher l'apparence du statu quo mais qu'à terme il s'agit d'un « trompe-l'oeil » dans la mesure où il n'y aura en tout état de cause qu'un seul interlocuteur patronal. Il a estimé que l'introduction de dispositions transitoires concernant les caisses d'épargne dans l'attente de la première mesure d'audience prévue par la loi du 20 août 2008 précitée n'est pas nécessaire.
a rappelé l'attachement des salariés des banques populaires à la banque fédérale des banques populaires et leur crainte relative à la disparition de la seule instance qui représente aujourd'hui leurs intérêts.
a considéré que l'opération de rapprochement ne peut se justifier pour des raisons exclusivement conjoncturelles alors qu'aucun projet industriel n'est présenté. Il a redouté que la mise en place d'une branche spécifique pour les banques populaires ne soit qu'une étape en direction d'une convergence de l'ensemble du groupe vers la convention bancaire conclue entre les banques commerciales et l'association française des banques (AFB). Considérant les résultats désastreux de la création de Natixis, il a appelé l'ensemble des acteurs de la fusion à prendre leur temps pour élaborer une stratégie de communication sur les objectifs de l'opération.
a souligné que le rôle du législateur demeure modeste dans la mesure où il est fait une large place à la négociation pour la détermination des modalités précises de gouvernance.
a indiqué qu'elle partage la préoccupation des organisations syndicales quant à la procédure d'urgence mise en oeuvre par le Gouvernement.
De son côté, M. Joël Bourdin a souligné l'urgence économique qu'il y a à réunir la force des deux réseaux pour surmonter la crise actuelle.
a fait part de ses préoccupations quant à l'état des pertes financières de Natixis, dont les limites ne sont pas encore connues, mais a souligné que la recapitalisation du groupe par l'Etat constitue, dans ce contexte, la seule garantie apportée à la signature du nouvel ensemble banques populaires-caisses d'épargne. Tout retard dans la mise en oeuvre de ce rapprochement, d'ores et déjà annoncé aux marchés, risquerait d'entraîner des signaux de défiance qui pourraient être très préjudiciables. Tout en considérant que le projet de loi est un texte « a minima » portant sur la création du nouvel organe central, il a souhaité que le maintien des statuts des salariés des banques populaires soit clairement affirmé.
a estimé que des garanties devront être apportées sur les capacités contributives du futur groupe en ce qui concerne le remboursement de sa dette envers l'Etat. Les interrogations suscitées par le rapprochement ne portent donc pas seulement sur les statuts propres à chacun des réseaux et à Natixis, mais aussi sur leur santé financière.
a confirmé ses craintes relatives à la crédibilité du groupe dans la mesure où Natixis pourrait faire l'objet de pertes s'élevant à près de 35 milliards d'euros. Cette menace pèse lourdement sur le réseau des caisses d'épargne qui dispose d'une collecte d'épargne importante et participe au financement du logement social, ainsi que sur le réseau des banques populaires qui soutient plus particulièrement le secteur du commerce et de l'artisanat. Il a redouté que les problèmes financiers provoqués par Natixis ne mettent fin au caractère mutualiste et coopératif de ces groupes et n'imposent à terme une « casse sociale » en matière d'emploi et de conditions de travail des salariés.
a précisé qu'il est inapproprié de classer au chapitre des pertes la totalité des « actifs toxiques » de Natixis dont le montant s'élève effectivement à 33,7 milliards d'euros.
En réponse à la troisième question relative à la représentation des salariés dans la gouvernance du groupe, M. Jean-Paul Krief a fait remarquer que le protocole d'accord relatif à la composition du conseil de surveillance du nouvel organisme central ne prévoit que deux représentants des salariés, un pour chacun des réseaux des caisses d'épargne et des banques populaires, avec voix uniquement consultative. Il a revendiqué la nomination de quatre représentants des salariés avec voix délibérative, un pour chacun de deux réseaux, auxquels s'ajouteraient un représentant pour Natixis et un autre pour le pôle immobilier.
a confirmé que le projet de loi ne définit ni la gouvernance du nouvel organisme central, ni la composition du conseil de surveillance, l'ensemble de ces points étant fixés par le protocole d'accord conclu le 16 mars 2009 entre la caisse nationale des caisses d'épargne et la banque fédérale des banques populaires.
a jugé qu'il est d'autant plus inacceptable que les représentants des salariés n'aient pas voix délibérative au conseil de surveillance de l'organe central que celui-ci a la possibilité de révoquer les membres des conseils d'orientation et de surveillance élus par les sociétaires des banques populaire et des caisses d'épargne. Tout en approuvant cette réflexion, M. Claude Lerouge a ajouté qu'il convient également de modérer le montant des jetons de présence qui peuvent atteindre près de 35 000 euros pour cinq à six réunions par an.
a mis en lumière la régression sociale que représente ce protocole d'accord dans la mesure où les deux représentants actuels des salariés au conseil d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne ont aujourd'hui voix délibérative. Cette mesure d'éviction des salariés est d'autant plus inutile qu'ils seraient dans l'incapacité numérique de bloquer les décisions stratégiques.
En outre, M. Jean-Marc Augustin, représentant de la CFTC pour les caisses d'épargne, a regretté que les sociétaires copropriétaires ne soient pas non plus consultés sur ce projet.
a exposé les propositions d'amendements présentés par la CFDT tendant à inscrire dans la loi la présence de représentants des salariés dans la composition des organes de gouvernance. Il a estimé que l'absence de dialogue social est considérée comme une marque de mépris pour les quelque 110 000 salariés du groupe.
a partagé le point de vue selon lequel les salariés doivent disposer d'une voix délibérative au sein du conseil de surveillance de l'organe central au même titre que dans l'actuel conseil d'orientation et de surveillance de la caisse nationale des caisses d'épargne. Elle a considéré que cette revendication est d'autant plus justifiée qu'elle s'inscrit dans la logique de la proposition de loi de M. Frédéric Lefebvre, député, visant à définir les modes de nomination et de rémunération des mandataires sociaux des sociétés cotées, à renforcer la présence des salariés au sein des conseils d'administration et de surveillance et à réglementer la composition des comités des rémunérations.
a estimé que cette demande, d'ordre conventionnel et non législatif, peut être satisfaite par une modification du protocole d'accord du 16 mars 2009, afin d'aménager les pouvoirs des salariés au sein du conseil de surveillance, sans qu'il soit nécessaire d'amender les dispositions du projet de loi.
En réponse à Mme Nicole Bricq qui souhaitait connaître le point de vue des organisations syndicales sur la participation de quatre représentants de l'Etat, dont deux personnalités indépendantes, au sein du conseil de surveillance, M. Jean-Marie Zieba a considéré que cette présence relève d'une tactique du Gouvernement tendant à conforter le pouvoir de M. François Pérol sur l'ensemble du groupe. A cet égard, il a exprimé la crainte que parmi les représentants de l'employeur soient privilégiés les directeurs généraux au détriment des présidents des caisses régionales qui représentent les sociétaires.
s'est interrogé sur les critères qui seront retenus par le Gouvernement pour désigner les deux personnalités indépendantes.
a estimé que des minorités de blocage doivent pouvoir se manifester contre toute tentation de l'Etat de retirer sa participation de l'organe central résultant de cessions d'actifs du groupe. Une telle éventualité aurait pour effet d'affaiblir les deux réseaux et de détériorer les conditions de travail des salariés.
a souligné que dans le cadre d'un conseil de surveillance composé de dix-huit membres, la majorité qualifiée étant fixée à quinze, les sept représentants des caisses d'épargne et les sept représentants des banques populaires ne pourront constituer, à eux seuls, cette majorité.