Commission des affaires sociales

Réunion du 10 octobre 2012 : 3ème réunion

Résumé de la réunion

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  • AFPA
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La réunion

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Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Yves Barou, président de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Après la démission de votre prédécesseur, Jean-Luc Vergne, les difficultés auxquelles est confrontée l'Afpa ont occupé le devant de la scène : difficultés financières mais aussi de fonctionnement, problèmes liés aux appels d'offre et à la restructuration de l'association. C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre. Peut-être pourriez-vous nous présenter votre parcours et votre projet pour l'Afpa avant que nous ne vous posions des questions.

Debut de section - Permalien
Yves Barou, président de l'Afpa

Je suis avant tout un homme d'entreprise. J'ai consacré ma vie à l'emploi, y compris dans les cabinets ministériels où je suis passé. J'ai beaucoup travaillé aux États-Unis, en France et en Afrique, dans mes fonctions successives, qui ont touché au marketing, à la communication et aux ressources humaines à Rhône-Poulenc-Rorer, devenu Sanofi, puis à Thomson-CSF, devenu Thalès, où j'ai fini directeur adjoint. Depuis que je suis en retraite, j'ai créé un think-tank européen de DRH, convaincu qu'il fallait être plus présents à Bruxelles et nouer des relations plus étroites avec nos homologues allemands. Je suis également conseiller social du fonds stratégique d'investissement (FSI), où il s'agit d'apporter, sur les dossiers d'investissement, un regard sur l'emploi, le social, les ressources humaines, l'environnement ou le management.

Lorsqu'en juin, on m'a demandé d'assurer la présidence de l'Afpa, j'ai vite compris que la crise était grave, et ce d'autant plus que cet organisme est partie intégrante du modèle social français. C'est un outil dont on a plus que jamais besoin. Quel paradoxe, en ces temps tourmentés, alors que les besoins des demandeurs d'emplois sont criants, de voir des formations qui manquent d'inscrits ! C'est que la crise est systémique.

Lorsque j'ai accepté la présidence, je n'étais pas sûr de pouvoir payer, deux jours plus tard, les salaires. Il a fallu une action énergique sur la trésorerie et bien des négociations pour gagner six mois de survie : notre répit court jusqu'au 8 janvier. Le temps de bâtir un plan de refondation, que je présenterai le 15 novembre, avec ma nouvelle équipe de direction.

J'estime que la gouvernance de l'Afpa est moderne. Alors que le monde de l'entreprise débat de la nécessité d'associer shareholders et stakeholders, l'Afpa a su le faire depuis longtemps : toutes les parties prenantes sont membres de son conseil d'administration. L'association a longtemps souffert, en revanche, d'un conflit entre son directeur général et son président, qui a suscité opacité et aveuglement collectif. Dès ma prise de fonction, j'ai remercié le directeur général et cinq autres cadres dirigeants, parce qu'il fallait une équipe soudée. Il faudra trois mois pour reconstruire une direction, car il n'est pas facile de trouver un directeur général à l'Afpa. Cette fonction, dans un organisme qui emploie près de 1 000 personnes et dont le chiffre d'affaires approche du milliard d'euros, requiert, outre un tropisme social, des qualités financières et de managériales. Nous serons prêts le 15 novembre. Je viens également de renommer les directeurs de centres régionaux. Il faut une équipe nouvelle pour un projet nouveau.

Les causes de la faillite de l'Afpa ont été largement incomprises. On a stigmatisé sa lourdeur de mammouth, qui ne lui aurait pas permis de réagir, parlé de personnels trop cher payés... Il est vrai que bien des choses fonctionnent mal. La crise de trésorerie m'a ainsi donné l'occasion de découvrir que si nous avions tant d'impayés, c'est que le service de facturation avait plusieurs mois de retard. Dysfonctionnement facile à corriger : en quinze jours, 60 millions sont rentrés. Surtout, le management n'a pas été à la hauteur, alors que la base, notamment les formateurs, est excellente. Bonne nouvelle, en somme : il est plus facile de renouveler quelques dirigeants que des centaines de formateurs.

Au vrai, toutes ces imperfections ne sont pas la cause de la crise, même s'il est vrai qu'elles auraient pu y conduire, mais à plus longue échéance. Dans un contexte de crise économique et financière, ce sont bien plutôt trois phénomènes conjoints qui l'ont provoquée. Le transfert de nos 900 psychologues d'accueil et d'orientation, tout d'abord, à Pôle emploi. Résultat ? On n'a fait que compliquer les choses pour les demandeurs d'emploi, qui doivent accomplir un véritable parcours du combattant, semé de guichets et de conditions kafkaïennes, pour parvenir jusqu'à nous : seuls 5 % de nos stagiaires nous arrivent par Pôle emploi !

Autre difficulté, les barrières qui se sont élevées entre les régions. Les dossiers se sont multipliés auprès de notre médiatrice. Cette situation donnera lieu, un jour ou l'autre, à un recours devant le Conseil constitutionnel, car le principe d'égalité d'accès à la formation s'en trouve bafoué.

Troisième écueil, enfin, le passage brutal au régime de la concurrence. La formation n'est pas une marchandise comme une autre. Ce ne sont pas des heures de formation qu'achète le donneur d'ordres, mais bien un retour à l'emploi. De ce point de vue, nos résultats sont très satisfaisants : deux tiers d'emplois durables à six mois, soit le même taux que les écoles de commerce. Qui plus est, l'acheteur n'est plus l'État, mais la région, ce qui a requis un apprentissage collectif. Il a fallu trouver des modes d'achat intelligents, car les conséquences en sont considérables, tout comme dans l'industrie, où les formes de partenariat avec la sous-traitance peuvent être déterminantes. Nous sommes passés trop vite d'un système de subvention à un régime d'appels d'offres alors que le marché de la formation a besoin de régularité, d'un partenariat à long terme : tout est donc à réinventer avec les conseils régionaux.

Le passage à la concurrence exige de surcroit une capacité d'investissement, et un fonds de roulement. Aurait-on imaginé soumettre France Telecom aux lois du marché sans fonds propres ? C'est pourtant ce que l'on a fait avec l'Afpa. Et je ne parle pas là de la forme juridique de l'organisme, sur laquelle on a beaucoup glosé : vaut-il mieux un établissement public industriel et commercial (Epic), une société anonyme ou une association ? Pour moi, cette dernière forme est la plus moderne. Toujours est-il que l'endettement à court terme, dans une structure sans fonds propres, était inévitable : dans ces conditions, le moindre grain de sable, la moindre baisse de chiffre d'affaire, 20 % dans notre cas, et c'est la catastrophe assurée.

J'en viens à notre plan de refondation, qui est presque finalisé. Notre déficit a été de 50 millions en 2011, il devrait se situer entre 75 et 80 millions en 2012. A quoi s'ajoutent les difficultés liées à l'immobilier, puisque l'État n'a pas fait les travaux nécessaires qu'il aurait dû conduire en bon propriétaire.

Il s'agit de résorber progressivement le déficit, ce qui, comme toute réforme structurelle, exigera trois années d'effort. N'oublions pas qu'un organisme comme le nôtre ne doit pas seulement être à l'équilibre, mais en excédent pour pouvoir investir. Nous ferons aussi des propositions concernant le système de formation. Nos positions rejoignent pour beaucoup celles de l'Association des régions de France (ARF), avec laquelle nous avons longuement travaillé.

Je vous livre ici deux chiffres, qui méritent examen. Notre activité a reculé de 20 % depuis le passage à la concurrence, mais pour les formations industrielles, nous avons perdu 56 % en deux ans ! Autant dire que notre appareil de formation oeuvre à la désindustrialisation ! La réindustrialisation, l'emploi, voilà mon combat. Or, le principal atout de la France, en matière de compétitivité, ce sont les ressources humaines. L'Afpa, à cet égard, joue un rôle essentiel : 3,5 millions de salariés, soit un salarié sur huit, a un métier grâce à elle. C'est dire combien son rôle est essentiel, en particulier dans l'industrie, qui a été la première frappée par la crise. Deuxième chiffre frappant : le nombre de stagiaires qui se forment dans une région différente de celle où ils résident a baissé de 40 %. Ce manque de mobilité géographique est préoccupant.

C'est d'une révolution culturelle dont a besoin l'Afpa : tel est mon deuxième objectif. L'association s'est structurée autour des titres et diplômes du ministère du travail. C'est ainsi que se sont créés, avec les branches professionnelles, 280 cursus, correspondant chacun à un diplôme. Ces cursus sont généralement d'une durée de six mois. Pour des demandeurs d'emploi qui partent de zéro, ils sont parfaitement adaptés. Mais le monde a changé. Beaucoup nous arrivent désormais avec des qualifications partielles, si bien que les deux premiers mois de formation ne leur sont pas utiles : ils ne veulent pas les suivre, pas plus que les financeurs ne veulent les payer. Se fait ainsi jour la nécessité d'individualiser les parcours, de passer à des formations modulaires qui répondent mieux, tout à la fois, à la demande sociale, à celle des entreprises et à celle des financeurs. Nous avons donc à relever un défi : industrialiser l'individualisation des cursus de formation. Et nous sommes en mesure de le faire, puisque nous pouvons compter sur notre propre bureau d'étude.

Notre deuxième chantier consiste à renouer le dialogue avec les régions, après plusieurs années au cours desquelles les relations ont été trop distendues. Il faudra également se rapprocher du marché des entreprises. Les demandeurs d'emploi occupent aujourd'hui l'essentiel de notre activité, ce qui n'était pas le cas par le passé. Il faut rééquilibrer, parce qu'il existe un vrai besoin : lorsqu'un plan social se prépare, lorsque l'emploi est menacé, il faut agir. Nous devons répondre à la commande publique, mais également aux besoins des salariés des entreprises. Nous nous sommes porté candidats pour être l'opérateur de formation de deux des plus grands plans sociaux que va connaître la France.

Debut de section - Permalien
Yves Barou, président de l'Afpa

Je ne peux en dire plus, mais je veux que l'Afpa fasse référence en ce domaine. Lorsqu'un plan social arrive devant le comité central d'entreprise, il ne reste, hélas, plus grand-chose à négocier. Sauf pour la formation, et en cette matière, les comités d'entreprise préfèrent souvent avoir affaire à l'Afpa. C'est pour nous un atout considérable, non seulement dans le cadre des plans sociaux, mais aussi dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) car les évolutions technologiques induisent, dans les entreprises, des besoins de requalification. Je ne songe pas aux cadres, car il n'est pas question ici de sortir de notre créneau, mais bien aux ouvriers et aux techniciens.

Notre quatrième objectif, enfin, porte sur la réduction des coûts. Nous souffrons de bien des lourdeurs, engageons trop de dépenses de consultants...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Considérez-vous, comme d'autres, que le personnel est trop payé ?

Debut de section - Permalien
Yves Barou, président de l'Afpa

Les salaires sont honnêtes, mais ils n'atteignent guère, chez nous, que 50 % de ceux qui sont versés dans l'industrie. Je n'en ai pas moins décidé d'un gel des salaires sur deux ans, mais c'est bien plutôt par manque d'argent.

Des économies sont possibles, surtout sur notre train de vie. Sans aller trop loin cependant. N'allons pas nous clochardiser en supprimant le nettoyage des locaux, comme on me l'a suggéré, quand on a déjà mis fin au gardiennage de nuit, dans des centres d'hébergement qui sont loin d'être des ilots de paix, et où vols et violence sévissent comme ailleurs. Mon idée est plutôt de faire maigrir les fonctions centrales, au siège.

Etre plus compétitif, c'est aussi pouvoir proposer des formations plus légères. Aujourd'hui, les nôtres sont 10 % plus chères, même s'il est vrai qu'elles sont aussi 10 % plus longues.

J'en viens au chapitre des relations sociales. C'est mon métier. Je veux bien faire les choses. En l'espace d'une semaine, nous sommes passés de la guerre ouverte à l'apaisement. C'est affaire d'écoute, de respect. Nous pourrons ainsi réduire les effectifs sans drames sociaux, sans plan social, sans conflit. D'une part, nous envisageons de ne pas renouveler tous nos CDD, d'autre part, la pyramide des âges est telle que nous attendons un millier de départs en retraite sur trois ans, qui ne seront pas tous remplacés. L'Afpa, en tout état de cause, ne peut pas se payer le luxe d'une crise sociale de six mois, qui lui coûterait 50 millions. Nous sommes contraints à la vertu : miser sur le dialogue social, la transparence, la rapidité, pour que tout commence au 1er janvier.

Autre sujet important, le maillage territorial. Nos 216 centres sont tout à la fois une force et une faiblesse. Une faiblesse, car ils ont été conçus, à l'origine, comme des structures complètes, et par conséquent assez lourdes. Nous entendons diviser par deux le nombre de ces centres, pour les remplacer par des antennes de formation, partout où existent des besoins. Nous entendons renouer avec une certaine flexibilité que nous avons connue à nos débuts. Je sais bien que cela supposera des discussions avec les élus, qui sont chacun attachés à leur centre, mais il faut souligner que nous ne réduisons pas le volume des formations : il ne s'agit que d'économies de gestion.

Voila qui m'amène à la question de l'immobilier et de l'hébergement. L'État, propriétaire de nos locaux, consacrait autrefois 60 millions par an aux travaux d'entretien. Mais ces sommes se sont peu à peu réduites, au point que le patrimoine immobilier se dégrade. Une loi avait prévu le transfert, à titre gratuit, de ces biens immobiliers à l'Afpa, mais elle a été déclarée contraire à la Constitution. Si certaines régions souhaiteraient que ces biens leur soient transférés, ce qui ne serait pas illégitime dans la mesure où les régions jouent un rôle central dans la cartographie de l'offre de formations, d'autres s'y opposent. D'où ma proposition, pragmatique, et qui nous apporterait de la souplesse, de conclure des baux emphytéotiques, ce qui permettrait à l'Afpa de nouer des partenariats. Nos plateaux techniques coûtent cher, pourquoi ne pas les partager quand ils sont sous utilisés ?

Même chose pour l'hébergement, fondamental puisqu'il garantit la non-discrimination dans l'accès à la formation. Quand il n'y a pas de transports en commun et que l'on n'a ni permis de conduire, ni voiture, l'hébergement est primordial. Or, notre taux d'occupation est de seulement 60 % : une chaîne hôtelière n'y survivrait pas. L'idée est donc de nouer des partenariats avec des professionnels de l'hébergement, les offices d'HLM par exemple, pour accueillir d'autres publics, afin de parvenir à un meilleur taux d'occupation. Mais cela suppose des investissements, car nos locaux ne sont plus aux normes. Si nous les engageons pour les plateaux techniques, nous ne pouvons le faire pour l'hébergement. Voilà qui éviterait un gâchis que dénoncent tous les rapports consacrés à l'Afpa.

Il faudra aussi revenir sur certains points en matière d'organisation. Il y a trois ans, les fonctions de directeur de centre ont été supprimées, ce qui pose de gros problèmes lorsqu'un incident se produit.

Changement de management, dialogue social, retour à l'équilibre financier, tels sont mes objectifs. Nous devons impérativement revoir notre structure de financement, qui repose sur des emprunts à court terme, ce qui nous place dans une situation de grande vulnérabilité. La faillite de Dexia, qui faisait partie du pool bancaire de l'Afpa, a aggravé nos difficultés. Nous avons saisi le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) et le pool bancaire a accepté de maintenir ses prêts de court terme.

Reste que rien ne se fera sans fonds propres. Et ils peuvent fort bien être apportés dans le cadre associatif : nul besoin de se constituer en société anonyme, sauf à vouloir privatiser l'Afpa, ni d'adopter le statut d'Epic, qui marquerait un pas vers l'étatisation et compliquerait les rapports avec nos partenaires. L'Afpa pourrait émettre des titres associatifs que l'Etat nous achèterait via la Caisse des dépôts et consignations, la Banque publique d'investissement (BPI) ou le fonds stratégique d'investissement (FSI). Le chiffre de 200 millions d'euros, cité dans la presse, est sans doute légèrement inférieur à celui que nous annoncerons la semaine prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Merci pour cet exposé clair de votre diagnostic et des perspectives ouvertes par votre plan de refondation. J'espère que nous vous reverrons, peut-être quand vous aurez désigné votre directeur général, pour approfondir certains points. Je partage votre analyse sur la gouvernance de l'Afpa, moderne et quadripartite, mais je trouve frappant que les régions, globalement, n'aient pas été davantage impliquées dans son fonctionnement. Le cadre juridique européen, tel qu'il a été interprété par les pouvoirs publics, a conduit à une certaine banalisation de l'Afpa qui pourrait lui être fatale.

L'Afpa a au moins trois avantages compétitifs qu'il faut mettre en valeur : sa valeur ajoutée sur les plans technique et pédagogique, qui en fait aujourd'hui l'un des grands organismes de formation ; la qualité de son ingénierie, de dimension nationale, qui lui permet de faire les mutualisations nécessaires aux formations industrielles ; son système de valeurs, enfin.

Je vois deux enjeux. L'utilisation que les régions veulent faire de l'Afpa, d'abord. Aujourd'hui, certaines régions annoncent leur volonté de créer un service public régional de formation. De quoi s'agit-il ? Quelles seront les conséquences pour l'Afpa ? Comment concilier l'achat par voie d'appels d'offres avec une délégation de service public qui, elle, permettrait d'inscrire l'activité de l'Afpa dans la durée ? La sécurisation dont on parle pour les parcours professionnels est nécessaire aussi dans les systèmes de formation. Et il y a l'enjeu majeur de la préservation du caractère national de l'ingénierie et des formations de l'Afpa, dans ses relations avec les régions. D'ailleurs, c'est aussi l'intérêt de l'Afpa que son offre de formation soit accessible sur l'ensemble du territoire.

Je pense enfin qu'il est opportun de développer le rôle de l'Afpa, qui autrefois était un acteur privilégié dans la mise en oeuvre des projets financés par le fonds national de l'emploi (FNE), en ce qui concerne les actions de formation liées aux plans sociaux, comme composante du service public de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'Afpa a balisé toute ma vie d'élu, notamment à Vénissieux, car je me suis beaucoup impliqué dans les problèmes de formation. Conseiller général des Minguettes, où j'ai été instituteur, pendant vingt-six ans, j'ai été confronté aux difficultés de toute une partie de la population, d'origine maghrébine, pour accéder à l'emploi. J'ai donc créé un centre qui proposait une formation industrielle à destination des publics les plus en difficulté. Votre curriculum vitae est prestigieux, mais je souhaite que l'humain soit au coeur de vos objectifs, afin d'éviter que la fracture ne s'accentue entre ceux qui ont accès à l'éducation, la formation et donc l'emploi, et les autres. Sur l'immobilier d'hébergement, je comprends mieux vos objectifs, mais si pour optimiser vos moyens vous procédez à des regroupements, il est important que cela soit compris par les élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

M. Fischer parle de mettre de l'humain dans votre réforme : j'ai cru comprendre que c'était le cas ! Je souhaite aussi insister sur la mission première de service public que nous souhaitons maintenir à l'Afpa. Vous ne nous avez pas parlé de votre filiale « AfpaTransition » : ne pourrait-elle pas vous aider à vous positionner sur le marché de l'offre de formation ? Quant à la mise en concurrence, pensez-vous que l'Afpa devrait y échapper puisque la formation professionnelle qu'elle propose est un service d'intérêt économique général (SIEG) au sens du droit européen ? La baisse de 56 % de la formation industrielle que vous nous avez signalée est-elle due à un report de la demande des entreprises vers des offres concurrentes ? J'ai cru comprendre que l'Afpa avait été écartée du marché des contrats de transition professionnelle (CTP), n'y aurait-il pas matière à l'y réintroduire afin d'éviter les drames des plans sociaux ?

Debut de section - Permalien
Yves Barou, président de l'Afpa

Le combat pour que l'Afpa vive est un combat pour l'humain : dans la conjoncture économique que nous connaissons, il faut des mécanismes non d'assistanat, mais d'accompagnement de celles et ceux qui veulent rebondir. L'Afpa est un merveilleux outil pour cela : s'il n'existait pas, c'est maintenant qu'il faudrait l'inventer. Or, paradoxalement, c'est maintenant qu'il est en crise. L'hébergement, la restauration, le vivre-ensemble concourent à notre projet éducatif. A cet égard, le départ des psychologues du travail vers Pôle emploi a été une source de désorganisation grave.

C'est l'Afpa qui a inventé les CTP et on les lui a soudainement retirés. Nous allons faire une offre dans le nouveau cadre des contrats de sécurisation professionnelle. Il y a un besoin d'Afpa pour les politiques publiques : nous faisons des propositions pour les emplois d'avenir, pour les contrats de génération, pour lutter contre l'illettrisme... Nous ne prétendons pas être les seuls, mais nous offrons des formations structurantes et de qualité.

« Afpa Transition » n'est pas une filière, mais un département de l'Afpa, qui s'est positionné sur deux métiers : l'accompagnement avant la formation, comme par exemple les cellules de reclassement dans les plans sociaux, et les études préalables en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, pour des entreprises ou des territoires. Nous travaillons actuellement pour une entreprise implantée sur trois sites, tous trois en difficulté : c'est elle qui finance une étude recherchant quels sont, sur ces trois sites, les besoins d'emploi. Nous pensons qu'il vaut mieux s'y prendre ainsi, trois ans à l'avance, pour identifier les besoins locaux et mettre en place un dispositif de formation qualifiante qui leur corresponde, plutôt que dissimuler les difficultés et annoncer un plan social au dernier moment. Sur ces deux métiers, l'Afpa n'est pas un acteur de premier plan : sans doute faudrait-il développer davantage de partenariats.

Lorsque j'étais directeur-adjoint du cabinet de la ministre de l'emploi et de la solidarité, le service public de l'emploi, dans l'esprit de tous, c'était l'ANPE et l'Afpa. Dix ans plus tard, personne ne sait plus vraiment ce qu'il en est. Il faut distinguer le pilote et l'opérateur. Ce ne sont pas les mêmes responsabilités. L'Afpa ne demande pas à piloter le service public de l'emploi, mais demande à ce qu'il y ait un pilote. Or le pilote, dans l'esprit qui a présidé à la décentralisation, c'est, pour l'essentiel, la région. C'est à elle de faire une cartographie de l'emploi. Mais comme la décentralisation ne s'est pas accompagnée d'un transfert organisé de compétences, les règles du jeu n'ont pas été clairement posées et chacun a fait comme il pouvait.

Il serait malsain de vouloir que l'Afpa ait un statut privilégié parmi les opérateurs. Il est normal qu'il y ait une forme de concurrence pour obtenir des financements publics, c'est une garantie d'efficacité. La procédure de l'appel d'offre doit être bien utilisée. Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), par exemple, le poids du facteur prix pour déterminer qui remporte un appel d'offres est de seulement 10 %. Il ne sert à rien d'acheter un peu moins cher un service qui se révèlera inefficace. Le premier critère doit être la qualité. L'Afpa est un opérateur associatif sans but lucratif ; c'est donc un acteur social dont le positionnement est nécessairement différent de celui d'un organisme cherchant à produire des dividendes pour ses actionnaires.

La concurrence n'est pas mauvaise, pourvu qu'elle ne soit pas sauvage. Il n'y a guère, d'ailleurs, de moyen juridique d'y échapper, et je ne sais pas si ce serait très sain. Mais il y faut une régulation, ce que la notion de SIEG et la commande publique, si elle est intelligente, peuvent apporter. Les appels d'offres permettent beaucoup plus de souplesse que ce que l'on croit. Si l'on ne regarde que le prix, on ne peut saisir la spécificité de l'offre de l'Afpa, qui propose aussi un hébergement, un accompagnement, une éducation. Il y a peut-être quelques secteurs de notre activité, peut-être 10 %, qu'il faudrait protéger de la concurrence, mais pour l'essentiel il doit y avoir partenariat entre le pilote et les opérateurs, c'est-à-dire l'Afpa entre autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Merci. Les perspectives ouvertes par ce premier tour d'horizon sont positives...

Debut de section - Permalien
Yves Barou, président de l'Afpa

Mais notre problème de fonds propres réclame une solution urgente. Sans cela, entre le 7 et le 10 janvier prochains, l'Afpa devra arrêter de fonctionner, et renverra chez eux 100 000 demandeurs d'emploi. L'association est clairement sous la tutelle des banques, qui la maintiennent en respiration artificielle. Nous n'avons pas besoin de subventions, qui prolongeraient cette situation pénible, mais de fonds propres, pour prendre un vrai départ. Je le dis avec conviction et avec passion : c'est maintenant qu'il faut agir, car le coût du démantèlement de l'Afpa serait bien supérieur à 200 millions d'euros.

Puis la commission procède à l'audition de M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le ministre, nous souhaitons vous entendre aujourd'hui sur la formation professionnelle et l'apprentissage. Une feuille de route vous a été donnée en juillet. Quels seront ses effets sur la formation des jeunes ? Quels sont vos objectifs ? Comment voyez-vous l'action de votre ministère ?

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Quels sont les axes stratégiques de la politique de formation professionnelle et d'apprentissage ? Cette politique étant particulièrement complexe, il faut revenir aux principes fondamentaux : réfléchir aux besoins des personnes, d'une part, et avancer grâce au dialogue social, d'autre part, car une grande partie du financement est d'origine paritaire.

La prise en compte des personnes semble aller de soi, mais l'empilement des dispositifs depuis trente ans peut donner le sentiment qu'ils ne sont pas faits pour elles. D'où mon exigence : simplifier et rendre les dispositifs plus accessibles ! Les courriers que je reçois posent des questions simples auxquelles notre tuyauterie complexe ne permet pas toujours de répondre...

De même les liens avec les partenaires sociaux s'étaient quelque peu distendus ces dernières années ; nous les avons resserrés à l'été dernier.

Lors de la conférence sociale des 9 et 10 juillet, un atelier a été consacré à la formation professionnelle. Quatre axes ont été tracés : rendre effectif le droit à la formation tout au long de la vie ; offrir une qualification à tous les jeunes ; développer un service public de l'orientation ; sécuriser le service public de la formation.

La nouvelle étape de la décentralisation représente un enjeu transversal, susceptible d'augmenter l'efficacité et la lisibilité de cette politique, grâce à de nouvelles modalités de pilotage et de coordination des acteurs. Les Etats généraux de la démocratie territoriale ont été un élément important dans la préparation du texte que proposera la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, Marylise Lebranchu. Les arbitrages n'ont pas encore été rendus, mais le projet de loi comportera un important volet sur la formation professionnelle.

L'idée d'ensemble sera de conforter la compétence des régions sur la formation professionnelle, en procédant aux transferts de compétences qui n'ont pas encore eu lieu alors que cette prérogative leur appartient depuis 1982. La région sera le chef de file du service public de l'orientation, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, et de la coordination des actions à destination des jeunes peu ou non qualifiés. Le projet de loi procédera également à une rationalisation et une simplification des instances de concertation, à tous les niveaux, en les regroupant.

Comme je l'indiquais, le premier objectif est de rendre effectif le droit à la formation tout au long de la vie.

L'accès à la formation professionnelle est complexe, et le dispositif du droit individuel à la formation (Dif) est sous-utilisé. Je souhaite améliorer l'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle : paradoxalement, ce sont eux qui y recourent le moins, alors qu'ils sont ceux qui en ont le plus besoin ! J'ai réuni lundi dernier les partenaires sociaux ; les échanges se poursuivront pendant quelques semaines, pour aboutir à la définition d'un accord national de méthode destiné à favoriser l'accès à la formation professionnelle, qui sera décliné dans chaque région en 2013.

Ma deuxième proposition, issue des réflexions de la Conférence sociale, est de créer un compte individuel de formation afin d'améliorer la portabilité de ce droit. Il sera attaché à l'individu, non au contrat de travail. A la différence du congé individuel de formation ou du droit individuel à la formation, ce compte sera crédité annuellement et ne sera pas plafonné, offrant ainsi l'opportunité, à ceux qui le souhaiteront, de trouver une formation susceptible d'accompagner une véritable réorientation professionnelle. En septembre, j'ai demandé l'avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) qui réunit tous les acteurs du secteur. Il rendra un rapport au premier trimestre 2013.

Je souhaite également impliquer davantage les salariés dans l'élaboration du plan de formation des entreprises. Les organisations de salariés pourraient se voir dotées d'une compétence en la matière, ce qui pourrait augmenter l'appétence des salariés pour la formation, tout en renforçant la démocratie sociale ; c'est l'un des points soumis à la discussion dans le cadre de la négociation sur la sécurisation de l'emploi, qui inclut le renforcement des dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Ce plan de formation, actuellement simplement soumis pour information aux institutions représentatives du personnel, pourrait être contractualisé et discuté entre employeur et salariés.

Deuxième objectif : offrir à chaque jeune l'accès à un premier niveau de qualification.

Nous avons transmis aux partenaires sociaux un document-cadre comportant des objectifs sur l'alternance, ainsi que sur le partenariat avec les régions et le ministère de l'éducation nationale. Le Gouvernement et l'association des régions de France (ARF) ont décidé, le 12 septembre, de diminuer par deux, en cinq ans, le nombre de jeunes sortis du système scolaire sans formation. Pour y parvenir, nous devrons être plus efficaces lors de la formation initiale et mieux articuler apprentissage et formations non alternées. Les régions prépareront à cette fin, en concertation avec l'Etat et les rectorats, une carte des formations - cette disposition figurera d'ailleurs dans le projet de loi sur la décentralisation.

Toutes les voies de la formation doivent être développées. L'apprentissage, certes. Mais il ne doit pas se substituer aux autres types de formation, afin que chaque jeune, suivant son parcours et ses spécificités, puisse trouver une voie qui lui convienne. Il est essentiel que l'offre soit diversifiée, définie au plus près du terrain au niveau régional.

Il s'agit de ne laisser aucun jeune sans solution. Le document-cadre transmis aux organisations syndicales prévoit que chacun des 120 000 jeunes sortant du système sans formation soit convoqué pour se voir proposer une solution adaptée qui lui permette de ne pas rester sur un sentiment d'échec. Nous créerons un pacte pour la réussite éducative et professionnelle que je présenterai dans chaque région, pour inciter à une meilleure organisation des dispositifs locaux de suivi et d'insertion professionnelle des jeunes.

Il faut aussi soutenir les jeunes en alternance, en veillant au maintien de l'offre de contrats en alternance, avec une part importante pour les premiers niveaux de qualification. Il existe un biais en effet : moins le niveau de formation initiale est élevé, moins l'on accède à la formation, et inversement plus on est formé, plus on accède à la formation. Seuls deux tiers des contrats conclus en 2010 concernent des jeunes de niveau V (CAP), alors que la proportion s'établissait aux trois-quarts en 1990. Donc, sans baisser l'effort à l'égard de ceux qui à l'université choisissent l'apprentissage, nous devons reconquérir le public des jeunes titulaires d'un CAP.

Les petites entreprises restent les principales utilisatrices des contrats d'apprentissage, mais leur part s'est réduite ces dernières années. Avec les entreprises de plus de 250 salariés, qui recrutent essentiellement des jeunes disposant d'un diplôme allant du baccalauréat jusqu'au diplôme d'ingénieur, nous devons mener une discussion.

Les emplois d'avenir qui, pour la première fois, comportent, dans le dispositif même du contrat, une clause prévoyant l'obligation de conduire une action de formation, pourront également constituer un levier pour développer l'alternance.

Il en va de même des contrats de génération, notamment dans les entreprises de plus de 300 salariés et pour les jeunes de niveau V. Nous en discutons avec les partenaires sociaux, mais rien n'empêcherait de concilier contrat de génération et formation en alternance, au moins pendant les premières années. Nous devrons garder à l'esprit cette possibilité lors du débat sur le projet de loi.

La représentation des apprentis et des jeunes en alternance doit être améliorée pour leur permettre de participer au dialogue social tant dans l'entreprise que dans le territoire. Nous améliorerons leur représentativité en les dotant d'un statut.

Garantir l'accès de tous à un premier niveau de qualification, c'est aussi veiller à la qualification en cours d'emploi, faciliter l'accès des jeunes qui ont un emploi aux dispositifs de droit commun et constituer une offre de formations pour les jeunes en emplois d'avenir.

Troisième objectif : concrétiser le service public de l'orientation.

La question de l'orientation dépasse la question de la formation. Chacun doit pouvoir choisir sa vie professionnelle, trouver des réponses à ses questions, quel que soit son âge, ses origines, son parcours, sa formation initiale. De la formation initiale à la formation continue, le service public de l'orientation devra être le plus accessible, le plus fluide, le plus équitable possible, sans opposer les périodes d'emploi et de formation, ni les jeunes et les actifs. Il contribuera à une meilleure connaissance et valorisation des métiers.

Le service public de l'orientation devra d'abord être défini par la loi avant d'être mis en oeuvre par les régions. L'objectif sera de passer d'une orientation trop souvent subie à une orientation choisie. C'est pourquoi ce service rénové, mieux ancré dans les territoires, ne concernera pas que les jeunes : loin du cliché associant orientation et scolarité, il s'adressera à tous les citoyens souhaitant être accompagnés dans leur propre réflexion personnelle ou cheminement professionnel tout au long de la vie.

Quatrième objectif : affirmer un service public de la formation.

Accroître les compétences des personnes ne constitue pas une prestation marchande comme les autres. Chacun a un profil particulier, en fonction de son origine, de sa qualification, des conditions de son entrée dans la vie professionnelle. Aussi l'offre de formation doit être adaptée à ces profils. De même, l'offre de formation peut être différente d'un territoire à l'autre.

La proximité géographique de la formation, les services qualifiés, à tort, d'annexes, tels que les transports, l'hébergement ou la restauration, conditionnent aussi l'appétit de nos concitoyens pour la formation. Un service public de la formation devra donc être défini par le législateur. Nous vous proposerons d'en jeter les bases dans le cadre de l'acte III de la décentralisation.

Ce travail, important, doit évidemment se faire en lien avec la législation européenne. J'ai bon espoir que, d'ici un mois, nous aurons avancé sur la définition d'un service d'intérêt économique général (SIEG) de la formation. Cela nous incitera à réactualiser l'offre de formations en revisitant les critères d'enregistrement des organismes, qui sont pléthore sur le marché. Nous avons le devoir de l'évaluer, dans une perspective plus qualitative. Du reste, dès lors qu'il existera un service d'intérêt économique général (SIEG) de la formation, le secteur ne sera plus soumis aux seules lois du marché : les prescripteurs, Pôle emploi et les régions, pourront, lors de la commande, demander des actions plus ciblées sur les populations les plus éloignées de l'emploi, les demandeurs d'emplois et ceux qui sont dépourvus de formation initiale.

Voilà les grandes orientations que j'entends mettre en oeuvre. Cette politique, je ne l'oublie pas, a pour finalité d'émanciper la personne et de lui offrir la possibilité de construire son parcours professionnel, en autonomie, dans le respect de ses aspirations et de ses capacités. Le Sénat, j'en suis certain, m'aidera à avancer sur ces sujets complexes.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

En vous écoutant attentivement, monsieur le ministre, je songeais que les mots ne sont pas innocents : le moment n'est-il pas venu de remplacer le terme de charge par celui d'investissement ? Comme l'éducation ou la santé, la formation n'est-elle pas le meilleur investissement, au sens le plus noble du terme, que l'on puisse faire ? Les partenaires sociaux, en particulier les organisations syndicales, auraient tout à y gagner : leur place dans l'entreprise, amoindrie ces dernières années, en serait rehaussée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

L'acte III de la décentralisation, si j'ai bien entendu le Président de la République lors des Etats généraux de la démocratie territoriale, donnera aux régions une compétence pleine et entière en matière de formation ; je m'en réjouis. Le texte que l'on nous proposera aura vocation à poser le cadre d'un service public de l'orientation et de la formation. Cette clarification sera bienvenue : nos concitoyens en ont véritablement besoin !

Le président de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), que nous venons d'auditionner, évoque une refondation de l'institution qui, dans les grandes lignes, est cohérente avec votre discours ; c'est très rassurant. Il fait de la question des fonds propres un préalable au redressement de l'association : l'Etat et les régions sont-ils prêts à lui apporter les capitaux nécessaires ? L'ancien gouvernement a longtemps évoqué la possibilité de transmettre à l'association l'ensemble des biens immobiliers détenus par l'Etat pour s'apercevoir, au bout du chemin, que c'était une impasse juridique. Désormais, l'Etat défend une logique de baux emphytéotiques. Dans quelles conditions ceux-ci seraient-ils conclus ? Ces questions sont essentielles pour la pérennisation de l'Afpa.

Si la formation devient un SIEG, il faudra des modalités d'achat de formation qui garantissent une certaine stabilité entre l'opérateur et le donneur d'ordres. Nous devrons également rationaliser les diverses instances chargées du pilotage régional de la politique de formation.

En tant que président de conseil général, et au moment où l'on parle beaucoup des synergies entre départements et régions, j'insisterai également sur la nécessaire complémentarité entre insertion et formation.

Une dernière question, enfin, sur un point plus précis : le Gouvernement entend-il maintenir, dans le projet de budget pour 2013, la rémunération de fin de formation (RFF) pour les demandeurs d'emploi en fin de droit ? Quel coût représente-t-elle ? Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) participera-t-il à son financement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

Le droit à la formation tout au long de la vie est un thème qui nous tient à coeur depuis longtemps. Ancienne élue régionale, je suis une adepte de la spécialisation et du regroupement des compétences pour les collectivités territoriales. En revanche, vous avez peu parlé d'un partenaire important pour les régions : l'Europe. Elle joue un rôle essentiel pour les plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les Plie, ou encore les maisons de l'emploi et de la formation. En Picardie, ils ont été développés en parallèle du service public de l'emploi, ce que je regrette tout en notant que les services partagent le même bâtiment dans ma ville. Une clarification des outils de formation et d'insertion serait souhaitable sous réserve de savoir comment, financièrement parlant, cela s'organisera. De fait, pour les dossiers d'insertion, le Plie passe par les régions pour obtenir des fonds européens.

Dans les collectivités locales, les agents participent déjà à l'élaboration du programme de formation en s'inscrivant aux sessions qu'ils veulent suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

De même, les salariés via la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. Concernant l'alternance, il existe déjà les schémas régionaux de formation.

Ce qui me frappe est de voir des emplois ne pas trouver preneur. Toute la difficulté est, en fait, d'adapter l'offre, de manière souple et réactive, aux besoins des entreprises locales. Rien n'est moins simple : il peut s'écouler jusqu'à deux ans avant qu'une formation se mette en place.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Au début, votre présentation, monsieur le ministre, m'a paru plutôt convenue. Et puis, tout à coup, j'ai entendu du neuf. Vous avez mis le doigt sur ce qui doit effectivement changer : le service public de l'orientation. Je vous souhaite bon courage : pour l'éducation nationale, l'alternance et l'apprentissage restent des choix par défaut. La reconnaissance comme SIEG peut être la solution pour résoudre certains problèmes que l'on observe parfois sur le terrain : des gens qui se forment d'abord pour bénéficier du statut de stagiaire de la formation professionnelle ou qui sont orientés vers des formations qui ne correspondent pas vraiment à leurs besoins, simplement parce qu'il faut un nombre minimum d'inscrits pour que la formation démarre. Cela supposera l'agrément des différentes structures et la tâche sera complexe.

Président du conseil général de la Marne, je suis, comme M. Jeannerot, préoccupé par l'articulation entre l'insertion, qui dépend du département, et la formation, qui relève de la région. Les départements, étranglés financièrement par le coût du RSA, peinent à exercer correctement cette compétence. Pourtant, du temps du RMI déjà, nous avions innové : la région payait la formation ; et nous, les revenus de son bénéficiaire.

Enfin, un point fondamental, la gestion des ressources provenant du fonds social européen (FSE). Mieux vaudrait la confier aux départements, qui, pour certains, s'en occupent déjà, plutôt qu'aux régions comme le souhaite le Président de la République. Ce serait bénéfique pour les associations, en particulier celles qui travaillent à l'insertion par l'activité économique, pour lesquelles il faudrait d'ailleurs clairement désigner un chef de file. Ce monde, qui a fait la preuve de son intérêt, souffre inévitablement en période de restriction budgétaire, parce qu'il est à cheval sur plusieurs catégories : l'emploi, l'insertion et la formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mon expérience professionnelle, puis en tant qu'élu, m'a permis de mesurer les obstacles qui se dressent sur le chemin de la formation et de l'insertion. De ce point de vue, monsieur le ministre, vous avez raison d'affirmer une volonté.

Je veux me faire l'interprète des jeunes en très grande difficulté ; pour eux, il faut trouver des solutions, dans la proximité. L'insertion est difficile, elle l'est plus encore quand le chômage explose ; il suffit de faire le point avec les bénéficiaires du RSA sur les suites des actions qu'on leur a proposées pour s'en rendre compte. Cela montre bien le rôle que doit jouer la région, car sa compétence est naturellement à conforter, et celui des départements, à qui revient l'insertion, notamment dans les quartiers populaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Puisqu'il ne revient pas au ministre de trancher aujourd'hui entre les départements et les régions, je m'en tiendrai à quelques questions. Le moindre recours à la formation s'explique-t-il par une moindre appétence des salariés ou par des difficultés d'accès ?

Les centres d'information et d'orientation (CIO) de l'éducation nationale sont très malmenés. Comment les intégreriez-vous dans le service public de l'orientation ? D'autre part, si les régions pilotent l'orientation, comment l'Etat garantira-t-il aux citoyens un égal accès en tout point du territoire aux formations, qui doivent, certes, être adaptées aux bassins de vie ?

Enfin, parce qu'il faut bien parler de finances, la demande de fonds propres de l'Afpa vous semble-t-elle justifiée ? Si oui, comment procéder ?

Le fait d'avoir un service public de formation qui répondrait aux critères des SIEG permettrait-il d'échapper à certains appels d'offres qui le mettent en difficulté ?

Vous l'avez compris : nous sommes attentifs à l'action de votre ministère. Mais quel serait l'avenir du ministère de la formation professionnelle dès lors que la politique de formation serait régionalisée ?

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre

Je veux d'abord réaffirmer ce qui peut apparaître comme une contradiction : dans le cadre de la décentralisation, les régions resteront prééminentes ; leur rôle d'animation, leur bloc de compétences seront confortés. Mais il n'empêche que l'Etat doit fixer les règles essentielles du service public de l'orientation et de la formation. La décentralisation n'est possible que si l'Etat est fort, stratège, et qu'il indique les grands axes de la politiques de formation professionnelle. Les règles seront élaborées dans le cadre d'un dialogue avec les deux chambres du Parlement. Il reviendra ensuite aux régions d'adapter la politique nationale de formation professionnelle aux exigences de leurs territoires, et le cas échéant de dépasser le cadre minimum ainsi défini. Les lois de décentralisation de 1982 n'ont pas conduit l'Etat à abandonner des politiques. En l'occurrence, il devra se recentrer sur sa responsabilité : assurer qu'en chaque point du territoire les demandes d'orientation et de formation professionnelles trouvent une réponse identique.

Les déclarations du Président de la République sont claires : les politiques de formation professionnelle et de développement économique vont de pair. La politique de l'emploi reste une politique nationale, mais l'Etat doit l'harmoniser avec la politique de formation professionnelle mise en oeuvre par les régions. Cela implique qu'il conserve un certain nombre d'outils permettant d'assurer une péréquation.

En matière de formation des personnes handicapées, des détenus, des travailleurs migrants, des Français de l'étranger, l'Etat va transférer aux régions les compétences qu'il avait gardées jusqu'ici, ainsi que les ressources correspondantes provenant du fonds social européen (FSE). Je souhaite toutefois que l'Etat conserve une partie des ressources du FSE pour permettre une péréquation entre les régions. Les Plie et les missions locales, structures très aidées par le FSE, devraient bénéficier de la décentralisation : le montage des dossiers devrait gagner en rapidité, leur gestion à l'échelon de proximité devrait gagner en efficacité. Cela étant dit, la décentralisation des outils de formation professionnelle devra s'accompagner de la définition d'un cahier des charges national afin que la qualité de service reste la même partout en France. Les Plie et les maisons de l'emploi ont vocation à rester partie prenante du service public de l'emploi, au-delà de l'acte de décentralisation, et à être toujours financées par le FSE, en dépit des incertitudes qui planent sur les négociations actuellement en cours pour son abondement sur la période 2014-2020. Chaque pays a en effet sa propre analyse des fonds structurels qu'il conviendra de privilégier à l'avenir. Je remercie à ce propos votre commission de relayer l'importance, pour la permanence des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle, de maintenir en l'état le FSE, même si d'autres fonds, comme le fonds européen de développement régional (Feder), présentent des avantages indéniables.

J'en arrive à la rémunération de fin de formation (RFF). Comment allons-nous trouver les moyens de continuer à rémunérer des personnes se trouvant dans un cycle de formation plus long que leur durée d'indemnisation par l'assurance chômage ? C'est une question sensible : auparavant, on a fait porter cette responsabilité aux partenaires sociaux en ponctionnant 300 millions d'euros dans le FPSPP, dont une partie permettait de financer la RFF. Nous avons décidé de ne plus ponctionner ce fonds, mais, dans le cadre d'un dialogue renouvelé avec les partenaires sociaux, nous espérons que la ligne budgétaire correspondant à la RFF pourrait être abondée, de manière volontariste, par le FPSPP. A ce jour, les partenaires sociaux sont favorables à l'apport de 60 millions d'euros sur les 120 millions qui seront nécessaires pour financer le dispositif en 2013. En tout état de cause, je ne présenterai pas d'amendement pour ponctionner le FPSPP.

Comme Caroline Cayeux, je suis sensible à la notion de formation tout au long de la vie. Et je ne m'interdis pas de reprendre les idées de bon sens avancées par les uns ou les autres. Je pense notamment au rapport de la sénatrice Patricia Schillinger ou à celui de Gérard Larcher, rendu public au printemps dernier.

Un mot sur le droit à la formation et la GPEC. Plusieurs d'entre vous ont souligné la nécessité de considérer la formation comme un investissement. C'est une évidence qui doit être réaffirmée car c'est un des derniers leviers qui reste dans les mains des pouvoirs publics pour améliorer la compétitivité de l'économie française. En effet, la compétition internationale impose un certain nombre de contraintes à la France : prix de l'énergie, prix des matières premières, concurrence des pays à bas coût de main d'oeuvre, parité euro-dollar... En revanche, la qualité de la formation de nos concitoyens, leur capacité à anticiper les mutations économiques, sont des éléments sur lesquels on peut encore agir. Je n'ai de cesse de répéter à mes collègues que dans la compétitivité hors coût, on ne doit pas sous-estimer la formation. On peut même anticiper, en améliorant l'articulation de la GPEC et des plans de formation, qui restent des maillons faibles faute d'engagements suffisants au sein des entreprises. Il faut voir là aussi une chance pour les jeunes de France : si on écrit dans le code du travail qu'au moment de la discussion du plan de formation dans l'entreprise, chacun doit avoir oeuvré pour le développement de l'apprentissage, on crée également les bons réflexes pour ceux qui sont en attente d'un emploi.

Le ministre de l'éducation nationale tient le même discours d'ouverture : je vous renvoie à l'article publié dans Les Echos la semaine dernière, dans lequel il affirme la nécessaire ouverture de l'éducation nationale aux entreprises et prône une meilleure information sur les débouchés. Cela ne doit toutefois pas porter atteinte à la mission première de l'éducation nationale qui est d'apporter un savoir. Concernant la création du service public de l'orientation, ce n'est certes pas une partie facile, en raison du poids du passé et du nécessaire respect des statuts. Mais faire travailler ensemble tous ceux qui sont sur différents segments de l'orientation sera, à terme, un enrichissement pour chacun d'entre eux, j'en suis convaincu. C'est en outre la condition d'une harmonisation par le haut des renseignements obtenus par nos concitoyens à l'entrée dans n'importe quelle structure d'accueil.

L'adéquation entre offre et demande de formation dépend notamment de la capacité à définir l'offre à l'intérieur d'un bassin d'emploi. Il faut d'abord améliorer la réactivité du prescripteur de l'offre de formation : le délai moyen entre la prescription et l'entrée dans la formation est aujourd'hui de six mois. Des objectifs de réduction de ces délais seront fixés avec les différents prescripteurs - Pôle emploi, missions locales, Cap emploi pour les personnes handicapées... - sous la houlette des régions. Ensuite, afin de fournir au demandeur de formation l'intégralité du panel d'offres disponibles, nous reprenons le travail sur le système d'information Dokelio, qui permettra d'inscrire directement les personnes dans les modules de formation dont on connaîtra alors la disponibilité.

La définition d'un SIEG permettra d'avoir des commandes beaucoup plus rapides qu'elles ne l'étaient auparavant, lorsque les appels d'offres se concluaient trop tard pour que les milliers de personnes en attente d'un dispositif de formation puissent in fine en bénéficier. Elle autorisera une procédure de mandatement et de commande directe dont pourront bénéficier les organismes de formation publics et privés dotés d'un agrément accordé localement.

Concernant l'Afpa, deux questions se posent : celle de son patrimoine et celle de ses fonds propres. Vous avez auditionné Yves Barou, que je recevrai dans quelques jours, et je me réjouis que vous ayez trouvé une convergence entre nos propos. Toutefois, même si je vous indique que je recherche la manière de procéder au transfert de patrimoine et à supposer que je sois favorable à une recapitalisation, cela ne résoudra pas le problème de la pérennité de l'Afpa. Il est nécessaire que la nouvelle direction nous présente son projet d'adaptation de l'outil à son nouveau contexte. C'est incontournable car cet outil n'a pas été suivi comme il aurait dû l'être, à tel point qu'il faut en redéfinir le périmètre. Vous avez dû noter des signes positifs dans l'action de l'Etat au cours des derniers mois. Ainsi en août, pour prendre en charge des frais engagés sur le bâti, le ministère a obtenu 20 millions d'euros qui ont été versés à l'Afpa. Par ailleurs, un amendement a été voté dans le projet de loi sur les emplois d'avenir pour sécuriser le paiement d'une vingtaine de millions d'euros de commandes faites par l'Etat à l'Afpa. Si nous n'avions pas la volonté de faire perdurer l'outil au-delà de l'année 2013, nous ne nous serions pas donné le mal que nous nous sommes donnés en comité interministériel de restructuration industrielle sur la mobilisation du pool bancaire ; nous n'aurions pas sollicité pendant plusieurs mois les régions pour que les modules de formation du mois de septembre soient plus remplis qu'il auraient dû l'être ; nous n'aurions pas sollicité l'association chargée de gérer le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) pour qu'elle passe davantage de commandes à l'Afpa au cours des derniers mois ; nous n'aurions pas, enfin, trouvé de solution avec le ministère de la défense pour qu'il passe une commande de 3,5 millions d'euros à l'Afpa, lui redonnant ainsi une activité qu'il est en mesure d'assumer.

J'en viens au partage entre le département et la région. J'ignore si votre commission sera saisie du projet de loi de décentralisation. Vous pourrez toutefois donner votre avis car la formation professionnelle sera, à n'en pas douter, un élément important du texte porté par ma collègue Marylise Lebranchu. Il y a en effet des ponts à construire : la formation professionnelle à l'échelle de la région ne doit pas négliger ce que font les départements au titre de l'accompagnement du RSA par exemple, ce dont je me rends bien compte en tant que conseiller général.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous l'avez dit, il y encore beaucoup de complexité dans la formation professionnelle. Vous êtes nouvellement nommé à cette tâche, mais vous vous y êtes rapidement attelé. Merci pour vos réponses, monsieur le ministre.