Pour la troisième semaine consécutive, l'Office va procéder à l'examen d'un projet de rapport.
Aujourd'hui, nous allons examiner celui sur « Les enjeux scientifiques, technologiques et éthiques de la médecine personnalisée », présenté par M. Alain Claeys et M. Jean-Sébastien Vialatte.
Avant cela, je tiens à vous rappeler, une fois encore, que, le mercredi 5 février, à 9 heures 30, seront présentés à la commission des affaires économiques du Sénat, à l'origine des saisines de l'Office en 2012, en présence du Premier vice-président de l'Office et de moi-même, deux rapports récemment adoptés par l'Office : celui sur « L'hydrogène : vecteur de la transition énergétique » par M. Laurent Kalinowski et M. Jean-Marc Pastor et celui sur « Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels » par M. Christian Bataille et M. Jean-Claude Lenoir.
Par ailleurs, notre collègue, M. Marcel-Pierre Cléach, est à l'origine d'une audition ouverte à la presse intitulée « Pêches maritimes : comment concilier exploitation et préservation des ressources halieutiques ? », qui aura lieu le jeudi 6 février au matin, de 9 heures à 13 heures, au Sénat, Salle Médicis, faisant suite à son rapport de 2008 sur « L'apport de la recherche à l'évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches ».
Cette audition ouverte à la presse permettra de faire un point sur ce thème d'une actualité brulante, cher à notre Office.
En effet, toutes les données nouvelles montrent que la situation s'est nettement aggravée depuis le rapport de l'Office de 2008. En tout cas, tel est mon sentiment mais je serai heureux d'être démenti par les intervenants présents à cette audition. Malheureusement, je crains qu'il n'en soit rien.
Je donne maintenant la parole à nos deux rapporteurs afin qu'ils nous présentent leurs travaux sur la médecine personnalisée.
Le sujet de ce rapport démontre encore une fois que l'OPECST remplit bien sa mission d'exploration des sujets scientifiques en avant-garde pour identifier et analyser les problèmes d'ordre juridique ou éthique. Alors que la notion de « médecine personnalisée » était encore mystérieuse au moment du lancement du rapport, elle s'est imposée au cours des derniers mois dans le champ des préoccupations des pouvoirs publics, notamment, en octobre dernier, avec le rapport de Mme Anne Lauvergeon, « Innovation 2030 », qui fait de cette médecine l'un des sept axes stratégiques d'innovation pour la France. L'étude de l'Office était donc prémonitoire.
Avec le terme «personnalisée», on est confronté à la difficulté d'une traduction de l'anglais, avec la tendance des scientifiques à simplement franciser les termes plutôt que de les traduire. Le rapport de Mme Anne Lauvergeon évoque plus judicieusement la notion de médecine « individualisée », terme plus correct en français, mais qui pose la question de ce que serait la médecine si elle ne visait pas justement depuis toujours à soigner chaque personne pour les maux dont elle souffre. Il s'agit en fait aujourd'hui, d'une médecine «stratifiée » plus que d'une médecine véritablement «individualisée» pour des raisons évidentes d'économie d'échelle dans la production des tests et des médicaments.
La Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a saisi l'OPECST d'une demande d'étude sur les enjeux scientifiques, technologiques, éthiques de la médecine dite personnalisée. Dans l'étude de faisabilité, nous indiquions que la définition de cette médecine était malaisée. Toute bonne pratique médicale est, par essence, « personnalisée. Chaque expert a sa définition de cette nouvelle notion. Pour le Pr Axel Kahn, mieux vaudrait parler de médecine de prévision. Quant à la Commission « Innovation 2030 », elle évoque le concept de médecine individualisée car la manière de se soigner en 2025 sera différente de l'actuelle.
Nous avons organisé le rapport en trois parties : d'abord l'étude du changement de paradigme dans l'approche de la maladie et du traitement, puis les implications pour le secteur de la santé, et, enfin, les garanties à donner aux citoyens face aux enjeux éthiques de la médecine personnalisée.
Le changement considérable de paradigme dans l'approche de la maladie et du traitement résulte de progrès scientifiques et technologiques importants. L'analyse biologique expérimentale et appliquée est passée récemment à une approche globale. Les techniques de séquençage du génome ont connu une évolution de grande ampleur en termes de rapidité et de coûts. La première version du génome entier a été publiée en 2001 et, à partir de 2006, de nouvelles techniques de séquençage plus rapides apparaissent. Elles permettent aujourd'hui de séquencer plusieurs génomes en 24 ou 48 heures. La baisse des coûts est drastique : d'environ 2,7 milliards de dollars sur quinze ans pour le premier génome humain à un montant compris entre 1 000 et 3 000 dollars aujourd'hui.
En France, ces dernières années, on constate une accélération dans l'évolution des équipements des hôpitaux, grâce au financement des projets « équipements d'excellence » (EQUIPEX) dans le cadre du grand emprunt ; s'y ajoutent vingt-huit plateformes de l'INCa, dédiées aux traitements du cancer. Les infrastructures françaises en génomique sont variées et réparties sur tout le territoire. Cependant se pose la question de la création d'un centre de référence d'intérêt national capable d'effectuer une analyse génétique globale grâce à des séquenceurs à très haut débit de troisième génération, avec des moyens d'analyse et de stockage importants. Il s'agit là d'un problème de souveraineté nationale pour éviter de sous-traiter l'analyse de génomes entiers à l'étranger et sauvegarder en France les données y afférentes. Certains experts ont explicitement fait référence à une extension possible, à l'horizon 2015, des capacités de l'Institut de génomique du CEA, qui travaille en coopération avec l'INSERM et participe à l'effort de recherche dans les sciences du vivant dans le cadre de l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN).
S'agissant des autres techniques, on observe une extension de l'usage des puces à ADN qui, pour celles de dernière génération, ont la capacité de contenir et d'analyser environ 50 000 polymorphismes. Ces puces sont développées en production industrielle et le passage du laboratoire à l'industrie s'est accompagné d'une amélioration de la qualité ; ce sont des dispositifs simples. Dans un avenir proche, un projet de carte d'identité métabolique permettra d'adapter la posologie des médicaments aux patients. La diversité des thérapeutiques personnalisées est grande, telles la thérapie génique et la thérapie cellulaire ; cette dernière bénéficie désormais, en France, de la modification de la loi de bioéthique de 2011, car la loi du 6 août 2013 pose le principe d'autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine.
C'est en oncologie que la médecine personnalisée se développe depuis la fin des années 1990 avec l'émergence des thérapies ciblées et l'usage de l'Herceptine dans le cancer du sein. En France, l'INCa joue un rôle moteur dans le développement des thérapies ciblée, grâce aux 28 plateformes et aux 17 thérapies ciblées qui sont accessibles à tous les patients. La structuration française est unique au monde, puisque tous les patients du territoire, où qu'ils soient traités, ont leur tumeur testée et séquencée pour détecter les anomalies génétiques. Cela concerne les cancers colorectaux, ceux du poumon, les leucémies, les cancers du sein. On estime qu'entre 90 ou 100 nouveaux médicaments ciblant des anomalies spécifiques seront disponibles dans les années à venir. Cependant, selon les experts, si l'on entre bien dans l'ère de la médecine personnalisée, on pratique actuellement une médecine stratifiée. On se dirige vers une nouvelle nosologie fondée sur le génome tumoral. Désormais certains oncologues se demandent si donner le traitement ciblé correspondant à la détermination du profil moléculaire de la tumeur chez chacun des patients atteints d'un cancer, est une stratégie plus efficace que la détermination des traitements à partir de la localisation organique de la tumeur, comme cela se fait actuellement à l'hôpital.
Par ailleurs, des tentatives de modélisation des traitements par l'utilisation d'un avatar personnalisé de cancer offre la possibilité d'essayer plusieurs combinaisons de molécules et même de faire des erreurs, avant de commencer véritablement le traitement. C'est la direction que prennent plusieurs équipes de recherche. Cette technique du double biologique, en général un rongeur, ne se limite pas au cancer, elle est exploitée pour analyser in vivo le cas de personnes souffrant ou risquant de souffrir de diabète de type 1.
Les techniques de médecine personnalisée sont également utilisées pour comprendre les inégalités devant les maladies infectieuses ou les raisons de non réponse à un vaccin. Pour le Sida, on constate que chaque mutation du virus signifie une résistance à une molécule ; on personnalise alors le traitement en fonction du virus et du patient.
S'agissant des maladies chroniques, de nombreux gènes responsables du diabète et de l'obésité ont été identifiés. Il est possible d'adapter le traitement en fonction des caractéristiques génétiques du patient. Cela a abouti à définir des profils dont les particularités permettent de mieux savoir ce que seront les réponses au traitement et les préconisations. On est donc conduit à des soins plus personnalisés du diabète.
Des évolutions relevant de la médecine personnalisée sont à l'oeuvre dans les maladies rares qui représentent d'importants enjeux de recherche, car elles servent de modèle de développement de médicaments. Environ 80 % de ces maladies sont d'origine génétique, et l'explosion actuelle des techniques diagnostiques permet une meilleure approche de leur origine, et parfois de leur traitement.
Les maladies rares sont graves, puisque le pronostic vital est en jeu dans la moitié des cas, et elles sont à l'origine d'un tiers de la mortalité infantile, de 10 % de la mortalité entre un et cinq ans et de 12 % entre cinq et quinze ans. Les maladies rares ont donné naissance, avec ces premières thérapies ciblées, à de vraies innovations de rupture, à partir de thérapies géniques, de l'ARN, cellulaires. Dans ce contexte, la médecine personnalisée modifiera la différence entre les maladies rares et les maladies dites fréquentes, en faisant de ces dernières l'équivalent d'une myriade de maladies rares pour ce qui concerne les traitements.
Aussi un bouleversement socio-économique est-il à l'oeuvre dans le secteur de la santé. Les nouveaux outils technologiques utilisés par la médecine personnalisée génèrent une quantité d'informations considérable, désormais largement en possession du patient lui-même. Tout un corps numérique est en train d'apparaître à côté du corps réel ce qui induira une évolution de la relation médecin-malade, soit parce que le médecin en saura trop par rapport à un patient qui souhaite ne pas savoir, soit parce que le patient viendra le consulter avec les résultats d'un test dans son téléphone portable. Le praticien se voit également contraint de respecter un modus operandi et des protocoles de soins plus ou moins rigides, ce qui ne lui laisse qu'une marge réduite d'appréciation. La relation médecin-malade deviendra un colloque singulier avec une augmentation colossale du volume d'informations, et l'intervention fréquente de tiers scientifiques, mathématiciens, physiciens, d'ingénieurs, bio informaticiens spécialisés. Le patient se trouvera face à de multiples interlocuteurs. L'intervention de la médecine se fera plus tôt dans la vie des personnes, car les possibilités médicales permettront d'anticiper une pathologie susceptible d'apparaître cinq ou dix ans plus tard. La limite entre le normal et le pathologique deviendra de plus en plus délicate à cerner : l'avenir sera sombre pour les hypocondriaques.
La multiplicité des informations dont disposera le patient induira une responsabilité accrue de sa part dans la prise en charge de sa propre santé ; la tentation de lier l'assurance-maladie au comportement du patient sera forte. La médecine personnalisée déchire le voile d'ignorance de l'avenir pour le patient, sa famille, voire pour les tiers, ce qui n'est pas sans conséquences éthiques et juridiques.
Cela appelle une réforme de la formation des personnels de santé ; tous les experts rencontrés ont insisté sur la nécessité d'un décloisonnement des disciplines scientifiques entre elles, sur l'importance d'un enseignement en informatique adapté et sur la nécessité d'introduire des sciences humaines et sociales dans ce contexte évolutif. La question de la formation des futurs professionnels de santé apparaît cruciale. C'est d'ailleurs l'un des cinq piliers de la stratégie nationale de santé. Les études de santé ne répondent pas à ces attentes, car l'un des écueils de la formation médicale aujourd'hui réside dans l'explosion énorme du corpus de connaissances. L'élaboration de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de juillet 2013 a été l'occasion d'en débattre. Les propositions vont toutes dans le sens d'une réforme en profondeur. Le rapport de notre collègue, M. Jean-Yves Le Déaut recommande une spécialisation plus progressive au cours des trois années de licence. Le Pr Patrick Berche, doyen de l'Université de Paris-Descartes propose la suppression du concours de la première année d'étude de santé (PACES) et de nouveaux cursus. La loi sur la recherche et l'enseignement supérieur prévoit la mise en oeuvre, dès 2014, de dispositions expérimentales pendant six ans dans toutes les formations de santé. La loi vise à diversifier le recrutement des professions médicales et pharmaceutiques en développant des passerelles. De plus, il faudra renforcer et adapter le système de formation continue.
Par ailleurs, on s'oriente vers un nouveau modèle de recherche et développement (R&D) pour l'industrie pharmaceutique. La subdivision de tout champ pathologique en un très grand nombre de sous-domaines, chacun justifiable d'un traitement particulier, marque la fin presque généralisée du modèle de produit à forte valeur ajoutée (blockbuster) sur lequel l'industrie pharmaceutique reposait jusqu'à présent. Or, parallèlement, on observe une baisse de l'innovation et des bénéfices de l'industrie pharmaceutique. En effet, la plupart des médicaments les plus vendus tombent ou tomberont dans le domaine public à court ou moyen terme.
La mutation du monde pharmaceutique a commencé en 2004-2005, indépendamment de la médecine personnalisée, à la suite du scandale autour du médicament Vioxx. Merck, l'un des premiers laboratoires pharmaceutiques, a été mis en péril par les actions collectives (class actions) et autres procès intentés contre lui. D'après le Pr Laurent Degos, cette affaire a conduit différents laboratoires à arrêter ou limiter la recherche de traitements innovants pour de grandes populations, et à s'en tenir à des traitements pour des populations de 1 000 à 2 000 personnes dans chaque pays, car si un accident survient une fois sur 20 000 patients, il faudra dix ans pour qu'il survienne une fois. En application de ce raisonnement, le risque d'être poursuivi pour un accident causé par un médicament devient quasi nul. Dès lors, l'industrie pharmaceutique a considéré que, pour le moment, les vieilles molécules, souvent des génériques, étaient suffisantes pour traiter de grandes populations et des maladies fréquentes. De plus, elle y voit une opportunité de ressortir certains médicaments qui ne semblaient guère efficaces statistiquement, dénommés « les anges déchus ».
Désormais, l'industrie pharmaceutique s'intéresse non plus au seul médicament, mais au couple médicament-test diagnostique (le test compagnon). Cette évolution exige une diversification de compétences allant du diagnostic in vitro au dispositif médical. Pour un médicament donné, il s'agit, par ces tests, d'identifier les sujets répondeurs et non répondeurs ainsi que ceux qui pourraient provoquer un effet indésirable afin d'adapter la dose à chaque individu. La médecine personnalisée implique alors le développement simultané d'un test compagnon, un deuxième produit qui permet de déterminer si le médicament sera efficace ou non sur tel ou tel patient. Il faut, dans l'intérêt des malades, arriver à un compromis entre le désir d'une mise à disposition rapide des nouveaux produits, reposant parfois sur des dossiers insuffisamment étayés, et le désir d'une mise à disposition la plus sûre possible, sans transiger sur la sécurité des patients.
L'incitation à la recherche et au développement de tests génétiques prédictifs ou diagnostiques assortis à une thérapie ciblée dépend des solutions qui seront trouvées pour résoudre les questions de brevetabilité et de propriété industrielle liées à ces textes. Au-delà de la méthode de traitement, la médecine personnalisée doit prendre une forme concrète pour que les spécialistes de la propriété industrielle puissent lui assurer une protection juridique. L'Office européen des brevets ne permet pas aujourd'hui de breveter de telles méthodes.
Cette problématique induit une tension depuis vingt ans entre, d'une part, les sociétés de médecine moléculaire, alliées aux associations de patients et, d'autre part, les entreprises qui détiennent des brevets larges de gènes. Aux États-Unis, plusieurs procédures judiciaires sont emblématiques, notamment l'affaire Myriad Genetics qui a mis aux prises, d'un côté, des représentants de la communauté scientifique et des associations de citoyens et, de l'autre, Myriad Genetics ; elle s'est terminée, après une longue procédure émaillée de décisions contradictoires, par une décision de juin 2013, réduisant largement la possibilité de breveter un gène. Pour éviter des brevets très larges portant sur des gènes, certaines solutions comme le recours à des « communs » sont envisageables. Ce sont des entités juridiques proposant de nouveaux usages du droit de la propriété intellectuelle, en fractionnant les différents attributs de cette propriété pour les partager entre différentes parties prenantes.
Il faudra garantir l'équité et l'information des citoyens face aux enjeux éthiques de la médecine personnalisée. Quand on disposera de tests prédictifs ou de marqueurs biologiques suffisamment convaincants au niveau scientifique, nombre de questions devront être soulevées. Quand effectuer les tests ? À quel âge ? Avec quelle périodicité ? Pour quelle partie de la population et avec quelle prise en charge ? Quel sera l'accès à la prévention et pour quel coût, sachant que la prévention précoce pourrait être efficace, mais qu'il ne faudrait pas pour autant inquiéter les patients inutilement ? Or, d'ores et déjà, une partie de ces questions se pose, car le rôle des tests génétiques à valeur prédictive s'accroît.
En effet, la médecine personnalisée inclut largement la médecine prédictive ou de prévision dans son champ. Largement fondée sur l'analyse génétique, elle conduit à un recours large aux tests génétiques, ce qui induit des interrogations d'ordre éthique et sociétal que nous avions abordées en 2008, dans le cadre de l'OPECST, lors de l'évaluation de la loi relative à la bioéthique, et au cours de l'audition publique organisée, en 2011, par M. Claude Birraux et M. Jean-Louis Touraine sur les maladies monogéniques. Les interrogations, observations et recommandations émises alors restent encore d'actualité alors même que l'usage des tests s'étend. À mesure que l'accès au séquençage à haut débit, voire à très haut débit se développe, le recours aux tests génétiques tendra à s'accroitre.
D'après l'Agence de la biomédecine, on constate une augmentation vertigineuse du nombre de tests effectués entre 2009 et 2012. La loi règlemente le recours aux examens génétiques, leur prescription, le rendu des résultats. Ces dispositions introduites pour la plupart d'entre elles par la loi relative à la bioéthique de 2004 ont été peu modifiées par la loi de 2011, sauf en ce qui concerne l'information de la parentèle. L'Agence de la biomédecine a élaboré, en liaison avec la Haute autorité de santé, un arrêté en mai 2013 définissant les règles de bonnes pratiques applicables à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales.
L'évolution rapide des technologies s'accompagne de la volonté d'assurer aux patients une information fiable sur les bénéfices attendus des examens génétiques pour leur permettre de distinguer entre des examens génétiques prescrits dans un contexte médical, et cette sorte de génétique récréative que suscitent les tests en libre accès sur Internet, accessibles sur une quarantaine de sites. Ces tests proposent, pour 100 ou 200 dollars, de rechercher les mutations les plus fréquentes, ce qui est finalement assez rapide, des machines étant disponibles à l'étranger pour traiter l'information en quantité. Ces tests, qui sont généralement des tests de susceptibilités faussement rassurants ou inquiétants peuvent être dangereux, car, en dehors de tout cadre protecteur, on tend à faire croire aux personnes qui les utilisent qu'elles ne risquent pas de développer telle ou telle maladie ou, à l'inverse, on les angoisse à tort en focalisant leur attention sur d'autres pathologies dont elles ne seront pas atteintes. La régulation est difficile à mettre en oeuvre.
Quant aux aspects éthiques relatifs aux tests génétiques, le seul texte juridique international contraignant est la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe, dite Convention d'Oviedo, qui limite l'utilisation des tests génétiques prédictifs de maladie aux seules fins médicales ou de recherche médicale, et interdit toute forme de discrimination à l'encontre d'une personne sur la base de son patrimoine génétique. Sur la base de ces principes, un nouvel instrument juridique, complétant les dispositions de la Convention dans le domaine des tests génétiques à des fins médicales, a été élaboré : c'est le Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, relatif aux tests génétiques à des fins médicales.
La valeur prédictive des tests et son impact est débattue de manière récurrente. Le développement des tests pose des questions sur la précision technologique et la fiabilité des analyses. Aujourd'hui, les diagnostics prénataux (DPN) et préimplantatoires (DPI) sont strictement encadrés en France. Or le séquençage à très haut débit et les possibilités nouvelles de prélever l'ADN du foetus dans le sang maternel changent la donne. Plusieurs sortes de tests se développent, des tests génétiques prénuptiaux visent principalement à lutter contre la transmission de maladies génétiques à forte prévalence dans certaines populations. Progressivement, ces tests se diversifient et couvrent de plus en plus de pathologies génétiques. Ils se diffusent notamment aux États-Unis, en Israël, en Asie et dans les pays du Golfe. La notion de risque d'apparition d'une maladie commence à être prise en compte dans le cadre du diagnostic préimplantatoire (DPI), avec des risques de dérive eugéniste vers la quête de l'enfant parfait.
La médecine prédictive pourrait être détournée de sa fonction sanitaire et être exploitée à des fins non médicales, dans le domaine des assurances et du travail. L'individualisation des risques pourrait avoir un impact important sur les mécanismes d'assurance. La prédiction lèverait le « voile d'ignorance » sur lequel repose le principe de la mutualisation du risque. Certes, actuellement, l'état de santé est déjà pris en compte dans les contrats d'assurance. En effet, contrevenir au principe de bonne foi en cachant une pathologie ou des antécédents médicaux et familiaux à un assureur peut provoquer une annulation du contrat. De plus, la détermination de risques de santé pourrait aussi intéresser les employeurs. Elle risquerait alors d'être utilisée soit pour introduire une sélection à l'embauche, soit pour gérer les ressources humaines.
La protection et la gestion des données personnelles issues des tests est complexe. Il s'agit de données personnelles, identifiantes, et pour partie invariantes tout au long de la vie. En France, il existe un cadre juridique protecteur des données génétiques que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est chargée de faire respecter. Cependant, vis-à-vis de ces vastes bases de données qui se constituent aujourd'hui grâce aux outils technologiques puissants dont on dispose, de nombreuses règles de la législation sur l'informatique et les libertés sont remises en cause, telle la durée de conservation des données limitée à la finalité de la recherche. En effet, comment assurer le respect du droit des personnes, quand la recherche est appelée à durer très longtemps, et à évoluer ? On ne pourra pas redemander un consentement à chaque étape et, de plus, certaines personnes disparaîtront avant le terme de la recherche. Des exemples de ré-identification, à partir de données minimales anonymisées contenues dans des bases à accès ouvert, ont été récemment décrits. Il faudra donc trouver un système qui garantisse à la fois une qualité de la recherche, une certaine réactivité de celle-ci, et en même temps la confidentialité des données du patient. Toutes les données personnelles du dossier médical doivent être sauvegardées, et protégées de la même façon. Le dossier médical personnel (DMP), en cours d'informatisation, sera concerné au premier chef, car il devra inclure les données génétiques.
Le stockage et le partage d'énormes banques de données constituent un problème important. Les outils de stockage sont d'une dimension nouvelle, et seront difficiles à contrôler. Comment collecter, rassembler et archiver les informations ? Qui aura obligation de stocker les données, alors que celles susceptibles de circuler exigent des espaces considérables ? Pour être utiles, interprétables, ces données doivent pouvoir transiter, ce qui suppose une fiabilité extrême des circuits, donc des accès sécurisés et, surtout, des systèmes d'anonymisation fiables. Est-on suffisamment avancé dans ces techniques pour pouvoir les garantir ? Qui va gérer l'organisation du stockage des données : une ou plusieurs institutions ? Une sorte de CNIL de la santé ?
L'accès aux bio-banques et la propriété des données sont un enjeu essentiel eu égard à leur importance pour la recherche. Qui en est propriétaire ? Le patient, celui qui a réalisé l'examen ou la collectivité qui a payé l'examen ? Il existe, en principe, une règle aujourd'hui en vertu de laquelle chacun est propriétaire de ses propres données médicales, mais l'Islande a vendu les données génétiques de sa population à une firme privée. Les risques d'appropriation des données existent donc. Cependant, l'avenir de la médecine personnalisée implique un partage public de larges collections de données.
Il faut veiller à garantir un accès équitable de tous aux soins, limiter la médico-surveillance, et lutter contre les risques d'exclusion des groupes de patients qui ne seront pas traités parce qu'ils seront classés non-répondeurs au traitement. C'est un des aspects inégalitaires de cette médecine. Il faut, en tout état de cause, promouvoir l'éducation à la santé par une information très ciblée sur certaines populations défavorisées. Il faudra donc veiller à maintenir un juste équilibre entre la pression collective engendrée par la demande de traitements ciblés et le maintien de la solidarité du système de santé publique. Compte tenu des bouleversements engendrés par la médecine personnalisée, il faut organiser rapidement des débats publics pour en expliquer les avancées, et les risques.
Ainsi, du point de vue de l'OPECST, cinq sujets sont à suivre. Premièrement, la médecine personnalisée doit s'inscrire dans les thèmes de recherche et représenter une priorité pour la France, qui doit être présente dans ce secteur ; c'est pourquoi il faut appuyer la création d'un Centre national de séquençage. Deuxièmement, la relation singulière médecin-malade doit s'inscrire dans un parcours de soins, ce qui, au niveau de la formation des personnels de santé, est insuffisamment pris en compte, alors que cela doit devenir une priorité. Troisièmement, les enjeux sont importants au niveau de la recherche, du développement et de l'innovation, car il s'agit de faire entrer, dans le cadre de la propriété intellectuelle, des méthodes de traitement sans breveter les acquis de la connaissance ; la France doit prendre position dans ce débat européen qui nous ramène vingt ans en arrière au moment de la transposition de la directive européenne sur la brevetabilité du vivant ; notre action n'avait pas abouti alors. Quatrièmement, la protection des données doit susciter un regain de réflexions : la loi de bioéthique suffit-elle ? Exige-t-elle des aménagements ? Cinquièmement, il conviendra de concilier le financement de la médecine en partie stratifiée, personnalisée et la solidarité ; cela nécessite des débats publics incluant les associations de malades pour éviter les contre-sens et les espoirs injustifiés.
Voici les principales préconisations que nous avons regroupées et détaillées en sept points : la préparation des institutions françaises au changement de paradigme induit par la médecine personnalisée, la réforme de la formation des personnels de santé, l'aide au développement des traitements ciblés, l'information de la valeur prédictive des tests génétiques, la garantie d'un égal accès de tous les citoyens aux nouvelles thérapies, la protection des données personnelles de santé et l'information des citoyens sur la médecine personnalisée. À ces nouvelles préconisations s'ajoute la reprise de recommandations antérieures figurant dans d'autres rapports de l'OPECST.
Je vous félicite et vous remercie d'avoir mis en valeur l'apport des rapports précédents et repris des recommandations antérieures de l'Office. Je m'interroge sur la diminution de la durée des essais préalables aux autorisations de mises sur le marché (AMM) : avez-vous des raisons particulières pour estimer qu'une accélération à ce niveau est exempte de risques sérieux pour le malade ? S'agissant de l'idée de renforcer la sécurité des données de santé, notamment en sécurisant le futur dossier médical personnalisé, quelles seront les garanties techniques ? Une formation en informatique donnée à tous soignants est certes très souhaitable, mais, connaissant la situation des établissements de santé, leurs difficultés financières et le manque de temps des soignants, n'est-ce pas une recommandation déconnectée de la réalité ? Dans l'ensemble, vos recommandations très techniques n'excèderaient-elles pas la capacité moyenne d'implication du malade quel que soit d'ailleurs son niveau d'instruction ? Que pensez-vous de la nouvelle lentille de contact mise au point par Google pour permettre aux diabétiques de disposer d'une détection immédiate de leur taux de glucose dans le sang ? Cette information étant transmise immédiatement au téléphone portable de l'intéressé, quelle est la fiabilité d'un tel procédé alors que cette donnée essentielle peut-être interceptée, voire modifiée ? Êtes-vous informés de ce développement technique effectué par un acteur nouveau dans le domaine de la santé ? Partagez-vous mes réserves à cet égard ? Par ailleurs, dans la logique de votre analyse sémantique initiale, le titre du rapport ne devrait-il pas être précisé ?
On manque de bio-informaticiens et de structures capables d'en faire émerger, car ce n'est pas aisé dans notre organisation et avec notre structuration de la recherche. C'est un sujet important auquel nous avons été sensibilisés par de nombreux experts, particulièrement lors de notre visite au Génopole d'Évry. On manque de passerelles entre les différentes disciplines scientifiques.
L'autorisation de mise sur le marché (AMM), telle qu'on la conçoit en médecine personnalisée, s'inspire de ce qui existe pour les maladies rares et le diabète. En effet, on génère des groupes et des sous-groupes de plus en plus étroits, et on s'oriente vers des mises sur le marché conditionnelles impliquant une grande vigilance.
Google s'intéresse de très près à la santé et à la médecine personnalisée qui exige des moyens de stockage des données importants. Or Google, comme d'autres opérateurs de l'Internet, dispose de moyens de stockage et d'analyse des données considérables. Ces entreprises deviennent, et deviendront, des acteurs incontournables du secteur de la santé sauf si les États s'impliquent. Quant au piratage, on constate qu'actuellement tout est connecté et les données de santé pourraient l'être en tout premier lieu, compte-tenu de l'importance qu'elles revêtent.
Raccourcir les délais d'autorisation de mise sur le marché (AMM), ou faire des essais post-AMM, si cela n'entre pas dans le renforcement d'un plan de pharmacovigilance ou une autorisation temporaire d'utilisation, c'est un sujet explosif au plan des concepts ; mieux vaudrait éviter une telle préconisation. Comment maintenir la solidarité et la protection sociale quand, déjà actuellement, on observe une tentative de s'extraire du système public et d'aller vers des organismes privés moins onéreux ? La médecine personnalisée renforcera ces tendances, et cela ouvre un champ immense de discussions.
Je me félicite de ce rapport. J'observe la pertinence de décrire la médecine sur mesure ou de précision par rapport aux « 4P » : Personnalisée, Préventive, Prédictive, Participative.
Les connaissances sur le génome permettent aujourd'hui de brosser le portrait moléculaire de chaque patient, mais le coût en reste élevé. On peut désormais être caractérisé par ses gènes, et les premières conclusions ont été que chacun d'entre nous réagit de manière différente quand on lui administre un médicament notamment en oncologie. Demain, on pourra, grâce à ces techniques, trouver et décider du médicament le mieux adapté pour chacun. De même, grâce à de nouvelles techniques de screening, on pourra réhabiliter d'anciennes molécules. En effet, à propos des « anges déchus », ces anciennes molécules que l'on pourrait utiliser en ciblant mieux leurs potentialités, j'ai visité récemment une start up nancéienne, Harmonic Pharma ; grâce au criblage moléculaire, elle vérifie très vite si une molécule est active. Le rôle considérable de l'informatique dans la modélisation de nouveaux médicaments aura un impact sur les essais cliniques. C'est une véritable révolution que connaîtra la médecine. Cela est d'ailleurs très bien analysé dans le rapport, qui traite également de la nécessité de la recherche.
Aussi, aux sept groupes de recommandations proposées, j'en suggère un huitième qui portera sur la recherche et l'innovation, car ces points sont largement abordés dans le rapport. Je propose de regrouper ces recommandations relatives à ces deux thèmes sous l'intitulé : « Encourager la recherche et le développement ». Il s'agira de reconduire les financements des projets de recherche dans le cadre des investissements d'avenir, notamment en oncologie ; de créer une plateforme de séquençage à très haut débit de recherche et de diagnostic qui se focalise sur les cas spécifiques ; de réactiver le développement de nouvelles molécules ; d'évaluer les potentialités des anciennes molécules en recourant aux nouvelles techniques de criblage de masse (screening) ; de favoriser le développement de la nano-médecine, et de veiller à ce que la convergence des technologies Nano-Bio-Info-Cogno (NBIC) conduise à la création de nouveaux cursus.
Des questions se posent sur le coût élevé du ciblage par de nouveaux bio-marqueurs et des tests : comment y remédier ? Comment gérer les risques des tests à bas coûts en accès libre sur Internet ? Ne faut-il pas intégrer des cours sur la protection des données personnelles au cursus de tous les soignants ? Quel seront le contrôle et la gestion des tests prénataux et néonataux, dès lors qu'il est possible de les effectuer à partir du sang de la mère ? Faudra-t-il modifier les règles concernant les essais cliniques ?
Certains tests génétiques sont en vente libre sur Internet, sans protection des données, sans avertissement quant à leur fiabilité ; les données qu'ils génèrent peuvent être utilisées par les sociétés qui les proposent en ligne. On assiste à la naissance d'une forme de tourisme prédictif, à l'instar de ce qui s'est développé pour la gestation pour autrui (GPA). En effet, actuellement, une entreprise américaine opérant en France propose, en violation de la loi, d'organiser une GPA à l'étranger et de faciliter les démarches, le choix de la mère porteuse, le choix du sexe de l'enfant, etc. Avec les tests en libre accès, on se trouve face à des risques de dérives eugénistes difficiles à contrôler. Ainsi, l'Internet ouvre la possibilité de démarcher une large clientèle internationale pour promouvoir des techniques interdites.
S'agissant de l'évaluation économique, l'industrie pharmaceutique défend son pré-carré, prétend que l'administration des bonnes molécules aux bons patients permettra des économies. Il y existe peu d'études coût-efficacité.
L'anonymisation des données est possible, mais elle est malaisée à maintenir et à garantir. Plusieurs publications ont récemment démontré qu'en croisant différentes données avec une géolocalisation, on parvient à retrouver le nom de la personne concernée. Par ailleurs, concernant la protection des banques de données, l'Islande, sous la pression de ses problèmes budgétaires, a fini par vendre à une société privée les données génétiques de sa population. L'entreprise qui a mené cette opération refuse d'ailleurs de recevoir les parlementaires d'où qu'ils soient.
Les pouvoirs publics islandais ont croisé les données génétiques et les dossiers médicaux de leur population ; après avoir vendu ces fichiers qu'ils ont tenté de revenir en arrière.
Je m'interroge sur l'intitulé du rapport. La médecine personnalisée porte-t-elle sur le soin de la personne en tant que ce qu'elle est véritablement, compte tenu à la fois de son environnement, de sa vie, de son passé, de son histoire, de ses conditions de vie ? À l'inverse, dans le cadre de cette médecine, il semble que la personne soit définie par sa génétique, ce qui est extrêmement réducteur. Car les données de génétique primaire nient l'adaptation de la personne à l'environnement. Le code génétique évolue au cours de l'existence avec les processus de vieillissement. C'est l'une des raisons pour lesquelles le clonage ne fonctionne pas. De fait, seules certaines maladies monogéniques sont concernées. Il faut donc relativiser la puissance des vendeurs de mirage. L'attention devrait être davantage portée sur le patient qui vient se faire soigner avec des pathologies polygéniques. C'est pourquoi l'intitulé devrait être précisé.
Comme c'est l'usage, nous avons repris l'intitulé figurant dans la saisine, mais je vous rejoins. Il y a une ambiguïté que Mme Fagot-Largeault a clairement exprimée. Je cite « La publicité faite pour la médecine dite personnalisée tombe dans un contexte où l'on constate une aspiration à un contact plus personnel, voire à une empathie du médecin, qu'on ne trouve pas, qu'on ne rencontre plus. On s'abrite derrière une formule attirante, rassurante, qui donne une image attractive, mais fausse et c'est très préoccupant ».
On a perdu la bataille de la communication, on se trouve face à une médecine stratifiée, voire une médecine de précision.
Je considère aussi que la médecine personnalisée est une médecine plutôt dépersonnalisante. Dans ce type de médecine, l'individu risque d'être réduit à sa génétique, à une somme de données, à des milliers de mutations ; il devient un point dans un nuage de points.
En réalité, on se trouve en réalité devant une approche génétique de la médecine. Il faudrait en effet changer l'intitulé du rapport.
Comment s'articule la recherche public-privé dans ce domaine ? Comment orienter et encourager les laboratoires de recherche ? Faut-il encourager certaines recherches ? Quel serait le rôle de l'Agence de la biomédecine ?
Cette distinction public-privé n'a plus vraiment de réalité concrète. Il s'agit de savoir sur quoi porteront les investissements publics, comme les investissements d'avenir, par rapport aux recommandations du rapport de Mme Anne Lauvergeon, et de veiller à une concordance entre les investissements publics et les investissements privés. Il faudra peut-être élargir les compétences de l'Agence de la biomédecine, qui joue déjà ce rôle coordinateur dans certains autres domaines de la recherche.
Certaines institutions ou groupes privés joueront un rôle, car un séquenceur Illumina est à la portée d'un laboratoire de taille moyenne ; mais son utilisation n'est pas à la portée de tous. En France, les laboratoires d'analyses génétiques doivent obtenir un agrément de l'Agence de la biomédecine ; il faut maintenir cet encadrement et les règles de confidentialité qu'il implique.
Je félicite les rapporteurs et adhère aux recommandations. La limite de cette médecine dite personnalisée est épigénétique. Or l'acquis importe. L'utilisation de la génétique permet à la médecine de cibler un groupe de personnes en fonction de mutations génétiques communes. On assiste à une modification des paradigmes : la proximité génétique des tumeurs est prise en compte pour un groupe de patients. Ainsi le cancer du poumon se décline maintenant en 150 maladies. On reste cependant dans une démarche de médecine hippocratique, pour laquelle les mêmes causes produisent les mêmes effets.
La médecine dite personnalisée pour la population est, en fait, une médecine individualisée avec ses particularités. Je pose l'hypothèse qu'il faudra reprendre la réflexion d'avant Hippocrate on assistera à un changement radical avec l'avènement d'une médecine individualisée. Cela existe déjà avec le système des antigènes des leucocytes humains (HLA) qui caractérise un individu et qui commande sa réaction immunitaire aux maladies infectieuses. Ce système a permis la survie de l'espèce car il produit des réponses distinctes aux grandes épidémies. Si on intègre les données du système HLA dans la médecine personnalisée, les groupes de patients seront de plus en plus petits ; on en arrivera à une médecine totalement individualisée, notamment dans les biothérapies cellulaires et l'usage des cellules souches ; on modifiera les cellules du malade lui-même ; chaque malade disposera alors d'un traitement qui lui est propre.
Je suggère, avec l'accord des rapporteurs, un nouvel intitulé : « Progrès de la génétique : vers une médecine de précision ? » en conservant l'intitulé actuel comme sous-titre.
Le rapport est adopté à l'unanimité, avec les différentes modifications évoquées.