Commission d'enquête Chiffres du chômage

Réunion du 9 juin 2016 à 16h10

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 16 heures 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Mes chers collègues, nous accueillons à présent M. Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi.

Nous avons souhaité vous entendre afin que vous nous précisiez, près de huit ans après la remise de votre rapport « Emploi, chômage, précarité, mieux mesurer pour mieux débattre et agir », établi au nom du Conseil national de l'information statistique, le regard que vous portez sur les chiffres publiés par Pôle emploi, d'une part, et par l'Insee, d'autre part, et sur la mise en oeuvre des 30 propositions que vous aviez formulées.

Il serait, en outre, utile à notre commission qu'en tant qu'expert, vous nous donniez votre appréciation personnelle concernant les réformes du marché du travail en Europe et leur incidence sur les marchés de l'emploi.

Je vous précise que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle sera captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Baptiste de Foucauld prête serment.

Je vous donne maintenant la parole pour un exposé liminaire d'une quinzaine de minutes, à la suite duquel le rapporteur, M. Philippe Dallier, ainsi que les autres membres de la commission vous poseront leurs questions.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

Je suis très impressionné de comparaître devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour évoquer cette question du chômage à laquelle, en tant que fonctionnaire et militant associatif, je me suis beaucoup intéressé.

Le groupe de travail du Cnis, que j'avais présidé, avait bien travaillé et certaines de ses préconisations avaient été suivies. Parmi les points qui avaient été le moins pris en considération figurait précisément la manière dont on communique sur les chiffres du chômage.

Après coup, une formule m'est venue à l'esprit : nous avons du mal à appréhender la réalité du chômage parce que les chiffres de Pôle emploi sont précis, mais incomplets, et les chiffres tirés de l'enquête Insee plus complets, mais imprécis.

Il faudrait donc arrêter de « fétichiser » sur des chiffres, notamment mensuels, qui présentent un intérêt en termes d'indication de tendance, mais ne témoignent que d'une vérité très partielle.

À l'époque, nous avions proposé d'inverser les priorités en matière de communication, en privilégiant la tenue, chaque année, d'un rendez-vous au cours duquel, en fonction de dossiers préparés par les différentes administrations, on examinerait l'évolution du marché de l'emploi au cours de l'année passée, et ce dans toutes ses composantes.

Cet exercice permettrait de dégager une vision, qui pourrait servir de base à la tenue d'un débat fructueux. Il me semble effectivement que nous avons, en France, de sérieuses difficultés à débattre, de manière posée, de la question du chômage et de l'emploi. Nous sommes loin des discussions qui ont pu se tenir dans un pays comme la Suède, lorsque celui-ci s'est trouvé confronté à des difficultés dans les années 1990.

Voilà donc quelques années qu'avec certains amis, nous plaidons pour des États généraux du chômage et de l'emploi.

Malheureusement, l'agenda politique ne permet pas la tenue de telles assises : les équipes récemment arrivées au pouvoir sont tenues de prendre des décisions rapides et si un gouvernement décidait d'organiser ces rencontres à un stade plus avancé de son mandat, on le soupçonnerait de douter de ses propres choix. Nous avons donc un problème d'éthique de la discussion.

Pourtant une conférence de consensus sur ces questions de l'emploi, par exemple sur le modèle du G1000 belge, m'apparaît tout à fait nécessaire et nous aurions intérêt à utiliser des méthodes un peu nouvelles et à expérimenter pour traiter ces sujets. À ce titre, les acteurs ne se sont pas vraiment emparés des dispositions de la loi permettant les expérimentations.

Je voulais donc insister sur la difficulté à communiquer sur ce sujet par nature complexe et la nécessité de ne pas focaliser sur des indicateurs de fait incomplets.

Je tiens également à mentionner l'élaboration d'un ouvrage par M. Jacques Fournier et d'autres auteurs, travail auquel j'ai récemment participé et dans lequel est abordée la question de l'État stratège face aux problèmes de l'emploi et du chômage. Il y a là un vrai sujet, dont on ne s'est jamais vraiment préoccupé.

Au lendemain de la guerre, nous avons eu la chance de connaître une période de convergence entre plein emploi, progrès de la productivité et hausse de la consommation individuelle et collective.

Cette période s'est interrompue en 1973, quand le choc pétrolier a créé un retournement conjoncturel. Tous les pays ont alors connu le chômage et ont pris conscience que, derrière ce retournement conjoncturel, leurs économies subissaient un changement structurel progressif : mondialisation, concurrence accrue, tertiarisation de l'économie, complexification de l'accès à l'emploi, etc. Cela nécessitait de mettre en oeuvre des réformes et soulevait un certain nombre de questions, comme celle du coût du travail, qui ne s'imposaient pas jusqu'alors.

Face à cette situation, les pays ont réagi assez différemment. L'OCDE, souvent critiquée comme étant le réservoir de la pensée unique, estime pourtant qu'il existe plusieurs chemins de retour au plein-emploi et qu'il revient à chaque pays de trouver le sien.

Pour ma part, je distingue deux tendances fondamentales.

La première est une tendance libérale, au sens fort du terme. C'est le modèle des pays anglo-saxons, tels les États-Unis ou la Grande-Bretagne : la responsabilité individuelle est encouragée, le marché du travail très peu régulé, l'indemnisation du chômage relativement faible, mais la capacité d'entreprendre, elle, est plus grande. Cette mécanique crée de l'emploi en quantité, mais pas en qualité, et les inégalités demeurent nombreuses.

La seconde repose plus sur une notion de responsabilité collective. Le marché du travail est régulé par des acteurs très puissants et très responsables, qui font de l'emploi une priorité. Dès lors, les demandeurs d'emploi perçoivent de bonnes indemnités de chômage, mais sont aussi très accompagnés, voire poussés vers l'emploi. C'est le cas au Danemark, où, après un an de chômage, la personne est pratiquement obligée de suivre une formation longue.

En France, nous voudrions bien avoir le modèle de la Suède, mais sans les vertus, le système social et culturel, les acteurs suédois. Nous nous trouvons donc dans une sorte de flottement. L'étatisme et la réglementation sont très présents, mais nous n'avons pas ce qui fait la force des pays qui réussissent : un compromis entre l'État et le marché et entre le capital et le travail.

Enfin, il nous faudrait un État providence tourné vers l'emploi, et non seulement vers la retraite, la famille ou la santé. On parle beaucoup de défendre le modèle social, mais peut-on encore parler de modèle social avec 5 ou 6 millions de chômeurs ?...

Les incohérences sont donc nombreuses.

Notre système d'indemnisation est plutôt généreux, mais, en contrepartie, l'accompagnement devrait être rigoureux. Au moment de la crise, par exemple, les effectifs de Pôle emploi n'ont subi qu'une légère augmentation quand les Anglais renforçaient les job centers de 30 000 personnes.

Les contrats aidés m'apparaissent comme un formidable outil d'insertion - pouvoir proposer un travail à un chômeur indemnisé de longue durée est un traitement socio-économique très fécond -, mais encore faut-il profiter de cette période pour accompagner et former la personne. Or la plupart des contrats aidés ne sont accompagnés d'aucune formation.

J'en viens à une autre difficulté, d'ordre stratégique, l'absence de lien entre commerce et taux de change. Il n'est pas normal qu'un pays comme la Chine ait pu accumuler autant d'excédents de balance des paiements à nos dépens. Elle aurait dû remonter son taux de change ou augmenter ses salaires, et nous avons été trop aimables en ouvrant notre commerce sans surveiller notre taux de chômage.

Il existe également un problème européen. La méthode ouverte de coordination n'est pas, en soi, une mauvaise idée, mais elle est trop méconnue et insuffisamment présente dans notre vie collective. En outre, il faut un gouvernement économique et social de l'Europe ; il faut traiter simultanément les questions portant sur la monnaie, l'économie et les normes sociales, le but devant être la convergence de ces normes entre États membres.

Nous avons besoin d'un impôt communautaire, et l'impôt sur les sociétés s'inscrit logiquement dans ce cadre, car il est cohérent avec l'idée d'un marché unique.

Les taux de rentabilité exagérés devraient aussi retenir notre attention. Quand des entreprises affichent durablement des taux de rentabilité très élevés - supérieurs à 10 % ou 15 % -, la situation pose problème : soit elles n'augmentent pas assez les salaires qu'elles versent, soit elles ne réduisent pas assez leurs prix. Dès lors, pourquoi ne pas mettre en place un impôt sur les sociétés dont le taux serait progressif en fonction du taux de rentabilité moyen ?

Nous avons à travailler sur le modèle d'entreprise qui fonctionnerait en Europe. Les salariés doivent-ils participer au conseil d'administration ? Les assemblées d'actionnaires doivent-elles voter les salaires des dirigeants ? Nous ne pouvons faire l'économie de tous ces sujets.

L'opinion est sensible à la question de la justice. Or on ne lie pas justice et emploi. Pour moi, l'injustice première de notre société, c'est bien l'injustice face à l'emploi ! Peut-être vaut-il mieux un peu d'inégalités dans les salaires, mais un peu moins d'inégalités devant l'emploi...

Par ailleurs, je crois au dialogue social, à qui il faut laisser la possibilité d'expérimenter.

Sans doute avons-nous agi un peu rapidement, en ne prévoyant pas, après les rapports Badinter et Combrexelle, une période d'échanges avec les acteurs sociaux ou les collectivités locales. Il me semble qu'il aurait été souhaitable, avant de réformer le code du travail, de laisser aux partenaires sociaux, au travers d'accords, qui, je le rappelle, sont majoritaires - nous ne sommes pas dans le libéralisme à l'anglo-saxonne -, le soin de mener certaines expérimentations sur certains sujets.

La loi de 2005 avait consacré un droit à l'accompagnement, qui est loin d'être respecté.

Au sein de l'association Solidarités nouvelles face au chômage, nous avons créé des groupes de solidarité permettant à des personnes en recherche d'emploi d'être suivies par un binôme d'accompagnateurs. Nous avons découvert que ces personnes qui sont au chômage vivent une sorte de « pathologie du chômage », de « souffrance au non-travail » et se trouvent dans une très grande solitude. C'est un énorme soulagement, pour elles, de trouver deux personnes à qui parler de leur chômage.

La question du droit à l'accompagnement est donc très importante, et largement sous-estimée.

Je conclurai par une petite provocation. Dans un rapport établi, en 2012, à l'occasion de la première conférence sur la pauvreté, nous avions soulevé l'interrogation suivante : si l'on veut vraiment réduire le chômage de longue durée, ne faut-il pas se fixer une sorte de « devoir moral » à embaucher les personnes en chômage de longue durée, voire en faire une obligation si rien n'évolue ? On fixerait une proportion de l'effectif, dans les entreprises, les associations ou les administrations, qui devrait obligatoirement correspondre à des embauches de personnes en recherche d'emploi de longue durée. Cela vaudrait mieux que d'accepter une situation où 1,5 million de personnes sont au RSI socle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les chiffres du chômage sont désormais accompagnés d'un certain nombre d'informations qui devraient permettre une certaine prise de recul. Mais, chaque mois, le seul chiffre commenté est celui des demandeurs d'emploi de catégorie A. Nous avons donc une vraie difficulté.

Une solution consisterait à demander à l'Insee de sortir une enquête mensuelle. On nous a opposé un argument de coût, qui pourrait être partiellement balayé grâce aux outils offerts par l'internet.

Si nous parvenons à un tel résultat, se posera toujours la question de la mesure du halo du chômage. Comment établir au mieux cette mesure ?

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

Je serai partisan d'avoir un chiffre mensuel de l'Insee, mais plusieurs moyens sont envisageables. À l'époque de mon rapport, une moyenne trimestrielle glissante avait été évoquée, également moins coûteuse à obtenir et permettant, accompagnée du chiffre mensuel de la Dares, de dégager une vision un peu plus juste de la situation.

En tout cas, je préfère des données plus fréquentes, même si plus frustres, à un dispositif qui se voudrait parfait.

S'agissant de l'enquête de l'Insee, plusieurs éléments doivent être examinés.

Une première catégorie, très importante à mes yeux, est celle des chômeurs découragés. Or il me semble qu'elle ne figure plus dans les statistiques trimestrielles alors qu'elle représentait en 2008 environ 700 000 personnes. Au sein de mon association, nous rencontrons pourtant de nombreuses personnes qui, après de longues démarches infructueuses, sont réellement découragées. Il se peut d'ailleurs que celles-ci apparaissent dans les statistiques de Pôle emploi.

Autre catégorie d'importance, celle du sous-emploi, c'est-à-dire des personnes qui travaillent, mais déclarent souhaiter travailler plus.

Je suis favorable au temps choisi. Certains salariés à temps plein, relativement nombreux, voudraient pouvoir travailler moins, mais n'en font pas la demande de peur d'être pénalisés. Ce « temps complet subi » est regrettable, car il y a là un potentiel de redistribution de l'emploi non utilisé.

Inversement, les temps partiels subis sont nombreux. C'est donc un indicateur majeur qui, me semble-t-il, est aussi moins mis en valeur dans les statistiques de l'Insee que par le passé.

Nous avons aussi, lors de la rédaction du rapport du Cnis, peiné à trouver de bons critères statistiques, d'où l'intérêt d'un rendez-vous annuel permettant de conduire une analyse approfondie à partir d'états des lieux précis, établis par les administrations. Prenons l'exemple des CDD : ils semblent former le plus gros du flux d'embauche mais c'est parce que, pour la plupart, ils ne dépassent pas un mois ! Sur les 30 millions d'embauches annuelles, il y a logiquement beaucoup de CDD, mais en nombre de contrats de travail, ce sont les CDI qui dominent.

Par conséquent, je ne vois pas d'autres solutions que ce rendez-vous annuel, et je trouve regrettable qu'on ne l'organise pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Cette idée me semble très intéressante, et nous gagnerions probablement à la promouvoir, ce qui ne nous empêche pas de continuer à réfléchir à un autre mode de publication des chiffres du chômage.

Cette rencontre pourrait effectivement prendre la forme d'États généraux, comme vous l'évoquiez, car, on le voit bien, dans la réflexion en cours sur le marché du travail, on occulte complètement cette question du chômage, ainsi que celle des personnes en situation de précarité avancée. Des États généraux devraient permettre de traiter l'ensemble des sujets - je signalerai aussi, à ce titre, la problématique du recours aux travailleurs détachés.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

Je suis d'accord avec vous. Cette question des travailleurs détachés est assez lourde, la situation actuelle étant clairement anormale.

Avez-vous auditionné l'Ajis, l'Association des journalistes de l'information sociale ? Après la publication du rapport, j'avais évoqué le problème de communication autour du chômage avec ses représentants et ce « grand gémissement mensuel » sur les chiffres du chômage. Nous avions organisé un petit-déjeuner avec des journalistes qui évoquaient, à ce sujet, des directives précises de leur rédacteur en chef pour coller aux attentes de l'opinion. Peut-être faudrait-il interroger ces derniers, car la manière de parler du chômage finit par avoir une influence sur le problème en lui-même ?

Nous organisons chaque année une « fête du travail, faites de l'emploi ». Un de nos thèmes dans ce cadre est « changer de regard, changer de méthode, changer d'échelle ».

Le changement de regard est effectivement un sujet important. Les demandeurs d'emploi doivent être aidés, et non jugés, et il faut comprendre leur découragement. Si nous ne voulons pas du modèle brutal à l'anglo-saxonne, alors nous devons aller vers le lien et l'attention à l'autre. Pourquoi ne pas dialoguer autour de cette notion de fraternité qui est inscrite dans notre devise républicaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

J'ai été tout particulièrement intéressé par votre observation concernant le temps complet subi.

En tant que président d'un conseil départemental, je vois certains fonctionnaires, dont le travail est remarquable, prendre du jour au lendemain leur retraite et passer ainsi, de but en blanc, du statut d'actif impliqué au statut d'inactif retraité. Certains pourraient être intéressés par une évolution plus souple, avec une étape intermédiaire de temps partiel avant le départ en retraite. C'est donc effectivement une piste à travailler, et qui n'a pas été suffisamment approfondie à ce jour.

L'idée d'un bilan annuel - ou semestriel pour tenir compte de l'accélération de la conjoncture - est également intéressante. Faut-il l'inscrire dans la loi ? Faut-il procéder par le biais d'une commission comme la nôtre ?

J'ai également compris, comme le rapporteur, qu'une autre piste porteuse pouvait être la publication de chiffres mensuels sous format BIT.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Une augmentation du prix du tabac entraîne automatiquement un accroissement de la contrebande... N'y a-t-il pas un lien entre augmentation du coût du travail et travail dissimulé ?

Vous dites que nos standards sociaux sont assez élevés et que les pays européens seraient tentés de suivre cette direction. Mais le coût lié à la norme sociale n'explique-t-il pas, comme certains le croient, le fort taux de chômage ? Sur quel fondement appuyez-vous votre analyse ?

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

Les Allemands, qui n'avaient pas de salaire minimal, ont fini par en établir un, dès que leur situation au regard du chômage s'est améliorée. On pourrait ainsi fixer des règles permettant un alignement vers le haut, ce qui, me semble-t-il, serait la marque d'un marché en bonne santé.

D'après moi, c'est difficilement compatible avec un mode de décision très autonome des États tel qu'il existe aujourd'hui, d'où la nécessité d'une « crémaillère fédérale » un peu plus forte pour l'Union européenne. À partir de là, on pourrait imposer aux États ayant une meilleure situation de l'emploi d'accroître leurs salaires, et à ceux qui se trouveraient dans une mauvaise situation de stabiliser, voire réduire leurs coûts. Mais, encore une fois, tout cela devrait être mis en oeuvre au travers du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cette remarque nous renvoie au modèle allemand qui, s'il n'est pas parfait, est intéressant à examiner. Le pays a connu l'agenda Schröder, puis la situation s'est améliorée, grâce, aussi, à l'écart creusé avec les autres pays européens, et l'Allemagne commence maintenant à utiliser le potentiel dégagé pour augmenter les salaires. Ce qui est exceptionnel, c'est que tout cela se fait par le dialogue et la négociation.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

Mais la logique est bien d'abord l'emploi, ensuite les salaires !

Il est un autre point fondamental, que j'ai peut-être insuffisamment mis en avant : l'articulation entre la compétitivité qualité et la compétitivité coût.

Les acteurs du monde syndical voudraient beaucoup de compétitivité qualité, mais celle-ci ne se décrète pas. La compétitivité coût, quant à elle, est plus facile à mettre en oeuvre, mais moins porteuse à long terme, particulièrement pour le modèle social. C'est pourquoi je crois au dialogue social et, notamment, à la présence des salariés dans les conseils d'administration : c'est par ce biais qu'il sera possible d'articuler ces deux notions.

Il faut parvenir à créer du lien ! Dans un monde systémique et global, notre culture ne peut plus se fonder sur la séparation ! Il faut donc expérimenter, se faire confiance et se donner de la marge.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Lors d'une audition précédente, un économiste a souligné que le taux de chômage en France est toujours demeuré élevé. Vous avez évoqué les travaux autour de l'État stratège. Celui-ci peut-il vraiment avoir une stratégie dans un environnement européen aussi varié ? Va-t-on toujours s'en tenir à une stratégie nationale, qui, au demeurant, est en retard par rapport aux stratégies d'autres pays européens ?

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

La dimension nationale joue fortement, car des écarts très importants sont constatés dans les taux de chômage des différents États de la zone euro qui s'étalent de 5 à 25 %. L'Europe, d'après moi, pourrait davantage aider les États à tendre vers l'optimum.

Mais vous évoquez un problème propre à la France : effectivement, notre taux de chômage n'est jamais descendu en dessous de 7,8 %, environ. Il n'y a aucune fatalité à cela, c'est une question de mobilisation et d'organisation !

La France est un pays qui se désespère. Mais quand, désespérée, elle se met vraiment au travail, elle réalise des performances extraordinaires. On a longtemps cru qu'elle était condamnée à l'inflation ; elle connaît aujourd'hui une remarquable stabilité des prix. On a longtemps cru qu'elle était un pays fermé sur l'extérieur ; la voilà ouverte, même trop ouverte pour certains !

Il en va de même pour le chômage : le jour où nous voudrons nous atteler à la tâche, en étant disposés à payer le prix, la situation changera.

Mais nous parlons beaucoup de chômage, sans vraiment vouloir passer à l'action.

Ainsi, le débat qu'appelle la loi actuellement à l'examen devrait être de savoir si celle-ci est favorable, ou non, à l'emploi. Or ce point est peu discuté.

Ainsi, par exemple, l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 prévoyait déjà d'importantes possibilités de dérogation pour les entreprises en difficultés, mais la CFDT avait dû, pour le « vendre », insister sur la couverture santé pour tous. Comme si créer de l'emploi n'était pas un motif suffisant pour accepter certaines concessions !

Autre problème de cohérence, que je n'ai pas évoqué, c'est normalement par la grève et le rapport de force que l'on se protège des patrons « méchants ». Or la faiblesse du syndicalisme français nous conduit à rechercher une protection par la réglementation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Ne pensez-vous pas qu'une révision de la formation, notamment de son organisation sur les territoires, n'induirait pas, à terme, d'autres orientations en matière de chômage ?

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste de Foucauld, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi

Sans être un spécialiste de ces sujets, je le crois volontiers. La question de la formation figure certainement parmi les problématiques structurelles ayant une influence sur le chômage.

La réorientation des demandeurs d'emploi, par exemple, est souvent mal traitée. De manière générale, leur accès à la formation constitue un problème complexe et Pôle emploi dispose de très peu de moyens.

L'apprentissage, quant à lui, oblige le système d'information à s'orienter vers les emplois disponibles, tout en créant l'habitude, chez les employeurs, de faire travailler des personnes non directement opérationnelles. Il a donc un impact à long terme.

La séance est levée à 17 h 25.

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