Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend une communication de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial, sur les travaux du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport.
La réunion est ouverte à 9 h 37.
Le 10 février dernier, notre commission a mis en place un groupe de travail pluraliste sur le financement des infrastructures de transport composé de Vincent Capo-Canellas, Yvon Collin, Thierry Foucaud, Roger Karoutchi, Fabienne Keller, François Patriat, Daniel Raoul et moi-même.
Les grandes infrastructures de transport constituent un enjeu décisif pour notre pays en matières économique, sociale et environnementale. En facilitant la circulation des personnes et des biens, elles sont sources de croissance, favorisent le désenclavement des territoires les moins favorisés et permettent un report modal vers les types de transports les plus sobres en carbone.
Pour autant, leur financement constitue un sujet épineux, dans la mesure où l'entretien des infrastructures existantes et l'extension ou la construction de nouvelles infrastructures reposent sur des investissements massifs particulièrement difficiles à mobiliser dans le contexte budgétaire contraint que connaît aujourd'hui notre pays, ainsi que l'illustre la situation financière précaire de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF).
Dans ce contexte, nous avons souhaité, au lancement de nos travaux, répondre à des questions simples : la France investit-elle suffisamment dans ses infrastructures de transport et sélectionne-t-elle les meilleurs projets ? Les principaux projets d'infrastructures actuellement programmés ou en cours de réalisation sont-ils soutenables d'un point de vue budgétaire et financier ? Quelles sont aujourd'hui la situation et les perspectives financières des acteurs chargés d'investir dans les infrastructures de transports ? Les travaux du groupe de travail se sont concentrés sur le financement des grandes infrastructures de transport routier, autoroutier, ferroviaire et fluvial, excluant les transports collectifs en site propre, les ports et les aéroports.
Ayant été désignée par mes collègues comme porte-parole de notre groupe de travail, je vais à présent vous en présenter les conclusions.
Pendant longtemps, les plans quinquennaux élaborés par le Commissariat général du plan ont permis à notre pays de disposer d'une vision claire et forte des projets d'investissements de l'État dans les infrastructures de transport. Leur disparition a laissé un vide qui n'a jamais vraiment été comblé. À la suite du Grenelle de l'environnement, les pouvoirs publics ont adopté en 2011 un schéma national d'infrastructure de transport (SNIT) au terme d'une importante concertation. Mais il s'agissait d'une longue liste de projets non hiérarchisés, dont la facture totale représentait a minima 245 milliards d'euros, ce qui a décrédibilisé cet exercice.
En 2013, la commission « Mobilité 21 », composée de parlementaires et de personnalités qualifiées, a présenté un rapport visant à établir une hiérarchisation et un « phasage » des opérations inscrites dans le SNIT de 2011. Elle a ainsi classé les projets en trois groupes : les premières priorités dont l'engagement doit intervenir avant 2030, les secondes priorités dont l'engagement doit être envisagé entre 2030 et 2050 et les projets à horizon plus lointain pour lesquels il est proposé de suspendre les études. Les conclusions de ce rapport qui, pour la première fois depuis longtemps, promouvait une véritable stratégie pour nos infrastructures de transport, ont constitué la feuille de route du Gouvernement depuis 2013.
L'ensemble des personnes que nous avons entendues ont salué le travail réalisé par la commission « Mobilité 21 ». Notre groupe de travail considère donc que son action doit être pérennisée et amplifiée. En effet, la commission « Mobilité 21 » n'était qu'une commission ad hoc, dont les conclusions n'ont pas valeur juridique contraignante. Elle a été dissoute une fois son rapport remis et n'a donc pas pu assurer un suivi de ses préconisations.
Nous proposons donc, à l'instar de ce qui existe en Allemagne, d'adopter, au début de chaque législature, une loi de programmation des infrastructures de transport, établissant une liste hiérarchisée des grands projets et une programmation financière pluriannuelle. Cette loi serait élaborée sur la base des travaux d'une commission permanente composée d'élus nationaux, locaux et d'experts, qui serait ensuite chargée d'examiner tous les ans l'avancement des projets programmés et de proposer, le cas échéant, des ajustements.
À un niveau beaucoup plus fin, notre groupe de travail a également souhaité analyser précisément la manière dont les projets d'infrastructure de transport sont choisis dans notre pays. Nous avons acquis la conviction que ce processus de sélection manquait encore trop souvent de rigueur et de clarté. La France possède une expertise ancienne et reconnue en matière d'évaluation socio-économique des infrastructures de transport. Nos bureaux d'études savent précisément prendre en compte l'ensemble des variables qui permettent de déterminer si un projet sera bénéfique ou non à la société dans son ensemble. Mais l'importance des résultats de ces évaluations socio-économiques tend parfois à être minorée lorsqu'elles sont peu favorables au projet présenté.
Plus inquiétant, nous avons pu constater, grâce aux bilans instaurés par la loi d'orientation des transports intérieurs - dits « bilans LOTI » - réalisés trois à cinq ans après la mise en service de grandes infrastructures, que les coûts de construction présentés dans ces études étaient sous-estimés en moyenne de 10 % à 20 %. En outre, si les estimations des trafics routiers étaient généralement réalistes, celles des trafics ferroviaires étaient en moyenne inférieures de 27 % aux prévisions.
C'est pourquoi nous souhaitons que soit systématiquement privilégiée la fourchette basse des hypothèses de trafic et la fourchette haute des coût de construction pour établir le scénario de référence des études socio-économiques des projets d'infrastructure de transport, afin d'éviter de surévaluer leur rentabilité et de mieux cartographier les risques.
Le législateur a déjà mis en place une procédure destinée à améliorer la qualité des études et à éviter certaines dérives, en confiant, fin 2013, au Commissariat général à l'investissement (CGI) la mission de mener une contre-expertise indépendante de l'évaluation socio-économique des projets financés par l'État ou ses établissements publics pour un montant supérieur à 100 millions d'euros.
Cette nouvelle procédure, qui est applicable à tous les projets n'ayant pas connu un début de réalisation avant le 27 décembre 2013, a déjà permis d'améliorer de nombreux projets grâce aux recommandations du CGI. Comme en témoigne son avis sur la seconde partie de la ligne 18 du Grand Paris express, le CGI n'hésite pas à donner un avis défavorable lorsque la rentabilité socio-économique d'une infrastructure lui paraît trop faible. Notre groupe de travail souhaite donc que le CGI puisse se saisir de projets antérieurs à 2014, afin d'éclairer les pouvoirs publics par ses analyses.
Au cours de ses auditions, notre groupe de travail a été alerté sur le caractère très tardif de la recherche de financements des infrastructures de transport et sur l'absence fréquente d'études de soutenabilité budgétaire, exigées seulement dans le cas du recours à un marché de partenariat. C'est pourquoi nous jugeons indispensable que la structure de financement de tout grand projet d'infrastructure de transport soit déterminée en amont, dès la phase de conception, en vue de garantir la viabilité financière du projet et de la soumettre au débat public et que la réalisation d'une étude de soutenabilité budgétaire du plan de financement proposé soit rendue obligatoire pour tous les investissements publics en matière d'infrastructure de transport supérieurs à 20 millions d'euros.
Nous avons étudié avec précision les trois grands types de montages financiers qui permettent de financer un projet d'infrastructure de transport : la concession, le contrat de partenariat public-privé et la maîtrise d'ouvrage publique. La concession, système dans lequel le co-contractant privé de la personne publique est rémunéré avant tout par l'exploitation commerciale de l'infrastructure et les recettes versées par les usagers, est un système utilisé dans notre pays depuis le XIXe siècle et qui a fait ses preuves. Il a largement été utilisé depuis une soixantaine d'années pour développer notre système autoroutier.
Nous n'avons pas souhaité rouvrir le débat sur la rentabilité des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui s'est terminé par l'adoption de nouvelles clauses contractuelles prévoyant un partage de leurs éventuels surprofits avec l'État et des pouvoirs de contrôle importants confiés à l'agence de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).
Néanmoins, nous estimons que la méthode utilisée pour financer le plan de relance autoroutier annoncé le 9 avril 2015 ne devrait pas être utilisée de nouveau à l'avenir. Pour mémoire, les sociétés concessionnaires d'autoroutes avaient accepté de réaliser une trentaine de projets d'infrastructures sur le réseau concédé en échange d'un allongement de la durée des concessions de deux à quatre ans.
Pour l'État, ce type de procédé, qui n'implique aucune mise en concurrence, est commode. Il permet de pratiquer une relance par les travaux publics, sans utiliser de crédits budgétaires, ni faire appel à des hausses de péages impopulaires, à l'instar de celles qui ont été annoncées la semaine dernière. Mais il rend quasiment impossible pour les parlementaires, et a fortiori pour le grand public, la connaissance précise du taux de rentabilité des concessions, renforçant la suspicion à l'égard des sociétés d'autoroutes.
Dans le domaine ferroviaire, nous manquons sans doute encore un peu de recul pour savoir si la concession peut être un véritable succès. Le projet de ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique reliant Tours à Bordeaux a été marqué par les tensions suscitées par la question du trafic futur entre le concessionnaire Lisea et la société nationale des chemins de fer français (SNCF). Le projet Perpignan-Figueras, pour sa part, a subi un échec retentissant.
Les marchés de partenariat, dans lesquels le co-contractant privé est rémunéré par la personne publique via des loyers, ont été pour le moment assez peu utilisés pour les infrastructures de transport. Ils présentent pourtant de nombreux atouts et mériteraient d'être plus souvent sollicités pour mettre à profit les compétences du secteur privé. Toutefois, nous avons également été très attentifs aux nombreux appels de nos interlocuteurs à préserver et à renforcer la qualité de la maîtrise d'ouvrage publique, confrontée aujourd'hui à un risque réel d'affaiblissement. Les personnes publiques ne doivent pas se reposer entièrement sur les acteurs privés mais conserver des compétences robustes leur permettant de concevoir elles-mêmes des projets d'infrastructure lorsque c'est la solution la plus opportune et de contrôler efficacement leurs co-contractants privés dans les autres cas.
Après nous être penchés sur la sélection des projets d'infrastructure et sur leurs méthodes de financement, nous avons souhaité nous intéresser aux grands projets actuellement en cours et à leur soutenabilité financière. Notre réseau routier est le troisième d'Europe avec un million de kilomètres de routes, dont 11 560 kilomètres d'autoroutes. Notre réseau ferroviaire est le deuxième d'Europe avec 29 000 kilomètres de voies ferrées, y compris pour la grande vitesse. Notre réseau de voies navigables est le premier d'Europe, avec 8 500 kilomètres de voies d'eau.
L'étendue et la qualité de nos réseaux de transports valent à la France d'être classée à la septième place des meilleurs réseaux d'infrastructure au monde par le Forum économique mondial. On observe toutefois une récente dégradation, puisqu'elle occupait la quatrième position dans le classement 2011-2012. Cette situation s'explique par le vieillissement de nos réseaux historiques. C'est vrai dans le secteur routier et dans celui des voies navigables. Mais c'est le cas du réseau ferré qui est le plus alarmant.
À force de consacrer toutes les ressources financières et humaines de la SNCF au développement des lignes à grande vitesse, notre pays a gravement négligé les autres lignes du réseau structurant, notamment en Île-de-France, si bien que l'âge moyen du réseau atteignait 32 ans en 2015. Les désagréments sont nombreux pour les usagers, et c'est parfois même leur sécurité qui peut être mise en péril, comme l'a montré le tragique accident de Brétigny-sur-Orge survenu le 12 juillet 2013.
Assurer le renouvellement et la modernisation de nos réseaux, après plusieurs décennies de sous-investissements, représente une tâche colossale et de longue haleine. Le Gouvernement, qui a pris progressivement conscience de l'enjeu, a mis en place ces dernières années des plans destinés à augmenter l'investissement en faveur de leur régénération. Alors qu'en 2005 l'effort de rénovation du réseau ferroviaire n'était que de 900 millions d'euros par an, il est désormais de 2,5 milliards d'euros par an. Mais ce montant permet seulement de limiter le vieillissement des lignes les plus circulées. Il ne permet ni de remettre à neuf la signalisation, ni de moderniser les lignes de desserte fine des territoires.
C'est pourquoi votre groupe de travail estime qu'il est indispensable de dégager 1 à 2 milliards d'euros supplémentaires en faveur du renouvellement des lignes structurantes de notre réseau ferré, afin de porter l'effort consenti par SNCF-Réseau entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros par an pendant quinze ans. Pour assurer le financement de ce grand plan de modernisation, nous estimons qu'il est inévitable que l'État gèle, là encore pendant une quinzaine d'années, toute participation au financement de projets de développement de nouvelles lignes LGV, ce qui n'empêchera pas que des études, financées par l'Union européenne ou par les collectivités territoriales, puissent continuer à être menées.
En outre, dans la mesure où l'État aura les pires difficultés à tenir simultanément l'ensemble de ses engagements dans les années à venir - liaison ferroviaire Lyon-Turin, canal Seine-Nord Europe, Grand Paris express - il devra revoir, dans certains cas, ses ambitions à la baisse et, surtout, s'interdire de promouvoir de nouveaux projets.
Enfin, notre groupe de travail a étudié la question de l'impact des projets d'infrastructure de transport sur les finances publiques. En moyenne, les investissements en infrastructures de transport réalisés en France ont représenté environ 1 % du produit intérieur brut (PIB) au cours des dernières années. En 2015, le niveau d'investissement a légèrement diminué pour s'établir à 18 milliards d'euros, soit 0,8 % du PIB, un volume élevé par rapport aux autres pays de l'Union européenne, y compris l'Allemagne. Sur ces 18 milliards d'euros, 14 milliards ont été investis par les personnes publiques, dont 4,39 milliards d'euros par l'État, directement ou via son bras armé, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui assure également sa participation aux contrats de plan État-région (CPER).
Si notre pays investit en moyenne suffisamment dans ses infrastructures de transport, il n'en demeure pas moins que les crédits budgétaires qu'y consacre l'État sont notoirement insuffisants pour faire face aux engagements qu'il a souscrits par le passé. De plus, même si la France bénéficie largement de soutiens financiers du budget de l'Union européenne - à hauteur d'environ 2 milliards d'euros entre 2015 et 2020 - et de prêts de la BEI, ceux-ci ne peuvent constituer qu'un complément aux projets participant à la construction du réseau transeuropéen. Un récent référé de la Cour des comptes analysant la situation financière de l'AFITF montre ainsi que l'État devra dégager entre 2017 et 2019 entre 1,6 et 4,7 milliards d'euros en plus des ressources actuellement prévues pour permettre à l'agence de les honorer. Augmenter les ressources de l'AFITF pour qu'elle puisse faire face à ses engagements, en particulier avec la montée en charge du Lyon-Turin et du canal Seine-Nord Europe, apparaît donc comme une nécessité incontournable.
Si l'État est confronté à une situation budgétaire difficile, que dire de SNCF-Réseau ? L'entreprise porte aujourd'hui une dette de 44 milliards d'euros, dont les intérêts viennent grever ses finances de 1,2 milliard d'euros par an, et ce, dans un contexte de taux bas. Cette dette, qui a connu une forte hausse ces dernières années en raison du lancement simultané de quatre lignes à grande vitesse après le Grenelle de l'environnement, est devenue un fardeau très lourd à porter pour le gestionnaire de notre réseau ferré national.
Malgré le reclassement en comptabilité nationale par l'INSEE de 10,9 milliards d'euros de la dette de SNCF-Réseau en dette publique en 2014, le Gouvernement refuse pour le moment catégoriquement d'envisager tout cantonnement ou toute reprise par l'État, même partielle, de cette dette, au motif qu'une telle opération viendrait dégrader le déficit et la dette de l'État. Si une telle solution présente de nombreux inconvénients, il sera bien nécessaire de s'attaquer un jour ou l'autre au problème, sans attendre que SNCF-Réseau soit en proie à de graves difficultés financières, par exemple en cas de hausse des taux d'intérêt.
La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a instauré une « règle d'or », selon laquelle SNCF-Réseau ne peut financer de nouveau projet d'investissement qu'à la condition de respecter un certain ratio d'endettement. Toutefois, le décret d'application fixant ce ratio se fait toujours attendre. Dans la mesure où l'entrée en vigueur de la « règle d'or » ferroviaire ne permettra pas de faire progresser la situation, nous restons persuadés que le Gouvernement devra tôt ou tard envisager une opération de reprise, même partielle, de la dette de SNCF-Réseau ou son cantonnement dans une structure dédiée, à même de redonner des marges de manoeuvre à un opérateur qui doit pleinement se mobiliser en faveur de la modernisation de notre réseau ferré.
Puisque l'État comme ses grands opérateurs - AFITF, SNCF-Réseau, Voies navigables de France - devront assurer le financement dans les années à venir de très lourds investissements, le gel de certains projets ne suffira pas à dégager les crédits nécessaires. Dès lors, de nouvelles ressources devront probablement être dégagées. Dans cette perspective, votre groupe de travail a souhaité se pencher sur les pistes qu'il pourrait être utile d'explorer à brève échéance.
Après l'abandon de l'écotaxe poids lourds, une fraction supplémentaire de TICPE avait été affectée à l'AFITF. Cette solution avait été relativement bien acceptée car elle s'inscrivait dans un contexte de baisse des prix des carburants. Mais elle présente le défaut de s'appliquer indistinctement à tous les véhicules, quel que soit le réseau sur lequel ils circulent, et de mettre peu à contribution les poids lourds étrangers en transit.
À moyen et long termes, un rééquilibrage entre les contributions respectives des usagers et des contribuables apparaît donc incontournable. À l'issue de ses travaux, le groupe de travail considère que deux pistes méritent plus particulièrement d'être considérées : l'introduction d'une nouvelle forme de contribution sur la circulation des véhicules routiers, que ce soit sur le modèle de l'écotaxe ou bien d'un « droit d'usage », et la hausse modérée de la participation de l'usager au transport ferroviaire de proximité, particulièrement en Île-de-France. Si une nouvelle forme de contribution poids lourds devait être introduite en France, deux options seraient envisageables : une redevance kilométrique sur tout ou partie du réseau non concédé pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes, sur le modèle de l'écotaxe adoptée en 2013, ou l'introduction d'une vignette sur les véhicules poids lourds, assimilable à un droit d'usage du réseau routier non concédé.
Dans tous les cas, la redevance ou le droit d'usage devront être affectés en priorité à l'AFITF. La proposition de la Cour des comptes d'accroître la part du coût des transports collectifs financée par les voyageurs en Île-de-France, si elle ne peut être exclue, doit être envisagée avec précaution. Une hausse du prix des billets permettrait de rééquilibrer la charge entre le contribuable et l'usager. Toute hausse devrait s'accompagner d'une amélioration perceptible de la qualité de l'infrastructure car, sans une meilleure qualité de service rendu, il est illusoire d'imaginer que la mesure serait acceptée par les usagers ou considérée comme légitime.
Je rappellerai tout d'abord que le débat sur les infrastructures de transport est un débat récurrent et qu'une mission d'information avait été constituée en 2007 sur ce sujet.
Je rejoins certains constats formulés par Marie-Hélène Des Esgaulx. Les infrastructures de transport souffrent en effet d'un sous-financement chronique mais aussi de choix politiques qui se sont traduits par un asséchement des sources de financement. L'AFITF, qui a été créée pour sanctuariser ces ressources et permettre un rééquilibrage au profit des modes alternatifs à la route, est aujourd'hui moribonde. La privatisation des concessions d'autoroute et l'abandon de l'écotaxe ont privé cette structure de ressources pérennes. La question fondamentale du financement des infrastructures de transport est donc d'une actualité brûlante.
Je partage en outre certaines propositions faites par le groupe de travail. La semaine dernière, j'ai d'ailleurs émis une opinion positive sur ses travaux et me suis abstenu en raison d'un désaccord avec certaines propositions. Mon groupe devrait adopter cette même position ce matin.
Nous sommes favorables à l'investissement sur les quinze prochaines années dans la maintenance, le renouvellement et la modernisation des réseaux existants, comme le rapport Rivier le préconisait. Je rappelle cependant que, si l'on considère que ces investissements doivent être publics, cela suppose de desserrer l'étau sur les finances publiques. Les politiques de rigueur et la baisse des dotations sont incompatibles avec un tel effort.
S'agissant de la transparence, nous soutenons l'idée d'une loi de programmation qui permettrait d'améliorer la visibilité en matière de projets d'infrastructures de transport, ce qui était d'ailleurs déjà demandé dans le rapport de la commission « Mobilité 21 ». Nous sommes également favorables à la transmission du budget de l'AFITF au Parlement.
En matière de financements, nous partageons l'idée d'un encadrement des concessions autoroutières, dont l'abandon au privé a constitué une faute politique et stratégique majeure.
Ne pas rallonger la durée des concessions nous semble aller dans le bon sens. Nous allons cependant plus loin en proposant une renationalisation des sociétés autoroutières. L'État doit, dans un premier temps, dénoncer les contrats de concession en arguant de considérations d'intérêt général liées à la maîtrise de ce réseau. À défaut, il restera pieds et mains liés par les concessionnaires, qui exigeront continuellement des augmentations de tarif sur un patrimoine qui, je le rappelle, a été financé par l'impôt. Il s'agit d'une rente privée réalisée sur des investissements publics. Or le taux de rentabilité des sociétés autoroutières atteint 9 %, ce qui me semble exagéré.
Nous partageons en outre l'idée d'apporter de nouvelles ressources à l'AFITF, qui permettraient d'ailleurs de financer la renationalisation des sociétés d'autoroute que nous appelons de nos voeux.
Notre groupe va remettre une contribution sur les propositions formulées par le groupe de travail. Je le répète, nous portons un regard globalement positif sur ses travaux, mais, dans la mesure où nous sommes opposés à certaines propositions, telles qu'un financement reposant sur une plus grande contribution des usagers, nous nous abstiendrons.
Je partage l'ensemble des conclusions présentées par Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis frappé par les effets de mode. Fût un temps où tout le monde considérait comme normal que la plupart des financements de la SNCF soient consacrés au TGV. On s'est ensuite rendu compte que ce choix avait pour conséquence de tuer les dessertes de proximité, les lignes de province et Intercités. On a donc fait marche arrière à tout va. Sans parler de l'entretien des canaux...
Je souscris à l'idée de trouver de nouveaux modes de financement. Il faut investir dans les quinze ou vingt ans qui viennent dans les transports publics. Mais avec quel argent ? S'il s'agit d'un voeu pieu, cela ne sert à rien. Où sont les réserves financières ? Pas dans la dette de la SNCF ni dans les moyens de l'AFITF. Nous sommes d'accord sur le constat et les préconisations, mais nous sommes aussi d'accord pour dire qu'il n'y a pas un centime de disponible pour les mettre en oeuvre.
En Île-de-France, le financement du Grand Paris express ne coûtera pas un centime à l'État. En effet, un système étonnant a été mis en place où les entreprises payent plus et les citoyens, y compris ceux qui ne sont pas usagers des transports, contribuent lourdement : le Grand Paris express sera financé grâce à des taxes supplémentaires payées par l'ensemble des citoyens et les entreprises. Il convient cependant de clarifier les choses : soit on choisit de faire peser le coût de ce projet sur l'usager et il convient alors de supprimer les taxes pesant sur l'ensemble des ménages, qui n'utilisent pas nécessairement les transports, soit on considère que le Grand Paris express doit être financé via une contribution publique. Je constate cependant l'absence de contribution de l'État depuis des années. Nous payons d'ailleurs ce choix très lourdement aujourd'hui : l'ensemble des financements ayant été orientés vers le TGV, la SNCF n'a pas réalisé les investissements nécessaires sur nos voies - d'où les accidents - ni sur nos réseaux - on en mesure l'usure - ou encore sur nos rames - on ne peut que constater l'ancienneté des trains... Il est grand temps qu'il y ait un vrai effort d'investissement en Île-de-France.
Je salue la présentation de Marie-Hélène Des Esgaulx qui a été fidèle aux réflexions du groupe de travail. Dans le cadre de nos travaux, nous avons essayé d'aborder de nombreux sujets de manière claire et sans en écarter aucun. Je pense par exemple à la question de la dette de SNCF-Réseau, nos conclusions différant sensiblement de celles du Gouvernement. On ne peut pas continuer cette fuite en avant. Le système ferroviaire souffre d'une grave embolie : en termes de réseau et de financement.
Il nous est apparu nécessaire de trouver une source de financement en remplacement de l'écotaxe, ce qui est un sujet difficile dans certaines régions, Michel Canevet ne me démentira pas sur ce point.
Nous avons également souhaité lever des non-dits tels que l'affaiblissement global de la politique des transports, qui relève aujourd'hui d'un secrétariat d'État alors qu'elle faisait l'objet d'un ministère de plein exercice il y a quelques années encore. Aujourd'hui, on traite ce sujet comme d'une question subalterne.
Enfin, nous avons souhaité faire des efforts de clarification, y compris douloureux, en rappelant qu'en Île-de-France, l'usager devra être mis davantage à contribution, même si une telle proposition n'est pas populaire.
Pour autant, notre groupe de travail n'a pas épuisé l'ensemble des problématiques. Il convient désormais de replacer la politique des transports dans un cadre global. Nous devons considérer ce secteur comme un élément de relance et de politique de l'emploi. Les classements rappelés par Marie-Hélène Des Esgaulx sont en effet alarmants : la dégradation de ses réseaux de transport fait perdre des places à la France en termes d'attractivité.
Contrairement à Thierry Foucault, je dirais que le rapport est globalement positif, sans connotation historique. J'aurais toutefois souhaité que nous approfondissions la question de la rentabilité et de la transparence des partenariats publics-privés (PPP). Par ailleurs, je considère qu'avoir vendu les concessions d'autoroute, les « bijoux de famille », était une faute politique. Il s'agit en effet de machines à cash, dont on aurait eu besoin pour soulager la dette de la SNCF-Réseau.
François Patriat et moi-même acceptons donc d'adopter le rapport.
Je salue la qualité d'un rapport consensuel sur un sujet qui intéresse tout le monde. Nous connaissons depuis des années la situation de nos infrastructures de transport et nous savons qu'il s'agit d'un point fort de la France mais l'État n'a pas été capable de trouver le moyen de les financer. N'allez pas en Suisse, vous verrez comment fonctionne un pays civilisé dans ce domaine ! Grâce à une loi de programmation correspondant à la durée d'un mandat, avec un financement associé, la Suisse dispose d'une vraie vision : c'est précisément ce qui manque à notre pays. D'ailleurs, un collègue l'a déjà souligné, le secrétaire d'État chargé des transports est très loin dans la liste des membres du Gouvernement.
Nous manquons donc d'une vision qui doit être proposée par le Parlement et rencontrons de grandes difficultés à dégager des financements. Je vous remercie pour les pistes que vous proposez en cette matière, même si je ne sais pas encore qui va se saisir de ces pistes.
Je souhaite que, aidés par le travail de la commission des finances, les candidats à l'élection présidentielle intègrent, dans leur programme, une politique des transports qui nous manque aujourd'hui.
Il faut conserver l'AFIFT. Je suis favorable à une structure de sanctuarisation pour éviter que l'État ne prélève les crédits des transports et considère que l'intendance suivra ! Dans le temps, nous avions déjà une structure ad hoc qui a été laminée par Bercy. Cette année, l'AFIFT devra faire face à un écrêtement de TICPE : elle n'aura donc pas l'argent qu'elle attendait.
La Présidente et moi-même avions proposé en début de mandat au bureau la création de groupes de travail sur des sujets transversaux et transpartisans : je constate que cette démarche de la commission était utile.
Le Parlement doit examiner le budget prévisionnel de l'AFIFT, mais ne faut-il pas aller plus loin, avec des lois de programmation sur le modèle de la loi de programmation militaire (LPM) ? Car il s'agit du principal budget d'investissement de l'État, puisqu'aujourd'hui, ce sont les collectivités territoriales qui investissent. Nous n'avons pas de vision d'ensemble aujourd'hui : dans un instant, nous allons étudier un décret d'avance, qui annule 100 millions d'euros sur la mission « Écologie », qui concernent les infrastructures de transports alors que les besoins se chiffrent en milliards d'euros !
La manière dont l'écotaxe a été abandonnée est scandaleuse ! Nous nous sommes privés - y compris les départements - de plusieurs centaines de millions d'euros de recettes, sans parler de l'indemnisation d'Écomouv'. Peut-être y avait-il une erreur dans la tarification, mais comment peut-on admettre aujourd'hui que les poids lourds étrangers traversent la France sans verser un seul centime pour financer les infrastructures qu'ils utilisent ? Ils peuvent même traverser le pays sans y faire le plein !
Avez-vous spécifiquement abordé la question des infrastructures autoroutières en Île-de-France, où on passe, en venant des aéroports, d'un réseau concédé à un réseau non concédé. Il existe en effet des noeuds d'engorgement, dont les conditions d'entretien sont déplorables. Je pense par exemple au barreau de Massy, mais il y a bien d'autres cas.
Je m'associe aux félicitations pour ce rapport qui met en évidence l'échec collectif de plusieurs générations d'élus et de plusieurs gouvernements. J'ai vécu la création de l'agence qui a précédé l'AFITF avec la loi Pasqua de 1995, supprimé par le Gouvernement Jospin contre l'avis de Jean-Claude Gayssot, l'ouverture du capital d'une société autoroutière pour procéder à des ajustements budgétaires par un amendement en pleine nuit, les promesses de Gilles de Robien et leur enterrement par M. de Villepin après une résistance acharnée de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Il faut trouver des ressources dédiées pour financer toutes les infrastructures décidées et arrêter d'allonger la liste.
Je souscrits à l'idée d'une loi cadre avec des ressources affectées aux projets, car nous ne trouverons pas les crédits budgétaires nécessaires. Il faut des recettes dédiées. Certains projets ont des recettes attachées ; c'est par exemple le cas pour le Lyon-Turin puisque l'eurovignette transalpine fait partie des recettes dédiées autorisées dans le cadre de la directive européenne. Le Premier ministre, qui était présent sur le chantier en juillet dernier, a annoncé un rapport de l'inspection générale des finances sur ce sujet du financement : il faut que nous soyons informés et associés à ces travaux.
Il faut aussi chercher des solutions adaptées aux territoires, avec des recettes provenant notamment de la valorisation foncière et des transports collectifs qui doivent financer les projets d'infrastructures. Plus généralement, je pense qu'une partie de la finance carbone doit financer les infrastructures de transport.
Enfin, nous devons veiller à ne pas risquer le syndrome de la terre plate : nous devons assurer les interconnexions avec les autres pays - y compris par le biais de la façade maritime française.
Nous n'avons pas l'attractivité fiscale : notre attractivité réside un peu dans la qualité de la formation de la main d'oeuvre mais surtout dans nos infrastructures.
Je voudrais d'abord à mon tour remercier le groupe de travail pour la qualité de son travail. Il est important de disposer de ressources supplémentaires dans les années à venir, la difficulté étant de savoir lesquelles. En revanche, je suis en désaccord avec notre rapporteur général s'agissant du tableau qu'il dresse des dernières années. En effet, ce Gouvernement a mis, avec le rapport « Mobilité 21 », un semblant d'ordre et de priorités dans les chantiers à prévoir et dont le montant s'élevaient à 245 milliards d'euros au moment du SNIT.
S'agissant de l'écotaxe, je crois qu'il faut tirer les leçons de cet épisode. Il faut aller vers une vignette, ou quelque chose de très simple et pratique.
Je voulais enfin demander dans quel scénario établi par la Cour des comptes pour les engagements futurs de l'AFITF figurait l'autoroute A45 ?
Je ne suis personnellement pas convaincu de la nécessité d'une loi de programmation : nous avons déjà trop de lois, et je préfèrerais un plan pluriannuel d'investissements qui serait présenté par l'exécutif en début de législature.
Nous sommes tous d'accord pour dire que les infrastructures de transport sont indispensables au développement économique et à la valorisation des territoires qu'ils desservent. À cet égard, je considère que le territoire en question doit apporter une part significative du financement : j'avais proposé en ce sens une taxe sur la plus-value foncière des immeubles se situant à proximité d'une gare. En effet, ces immeubles voient leur valeur augmenter en raison d'une nouvelle desserte, sans contribuer à son financement...
Certains modes de transport ont été quasiment abandonnés ; sur le volet ferroviaire, la maintenance s'est réduite au point que d'anciennes grandes lignes sont aujourd'hui dans un état de quasi-abandon. Le tout-TGV a ses limites... Les régions reprennent parfois des situations difficiles sur les trajets régionaux.
S'agissant du fret capillaire, rien n'a été fait sur certaines lignes, qui sont aujourd'hui dans un tel état que la vitesse y est limitée à 20 km/h. Il y a besoin d'une vraie prise de conscience pour éviter la fermeture de certaines lignes. Le fret capillaire est le parent pauvre des grands chantiers.
Comme mes collègues Roger Karoutchi et Michel Bouvard, je crois que le sujet majeur est celui de trouver des ressources qui pourront être affectées à une enveloppe dédiée. Par ailleurs, je suis d'accord avec Vincent Delahaye pour dire qu'une loi de programmation n'est peut-être pas la bonne formule, parce que l'on corsète excessivement le budget de l'État avec ces lois de programmation, réduisant à néant sa capacité d'arbitrage, dans un contexte de finances publiques très contraint - qui nous différencie de la Suisse... Je ne suis pas favorable à une rigidification du budget de l'État ; en revanche, je suis favorable à une vision pluriannuelle.
Vous avez délibérément mis de côté, dans le rapport, la question des transports urbains au sein des grandes infrastructures de transport. Or je crois que les transports urbains des grandes métropoles, notamment les métros, sont des grandes infrastructures de transport, essentielles au développement du territoire en question, et qui connaissent des difficultés de financement. Je pense qu'il faudrait en faire mention. À cet égard, je rappelle que le versement transport est plafonné à 2 dans les villes de province, alors qu'il atteint 2,85 à Paris. Une augmentation du versement transport en province permettrait déjà de réaliser des infrastructures dans les grandes métropoles régionales qui en ont besoin.
Merci pour ce rapport et les propositions intéressantes qu'il formule. Peu importe qu'il s'agisse d'une loi ou d'un plan pluriannuel, je crois qu'il est nécessaire d'avoir une double programmation : une programmation sur la législature en matière financière, et une programmation à plus long terme pour préparer les futurs chantiers.
S'agissant du financement, je crois que les propos de Vincent Delahaye montrent qu'il existe des pistes. Je ne pense pas qu'il faille à nouveau se fourvoyer avec une écotaxe qui pénalisait les territoires les plus excentrés, comme la Bretagne. La révolte des bonnets rouges datait de 1675, quand le roi voulut imposer des impôts supplémentaires. Il ne faut pas pénaliser cette région dont l'économie est notamment fondée sur l'agroalimentaire, qui nécessite des flux de transport importants.
Par ailleurs, il faut que la France se dote d'une véritable politique de transport, au-delà de la question du financement. En effet, le transport ne se résume pas aux transports terrestre ni aux transports de voyageurs. Il nous faut une politique cohérente entre les différents modes de transport et, par exemple, il est dommage de voir la densité du transport maritime qui longe nos côtes et dont nous ne captons rien.
Les infrastructures de transport sont un enjeu pour l'attractivité de nos territoires. Le fait que la France soit passée de la quatrième à la septième place dans les classements internationaux n'est évidemment pas une évolution positive.
Je souhaitais rappeler le rôle important joué par les collectivités territoriales en matière de transport, non seulement en termes de financements mais aussi de compétences. Or celles-ci sont relativement peu associées aux décisions en matière d'infrastructures locales alors que d'importants transferts ont eu lieu, je pense par exemple aux routes nationales. Il me semble important que les collectivités territoriales soient davantage associées au stade de la décision.
Par ailleurs, je crois indispensable de se doter, en la matière, d'une vision politique et non politicienne. Chaque changement ministériel se traduit par une inflexion en matière de politique de transport. Pour prendre l'exemple des routes, il a été à un moment envisagé de passer de trois voies à quatre voies. Des travaux ont été engagés. Puis un nouveau ministre a été nommé, qui estimait qu'il convenait de rester à trois voies, décision sur laquelle sont revenus ses successeurs...
Les grands projets d'infrastructures font ainsi l'objet d'incessants allers-retours qui augmentent considérablement les délais de réalisation.
S'agissant du TGV Grand Centre Auvergne, qui est un sujet important pour le centre de la France, on nous annonce que le projet va être lancé, puis son abandon, avant de relancer des études qui coûtent quelques dizaines de millions d'euros. Pendant ce temps, rien n'est fait.
Par ailleurs, je trouve insupportable que, lorsque l'État ne participe pratiquement pas au financement, il se permette, pour des raisons politiciennes, de bloquer des dossiers. Je viens de recevoir un courrier d'Alain Vidalies, secrétaire d'État aux transports, annonçant qu'un projet routier attendu depuis des années va être lancé et qu'« un financement minoritaire de l'État » est prévu. Malgré une participation dans le financement de ce projet ultra minoritaire, l'État a bloqué pendant dans années un investissement indispensable pour le territoire.
Sur la question des financements, je partage l'analyse du rapporteur général, qui a très justement rappelé que les camions étrangers qui sillonnent nos routes, à l'heure actuelle, gratuitement, devraient être mis à contribution. Ségolène Royal a essayé de trouver un dispositif dans ce sens, sans résultat pour l'instant.
S'agissant des propositions de financements alternatives présentées par Marie-Hélène Des Esgaulx, qu'il s'agisse d'un dispositif de redevance qui s'appuierait sur un système proche de l'écotaxe, ou d'une vignette, il me semble important qu'elles intègrent un critère d'équité. À cet égard, le dispositif de vignette me semble plus satisfaisant. La mise en place d'un système de redevance, qui serait perçu par les acteurs économiques et nos concitoyens comme inéquitable, se traduirait par un échec, comme l'a montré l'exemple de l'écotaxe... Il convient en effet de conserver à l'esprit que tous les territoires ne sont pas placés dans une situation équivalente en matière de desserte du marché européen.
Les régions étant des opérateurs importants en matière de transport, il pourrait être envisagé de leur donner la possibilité de mettre en place un versement transport, comme cela est le cas pour le transport urbain. En effet, il existe certains territoires desservis par des infrastructures et qui ne contribuent pas à leur financement.
Par ailleurs, la question des concessions et des partenariats public-privé est abordée dans le rapport. La nouvelle ligne Paris-Bordeaux fournit un exemple de financement associant des financements publics et privés. Or on constate qu'en fin de compte, la participation des collectivités territoriales a été bien supérieure à ce qui avait été prévu au moment du lancement du projet alors que la part de financement relevant du secteur privé a eu tendance à diminuer.
Il y aurait un travail d'investigation et d'analyse à faire sur les avantages et les inconvénients de tels schémas. Je souhaiterais que cette question soit davantage abordée dans l'avenir et que l'on puisse s'appuyer sur cet exemple particulier qui montre que ce n'est probablement pas la voie à suivre. Il me semble au contraire qu'il conviendrait de veiller à ce que la participation publique soit plus importante.
Je partage les propos tenus par Michel Canevet et François Marc. Compte tenu de l'impact économique et en termes d'attractivité des infrastructures de transport, il est indispensable d'introduire un critère d'équité ou d'aménagement des territoires.
Les infrastructures de transport sont importantes en termes d'organisation de la France et de l'Europe, mais aussi au niveau local.
Je tiens à souligner la ténacité de Marie-Hélène Des Esgaulx qui a souhaité que le groupe de travail engage une réflexion stratégique, qui n'est actuellement pas produite ailleurs.
En particulier, l'État n'a plus de lieu pour construire une telle vision et éprouve, de ce fait, des difficultés à définir des priorités. Je souhaiterais, à cet égard, évoquer le dossier Alstom. Il convient de croiser le calendrier de renouvellement nécessaire sur le long terme des matériels avec le soutien par le marché intérieur d'une industrie qui exporte dans le monde entier.
Enfin, je formulerais quelques réflexions personnelles : les recettes de l'écotaxe nous manquent cruellement ! L'Alsace subit un report de trafic en provenance de l'Allemagne. C'est une magnifique occasion manquée et il sera très difficile de recréer une taxe - des erreurs techniques ont également été commises.
Je souhaiterais également aborder la question du coût de la prolongation des concessions autoroutières : les recettes sont prolongées de deux à quatre ans et elles sont ramenées à une valeur actualisée qui ne prend pas en compte les taux d'intérêt actuels mais le taux d'intérêt utilisé à l'intérieur des concessions, le TRI. Ce mécanisme permet d'éviter la création d'une dette par rapport à un investissement classique de l'État, mais à un coût extrêmement élevé. On pourrait aller plus loin dans cette évaluation, mais le rapport propose très clairement de mettre fin à ce mécanisme opaque. Je tenais à souligner la force de cette proposition.
Enfin, en ce qui concerne la dette de SNCF-Réseau, son augmentation récente correspond à la réalisation simultanée de quatre projets de TGV. L'État a pris des engagements concernant les financements dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens et il ne les a pas respectés. D'autre part, il faut considérer l'impact énorme du coût salarial lié au statut des agents de la SNCF. On peut regretter l'abandon, par le ministre des transports, de la réforme du statut ferroviaire, pourtant en négociation depuis longtemps : la rigidité des rythmes de travail génère des coûts importants.
Le bureau de la commission avait décidé de constituer des groupes de travail transversaux, il me semble que c'est une bonne manière de travailler, plutôt que chaque rapporteur spécial travaille dans son champ propre. Sans doute devrons-nous réfléchir à d'autres sujets à mener dans ces conditions au prochain bureau.
Je souhaiterais répondre à Vincent Delahaye et défendre notre première proposition : il ne faut pas seulement une feuille de route. Nous avons besoin qu'une programmation des projets et des financements soient actés par le Parlement, mais aussi d'une commission permanente qui hiérarchise ces projets. La question des ressources est certes centrale, comme l'a dit Claude Raynal, mais il convient également de hiérarchiser les projets et de suivre leur mise en oeuvre.
La remarque d'Éric Doligé est tout à fait pertinente : 11 milliards d'euros d'investissements en matière d'infrastructures de transport sont pris en charge par les collectivités territoriales contre 2 milliards d'euros pour l'État.
Je ne suis pas en mesure de répondre à Maurice Vincent concernant l'A45 car la Cour des comptes n'a pas détaillé le chiffrage.
Enfin, je souhaiterais insister sur les propositions 9 et 10 : nous souhaitons que certains projets soient gelés afin de pouvoir investir massivement dans le renouvellement et la modernisation des réseaux existants. Notre groupe de travail propose de faire porter la totalité des financements sur cette modernisation.
Je terminerais par une suggestion : il me semble que la commission des finances pourrait utilement permettre de poursuivre ce débat dans l'hémicycle en demandant à la conférence des présidents l'organisation d'un débat dans le cadre d'une semaine de contrôle.
La commission donne acte de sa communication à Marie-Hélène Des Esgaulx et autorise la publication des travaux du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport sous la forme d'un rapport d'information.
Puis la commission entend une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, relatif au financement de dépenses urgentes, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
La commission des finances a été notifiée vendredi dernier d'un projet de décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits à hauteur de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 700 millions d'euros en crédits de paiement.
Conformément à l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, notre commission doit faire connaître son avis sur le décret au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification du projet de décret.
Le recours au décret d'avance constitue une exception au principe de l'autorisation parlementaire des crédits. La loi organique relative aux lois de finances définit quatre conditions de validité du recours au décret d'avance.
Ainsi, les annulations doivent être au moins égales aux ouvertures, afin de ne pas affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. Les montants de crédits ouverts ne doivent pas dépasser 1 % des crédits prévus en loi de finances initiale et les crédits annulés ne peuvent être supérieurs à 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.
Ces trois critères purement techniques sont respectés.
En revanche, le dernier critère, celui de l'urgence, est plus qualitatif. Je souscris à l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle l'urgence signifie à la fois que l'ouverture des crédits doit être nécessaire et que le besoin budgétaire était imprévisible.
La vérification du caractère urgent des dépenses supplémentaires exige un examen détaillé des ouvertures, qui concernent trois missions.
La mission « Travail et emploi » représente l'essentiel des ouvertures avec 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 574,7 millions d'euros en crédits de paiement pour le financement de 150 000 contrats aidés supplémentaires.
84 millions d'euros sont ouverts sur la mission « Égalité des territoires et logement » pour financer la création et la pérennisation de places en hébergement d'urgence.
Enfin, la mission « Justice » bénéficie de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 40 millions d'euros en crédits de paiement pour honorer le paiement de prestations en matière de frais de justice.
Le relèvement du nombre de contrats aidés en 2016 découle de la circulaire du 30 juin 2016 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Le Gouvernement n'a donc fait aucune annonce publique à ce sujet. Cette circulaire n'a pas été communiquée au Parlement ni aux commissions des finances des deux assemblées.
Je pense qu'on peut être surpris par cette méthode : le Parlement est mis devant le fait accompli et découvre qu'il y a plus de contrats aidés quand il y a urgence à les payer !
Au total, 445 000 contrats aidés devraient être conclus en 2016.
La majorité serait des contrats aidés dans le secteur non marchand. Vous vous souvenez que lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2016 l'année dernière, la majorité sénatoriale avait fortement contesté la priorité accordée aux emplois aidés dans le secteur non marchand. En effet, ce sont les contrats qui donnent les moins bons résultats en termes d'insertion sur le marché du travail : seuls 40 % des bénéficiaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ont accédé à l'emploi après leur engagement alors que c'est le cas de 65,6 % des titulaires de contrats initiative emploi (CIE). Nous avions d'ailleurs proposé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 de réduire les contrats aidés dans le secteur non marchand pour renforcer les contrats aidés dans le secteur marchand.
Le Gouvernement décide de créer encore plus de contrats dans le secteur non marchand, pour un coût qui est loin d'être négligeable : les nouveaux contrats coûtent 1,4 milliard d'euros supplémentaires, qui pèseront pour 600 millions d'euros sur 2016 et pour 850 millions d'euros sur l'exercice budgétaire 2017. En 2016, les plafonds de la loi de finances initiale en matière de contrats aidés seront largement dépassés : de 8 % en crédits de paiement et de 20 % en autorisations d'engagement.
L'objectif affiché est de « conforter le mouvement de reprise de l'activité et de l'emploi amorcé en 2015 ». En clair, les nouveaux contrats aidés serviront surtout à essayer de maîtriser les chiffres du chômage ! Pourtant, l'année dernière, lors du débat sur les crédits 2016 de la mission « Travail et emploi », la ministre du travail avait indiqué que l'objectif de 295 000 contrats aidés en 2015 constituait une « programmation à la fois ambitieuse et cohérente s'appuyant sur les perspectives de rebond de l'emploi marchand en 2016 ». En outre, dans le projet de loi de finances pour 2017, le Gouvernement prévoit la signature de 280 000 contrats aidés en 2017 pour un budget de 2,4 milliards d'euros et revient donc à une cible cohérente avec celle prévue en loi de finances initiale pour 2016. On ne peut donc que s'interroger face à ces 150 000 contrats aidés supplémentaires ajoutés en cours d'année !
De façon désormais classique, des crédits sont aussi ouverts au profit de l'hébergement d'urgence, à hauteur de 84 millions d'euros. Sur ce total, 34 millions d'euros découlent de décisions prises par le Gouvernement en cours d'année : création de 3 000 places supplémentaires et pérennisation de 2 300 places qui avaient été créées pendant l'hiver 2015 2016. A contrario, 50 millions d'euros sont ouverts pour les places déjà existantes, ce qui signifie que le programme était sous-budgété - comme notre collègue Philippe Dallier ne manque pas de le constater chaque année.
En outre, le Gouvernement indique qu'à fin septembre, il ne dispose pas d'une estimation fiable de la prévision budgétaire totale du programme en 2016. Il est donc probable que ces ouvertures ne suffisent pas à combler les besoins pour l'année 2016. Nous devons certainement nous attendre à revoir paraître l'hébergement d'urgence lorsque nous examinerons le décret d'avance de fin de gestion.
Enfin, 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40 millions d'euros en crédits de paiement sont ouverts pour payer les frais de justice. Le Gouvernement indique que ces frais sont en hausse à la suite des attentats, en raison d'un nombre plus élevé d'enquêtes et de réquisitions techniques. Il est évidemment compréhensible que les attentats conduisent à une hausse de certaines dépenses. Mais je regrette qu'aucune précision ne m'ait été fournie sur ce point.
J'évoquerai rapidement les annulations de crédits permettant de gager les ouvertures.
Les annulations portent sur la totalité des ministères.
En autorisations d'engagement, plus de la moitié des annulations est portée par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », pour 894 millions d'euros. Ces annulations ne correspondent pas à de vraies économies. En effet, les crédits de ce compte spécial sont fixés à un niveau conventionnel et indépendant du montant des dépenses réellement prévues. En revanche, les crédits ouverts se traduiront bien par des dépenses supplémentaires qui pèseront sur le budget de l'État en 2016 et en 2017 !
La mission « Écologie » est une fois de plus largement mise à contribution : elle représente 20 % des annulations en crédits de paiement et 10 % des annulations en autorisations d'engagement. On est assez loin de la « COP 21 » !
Je constate également que des annulations sont prévues sur le programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice », alors même qu'on a pu entendre dans les dernières semaines le Gouvernement affirmer que les établissements pénitentiaires constituaient une priorité !
En crédits de paiement, 80 % des crédits annulés étaient mis en réserve. Officiellement, la mise en réserve n'est pas ventilée par action ou par dispositif. Il n'est donc pas possible de savoir sur quels dispositifs portent les annulations de crédits « gelés ». Malgré l'envoi d'un questionnaire, malgré nos échanges avec Bercy, le Parlement ne peut donc pas identifier les dispositifs touchés par les redéploiements avant la présentation par le Gouvernement, à la fin de l'année, du schéma de fin de gestion.
Pourtant le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics Christian Eckert avait bien précisé, lors d'une audition le 18 mai 2016 devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, que « cette réserve, comme son nom l'indique, est mise en place par simple précaution. Tous les crédits mis en réserve n'ont pas vocation à être annulés, loin de là ».
Pour conclure sur le respect des critères définis par la loi organique relative aux lois de finances : certes, je ne le conteste pas, les dépenses sont toutes urgentes au sens où les crédits doivent être engagés rapidement.
Mais je ne suis pas convaincu de l'imprévisibilité de la plupart des dépenses que ce projet de décret d'avance vise à financer.
Le relèvement de la cible de contrats aidés n'est pas un évènement de force majeure qui s'impose au Gouvernement - à la différence par exemple des opérations extérieures, ou du renforcement des mesures de sécurité à la suite des attentats. Il s'agit d'une décision politique dans un contexte de taux de chômage élevé. Le coût de la mesure est très important, pour une efficacité au mieux incertaine.
Concernant l'hébergement d'urgence, la sous-budgétisation des dépenses était manifeste dès la loi de finances initiale. Notre collègue Philippe Dallier indiquait dans son rapport spécial que l'insuffisance des crédits pour l'année 2016 semblait « évidente s'agissant de la veille sociale et de l'hébergement d'urgence ». Là encore, ces dépenses n'étaient pas imprévisibles.
Je suis donc très réservé sur ce projet de décret d'avance et il me semble que le Parlement serait dans son rôle en exerçant pleinement sa vigilance sur l'usage répété de la procédure du décret d'avance, qui réduit la portée de l'autorisation parlementaire.
Le projet d'avis qui vous est soumis, et qui vous a été distribué, reprend les réserves que j'ai exprimées concernant le caractère prévisible de certaines ouvertures.
Je vous propose de rendre un avis défavorable sur ce projet de décret d'avance.
À l'instar de notre rapporteur général, je ne suis pas convaincu par le caractère imprévisible du financement des contrats aidés - si ce n'est pour des raisons politiques - et je pense qu'une telle mesure de hausse du nombre de contrats aidés aurait dû trouver sa place en loi de finances rectificative.
Je constate à nouveau que l'écologie est particulièrement touchée. Par un tour de passe-passe on a voulu nous faire croire que l'exécution 2016 était en hausse par rapport à 2015, alors qu'à périmètre constant elle était en baisse ! Certes, des économies sont nécessaires, mais est-il judicieux de couper les crédits de la météorologie quand notre rapporteur spécial Vincent Capo-Canellas nous explique que des investissements lourds sont nécessaires en matière notamment de supercalculateur, afin d'améliorer la qualité des prévisions ? Bercy pense-t-il que les accidents climatiques que nous subissons sont exceptionnels et ne se reproduiront pas ? Il en est de même pour le programme 159 « Information géographique et cartographique ». Quand on connait l'état de l'Institut géographique national, on peut se poser des questions. Pourquoi un tel acharnement sur la mission « Écologie » ? On nous a promis des crédits sur le troisième programme d'investissements d'avenir, mais je constate qu'aucun des trois programmes de la mission « Investissements d'avenir » n'est centré sur l'écologie !
Par ailleurs, je m'interroge sur ce que cache l'annulation de 893 millions d'euros en autorisations d'engagement sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »...
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe écologiste partage l'avis défavorable du rapporteur général.
Personne ne sera surpris que je ne partage pas cet avis défavorable. Il ne me semble pas que l'on puisse parler de recours abusif aux décrets d'avance : celui-ci est le second de l'année et nous sommes fin septembre.
Le document projeté présentait clairement les critères nécessaires de recours au décret d'avance prévu par la loi organique relative aux lois de finances - dont fait partie l'urgence - et qui me semblent réunis.
L'offre d'emplois aidés dans le secteur marchand est insuffisante, nous sommes loin des deux millions d'emplois annoncés par Pierre Gattaz. Or ces contrats constituent une mesure sociale avant d'être économique et il a donc fallu pallier cette offre insuffisante en sortant du seul secteur marchand, sous peine d'abandonner une politique sociale. D'où l'imprévisibilité : nous pensions que les employeurs privés auraient eu davantage recours aux contrats aidés. Quant à l'urgence, on ne pouvait attendre la fin de l'année 2016 pour agir.
Les critères prévus par la loi organique étant respectés, le groupe socialiste et républicain donnera donc un avis favorable à ce décret d'avance.
Je comprends que des ajustements budgétaires soient nécessaires en cours d'année, mais les annulations proposées pour financer les ouvertures sont considérables : 16 millions d'euros sur l'agriculture, 13 millions d'euros sur la solidarité, 55 millions d'euros sur le tourisme, 95 millions d'euros sur les infrastructures, sujet que nous avons abordé en début de matinée. Même l'administration pénitentiaire est concernée, au moment où le Gouvernement fait des annonces à ce sujet...
Et les motivations sont particulièrement lacunaires ! Il faudrait creuser davantage pour distinguer ce qui relève d'une sous-consommation qui rend des crédits disponibles, ou d'une annulation pure et simple.
Enfin, les départements apprécieront que « les annulations soient permises par le profil de consommation de la dotation globale d'équipement des départements ». C'est à méditer pour les présidents des conseils départementaux. Quand il y a des explications elles sont presque humoristiques...
On s'interroge souvent sur le cap de la politique du Gouvernement mais là au moins c'est clair : faire baisser le chômage en 2017 !
Ces 150 000 contrats s'ajoutent aux 300 000 actuels qu'on ne sait comment gérer et qui avaient été financés sur des dépenses d'avenir : la recherche, l'écologie... Ces missions sont à nouveau sacrifiées ! C'est un comble pour les socialistes, il me semblait que vous vous disiez progressistes... Même le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est mis à contribution !
Et les annulations ne sont pas suffisamment détaillées ! C'est un manque de respect du Parlement.
Le principe du décret d'avance ne me choque pas, nous prenons bien des décisions modificatives dans nos collectivités. On peut en revanche regretter que l'enseignement, la recherche, l'écologie, les transports, la sécurité intérieure ou l'agriculture, qui souffre beaucoup, soient touchés. Même la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est mise à contribution ! Toutes ces dépenses sont importantes et 700 millions d'euros en crédits de paiement, ce n'est pas neutre...
Je souhaite rassurer Francis Delattre. Des ajustements techniques sont faits mais regardons l'ensemble du quinquennat : 9 milliards d'euros de plus pour l'enseignement et la recherche. Nous sommes toujours progressistes mais également réalistes : nous avons ajouté quelques milliards d'euros sur la sécurité pour corriger les baisses du quinquennat précédent. Nous gardons à la fois le moral et nos convictions.
S'agissant des participations financières de l'État, ces sommes n'étaient pas nécessaires en 2016 : leur annulation constitue une mesure de bonne gestion. Certes, des dépenses s'annoncent pour 2017 mais d'autres ressources de ce compte pourront alors être mobilisées.
Cette discussion nous ramène au débat budgétaire de l'an dernier et au choix qu'il portait et que nous avions souligné : celui de l'austérité et de la réduction de la dépense publique. Il est logique que l'on ait ensuite des difficultés en cours d'exécution ! Nous aurons à nouveau ce débat avec Didier Migaud cet après-midi puis ce soir avec Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget. Ils nous diront sûrement qu'il faut continuer !
Je n'ai pas beaucoup d'illusions, mais nous jugerons sur les faits. Le groupe communiste et républicain n'avait pas voté le budget donc nous nous abstiendrons aujourd'hui.
Ce que je conteste, c'est le caractère imprévisible des mesures portées par ce décret d'avance. Le projet de loi de finances qui nous sera présenté ce soir prévoit 280 000 contrats supplémentaires, soit un nombre à peu près identique à celui prévu en loi de finances initiale pour 2016 avant cette rallonge de 150 000 contrats aidés supplémentaires : ce n'est pas cohérent avec ce projet de décret d'avance ! Je rejoins Francis Delattre, ces mesures sont purement politiques ! Je fais de la politique depuis suffisamment longtemps pour comprendre pourquoi le Gouvernement n'a pas souhaité faire d'annonce sur le sujet.
Concernant les annulations, le sujet principal réside effectivement sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » : on repousse des dépenses à 2017 mais les annulations ne sont pas de vraies économies, puisque les crédits inscrits sont purement conventionnels !
Quant au parallèle qu'a fait Marc Laménie avec les décisions modificatrices, je rappelle que dans ce cas l'organe délibérant doit les voter. L'équivalent serait une loi de finances rectificative, qui suppose un débat en séance et un vote, quand nous sommes seulement invités ce matin à donner un simple avis !
C'est l'absence d'imprévisibilité des mesures proposées qui me conduit à vous proposer de donner un avis défavorable à ce décret d'avance.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information ; elle adopte l'avis sur le projet de décret d'avance.
L'avis est ainsi rédigé :
La commission des finances,
Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ;
Vu le décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance ;
Vu le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, portant ouverture et annulation de 1 532 250 403 euros en autorisations d'engagement et 698 718 934 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;
Sur la régularité du projet de décret d'avance :
1. Constate que l'objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement de 150 000 contrats aidés supplémentaires, des dépenses relatives à l'hébergement d'urgence et aux frais de justice ;
2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur vingt-cinq missions du budget général et un compte d'affectation spéciale ;
3. Constate que les ouvertures de crédits prévues par le projet de décret d'avance et le décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;
4. Relève que les ouvertures représentent plus de 5 % de la budgétisation initiale hors dépenses de personnel des programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;
5. Note que le montant des crédits ouverts par le projet de décret d'avance excède le plafond de 2 % des crédits de chaque programme et ne peut par conséquent pas faire l'objet d'une procédure de virement de crédits ;
6. Constate qu'il n'apparaît donc pas possible d'ouvrir les crédits supplémentaires considérés autrement qu'en recourant à un décret d'avance ;
7. Estime que la nécessité d'une ouverture rapide des crédits est avérée au regard de la nécessité de financer les contrats aidés supplémentaires dont la création a été décidée par le Gouvernement, d'assurer la continuité de l'accueil en hébergement d'urgence et d'honorer le paiement des prestations en matière de frais de justice ;
8. Constate que les conditions techniques de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 précitée sont donc formellement réunies ;
Sur les ouvertures prévues par le projet de décret d'avance :
9. Note que les ouvertures de crédits en cours d'année pour financer une hausse de 50 % du nombre de contrats aidés par rapport à la programmation budgétaire initiale 2016 ne résultent pas d'un évènement imprévisible mais d'une décision gouvernementale dans un contexte de taux de chômage élevé ;
10. Relève que la réorientation de la programmation des contrats aidés ne découle pas d'une annonce publique du Gouvernement mais d'une circulaire du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui n'a fait l'objet d'aucune communication au Parlement ni aux commissions des finances des deux assemblées malgré ses conséquences budgétaires importantes ;
11. Souligne que le relèvement de la programmation des contrats aidés à hauteur de 150 000 contrats aidés supplémentaires conduit à une augmentation des dépenses pour la fin de l'année 2016 représentant un dépassement de 8 % de la budgétisation initiale votée par le Parlement et entraîne l'engagement par l'État de près d'1,5 milliard d'euros, qui pèseront pour 850 millions d'euros en crédits de paiement sur l'exercice 2017 ;
12. Rappelle le caractère récurrent, ces dernières années, du dépassement de l'enveloppe budgétaire allouée aux contrats aidés ;
13. Note par conséquent que le coût de la politique des contrats aidés n'est pas contenu ;
14. Observe que la sous-budgétisation des dépenses d'hébergement d'urgence est habituelle et que l'insuffisance des moyens était manifeste dès la loi de finances initiale au regard de l'exécution 2015 et de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile sur le territoire à partir de la seconde moitié de l'année 2015 ;
15. Estime par conséquent que l'urgence à ouvrir les crédits ne découle pas du caractère imprévisible des besoins budgétaires, mais d'une décision gouvernementale s'agissant des contrats aidés d'une part et de l'insuffisance des moyens alloués en loi de finances initiale concernant l'hébergement d'urgence d'autre part ;
16. Constate par ailleurs que le Gouvernement ne fournit aucun chiffrage relatif à la hausse des dépenses liées aux frais de justice qui serait intervenue à la suite des attentats ; que le Parlement ne peut par conséquent en apprécier l'imprévisibilité ;
Sur les annulations prévues par le projet de décret d'avance :
17. Constate que la plus grande partie des annulations porte sur des crédits mis en réserve, ce qui ne permet pas au Parlement d'identifier les dispositifs touchés par les redéploiements avant la présentation par le Gouvernement, à la fin de l'année, du schéma de fin de gestion ;
18. Estime par conséquent que le recours croissant, par le Gouvernement, à la mise en réserve de crédits, qui s'élève depuis 2015 à 8 % des crédits ouverts sur le budget de l'État, et à la procédure de décret d'avance nuit à la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement ainsi qu'à la portée de l'autorisation parlementaire ;
19. Relève que les annulations en autorisations d'engagement sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ne constituent pas des économies réelles sur le budget de l'État dans la mesure où les crédits inscrits à cette mission sont fixés à un niveau conventionnel, identique d'année en année et indépendant du montant des dépenses réellement prévues ; que les ouvertures qu'elles permettent se traduiront en revanche par une charge supplémentaire certaine sur le budget de l'État en 2016 et en 2017 ;
20. Souligne qu'une part importante des annulations sur le budget général pèse sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement ;
21. Émet, en conséquence, un avis défavorable au présent projet de décret d'avance.
La commission nomme M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial des crédits du programme 159 « Expertise, information géographique et Météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », et M. Jean-François Husson, rapporteur spécial des crédits du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et des crédits du programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
La réunion est levée à 11 h 40.