La réunion est ouverte à 16h30.
Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures.
Nous avons souhaité entendre, dans le cadre de nos travaux, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, ainsi que feu l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, qui a été intégré à l'Agence française pour la biodiversité (AFB), pour pouvoir notamment apprécier le rôle de chacun de ces deux établissements dans la mise en oeuvre et, surtout, le contrôle des mesures de compensation.
Je rappelle aux personnes que nous entendons que nous nous sommes fixés pour objectif, dans le cadre de cette commission d'enquête, d'analyser plus en détail les conditions de définition, de mise en oeuvre et d'évaluation des mesures de compensation de quatre projets spécifiques : l'autoroute A65, la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, l'aéroport Notre-Dame des Landes, ainsi que la réserve d'actifs naturels de Cossure, en plaine de la Crau.
Ces projets, qui sont tous à un stade différent de mise en oeuvre de la compensation, devront nous permettre d'apprécier l'efficacité et surtout l'effectivité du système de mesures compensatoires existant, et d'identifier les difficultés et les obstacles éventuels à une bonne application de la séquence éviter-réduire-compenser (ERC).
La commission d'enquête a souhaité que notre réunion d'aujourd'hui soit ouverte au public et à la presse. Elle fera l'objet d'une captation vidéo, et sera retransmise en direct sur le site internet du Sénat. Un compte rendu en sera publié. Nous entendons M. Jean-Pierre Poly, directeur général de l'ONCFS, M. Guillaume Rousset, directeur de la recherche et de l'expertise, M. Jean-Michel Zammite, directeur du contrôle des usages et de l'action territoriale à l'ONEMA et Mme Véronique de Crespin de Billy, chef de projet appui technique.
Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander, madame, messieurs, de prêter serment.
Je rappelle que tout faux témoignage devant la commission d'enquête et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, soit cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour un témoignage mensonger.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Jean-Pierre Poly, Guillaume Rousset, Jean-Michel Zammite et Mme Véronique de Crespin de Billy prêtent successivement serment.
Pouvez-vous nous indiquer, à titre liminaire, les liens d'intérêts que vous pourriez avoir avec les différents projets concernés par notre commission d'enquête ?
Je n'ai aucun lien d'intérêt. L'ONCFS déploie son réseau de veille écologique et sanitaire sur l'ensemble du territoire national. L'office a un service dans chaque département.
Je n'ai aucun lien d'intérêt.
Je n'ai aucun lien d'intérêt. L'ONEMA dispose également de services départementaux, lesquels instruisent ces dossiers au titre de la loi sur l'eau.
Je n'ai aucun lien d'intérêt pour ce qui concerne ces quatre projets. Je le précise, je suis membre de la commission Faune du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), auquel j'apporte mon expertise sur certains dossiers. J'ai participé à l'expertise, demandée par le préfet, sur le dimensionnement de la compensation pour le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes, à la suite d'une remarque du commissaire enquêteur formulée dans le cadre de l'enquête publique.
Dans mon propos introductif, je veux montrer comment l'ONCFS s'intéresse au sujet qui occupe cette commission d'enquête.
L'office est placé sous la double tutelle du ministère de l'agriculture et du ministère de l'environnement. Il est chargé de trois missions fondamentales et complémentaires : la surveillance du territoire, la police de la nature et la police de l'eau. Il s'agit de missions de recherche et d'expérimentation sur la faune sauvage et ses habitats, aux fins de conseiller les aménageurs, les gestionnaires et les pouvoirs publics. Sur la séquence ERC, nous intervenons à plusieurs niveaux : missions de police - les plus prégnantes -, expertise sur la fonctionnalité et la connaissance des écosystèmes terrestres - nous sommes à l'origine d'études d'impact pour chacun des projets concernés -, rôle de conseil, enfin, dans l'instruction des dossiers, à la fois auprès des maîtres d'ouvrages et des autorités administratives.
Nous exerçons ces missions aux niveaux national et local.
Au niveau national, nous produisons des références techniques. Parmi les mesures compensatoires figurent souvent les passages à gibier. Sur ce sujet, nous sommes capables de documenter les ouvrages à réaliser. Nous avons produit une brochure faisant autorité sur les champs d'éoliennes et leur impact sur la faune migratrice. Nous sommes enfin des experts sur de nombreuses espèces sensibles, parfois menacées, souvent protégées, comme le lynx, le vison d'Europe et le hamster.
Parmi nos missions de base figurent également des missions d'inventaire de la biodiversité ordinaire et la biodiversité des espaces remarquables et protégés. Dans les espaces ordinaires, nous réglementons la chasse. J'insiste sur la biodiversité, parfois tout aussi menacée que la biodiversité remarquable !
L'un de nos agents a pour principale mission d'instruire les dossiers ensuite examinés par le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Nous accompagnons la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) sur l'évolution de la séquence ERC.
Nous sommes parfois à l'origine de dispositifs expérimentaux, comme c'est le cas dans le massif de Belledonne, en liaison avec les ouvrages réalisés par EDF.
Nous avons également en charge l'élaboration et la mise en oeuvre de plans nationaux de gestion et de protection d'espèces sensibles. Nous intervenons à la fois en tant qu'experts, prescripteurs de mesures de compensation, ou qu'opérateurs. C'est notamment en tant qu'opérateurs que nous sommes intervenus sur le contournement de l'agglomération strasbourgeoise pour protéger des zones peuplées par le hamster.
Environ une dizaine d'inspecteurs de l'environnement habilités à procéder aux opérations de contrôles sont placés dans chacun de nos services départementaux. Ils interviennent en appui des directions départementales des territoires (DDT) et des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour l'instruction administrative des dossiers auprès des maîtres d'ouvrage. Leur connaissance du fonctionnement des écosystèmes terrestres leur permet d'orienter la conception des mesures compensatoires à mettre en oeuvre. Ils jouent également un rôle actif dans le contrôle de ces mesures. La réduction de nos moyens nous a conduits, dans les procédures d'instruction, à nous focaliser sur certains aspects d'un dossier d'instruction.
L'AFB nouvellement créée a de très nombreuses activités, qui sont indiquées précisément dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. L'une de ses missions est d'assurer le suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité et de dresser un inventaire national destiné à identifier les espaces naturels à fort potentiel de gain écologique et les parcelles à l'état d'abandon. Il s'agit d'une attribution nouvelle à laquelle nous travaillerons à partir de cette année.
Au demeurant, le sujet de la compensation n'est ni orphelin, ni nouveau au sein des établissements constitutifs de l'Agence. Nos services territoriaux interviennent dans ce domaine et, plus globalement, dans la séquence ERC depuis de très nombreuses années.
On peut distinguer cinq grands types de missions.
Il s'agit d'abord de conduire et de financer, en partenariat avec EDF ou avec des établissements publics, des travaux de recherche visant à mettre en place des dispositifs destinés à réduire les effets des aménagements et à établir des mesures de compensation (méthodes de dimensionnement, évaluation des fonctions des zones humides, établissement d'indicateurs de trajectoire de zones humides).
Ensuite, nous participons à l'élaboration de doctrines. Nous disposons d'une ingénierie administrative pour faciliter l'instruction des dossiers, ce qui permet de capitaliser nos retours d'expérience. Nous mettons à disposition des guides techniques pour mettre en valeur ce qui fonctionne.
Par ailleurs, nous menons de nombreuses actions de prévention et de formation, via des journées d'information et de sensibilisation à la séquence ERC, par exemple sur les mesures de réduction en phase de chantier ou de compensation des atteintes au milieu aquatique. Nous avons coconstruit ces offres de formation avec le Commissariat général au développement durable (CGDD), et d'autres opérateurs, pour que les maîtres d'ouvrage puissent disposer d'une connaissance des pratiques de la compensation. Nous participons également à des séminaires et des colloques avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), de même qu'avec EDF et différents opérateurs.
Au titre de la prévention, nous apportons une expertise technique aux dossiers relatifs à la loi sur l'eau ou aux espèces protégées, à la demande des services instructeurs de l'État. Nos recommandations techniques peuvent ensuite être reprises. Ces instructions représentent environ 7 500 dossiers par an, soit 20 % de l'activité des agents de l'établissement - 120 ETP (équivalents temps plein) par an.
En outre, nous organisons la mise en place de documents de planification, tels que les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), pour la mise en oeuvre de la séquence ERC.
Une autre de nos activités, fort connue, est la mise en oeuvre des contrôles de la bonne exécution de ces mesures. Il s'agit des mesures de police que l'on peut retrouver dans le cadre des plans de contrôle organisés par le préfet.
Enfin, nous sommes chargés d'une mission de veille juridique et d'appui aux instances judiciaires, pour remédier aux atteintes environnementales et compenser la dégradation environnementale.
Ma question portera sur la transparence pour ce qui concerne les infrastructures linéaires morcelant le pays. Quelle est la vision de l'ONCFS sur les difficultés actuelles ? À quels endroits les infrastructures récentes posent-elles un vrai problème d'impact sur la biodiversité ? Où faudrait-il intervenir en priorité ? Avez-vous une vision scientifique de l'impact du morcellement des populations ? Je pense aux cervidés et à la faune sauvage en général.
S'agissant des projets cités, avez-vous été associés en amont, notamment sur la séquence ERC ? L'État vous semble-t-il avoir réellement mis en oeuvre l'étape évitement ?
Comment envisagez-vous le contrôle qui devra s'exercer demain ? Quels seront vos pouvoirs de police dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, qui prévoit une obligation de résultat ? Quelle sera votre capacité de contrôle pour bien vérifier que les mesures compensatoires satisfont cette obligation ?
Sur le premier point, j'illustrerai ma réponse par un exemple. Nous sommes à la croisée de concepts nouveaux : trame verte, trame bleue et séquence ERC. Avec les fédérations départementales de chasse et la Société de vènerie, nous avons exploité les carnets que tiennent les veneurs sur les trajets empruntés par les grands animaux, pour mettre en place les dispositifs de franchissement au bon endroit. Si une telle démarche n'est pas reproductible partout, il convient néanmoins de l'évoquer.
En réponse à votre deuxième question, je vous dirai que nous intervenons davantage de manière curative.
D'un point de vue scientifique, avez-vous des exemples de populations fractionnées, qui dépérissent ?
Oui, nous avons une bonne vision du dispositif.
Nous suivons les populations de grands gibiers de manière très précise. Celle des cervidés a connu des augmentations très importantes. Dans le cadre des dispositifs d'assurance automobile, la prise en charge des collisions avec le grand gibier nous a permis d'obtenir des données précises sur les lieux où se produisaient les accidents. Toutefois, les dispositions ayant été modifiées, de telles données ne sont plus disponibles.
Les franchises sont différentes et les assurances ne nous renseignent plus de la même façon.
Nous pourrions peut-être vous aider en la matière !
Dans la mesure où les populations de cervidés augmentent et où l'État évoque un problème de transparence des anciennes infrastructures, avons-nous vraiment besoin d'un maître d'ouvrage pour bâtir des ponts au-dessus des autoroutes ? Je sais que ma question vous semblera quelque peu inattendue ...
Il existe des problèmes de concentration de populations sur des espaces limités. Il convient donc de rayonner et de diffuser pour avoir des populations plus homogènes. Par ailleurs, une population confinée - je pense en l'occurrence au domaine de Chambord - ne vit pas comme une population naturelle. Il est donc important d'assurer la libre circulation des animaux, pour un bon fonctionnement des écosystèmes.
S'agissant de l'impact des infrastructures, vous évoquiez le fractionnement des milieux. Pour ce qui concerne les espèces aquatiques ou semi-aquatiques, dont le cycle de vie dépend de la présence de certains habitats humides ou aquatiques, nous observons une fragilisation de certaines populations, qui peut aller jusqu'à sa disparition à proximité immédiate de l'infrastructure. Tel est le cas pour l'écrevisse à pattes blanches.
Il existe d'autres impacts résiduels forts participant à la diminution de la capacité d'accueil globale des milieux aquatiques. Ils altèrent le caractère physico-chimique de l'eau en raison de l'accentuation des processus d'érosion ou de l'utilisation de certains matériaux qui modifie le pH de l'eau. Ces pollutions se pérennisent du fait de l'utilisation de remblais réalisés avec des matériaux très basiques ou très acides, qui augmentent les risques d'inondation et d'érosion. L'emprise de l'infrastructure peut modifier les modalités d'écoulement des eaux, ce qui se répercute sur les zones humides et les cours d'eau situés en aval.
Par ailleurs, pour la faune, outre un fractionnement, on constate une perte sèche d'habitat liée à l'emprise des infrastructures et au réaménagement foncier voire à l'urbanisation. On fait ce constat pour les zones humides, mais aussi pour les cours d'eau. Ainsi, dans la mesure où un cours d'eau doit passer à la perpendiculaire des structures pour ne pas risquer une érosion des remblais, il est souvent nécessaire de le dériver, ce qui engendre des pertes de charge linéaire.
Autant de facteurs qui contribuent à réduire la capacité d'accueil globale des milieux naturels. Une telle situation entraîne une dégradation des services rendus par la biodiversité à la société.
Comme les grands animaux, d'autres espèces beaucoup plus fragiles telles que le hamster ou le vison d'Europe rencontrent des problèmes liés à la fragmentation de l'habitat qui résulte des infrastructures plus anciennes. Nous avons ainsi conduit avec les DREAL des opérations visant à corriger ces situations.
Pour ce qui concerne les projets évoqués, avez-vous été associés en amont, notamment sur la séquence ERC ?
La situation varie suivant les projets. De manière générale, nous sommes associés aux deux dernières phases, à savoir « réduire » et « compenser ». Plus ponctuellement, nous pouvons être associés à la phase « éviter ».
Pour ce qui concerne l'A65, nous étions porteurs du plan national de restauration du vison d'Europe et nous avons donc été associés plus en amont.
Des opérations d'inventaire nous sont confiées en amont de la conception du projet. Quand l'idée du projet naît, nous sommes bien souvent sollicités pour procéder aux inventaires faunistiques du secteur, qui permettront ensuite d'orienter les études d'impact et d'enclencher la séquence.
Nous avons été associés différemment selon les projets.
Nous n'avons pas été associés au dossier de la plaine de la Crau qui concerne assez peu les milieux aquatiques.
En revanche, nous avons été associés aux trois autres projets - A65, LGV/SEA et Notre-Dame-des-Landes -, mais de manière différente à chaque fois. L'instruction de ces projets n'a pas eu lieu en même temps et il faut donc tenir compte du contexte.
L'instruction du dossier de l'A65, dans le cadre de la loi sur l'eau, remonte à 2006-2007. À l'époque, nous avons été associés très en amont pour fournir des données sur la présence ou l'absence de telle ou telle espèce aquatique ou sur certains enjeux aquatiques, mais nous ne l'avons pas été sur la question de l'évitement. Nous avons ensuite été associés à l'analyse des mesures de réduction d'impact en fin de chantier, à la fois sur les ouvrages provisoires et définitifs. Les choses ont été un peu plus compliquées concernant la compensation. Nous n'avons été associés à cette réflexion qu'après la mise en service de l'infrastructure, les mesures de compensation de ce projet n'ayant pas été définies en phase d'instruction, mais seulement plus tard.
En phase d'instruction, les sites qui nous ont été présentés ne correspondaient qu'à des intentions et non à des engagements du maître d'ouvrage. Une fois l'autorisation obtenue, le maître d'ouvrage a revu, pour une part, son offre de compensation. Nous avons alors été associés au processus afin de vérifier l'éligibilité de certains sites. Certaines espèces aquatiques étaient plus particulièrement ciblées, notamment l'écrevisse à pattes blanches et la cistude d'Europe.
Dans un second temps, nous avons été associés à l'expertise des mesures de compensation des zones humides. Les mesures de compensation pour les espèces protégées ont dans un premier temps été mutualisées avec celles-ci. Nous devions donc d'abord vérifier l'éligibilité des sites de compensation en tenant compte des critères relatifs aux espèces protégées.
Nous avons procédé à un certain nombre de contrôles qui ont révélé que 60 % des sites de compensation de zones humides n'étaient en réalité pas humides. Après une procédure administrative un peu longue, nous pouvons dire aujourd'hui que ces mesures de compensation sont satisfaisantes. Après plusieurs échanges, le maître d'ouvrage nous a proposé de vrais sites de compensation de zones humides parmi son volume de sites de compensation pour les espèces protégées.
Nous sommes plutôt satisfaits du résultat. Les plans de gestion ont été validés et seront bientôt mis en place.
Sur le dossier de l'A65, nous avons donc été sollicités plusieurs fois, à différentes époques : en amont de l'instruction, pendant l'instruction, pendant le chantier et en phase de contrôle des procédures administratives.
Nous avons également été associés très en amont sur le dossier du projet LGV/SEA pour fournir des données d'inventaire du milieu et réaliser une évaluation des enjeux.
Nous avons ensuite été davantage sollicités en phase de chantier pour évaluer la pertinence des mesures de réduction mises en place sur les IOTA provisoires - c'est-à-dire tout ce qui est protection des milieux pendant les chantiers - comme sur les ouvrages définitifs, notamment en matière de franchissement ou de dérivation des cours d'eau.
Nous sommes encore très régulièrement sollicités sur ce projet pour veiller à l'éligibilité des mesures de compensation des zones humides et cours d'eau.
À ce titre, nous avons reçu beaucoup de dossiers dont certains sont rejetés en raison - selon nous et selon le service instructeur - de leur non-éligibilité et d'autres sont acceptés et pris en charge. Il s'agit à la fois de mesures de compensation cours d'eau et zones humides qui peuvent être mutualisées, le cas échéant, avec les mesures de compensation espèces protégées.
S'agissant de NDDL, l'ONEMA a travaillé sur l'expertise du dossier loi sur l'eau. Cette saisine portait davantage sur la pertinence de l'état initial, afin de savoir s'il manquait certaines données d'inventaire de la zone concernée par le projet ?
Nous n'avons pas été saisis de la question précise des mesures d'évitement.
Nous sommes seulement saisis à la demande des services de l'État.
On peut s'étonner que sur une tête de bassin, qui concerne donc exclusivement des zones humides, vous ne soyez pas davantage sollicités.
Nous avons été assez peu sollicités en l'espèce, notamment sur la question des mesures d'évitement, mais il ne faut pas en tirer une règle générale.
Ce que vous dites des inventaires est très intéressant. Est-ce vous qui avez mis en évidence la présence du campagnol amphibie sur le site ? À l'époque, on ne l'avait pas encore découvert.
À l'époque, nous n'avions pas connaissance de la présence de cette espèce sur le site. Elle n'a été découverte que récemment.
En revanche, nous avions identifié la présence d'une population de truites de très bonne qualité qui n'apparaissait pas dans le dossier.
Quand on parle de compensation, on pense souvent au vison d'Europe et à quelques autres grandes espèces. Vous avez cependant beaucoup insisté sur une autre dimension, celle des modifications physico-chimiques. S'agissant de Notre-Dame-des-Landes, a-t-on fait appel à votre compétence pour analyser les risques de modification physico-chimiques de l'eau dans la mesure où la tête de bassin serait, de fait, énormément modifiée ?
Nous aurions pu l'être, mais nous ne l'avons pas été spécifiquement. Il faut reconnaître que ces questions n'ont été mises en lumière que très récemment.
L'impact des infrastructures linéaires sur les caractéristiques physico-chimiques de l'eau était assez méconnu jusqu'à ces dernières années, à l'exception du problème de l'apport excessif des sédiments et du colmatage des cours d'eau en raison du décapage des talus - en phase de chantier, une fois que les terrassements commencent, les processus d'érosion assez forts entraînent ces sédiments dans les cours d'eau.
En revanche, l'impact des sauts de pH ou des pollutions physico-chimiques liées à l'utilisation de certains adjuvants, notamment pour le béton, ou de certaines graves bitumineuses, n'est connu que depuis peu.
Je ne pense donc pas que l'on puisse reprocher aux services de l'État de ne pas avoir suffisamment questionné l'ONEMA à l'époque. Nous n'avions pas nous-mêmes de connaissances suffisantes sur ce sujet, qui va encore faire l'objet de beaucoup de recherches.
Nous venons de mettre en lumière, par exemple, l'impact des explosifs à base d'ammonitrate sur les cours d'eau. Nous progressons sur ces questions, avec l'aide des maîtres d'ouvrage. Ces problématiques sont abordées de manière assez constructive, dans une optique préventive, afin de réfléchir à des solutions avant de sanctionner la pollution observée.
Qu'en est-il du contrôle de l'obligation de résultat, que nous avons introduit dans la loi ? Vous sentez-vous prêts à assurer cette mission ? L'assurez-vous déjà sur certains dossiers ?
C'est, depuis cinq ans, une référence dans notre contrat d'objectifs et de moyens. Cela fait partie des sujets sur lesquels nous intervenons à la demande et qui, de ce fait, sont inscrits dans les plans de contrôle départementaux, exécutés conjointement ou en bonne intelligence avec nos collègues de l'ONEMA et sur lesquels le préfet assure l'arbitrage, en fonction des priorités locales. Nous tenons une comptabilité très précise de nos missions de police : je vous ferai parvenir des renseignements précis sur la part de ce contrôle dans l'ensemble des missions de police exécutées par l'office.
Le meilleur contrôle, c'est celui que l'on n'a pas à faire. Tel est le cas lorsque le maître d'ouvrage est bien conscient de ses droits et obligations, et de la nécessité de prendre en compte l'exigence environnementale dès l'amont du projet. La prévention, qui passe par l'information et la sensibilisation, compte beaucoup. Cela dit, le contrôle reste une exigence et il est mis en oeuvre au travers de plans de contrôle, qui mobilisent nos agents de terrain, notamment sur la question des zones de compensation.
Il n'est pas toujours facile, cependant, de traduire des contraintes administratives en contrôle. Une chose est d'écrire qu'il faut mettre en place des zones de compensation, autre chose est de le mesurer objectivement. Il serait utile que les actes administratifs, qui restent souvent trop flous, soient plus précis. Autant il est simple de contrôler les moyens mis en oeuvre, autant il est beaucoup plus délicat de contrôler le résultat. On peut vérifier qu'une passe à poissons a bien été mise en place, mais il est plus délicat de s'assurer qu'elle fonctionne bien.
Nous avons édité des guides, qui donnent des indications. Cela fait partie de notre travail d'aide à l'ingénierie de l'administration. J'ajoute que nous travaillons beaucoup avec les grands opérateurs, comme EDF, qui sont demandeurs. Nous ne nous contentons pas de jouer les gendarmes mais engageons, avec ces opérateurs, un travail collaboratif. Cela représente, au reste, une charge de travail assez importante.
Je rejoins ce qui vient d'être dit, notamment sur les difficultés à évaluer la fonctionnalité des mesures compensatoires. Nous sommes dans une logique de cas par cas : sur chaque dossier, des mesures compensatoires spécifiques sont prévues. Pour pouvoir les contrôler, il faut qu'elles aient été bien conçues et que l'arrêté soit précis sur le résultat attendu. D'où l'importance d'être associés au travail de l'administration en amont. Étant chargés d'une mission à la fois technique et de police, notre double culture nous met en mesure d'apporter conseil aux services de l'État, pour que les arrêtés soient précis et prescriptifs.
Je signale une innovation, qui découle de la loi pour la reconquête de la biodiversité et d'une initiative des administrations centrales : l'enregistrement systématique des mesures compensatoires. Mme Monnoyer-Smith et M. Delduc, que vous avez entendus, vous en auront parlé. C'est un outil très précieux.
Nous avons entamé un contrôle des mesures de compensation, il y a cinq ou six ans, à partir du moment où elles sont devenues fréquentes dans les arrêtés. Or, nous avons bien souvent constaté que nous étions gênés par le manque de précision de ces arrêtés, qui ne sont pas assez prescriptifs. Nous avons donc lancé un travail d'aide à la rédaction des actes administratifs autorisant un projet : nous proposons ainsi aux services instructeurs de l'État tous les garde-fous nécessaires, non seulement pour faciliter le contrôle - disposer d'un échéancier de mise en oeuvre, par exemple, le facilite beaucoup - mais aussi pour préciser, plus en amont, ce qui est attendu des maîtres d'ouvrage, et rappeler les principes qui régissent la compensation.
Je salue, avant de passer la parole à nos collègues, les membres de l'Institut du Sénat, venus assister à nos travaux.
Je vous remercie de la qualité de vos réponses.
Je m'interroge sur le rôle des organismes que vous représentez - et je pense en particulier à l'ONCFS - en qualité d'acteurs de la compensation. Comment imaginez-vous ce rôle ? À quel stade ? Avec quels moyens budgétaires ? Serez-vous en mesure d'assurer cette mission sans grever les moyens dévolus à d'autres missions ?
Ma deuxième question porte sur la libre circulation de la grande faune. On s'en préoccupe pour les grands ouvrages, mais fait-on de même pour les initiatives privées ? Je pense notamment à la Sologne, entièrement cloisonnée par des propriétés grillagées, ce qui interdit toute libre circulation à ces animaux. Je suppose qu'on y rencontre des phénomènes de concentration, avec les dégâts qui les accompagnent. J'ai conscience que ma question déborde un peu notre sujet, mais cela vaut de s'en préoccuper.
On entend souvent dénoncer les effets néfastes des autoroutes. Or, j'ai pu constater, sur mon territoire, que depuis la construction d'un échangeur autoroutier de l'A16, les lapins de garenne sont plus nombreux que jamais, de même que les perdrix grises, qui prospèrent beaucoup mieux que sur les terrains agricoles. Tout n'est donc pas négatif, du moins pour la petite faune - au point qu'il faut mettre en place une régulation, pour éviter des dégâts. Est-ce un élément que vous prenez en compte ?
Une question, pour finir, sur l'action de l'ONEMA. Vous nous avez dit, à propos d'un ouvrage, que vous avez réussi à réaliser la compensation des zones humides. Mais vous n'avez rien dit des compensations potentielles pour ce qui concerne Notre-Dame-des-Landes. J'ai cru comprendre que l'acquisition de foncier représentait plus de mille hectares : comment expliquer que la compensation ne soit pas possible sur une telle surface, alors que l'aéroport n'exploitera que 100 à 120 hectares ?
Quel dialogue entretenez-vous sur le terrain, en amont des projets, avec les opérateurs, les élus locaux, les agriculteurs ? Êtes-vous associés aux projets suffisamment en amont, avant même la Commission nationale du débat public, avant que les choix de scénario ou de tracé n'aient été faits ? Je pense au projet de ligne ferroviaire Paris-Orléans-Clermont-Lyon, dit POCL, pour lequel coexistent deux scénarios, l'un, qui traverse la Sologne en jouxtant les voies existantes, l'autre qui emprunte un corridor vierge. On nous explique que cette deuxième solution est la meilleure, et qu'il vaut mieux faire passer la ligne en pleine nature que sur des terrains déjà occupés par des routes et des voies ferrées. On se souvient que le passage de l'A71, en pleine Sologne, a d'abord eu des effets très pénalisants avant que la biodiversité ne se reconstitue. Recommencer la même chose ailleurs créerait les mêmes problèmes. Y compris de cloisonnement : il existe déjà deux clôtures en Sologne, et l'on en ajouterait deux autres à 80 kilomètres. La faune se trouverait enfermée entre deux corridors. Quelle est votre approche face à ce type de scénario ? Ne vaut-il pas mieux privilégier l'implantation sur des zones qui supportent déjà des infrastructures ?
Pour rebondir, enfin, sur les propos d'Alain Vasselle, je confirme que l'impact des projets n'est pas totalement négatif : au bout de quelques années, la faune et la flore se reconstituent, se diversifient, les lapins, les perdrix, les sangliers, les cervidés reprennent le dessus, et l'on retrouve une biodiversité d'une richesse inédite. Faut-il l'imputer à une meilleure gestion du territoire ou n'est-ce pas plutôt que l'on se fait peur en noircissant l'impact des projets, au point de vouloir tout mettre sous cloche ?
Un bon exemple de biodiversité retrouvée est Tchernobyl, où la faune, sur un site abominablement pollué, a repris le dessus de manière spectaculaire.
Disons plutôt que la grande faune tient le choc. Mais c'est tout le contraire pour la petite faune : voyez ce qu'il en est des passereaux.
Je l'ignorais.
Je m'interroge sur l'ingénierie de réparation des milieux humides, très favorables au gagnage des oiseaux. Avez-vous le sentiment qu'elle est au point ? Ne pourrait-on faire plus et mieux ? Et si tel est le cas, l'intervention d'opérateurs privés serait-elle profitable ou dispose-t-on de l'expertise nécessaire ? Les zones humides, essentielles à la biodiversité mais aussi dans la lutte contre le réchauffement climatique, ont reculé, on le sait, dans des proportions considérables.
Avez-vous connaissance d'opérations où la compensation proposée n'aurait jamais été réalisée ? Je pourrais citer des cas, mais en avez-vous été saisis ? J'ajoute que j'ai entendu dire que l'État, lorsqu'il est maître d'ouvrage, s'exonère volontiers de la compensation qu'il a proposée. Je livrerai à notre commission d'enquête un exemple précis.
J'ai connu, personnellement, une situation où l'État était assistant maître d'ouvrage pour l'implantation d'une station d'épuration. Comme président de la commission locale de l'eau en charge du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), je devais être consulté. Quand j'ai demandé quelles étaient les mesures d'évitement, j'ai provoqué la surprise. Le fait est qu'il était prévu d'installer la station d'épuration le long du lit mineur du petit fleuve côtier, quand il eût été logique de l'installer à flanc de coteau. On m'a répondu non seulement que cela coûterait beaucoup plus cher - un argument qui revient souvent - mais qu'il s'agissait d'une station d'épuration, donc d'un projet favorable à l'environnement, comme si cela était de nature à justifier tous les dommages !
Je vais donner la parole à nos invités, en leur rappelant qu'ils s'expriment sous serment...
La création d'infrastructures peut en effet avoir des effets inattendus sur la biodiversité. Les lapins de garenne prospèrent - on en voit même le long du périphérique. Cela est lié à la fragmentation des milieux, propice au développement de la biodiversité, mais également à la création de zones en friche qui ne sont ni fauchées ni traitées, ce qui favorise la nidification d'espèces sensibles comme la perdrix grise. Si bien qu'en créant une infrastructure, on crée, de fait, une mesure compensatoire de base.
Vous nous demandez quels sont nos liens avec les opérateurs. Nous y sommes très attachés, car l'établissement public ne peut faire grand-chose par lui-même. C'est pourquoi nous avons développé des partenariats d'ampleur, notamment avec le monde agricole et le monde de la chasse, via le programme Agrifaune, qui rayonne, par voie de convention, sur 70 % des départements et permet, sur 350 exploitations de référence, de faire la démonstration que l'on peut initier des pratiques agricoles qui protègent le revenu de l'agriculteur sans être préjudiciables à la biodiversité. Cela a force d'exemple et permet de reproduire des modèles susceptibles d'être exploités dans les mesures compensatoires.
Nous avons engagé, plus récemment, des dispositions du même type avec les forestiers et les chasseurs, pour aménager l'équilibre entre la forêt et le gibier. Autant nous sommes rodés au traitement des dégâts causés à l'agriculture, autant nous restons confrontés à des difficultés avec le monde de la forêt, où les populations de cervidés rendent la situation critique dans bien des secteurs. Je pense notamment au massif du Donon, dans l'est de la France, qui s'en est trouvé ruiné.
Oui, mais dans une moindre mesure, car on y opère une régulation.
Nous avons donc engagé des opérations expérimentales, tant avec la forêt privée qu'avec l'ONF, et avec les fédérations départementales de chasseurs, pour travailler, au-delà de la mise en place des plans de chasse, sur la régulation des populations et l'évolution des techniques sylvicoles, de manière à protéger le produit de la forêt tout en ménageant sa biodiversité et son capital cynégétique, source de revenus pour les propriétaires forestiers, qu'ils soient publics ou privés.
Une précision sur le problème de la simplification des paysages. Les infrastructures peuvent, en effet, créer une discontinuité favorable. C'est le cas des zones agricoles faites de très grandes parcelles : en recréant des frontières, on facilite le développement de certaines espèces.
Vous nous interrogez sur nos priorités. Notre métier consiste à appuyer les autorités publiques, non seulement en produisant des références, mais aussi pour les contrôles et l'instruction. En revanche, mettre en oeuvre des mesures compensatoires n'est pas notre coeur de métier. L'office gère 60 000 hectares, sous divers statuts. Il nous arrive d'accueillir certaines mesures compensatoires, ce qui a pour principal intérêt de nous donner une expérience et de nous mettre en mesure de fournir de bons conseils. Il reste que nos priorités demeurent le contrôle et l'appui à l'instruction, selon une procédure à la demande.
J'en reviens aux effets positifs de certains projets. D'un point de vue sanitaire, la création d'une discontinuité, avec la création d'une autoroute ou d'une ligne à grande vitesse, peut être de nature à limiter la diffusion de maladies de la faune sauvage. Cela a été le cas de la peste porcine dans l'Est, où les autoroutes ont formé une barrière utile.
L'engrillagement des chasses privées est en effet un problème, que nous surveillons.
En effet, cela limite la circulation des animaux et les concentre, au risque de poser un problème sanitaire.
Tout cela mérite malgré tout d'être relativisé. À Chambord, la concentration en cervidés est néanmoins ce qui a permis, des années durant, d'assurer la réimplantation du cerf dans notre pays. Le pool génétique y reste suffisamment diversifié.
Non. Nous n'avons pas observé de dégénérescence.
Vous dites que vous surveillez l'engrillagement de la Sologne, mais cela fait des années que le problème se pose. Il est temps d'agir !
Peut-on considérer que les grandes infrastructures linéaires enrichissent la biodiversité ? Je serai plus prudent, car la situation est contrastée. On trouve aussi des cas d'envahissement par des plantes exotiques comme la renouée ou la balsamine.
Vous vous interrogez sur le comportement de l'État. J'indique que nous verbalisons, si nécessaire, comme pour tout autre pétitionnaire. Nous dressons des procès-verbaux sur lesquels il revient au procureur de se déterminer. Il n'y a pas de discontinuité...dans l'application de la loi.
Quel dialogue entretenons-nous avec les opérateurs ? Nous ne sommes pas en relation directe avec eux. Tout comme l'ONCFS, l'ONEMA fournit des données, tirées des inventaires que nous établissons. Nous fournissons, en open data, des informations sur l'état des milieux humides et piscicoles, qui informent l'ensemble des opérateurs sur la qualité de leur milieu.
Quelles sont les possibilités de compensation en zones humides sur le projet de Notre-Dame-des-Landes ? Ce sont bien 800 hectares de zones humides qui sont concernés, soit l'emprise elle-même à laquelle s'ajoute tout le réseau viaire. Mais il ne faut pas considérer la compensation de manière purement quantitative, car on ne peut pas compenser une zone humide par n'importe quelle autre. Le principe d'équivalence est beaucoup plus exigeant : il faut compenser à milieu et à fonction équivalents. La première difficulté est donc de trouver les mêmes types de zones humides que celles qui sont touchées.
L'autre difficulté tient au fait que parmi les zones humides concernées par le projet, certaines sont des prairies humides faciles à sécuriser ou à restaurer ailleurs, tandis que d'autres sont des zones humides remarquables, notamment des prairies humides oligotrophes, habitats bien spécifiques dont la création dépend d'une certaine pente, de certaines modalités d'alimentation en eau, d'une certaine qualité de sols. Ce sont des milieux très rares, difficiles à compenser en s'assurant d'un réel gain écologique.
Cela m'amène à votre question sur l'ingénierie de réparation des milieux humides. Selon le type d'habitat humide concerné, la topographie, le type d'impact - depuis un simple fossé jusqu'à un retournement complet des sols -, il sera plus ou moins aisé de restaurer ou de sauvegarder. On sait, par expérience, que pour certaines zones humides, la compensation sera satisfaisante, mais que pour d'autres, comme les tourbières, cela sera très difficile : certaines se créent selon des modalités très complexes à reproduire - c'est notamment le cas des tourbières bombées, alimentées uniquement par les eaux de pluie. Pour ces habitats-là, on sait que la compensation sera quasiment impossible.
Vous avez bien participé à la commission scientifique désignée à la suite de l'enquête publique sur le projet d'aéroport, et qui a conclu à l'impossibilité de mettre en place des mesures compensatoires, telles qu'elles étaient proposées.
J'étais en effet rapporteure de ce collège d'expert. La saisine, cependant, portait non pas sur la possibilité de la compensation - même si nous nous y sommes penchés - mais sur le dimensionnement de la compensation et le caractère scientifique de la méthode proposée par le bureau d'étude en appui aux deux maîtres d'ouvrage - la DREAL, pour le réseau viaire et AGO Vinci pour l'aéroport.
Pour le dimensionnement, les grands principes retenus étaient assez semblables à ce que l'on trouve ailleurs, soit des méthodes d'équivalence dites « miroir », qui tendent à évaluer la dette environnementale du projet et à la comparer à l'offre de compensation possible, pour dimensionner la compensation nécessaire.
Nous avons identifié, dans la méthode soumise à notre analyse, certaines difficultés : elle faisait appel à un tel nombre d'indicateurs et de coefficients d'ajustement, tant de la dette environnementale que de l'offre de compensation, que le résultat devenait peu lisible. Il m'est difficile d'entrer dans le détail, mais je vous renvoie au rapport que nous avons rendu.
Nous entendrons la commission scientifique en audition. Ma question est la suivante : avez-vous ou non le sentiment que le projet faisait bien la distinction entre les milieux ? Cherchait-il ou non à éviter les prairies humides oligotrophes ?
Le collège n'était pas interrogé l'évitement. De mémoire, je n'ai pas souvenir d'avoir vu dans le projet de véritables mesures d'évitement. Cela étant, Notre-Dame-des-Landes n'est pas le seul projet dans ce cas. Il est un certain nombre de projets dans lesquels il est clair que le maître d'ouvrage aurait gagné à prévoir de telles mesures d'évitement, ce qui aurait diminué d'autant sa dette environnementale à compenser.