Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité

Réunion du 24 janvier 2017 à 15h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 15 h 05.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous poursuivons cet après-midi les travaux de notre commission d'enquête sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures.

Nous commençons par entendre M. Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine et M. Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine.

En effet, parmi les quatre cas que notre commission d'enquête examine en particulier figurent d'une part, l'autoroute A65, réalisée juste après le Grenelle de l'environnement et objet de mesures compensatoires dont nous souhaitons évaluer le contrôle et le suivi, et d'autre part, le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux, pour lequel des mesures compensatoires sont en cours de réalisation.

À travers ces deux exemples, nous souhaitons apprécier l'efficacité et surtout l'effectivité du système de mesures compensatoires existant, et identifier les difficultés et obstacles éventuels empêchant la bonne application et le bon suivi de la séquence « éviter-réduire-compenser » (ERC).

La commission d'enquête a souhaité que notre réunion soit ouverte au public et à la presse ; elle fait l'objet d'une captation vidéo et d'un compte rendu en sera publié.

Je rappelle que tout faux témoignage devant la commission d'enquête et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Pierre Dartout et Patrice Guyot prêtent successivement serment.

Pouvez-vous nous indiquer, à titre liminaire, les liens d'intérêts que vous pourriez avoir avec les autres projets concernés par notre commission d'enquête, soit l'aéroport Notre-Dame-des-Landes et la réserve d'actifs naturels de la plaine de la Crau ?

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

Je n'ai pas de lien d'intérêt avec les projets que vous avez mentionnés autres que l'autoroute A65 et la LGV Tours-Bordeaux. J'ai été en poste en Loire-Atlantique, mais à une date ancienne.

La mise en oeuvre de la séquence ERC est désormais un principe fondamental qui anime l'action des services de l'État, chargés d'en assurer la diffusion auprès de leurs partenaires : la séquence est mise en oeuvre que le maître d'ouvrage soit l'État, une collectivité territoriale ou un acteur privé. C'est un point important, notamment au regard de la délivrance des autorisations au titre de la loi sur l'eau, des dérogations à l'interdiction de détruire des espèces protégées et, demain, de l'autorisation unique qui simplifiera les procédures sans pour autant en réduire le niveau d'exigence.

Les DREAL suivent attentivement la mise en oeuvre de la compensation des atteintes à la biodiversité, au vu des difficultés que celle-ci peut présenter. Elles s'appuient sur leur très bonne connaissance des procédures, mais aussi des milieux naturels où des installations sont envisagées. Il est important de veiller à ce que les autres partenaires, collectivités territoriales et opérateurs économiques, prennent eux aussi en compte les enjeux environnementaux. L'objectif est de rechercher l'acceptabilité globale du projet par le public concerné et en prenant soin de faire respecter la séance ERC.

Les services de l'État interviennent à toutes les phases de l'élaboration du projet ; et lorsqu'ils ne sont pas le maître d'ouvrage, il convient qu'ils le fassent aussi en amont que possible : ils garantissent la bonne application des textes, mais aident aussi le porteur de projet à identifier les solutions les mieux appropriées.

La bonne connaissance par les services de l'État de l'état initial de l'environnement concerné est une condition essentielle de la mise en oeuvre de la séquence ERC ; elle doit reposer sur des inventaires, des rapports et des études précis, objectifs et approfondis. Dans le cas des infrastructures linéaires notamment, le choix du meilleur fuseau doit également intégrer d'autres critères que la protection de la biodiversité, d'ordre technique, financier, économique et social.

L'application de la réglementation sur les espèces protégées relève normalement du préfet de département, sauf pour certaines espèces menacées, où elle est exercée au niveau ministériel. Le préfet de région que je suis a un rôle de coordination lorsque le projet concerné présente une dimension interdépartementale. En tant que service instructeur, la DREAL veille à la bonne application de la séquence ERC dans la prise des arrêtés de dérogation, notamment à l'interdiction de destruction d'espèces ou d'habitats d'espèces protégées. Au-delà du plan réglementaire, les services de l'État ont aussi une fonction de conseil voire d'assistance à maîtrise d'ouvrage, en veillant à la bonne intégration des enjeux de la biodiversité par les bureaux d'étude sollicités.

Ainsi, dans le projet de LGV Sud-Europe Atlantique (SEA), la DREAL est d'abord intervenue pour l'instruction des demandes de dérogation relatives aux espèces protégées au stade du défrichement et des opérations d'archéologie préventive, puis dans le cadre du projet lui-même, porté par le concessionnaire LISEA.

Quel est le déroulement classique de la procédure ? Au stade de la conception, jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP), il convient d'intégrer la séquence ERC à travers l'identification des enjeux environnementaux, notamment dans les différentes variantes retenues. Il faut alors mobiliser des acteurs locaux, notamment les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), pour la recherche de solutions foncières de compensation. Dans cette phase, qui dure environ trois ans, le projet n'est pas assez mûr pour la mise en oeuvre précise de mesures d'évitement.

Après la DUP commence la conception détaillée. L'élaboration des dossiers réglementaires intègre la séquence ERC ; les acteurs locaux sont mobilisés pour la recherche de foncier dans le cadre de la compensation. Une fois le dossier déposé auprès du préfet de département, l'instruction est conduite par la direction départementale du territoire (DDT) pour les autorisations prises dans le cadre de la loi sur l'eau, par la DREAL pour les dérogations relatives aux espèces protégées.

Les éventuelles mesures de compensation sont conçues et réalisées indépendamment du chantier routier ou ferroviaire. La durée de conception et de réalisation est sensiblement égale à celle du projet lui-même.

Les relations entre les services déconcentrés et les collectivités ou communes dont les territoires vont accueillir les mesures de compensation commencent avec la recherche du foncier. S'il incombe aux services de l'État de contrôler le respect par le maître d'ouvrage des mesures de compensation prescrites, ils n'ont pas de relations directes avec les collectivités. En revanche, sous maîtrise d'ouvrage de l'État, la mobilisation des collectivités est assurée par un prestataire ensemblier qui assiste le maître d'ouvrage dans la conception, la mise en oeuvre et la gestion des mesures compensatoires.

La première phase de la mise en oeuvre de la compensation est l'évaluation de la dette compensatoire, conduite par les services de l'État sur la base d'éléments méthodologiques et d'expertises scientifiques réalisées par les conservatoires botaniques, le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel et le Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Enfin, certains fonctionnaires ont une connaissance approfondie des milieux naturels, en particulier dans notre région.

Il faut ensuite définir les ratios de compensation pour déterminer le montant de la dette compensatoire surfacique ou linéaire. La qualification est reprise dans l'arrêté de dérogation et accompagnée de prescriptions sur les conditions de mise en oeuvre.

Dans la troisième phase, celle de l'exécution de l'arrêté, le porteur de projet présente des propositions de sites et de mesures de compensation. Une attention particulière est portée aux potentialités du site retenu pour l'implantation d'une espèce. Lorsque, dans l'état initial, le milieu offre un habitat pour l'espèce considérée, le site de compensation ne sera retenu que si sa plus-value dans la restauration de l'espèce ou de son habitat naturel est avérée.

À titre d'exemple, le projet de l'autoroute A65 s'est déroulé selon la séquence suivante : définition des mesures de compensation, définition des référentiels habitat cible par espèce ciblée, définition d'une enveloppe cible de surface, prospection foncière sur 8 000 hectares, validation par la DREAL des sites potentiels, choix des gestionnaires de site, évaluation de l'état écologique initial des sites, validation de ceux-ci, élaboration de plans de restauration-gestion sur cinq ans, nouvelle validation par la DREAL et mise en oeuvre, mise en place d'une gouvernance dans le cadre d'un comité de suivi, définition d'indicateurs pour le bon suivi des espèces, et enfin définition des conditions d'un suivi annuel. Le fort investissement des services de l'État a abouti à la définition d'un cadre particulièrement précis pour le porteur de projet dès l'adoption des arrêtés de dérogation.

Des adaptations de la dette compensatoire peuvent être consenties lorsque le porteur de projet fait état de contraintes de disponibilité foncière de nature à perturber la compensation. La qualité de l'animation foncière est essentielle : pour l'A65, l'animateur a su trouver plus de 1 600 hectares de surfaces écologiquement pertinentes. Enfin, il appartient aux services de l'État de suivre l'exécution des mesures de compensation dans le temps.

Les mesures de compensation sont naturellement étudiées projet par projet : c'est la responsabilité de chaque maître d'ouvrage. Les effets cumulés ne sont pris en compte que depuis une date récente, et de manière insuffisante. Un exemple : pour le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) - le projet de LGV Bordeaux-Toulouse, avec un embranchement conduisant à Dax -, l'un des principaux enjeux résidera dans l'articulation avec les mesures de compensation prises dans le cadre du projet de l'A65. Les fuseaux sont en effet très proches.

Les projets d'infrastructures linéaires doivent garantir la mise en oeuvre de la séquence ERC à tous les stades, avec la limite évoquée précédemment pour la phase en amont de la DUP. Le principal enjeu est l'appropriation par tous les acteurs des orientations et modalités de la doctrine ERC. Elle progresse nettement dans les bureaux d'études spécialisés dans l'environnement, moins dans les bureaux plus généralistes ; mais l'effort majeur doit porter sur les collectivités territoriales et les acteurs économiques. Notons que pour certains projets, en particulier les projets d'infrastructures linéaires, il est plus difficile de trouver des zones d'évitement.

Existe-t-il des différences de traitement significatives entre les grands projets et les projets de moindre ampleur ? En droit, tous les projets doivent faire l'objet d'un traitement équivalent au regard du code de l'environnement ; mais dans les faits aussi, il n'y a pas de grand ou de petit projet. Même un « petit » projet peut soulever des questionnements et des contestations. Les paramètres les plus décisifs dans la prise en compte des enjeux relatifs à la biodiversité sont la plasticité du projet, c'est-à-dire la possibilité ou non d'y ménager des adaptations ; lorsque l'État n'est pas maître d'ouvrage, la qualité et l'efficacité de l'accompagnement par ses services en amont et dans le suivi ; le suivi et la disponibilité en moyens humains pour infléchir les mesures d'évitement dans le cadre des grands projets ; et enfin les capacités financières pour absorber les études et mesures de compensation.

La cohérence juridique des mesures de compensation autorisées par les services déconcentrés de l'État sur l'ensemble du territoire national repose sur la définition, par l'autorité environnementale, de directives harmonisées et sur le rapport annuel relatif à l'exercice de l'autorité environnementale établi par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). La cohérence scientifique est notamment assurée grâce à l'expertise et la connaissance du terrain du CNPN, qui nous donnent une vision plus large de la qualité des mesures de compensation mises en oeuvre et de leur cohérence à l'échelon national.

Le contrôle de la mise en oeuvre et de l'efficacité des mesures de compensation nécessite, en particulier dans la phase d'instruction des demandes de dérogation, des moyens humains importants. Les services de l'État procèdent à un contrôle administratif sur pièces, mais aussi à des visites de terrain sur les secteurs les plus sensibles, en collaboration avec les établissements publics chargés de la police de l'environnement - l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) jusqu'à la création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Environ 50 % des sites sont visités par les services de l'État. Pour la LGV Tours-Bordeaux, le taux atteint 100 % en Gironde, mais il est bien moindre en Charente-Maritime, en Charente et dans la Vienne, compte tenu de la bonne connaissance des territoires concernés par les services.

Le contrôle nécessite naturellement des effectifs adaptés en nombre et en compétence.

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

La DREAL de Nouvelle-Aquitaine est issue du regroupement des DREAL des trois régions fusionnées. Dans ce contexte de réforme territoriale et de réduction régulière des moyens de l'État, et en particulier des services déconcentrés, les mutualisations et la spécialisation des DREAL sur des tâches précises doivent nous permettre de mieux conduire nos missions. Pour répondre plus précisément, même si leurs moyens ont été réduits, les DREAL restent des services consistants et à même de travailler pour chacun des douze départements de la région.

Nos services ont relevé plusieurs infractions dans le cadre du projet de LGV, parmi lesquelles la destruction d'habitats naturels à l'occasion du franchissement de cours d'eau aux abords de la Dordogne ; la cause constatée était l'insuffisante matérialisation de la mise en défens du chantier. Nous cherchons à déterminer si les sanctions administratives prévues par la récente loi sur la biodiversité sont applicables aux manquements constatés, en particulier en termes de calendrier.

La planification des zones de compensation en amont des projets a davantage de sens en zone urbaine, où la tension foncière est forte. Les schémas de cohérence territoriale (SCoT), là où ils existent, donnent une visibilité de la consommation des espaces naturels et zones ouvertes à l'urbanisation. À l'inverse, la planification est moins adaptée aux infrastructures linéaires ; la compensation est plutôt conçue, suivant la nature de l'ouvrage, sur la base des principes de proximité écologique et de rétablissement des continuités. Dans ce cas, intégrer les mesures de compensation dès le stade de la DUP raccourcirait les délais de réalisation.

Le projet de LGV Tours-Bordeaux a donné lieu à un travail de restauration ou d'amélioration des continuités écologiques pour l'espèce emblématique qu'est le vison d'Europe. Un dispositif dynamique a été conçu, appuyé sur des compensations surfaciques et linéaires. Ainsi, des passerelles sont ménagées au bord de l'eau à destination des visons.

Une planification de la compensation peut-elle être envisagée à l'échelle régionale ? Il incombe aux porteurs de projet de désigner des tiers en capacité d'assurer la mobilisation des acteurs locaux, la recherche foncière, la conception-réalisation des actions de compensation, voire la gestion compensatoire. Nous n'avons pas encore pu identifier ces tiers : les conservatoires du littoral, par exemple, sont contraints par leur spécialisation territoriale.

Il nous faudra beaucoup de pédagogie pour expliquer les enjeux de la biodiversité. En dépit de son caractère d'intérêt public et des engagements internationaux de notre pays en la matière, la mise en oeuvre des mesures de compensation est parfois mal comprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Estimez-vous que les inventaires de la biodiversité ont été conduits de manière satisfaisante sur le tracé de la LGV Tours-Bordeaux ? Ce sont des territoires très étendus. Quel a été le coût de la réalisation de ces inventaires ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Tout d'abord, je déclare n'avoir aucun lien d'intérêt avec les projets, autres que l'autoroute A65 et la LGV Tours-Bordeaux, que vous avez évoqués en préambule.

J'en viens à votre question. L'emprise du projet de LGV est considérable, si bien qu'identifier en amont l'ensemble des espèces est une tâche difficile. Il est d'ailleurs fréquent que l'on soit amené à revoir les arrêtés portant dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées parce que l'on découvre des espèces en cours de projet - certaines s'installant même sur le chantier pour peu que les mesures de mise en défens soient imparfaites.

Nous avons consacré beaucoup de temps, en revanche, à nous mettre d'accord sur la qualité des dossiers destinés à l'estimation des compensations.

Quant au coût des inventaires associés à ce projet, je ne dispose pas d'estimation.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pourriez-vous nous faire parvenir cette information par écrit, afin de nous donner une idée de ce que serait un ratio coût-surface raisonnable ?

Le CNPN a rendu, en 2012, un avis négatif, estimant que le projet avait subi d'importantes modifications, pour environ 1 000 hectares, ce qui n'est pas rien, et qu'il ne disposait pas des éléments d'inventaire nouveaux, notamment pour la flore. Comment en est-on venu là ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Dans la phase d'amont, lorsque l'on en est encore à un fuseau de 1 000 mètres, la surface à prendre en compte, s'agissant d'un projet d'infrastructure de 300 kilomètres de long, est considérable : il est très difficile de disposer d'un panorama exhaustif. Le travail d'inventaire se poursuit à mesure que l'on avance. Depuis les études de projet qui font suite à la DUP jusqu'à la phase de chantier, il faut continuer de l'affiner. C'est pourquoi il est essentiel que le maître d'ouvrage s'entoure des compétences requises, notamment en matière écologique, durant toute la conduite du projet.

Cela dit, le versement du contenu de l'ensemble des études à un registre national, tel que le prévoit la loi pour la reconquête de la biodiversité, améliorera, à terme, notre connaissance naturaliste du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Il faut donc considérer que le dossier soumis au CNPN vient trop tôt. Comment expliquer ce problème de calendrier ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Il est indispensable, comme je l'ai dit, que le maître d'ouvrage s'entoure des compétences requises. Peut-être y avait-il, sur ce point, une marge d'amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le rôle de la puissance publique n'aurait-il pas été de l'alerter ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

L'État entretient un dialogue permanent, qui se déroule avec plus ou moins de fluidité, avec le maître d'ouvrage, dès le début du projet. Pour le passage ou CNPN, nous l'accompagnons même, pour améliorer son dossier, et pouvons être amenés à l'appeler à la vigilance sur certains points. À lui, ensuite, d'en tenir compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Quelles conséquences concrètes avez-vous tirées de cet avis négatif quant à la stratégie de l'Etat et à l'action du maître d'ouvrage ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Nous avons eu, sur ce projet, un dialogue très nourri avec le maître d'ouvrage, sur l'exigence de connaissance du terrain, d'identification et de caractérisation précise des surfaces de compensation. Ce travail a été long, car il a fallu, pour parvenir à un ensemble validé de mesures compensatoires, se mettre d'accord sur un cadre commun, afin de parler le même langage sur la nature des dossiers à fournir, ce qui explique une partie des retards constatés dans la mise en oeuvre de ces mesures. Un travail énorme a été conduit, et ce sont pas moins de 195 dossiers qui ont été à ce jour validés.

Il est pour nous important, en dépit du fait que les délais courent, de mener ce dialogue, afin de ne céder en rien sur les critères d'appréciation. À tel point que nous avons, depuis plus de six mois, mis en place une instance conjointe de travail avec COSEA pour mener un dialogue technique approfondi aux fins de validation des surfaces de compensation. Nous sommes à présent dans une phase d'accélération, grâce à la fluidification du dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pour l'hirondelle en Vienne, on sait que le maître d'ouvrage n'a pas respecté l'arrêté préfectoral du 24 février 2012. Quelle est votre position à ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Je vous apporterai, sur ce cas particulier, des précisions écrites.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Vous avez compris notre souci des inventaires : si vous pouviez nous préciser concrètement, par écrit, les réponses apportées à l'avis du CNPN, nous vous en serons reconnaissants.

Une autre de nos interrogations concerne la condamnation judiciaire de Cosea et les autres procédures en cours d'instruction. Je n'oublie pas ce que nous a dit M. le Préfet des moyens, mais faut-il en déduire que l'État a failli dans sa capacité de contrôle ? Quels enseignements avez-vous tiré de ces procédures ? Et le maître d'ouvrage a-t-il fait ce qu'il fallait, depuis, pour réparer les dégâts environnementaux et revenir au bon état écologique des sites ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Comme le disait M. le Préfet, les services amenés à exercer un contrôle - la DREAL, l'ONCFS, bientôt l'AFB - procèdent à leurs contrôles par sondages. Nous ne pouvons être présents sur l'ensemble du chantier, mais certains faits nous sont rapportés par les associations ou par des particuliers mobilisés. On ne peut pas considérer que nous sommes en défaut si une difficulté est constatée, mais il est évident que la répétition de tels constats peut être révélatrice, et nous en tenons compte dans nos rapports avec le maître d'ouvrage, pour qu'il y soit remédié.

Cela dit, nous sommes amenés à arbitrer entre l'instruction des dossiers et le contrôle, étant entendu que nous devons avancer, le plus en amont possible de la mise en service de l'infrastructure, sur la validation des sites de compensation, qui est pour nous une priorité.

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Je vous apporterai la réponse par écrit.

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

Je ne considère pas que les condamnations prononcées signent un échec de l'État, dès lors qu'il n'a pas les moyens d'exercer un contrôle sur l'ensemble du terrain, mais il reste que de telles condamnations ont valeur pédagogique : c'est un signal fort adressé au porteur de projet, pour qu'il veille à ce que les opérations de compensation soient établies dans les cadres requis et selon un calendrier satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

On entend beaucoup insister, en effet, sur la valeur pédagogique, pour le maître d'ouvrage, d'une condamnation. Considérez-vous que le niveau des amendes - quelques dizaines de milliers d'euros sur chaque dossier - contrebalance les avantages que retire le maître d'ouvrage d'un non-respect des arrêtés ?

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

Cela pourrait être plus élevé, en effet, si l'on veut être pédagogique.

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Au-delà de l'aspect dissuasif de l'amende, compte aussi l'effet d'image. Le maître d'ouvrage est très attaché à mettre en avant la qualité de son chantier en matière de préservation de l'environnement. On a pu le constater sur le chantier de l'A65.

Ce qui est déterminant, c'est la prise en compte, très en amont des travaux, de l'exigence de préservation de l'environnement. Si les bonnes options sont prises dès le départ, tant dans le dimensionnement des équipes que dans le choix des prestataires, durant tout le déroulé du projet, depuis les études jusqu'au chantier, les choses se passent bien. C'est pourquoi nous insistons toujours auprès des maîtres d'ouvrage sur la nécessité de se doter, dès l'amont, des compétences requises, y compris en matière foncière, afin d'identifier le foncier nécessaire à la compensation, avant même le stade de la DUP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Vous n'avez guère évoqué les fédérations départementales de la chasse ou de la pêche, les chambres d'agriculture, la fédération des exploitants agricoles. Or la réalisation de tels ouvrages a un impact foncier : la concertation a-t-elle bien lieu, en amont, avec tous les acteurs touchés par les mesures de compensation ? On sait les règles qui s'imposent aux collectivités territoriales, en matière d'urbanisme, pour assurer la préservation des terres agricoles. Comment parvenez-vous, pour votre part, à maîtriser l'impact sur le foncier agricole des projets qui vous sont soumis?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

La concertation est bien menée en amont, dans toutes les phases préalables. Ainsi que l'a rappelé M. le Préfet, dans la conduite d'un projet d'infrastructure de transport, la concertation a lieu à toutes les étapes : celle, très en amont, de l'étude d'opportunité, qui vise à se prononcer sur le principe même du projet et à définir le fuseau des 1 000 mètres, suivie par celle des études préalables à la DUP, qui vise à définir le fuseau des 300 mètres. Et l'environnement n'est que l'un des multiples paramètres pris en compte.

Dans la maîtrise d'ouvrage sur les projets touchant aux routes du réseau national, qu'assure la DREAL pour le compte du préfet, nous prenons ainsi en compte toute une série de paramètres - présence d'une urbanisation, impact sur le monde agricole, sur la sécurité routière, en termes de temps gagné, coût des différentes options, impact sur le milieu naturel. Tous ces paramètres donnent lieu à des comparatifs, soumis à la concertation, dont il est évidemment tenu compte, à travers les bilans de concertation.

Lorsque l'on en vient à la définition des mesures surfaciques de compensation, ce sont les opérateurs fonciers, qui, intervenant pour le compte du maître d'ouvrage, se trouvent au contact de la profession agricole, des collectivités territoriales et des acteurs de terrain, et ont charge de mener la concertation pour éviter les effets négatifs tels que la spéculation.

Qu'en est-il de l'impact des mesures de compensation sur le milieu agricole ? Ses représentants disent souvent qu'ils sont soumis à une double peine, étant à la fois victimes des prélèvements opérés par l'emprise de l'infrastructure projetée et par la compensation. Mais toutes les surfaces destinées à la compensation ne font pas nécessairement l'objet d'une acquisition : nous avons la faculté de passer des conventions - sur des périodes longues, afin de ne pas mettre en cause la pérennité de la compensation - avec les agriculteurs, lesquels s'engagent à user d'un certain nombre de pratiques respectueuses du milieu naturel et de la biodiversité. C'est un moyen d'éviter de priver le monde agricole de ces surfaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Rechercher la compensation à proximité n'est peut-être pas toujours la bonne solution, dès lors que l'on peut trouver, non pas à l'autre bout de la France mais à 20 ou 50 kilomètres, des surfaces dont l'équivalence écologique peut même être meilleure. Estimez-vous que dans certains cas, procéder ainsi eût été plus satisfaisant, en cohérence avec la trame verte et bleue et le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ?

De même, pour éviter ce sentiment de double peine, ne serait-il pas judicieux de réévaluer les faibles sommes allouées dans le cadre du conventionnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je remercie nos invités pour leurs réponses. Vous n'avez pas évoqué l'aménagement foncier : n'y aurait-il pas là une solution pour le monde agricole ?

Les SAFER ont-elle les moyens financiers d'intervenir sur la totalité du territoire ? Pour ce qui concerne le monde urbain, avez-vous des relations avec les offices fonciers et sont-ils prêts à intervenir ?

Enfin, l'estimation des domaines vous semble-t-elle suffisante ?

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

Si nous privilégions la recherche de surfaces de compensation dans la même entité biogéographique, afin d'y limiter au maximum l'impact du projet, il convient néanmoins d'apprécier au cas par cas. Si le choix de la proximité doit se faire au détriment d'une vision à long terme, sans prendre en compte la nécessité d'inclure la compensation dans le cadre d'une trame verte et bleue, mieux vaut l'éviter, car la compensation ne sera pas optimale. Sur des projets d'une telle durée, les effets du changement climatique sont devenus une préoccupation croissante. Car ils commencent à se faire ressentir et peuvent laisser penser que certaines espèces, d'ici quelques décennies, devront migrer. C'est pourquoi il importe d'inscrire les surfaces de compensation dans la trame verte et bleue, qui facilitera ces déplacements. Ceci pour dire que l'inclusion dans un réseau est aussi pour nous un critère, au même titre que la proximité, qui n'en reste pas moins un objectif important : prenons garde, en ouvrant à l'excès la possibilité de retenir des surfaces éloignées, de laisser penser que l'on peut s'exonérer de certaines pratiques vertueuses en acquérant des surfaces ailleurs.

La question de la rémunération du conventionnement rejoint celle des moyens que le maître d'ouvrage doit consacrer, sur la durée, aux mesures de compensation. Ces coûts doivent être intégrés dès la conception du projet, afin que le renouvellement des conventions, qui portent sur une durée de quelque neuf années, quand la concession court sur cinquante ans, ne soit pas mis en cause. Et il y faut, en effet, une juste rémunération : je vous apporterai des précisions sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Entre les quelques centaines d'euros attachés aux mesures de type agro-environnementales et l'estimation de 1 000 à 2 000 euros à l'hectare que retiennent les syndicats agricole, la marge est énorme. Où en sont les débats ? Il est pour nous important d'avoir une idée de cette juste rémunération.

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

L'aménagement foncier intervient bien souvent dans le cadre de la DUP. A ce stade, les mesures de compensation surfacique ne sont pas encore précisément définies, par espèce et par ratio. M. le Préfet a indiqué tout à l'heure que les DUP pourraient aussi porter sur les surfaces de compensation. Si le travail a été bien mené en amont, il est vrai que l'on peut déjà en identifier un certain nombre et prévoir, dans le cadre des opérations foncières liées à l'infrastructure, des aménagements fonciers liés à la compensation.

L'estimation des domaines ? Mon expérience de certains projets routiers m'invite à considérer qu'il faut absolument veiller à se prémunir contre la spéculation. Y compris lorsque nous acquérons à l'amiable, nous y sommes attentifs, pour éviter des effets négatifs sur le monde agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

J'y insiste, nous avons besoin de comprendre comment on en est venu à un avis négatif du CNPN et à des procédures judiciaires.

Votre grande région accueille deux projets d'envergure. N'avez-vous pas le sentiment que le projet autoroutier a bénéficié de la dynamique du Grenelle - il fallait en faire une vitrine et le maître d'ouvrage était soucieux de se montrer exemplaire - tandis que pour la LGV, quelques années plus tard, une part de cette exigence s'est perdue, si bien que la qualité des travaux s'en ressent et que le maître d'ouvrage est moins allant ? Autrement dit, le contexte politique n'est-il pas aujourd'hui un peu moins favorable à la qualité environnementale des projets ?

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

Je ne crois pas. Il est vrai que le projet de l'autoroute A65 a été mis en oeuvre au moment du Grenelle, et a certainement servi d'exemple : on ne relève pas de contestation et les comités de suivi se passent dans de bonnes conditions.

Pour la LGV, il est incontestable qu'il y a eu plus de difficultés. Le territoire concerné était-il plus sensible dans un cas que dans l'autre ? Je ne puis l'affirmer, mais j'observe que l'opération a été beaucoup plus délicate et qu'il reste du travail à faire pour s'assurer que toutes les mesures de compensation ont bien été prises.

Je n'ai pas le sentiment que la portée du Grenelle se soit usée. L'Etat n'est pas seul à exercer sa vigilance : les juridictions, les associations veillent, et restent très inspirées par les principes du Grenelle, qui ont apporté des novations importantes sur lesquelles on ne reviendra pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

En tant que représentant de l'État, votre approche est-elle également économique ? Considérez-vous que la séquence ERC ne doit pas dépasser tel pourcentage d'un projet, pour ne pas le remettre en cause. Il semble que pour l'État, ce pourcentage se situe entre 10 % et 15 %, tandis que certains opérateurs retiennent plutôt une fourchette de 5 % à 10 %. Ce ratio implicite pèse-t-il dans votre stratégie, lors des discussions avec les opérateurs ?

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

Ce n'est pas une question de ratio. Quand une décision est prise sur le tracé et les modalités de réalisation d'une infrastructure, un certain nombre de critères sont, comme je l'ai dit, pris en compte : environnementaux, mais aussi financiers, techniques et économiques. Face à un dossier environnemental sensible, comme par exemple une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, notre position doit être équilibrée. Pour justifier une dérogation, il faut que l'intérêt économique soit extrêmement important et que des compensations soient prises.

Il est juste d'ajouter que nous sommes régulièrement confrontés à une double contrainte. La France affiche une ambition forte sur la part de production énergétique issue du renouvelable. Il est donc de notre devoir de faciliter l'éclosion de projets de cette nature - éolienne, solaire, méthanisation. Or, sur certains de ces dossiers, on peut se trouver face à des exigences contradictoires. Je pense aux éoliennes, en nombre restreint dans les anciennes régions Poitou-Charentes et Limousin, et inexistantes dans l'ancienne région Aquitaine. Quand un tel projet se monte, nous sommes parfois pris entre le souci de développer les énergies renouvelables et celui de protéger certaines espèces, comme la chauve-souris. En tant que signataire de l'avis rendu par l'autorité environnementale, je suis très régulièrement confronté à cette situation. Surmonter cette contradiction exige beaucoup de doigté. Y compris pour des projets locaux, plus modestes que ceux dont il est aujourd'hui question. En Gironde, pour le contournement d'un village au nord de Bordeaux par une voie départementale, l'autorisation de dérogation a été annulée par la juridiction administrative, alors qu'il s'agit de réaliser une déviation extrêmement importante pour une partie de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le motif de l'annulation tient-il à l'insuffisance des mesures compensatoires ?

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

En effet, des mesures compensatoires étaient requises pour la protection d'une espèce de papillon, l'azurée de la sanguisorbe, au Taillan-en-Médoc, un village où beaucoup d'habitants de Bordeaux ont élu domicile pour accéder à un habitat de qualité à un prix acceptable, et qui se trouve confronté à un problème de congestion routière - comme cela est le cas dans bien d'autres agglomérations. La demande d'une voie de contournement est très forte, car nombreux sont les habitants qui travaillent à Bordeaux. La DUP a été assortie, à juste titre, par mon prédécesseur, de plusieurs autorisations, l'une relative à la loi sur l'eau, l'autre portant dérogation à la destruction d'espèces protégées. La première a été confirmée, l'autre infirmée par le tribunal administratif puis par la cour d'appel. Loin de moi l'idée de contester le bien-fondé de la décision de la justice administrative, mais j'observe que nous avons à tenir compte de cette difficulté, qu'une partie de la population comprend mal...

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

J'entends bien la difficulté, mais quelles analyses en tirez-vous ? Doit-on comprendre que les mesures compensatoires ont d'abord été sous-estimées, ce qui a conduit le tribunal à sa décision, ou faut-il penser que nous manquons de l'ingénierie environnementale qui permettrait de répondre à un tel problème, très technique ? A-t-on manqué d'une trame verte et bleue à proximité, pour assurer la compensation ?

Dire que la population est demandeuse d'un projet bloqué par un papillon, sur lequel on lance la vindicte, c'est faire bon marché de tous nos engagements écologiques, depuis le protocole de Nagoya jusqu'à la législation européenne et nationale. D'où ma question.

Debut de section - Permalien
Pierre Dartout, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine

Je pense, objectivement, que le problème de la compensation a été insuffisamment pris en compte. Je ne conteste pas le bien-fondé des mesures de protection de cette espèce, je dis simplement que nous pouvons nous trouver face à une contradiction, parce que la population peut ne pas comprendre. C'est pourquoi j'ai insisté, tout à l'heure, sur l'exigence de pédagogie.

En l'espèce, l'administration de l'État a suivi la demande d'une collectivité territoriale avec laquelle elle a entretenu un dialogue constant : l'intérêt public et l'urgence de l'opération étaient si évidents que l'on a peut-être sous-estimé les mesures de compensation à prendre. Une nouvelle demande de dérogation va d'ailleurs être introduite.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je pourrais citer moi aussi de tels exemples, pris dans mon département ; tel champ de panneaux photovoltaïque qui n'a pas pu voir le jour, pour les mêmes raisons. Les maires, la population comprennent mal, alors qu'il nous faut trouver de nouvelles sources d'énergie, qu'un papillon puisse faire obstacle à de tels projets. On veut protéger les terres agricoles, mais quand des terrains sont propices à de telles installations, n'ayant ni vocation agricole ni vocation forestière, et se trouvant à proximité du réseau, comment comprendre qu'on interdise leur utilisation ? Encore pourrait-on le comprendre s'il s'agissait d'une espèce rare, qui ne se retrouve pas ailleurs, mais est-ce bien le cas ? Dispose-t-on d'une cartographie des espèces sur le territoire ? Loin de moi l'idée de contester l'exigence de protection de la biodiversité, mais une espèce comme la chauve-souris, par exemple, se retrouve dans bien des coins de France. Qu'un projet énergétique ou qu'une voie de contournement routier se trouvent bloqués quand on sait que telle espèce existe à 10 ou 15 kilomètres de distance est difficile à admettre.

Debut de section - Permalien
Patrice Guyot, directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine

On dispose d'une connaissance partielle de la localisation des espèces, grâce au réseau des zones naturelles d'intérêt floristique et faunistique, des zones Natura 2000 et des réserves naturelles. Mais dans bien des cas, on trouve des espèces protégées dans des zones qui ne bénéficient pas d'une protection particulière, et que l'on ne découvre parfois, au reste, qu'au moment où l'on prospecte. Sans compter que les choses évoluent assez vite. Ne serait-ce que du fait de la présence d'un chantier : des amphibiens peuvent s'installer dans ses ornières, dans ses mares, d'où l'importance d'une mise en défens efficace.

Approfondir notre connaissance cartographique est important, et c'est d'ailleurs l'un des objectifs de la loi pour la reconquête de la biodiversité, qui prévoit le versement du contenu de l'ensemble des études d'impact à un registre national.

Importent aussi les demandes de l'autorité environnementale qui, dans son avis sur la qualité de l'étude d'impact, peut être amenée à recommander des investigations complémentaires sur les caractéristiques du terrain, pour éviter des problèmes ultérieurs.

La conciliation des enjeux est dans l'ADN de la DREAL. Si bien que lorsque nous voyons mettre en exergue une espèce, au motif qu'elle bloquerait des projets, nous le vivons mal : c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Protéger tel papillon peut sembler anecdotique, mais il faut bien comprendre que c'est préserver tout un écosystème, avec ses interactions. On est d'ailleurs capables de monétiser les services rendus à la collectivité par de tels écosystèmes, et cela représente des sommes considérables.

Pour revenir à votre question, je précise que nous dressons des listes d'espèces, qualifiées selon leur localisation - certaines espèces, très rares dans certaines zones, pouvant l'être beaucoup moins dans d'autres. Mes services apprécient ce caractère patrimonial pour mesurer les enjeux attachés à un projet.

La compensation est une science en construction. Nous progressons en permanence, y compris dans le choix des termes figurant dans nos arrêtés, afin de rendre nos prescriptions contrôlables. Il y a un travail d'acculturation collective à mener, incluant les maîtres d'ouvrage, les collectivités territoriales, les services de l'État, pour progresser dans cet immense chantier. Parfaire nos connaissances grâce aux dispositions de la loi pour la reconquête de la biodiversité et à la géolocalisation des surfaces de compensation nous y aidera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Il me reste à vous remercier, en vous priant de nous faire parvenir les documents complémentaires évoqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Lors de son audition, le maître d'ouvrage de l'A65 A'liénor Ingénierie, a parlé d'une enveloppe d'un million et demi d'euros supplémentaires par rapport à l'enveloppe globale de compensation qui devrait être utilisée pour relancer la dynamique de biodiversité, avec le sentiment que l'argent était un peu gaspillé. Votre analyse écrite sur ce point nous serait profitable.

La réunion est close à 16 h 40.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.