Commission des affaires européennes

Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, mes chers collègues. Avec le président de la commission des affaires européennes, Simon Sutour, et l'ensemble de nos collègues, je suis très heureux de vous accueillir au Palais du Luxembourg pour cette réunion commune de la commission des affaires étrangères et de la défense et de la commission des affaires européennes du Sénat consacrée aux grands sujets d'actualité de l'Union européenne.

Le principal sujet d'actualité reste bien évidemment les derniers développements concernant la crise de la zone euro et la mise en oeuvre des décisions adoptées lors du dernier Conseil européen des 28 et 29 juin, notamment en ce qui concerne le Pacte sur la croissance et l'emploi, qui a été adopté à l'initiative du Président de la République François Hollande.

Le président Simon Sutour et les membres de sa commission, qui suivent de très près ces sujets, auront certainement beaucoup de questions à vous poser sur ce point.

Pour ma part, je souhaiterais vous interroger sur trois sujets qui concernent la politique étrangère et la défense, sujets qui relèvent directement de notre commission, ainsi que les valeurs qui fondent la construction européenne.

Première question : l'Union européenne a-t-elle une politique étrangère ?

Malgré les avancées du traité de Lisbonne, l'Union européenne peine encore à faire entendre sa voix sur la scène internationale. Qu'il s'agisse de la crise syrienne, de la situation préoccupante au Sahel et au Mali ou encore du blocage de processus de paix au Proche-Orient, l'Union européenne semble singulièrement absente.

Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous poser une question franche et directe : mais que fait la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Ashton ? Comment faire en sorte que la politique étrangère de l'Union européenne soit plus cohérente, plus lisible et plus efficace ? Comment pouvons-nous envisager d'avancer dans la construction européenne dans ce vide incarné ?

Ma deuxième question porte sur l'Europe de la défense, ou, plus exactement, la défense de l'Europe.

Le Président de la République a indiqué, à plusieurs reprises, qu'il souhaitait une relance de la défense européenne. Cela figure notamment dans la lettre de mission qu'il vient d'adresser à M. Jean-Marie Guehenno, au sujet de l'élaboration du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Avant même l'élection de François Hollande à la présidence de la République, notre commission avait eu des entretiens très positifs à ce sujet, tant avec nos collègues britanniques, qu'avec nos collègues allemands du Bundestag. J'ai également eu des contacts encourageants avec des parlementaires italiens et espagnols, et le sentiment que je retire de ces entretiens est qu'il existe chez nos grands partenaires européens, une forte attente à l'égard de l'Europe en matière de défense, il est vrai un peu moins forte chez nos amis britanniques.

Je souhaiterais donc savoir quelles initiatives concrètes sont envisagées par le gouvernement pour relancer la défense de l'Europe.

Enfin, permettez-moi de vous faire part de nos inquiétudes au sujet de l'évolution de la situation politique dans certains nouveaux Etats membres.

Je pense en particulier à la crise politique actuelle en Roumanie et à la situation politique en Hongrie.

Face à ces manifestations, qui violent l'esprit et la lettre des traités européens et qui illustrent la montée du populisme en Europe comment expliquer, Monsieur le Ministre, la discrétion des institutions européennes ? Ne serait-il pas souhaitable de rappeler à certains dirigeants européens tentés par le populisme qu'avant d'être un « grand marché », l'Europe est d'abord un « destin commun » et d'insister sur les valeurs qui fondent la construction européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je suis heureux de cette audition qui nous permettra de compléter la première prise de contact qu'a été le débat en séance publique sur les conclusions du Conseil européen.

Notre rencontre d'aujourd'hui est d'autant plus utile que l'actualité européenne ne connaît pas, pour l'instant, de pause estivale. Les difficultés de l'Espagne et de l'Italie, s'ajoutant à celles de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande et de Chypre, donnent le sentiment que la zone euro reste fragile. La Cour de Karlsruhe a reporté à septembre sa décision sur le MES et le TSCG. Nous voyons qu'il y aura sans doute de nouvelles étapes à franchir vers une gouvernance plus intégrée de la zone euro, mais que ce ne sera pas un parcours facile. Pourtant, les incertitudes économiques et financières risquent de nous imposer d'aller plus vite que prévu.

Nous avons donc besoin d'y voir plus clair et je vous remercie par avance des éléments que vous pourrez nous apporter.

Mais la construction européenne ne se limite pas, j'allais dire heureusement, aux vicissitudes de la zone euro.

Les chantiers législatifs et budgétaires sont nombreux. Au Sénat, nous nous efforçons de les suivre et de prendre position par des résolutions, afin que le Gouvernement puisse connaître nos préoccupations et nos souhaits concernant les textes en discussion.

Bien entendu, le Gouvernement n'est pas lié par les résolutions parlementaires. Elles ne sont pas un mandat. Mais elles sont la base de notre contrôle : le Gouvernement doit normalement en tenir compte, et si ce n'est pas le cas, nous souhaitons qu'il nous dise pourquoi il s'est écarté de nos positions.

Nous souhaitons sur ce point plus de dialogue. C'est pourquoi je me permets de vous remettre la vingtaine de résolutions adoptées par le Sénat depuis octobre dernier. Et je voudrais particulièrement attirer votre attention sur deux d'entre elles.

L'une concerne la politique de cohésion ; elle a été adoptée sur le rapport de notre collègue, Michel Delebarre, et se situait dans le prolongement d'une autre résolution présentée un an plus tôt par Yann Gaillard et moi-même. Je ne vous surprendrai pas en disant que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, est attaché à la politique de cohésion sans laquelle, à mon avis, il n'y aurait plus en France de politique d'aménagement du territoire. Et nous sommes très favorables à la proposition du commissaire Hahn de créer des « régions intermédiaires », ce qui permettrait à plusieurs régions françaises de bénéficier de financements supplémentaires sans rien retirer aux autres. Je précise que nous avons pris cette position à l'unanimité.

Nous avons été également unanimes pour adopter une résolution au sujet de la révision de la directive sur la protection des données personnelles. La CNIL avait été très largement associée à cette résolution.

La nouvelle directive améliore sur plusieurs points la protection des droits et permet une plus grande harmonisation européenne.

En revanche, tout comme la CNIL, le Sénat a exprimé de vives inquiétudes quant à l'introduction du critère de l'établissement principal qui, pour instruire les requêtes des citoyens européens, donne compétence à l'autorité de contrôle du pays dans lequel l'entreprise en cause a son principal établissement. Ce critère, qui fait l'objet de critiques de la part de plusieurs autres Etats européens, réduirait en pratique le niveau de protection des droits des citoyens européens. Par exemple, un Français ayant un litige avec Facebook devrait s'adresser à l'équivalent irlandais de la CNIL. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet qui tient à coeur à beaucoup d'entre nous.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes

Je commencerai par répondre aux questions de Jean-Louis Carrère.

S'agissant de la politique étrangère, force est de constater que l'Union n'est toujours pas parvenue à élaborer une politique et une action visible sur la scène internationale. Plusieurs crises récentes ont au contraire mis à jour les divergences de vue de plusieurs Etats membres. Je pense en particulier à la crise libyenne. La France et le Royaume-Uni ont assumé à titre principal l'action militaire et diplomatique.

Ces échecs ne doivent pas pour autant masquer les progrès accomplis, même timides, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Outre la création du Haut représentant et du Service européen d'action extérieure, des délégations de l'Union sont maintenant présentes dans les pays tiers.

Par ailleurs, dans plusieurs crises récentes de dimension internationale - je pense à la Syrie, à l'Iran et à la situation au Sahel -, une attention particulière a été portée à l'association étroite de tous les Etats membres de l'Union aux positions défendues au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Vous m'avez aussi interrogé sur la situation démocratique en Roumanie et en Hongrie. C'est en effet préoccupant. La Commission européenne assure un suivi très étroit. Le Premier ministre roumain s'est engagé à suivre les recommandations de la commission. Nous jugerons sur pièces. Si ces engagements n'étaient pas respectés, on pourrait envisager des procédures d'infraction comme cela a été le cas avec la Hongrie.

S'agissant de la politique européenne de sécurité et de défense, je tiens seulement à rappeler qu'un des arguments avancé par le précédent gouvernement pour justifier le retour dans le commandement intégré de l'OTAN était que nos partenaires européens en faisaient un préalable à la création d'un pilier européen de défense fort au sein de l'OTAN.

Or, cinq ans après, la politique européenne de défense n'a enregistré aucun progrès. Ce qu'on nous a expliqué ne s'est pas réalisé.

En matière industrielle, il n'y a eu aucun regroupement significatif. En matière de coopération et de conduite des opérations, le bilan est le même.

Sur tous ces points, le président de la République a la volonté d'avancer.

J'en viens à présent aux questions de Simon Sutour.

Sur les dossiers budgétaires, économiques et financiers, le gouvernement ambitionnait plusieurs choses :

- réorienter le budget vers la croissance ;

- se tenir à la discipline budgétaire pour maîtriser la charge de la dette ;

- mettre en place une union bancaire reposant sur une supervision renforcée, un système de résolution des crises bancaires et une garantie des dépôts ;

- permettre au Mécanisme européen de stabilité de recapitaliser directement les banques et d'intervenir sur le marché des dettes souveraines pour maintenir les taux dans un corridor supportable ;

- créer à terme des Eurobonds.

Qu'avons-nous obtenu ?

En faveur de la croissance, ce sont près de 240 milliards d'euros qui vont être mobilisés. La recapitalisation de la Banque européenne d'investissement (BEI) va permettre d'allouer 60 milliards de prêts supplémentaires qui, eux-mêmes, faciliteront des prêts privés à hauteur de 120 milliards. A cela s'ajoutent la mobilisation de plus de 50 milliards d'euros de fonds structurels et le lancement des « project bonds ».

En outre, les négociations en cours sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 devraient aussi orienter les crédits vers les relais de croissance. Des marges de manoeuvre budgétaire pourraient aussi être trouvées en affectant au financement de projets européens une partie des recettes de la future taxe sur les transactions financières créée en coopération renforcée.

Sur l'Union bancaire, un accord a été trouvé au Conseil européen du 29 juin dernier pour renforcer la supervision. La Commission fera des propositions en octobre qui pourraient être finalisées dès la fin de l'année.

Quant au MES, il pourra intervenir sur les dettes souveraines et recapitaliser les banques.

A plus long terme enfin, nous attendons avant la fin de l'année les propositions du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, sur une feuille de route pour plus de solidarité européenne en échange de plus de souveraineté partagée.

Vous m'avez aussi interrogé sur la politique de cohésion. Le Gouvernement ne souhaite pas choisir entre la PAC et la cohésion. Les deux sont sources de croissance pour nos territoires. Mais il faut de la lisibilité dans l'affectation des crédits. Les régions ayant un niveau de développement similaire doivent prétendre à des niveaux de crédits similaires.

C'est pour cette raison que nous nous sommes opposés à la demande de l'Allemagne de faire bénéficier ses Länder de l'Est d'un filet de sécurité spécifique. Nous sommes, en revanche, intéressés par la création de la catégorie des régions dites intermédiaires.

Enfin, vous m'avez interrogé sur la proposition de règlement relatif à la protection des données personnelles. Le Gouvernement partage la position équilibrée exprimée par le Sénat dans sa résolution européenne du 6 mars 2012. En particulier, le critère de l'établissement principal pose un problème de contrôle et d'accès des citoyens à leurs droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Le budget de l'Union qui représente moins d'1 % du RNB est ridicule. Les Etats refusent d'augmenter les moyens de l'Union car ils raisonnent au niveau européen de la même manière qu'au niveau national. Or, ce raisonnement est erroné. L'Union n'a pas de dettes. Ce biais vient du fait que le budget de l'Union est désormais alimenté à hauteur de 84 % par des contributions nationales. Cette dérive doit être stoppée et il faut augmenter la part des vraies ressources propres. Comment comptez-vous y parvenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Le dossier de l'Europe est un beau défi : même en panne, elle doit redémarrer ! Nous allons nous y employer tous ensemble.

Tout d'abord je voudrais évoquer le Conseil de l'Europe. C'est une institution ancienne, créée par Winston Churchill en 1949, son intention politique est affirmée : démocratie, paix ... 47 Etats en sont membres, tous les pays européens à l'exception de la Biélorussie. C'est un immense forum, le creuset dans lequel devrait se forger la conscience européenne ! A côté, il existe des institutions parallèles, comme la Commission de Venise, qui regroupe 58 Etats-membres et qui va donner son avis sur les constitutions turque, tunisienne et kazakhe. On méconnait ces institutions. Quel sera votre intérêt pour le Conseil de l'Europe ? La délégation va être renouvelée et se réjouira de travailler avec vous. Il faudra veiller au devenir du Conseil de l'Europe, à ses moyens, et à ce qu'il n'y ait pas de concurrence malsaine avec le Parlement européen.

Ensuite, concernant la défense, je ne suis pas optimiste sur la volonté des Etats d'avoir une défense commune. Les Etats baltes, par exemple, préfèrent l'OTAN. Il va falloir les convaincre de l'importance de la défense commune, car ce n'est ni spontané ni raisonné. A cet égard je regrette la disparition de l'assemblée parlementaire de l'UEO, qui traitait de sécurité et de défense, comportait 27 pays membres. On parle aujourd'hui d'une nouvelle structure, une conférence interparlementaire. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

La commission des affaires européennes a présenté une communication le 20 juin 2012, qui insiste fortement sur le fait que chaque région ultrapériphérique (RUP) est différente et que des pistes spécifiques doivent être envisagées pour chacune d'entre elles. Une certaine latitude peut-elle être accordée aux RUP dans l'emploi des fonds, par exemple en termes de besoins locaux prioritaires et d'infrastructures, même si cet emploi ne correspond pas précisément aux objectifs de la stratégie 2020 que poursuit la Commission européenne ?

Ensuite, concernant le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, la Commission européenne, dans sa proposition chiffrée, envisage une forte diminution de l'enveloppe destinée aux RUP. C'est un enjeu important pour nos départements d'outre-mer, qui reçoivent pour la période 2007-2013 une enveloppe de 3,2-milliards d'euros dans le cadre de l'objectif convergence, à laquelle s'ajoute une dotation complémentaire du FEDER de 482 millions d'euros pour les 4 DOM actuels. C'est cette allocation que la Commission européenne a proposé de diminuer de 40 %. La commission REGI du Parlement européen a marqué la semaine dernière son opposition à ce projet. Le gouvernement français est-il décidé à défendre le financement européen de nos RUP ? Comment expliquer l'absence de prise en compte, dans ces chiffres, de Mayotte, qui accèdera au statut de RUP au 1er janvier 2014 ?

Puis, en matière commerciale, la commission accorde des aides aux pays ACP, concurrents des RUP. La compensation tarde, qu'entend faire le gouvernement ?

Enfin, l'octroi de mer devrait être reconduit en 2014. Le gouvernement tarde à rendre sa copie, que comptez-vous faire en ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes

M. Pierre Bernard-Reymond m'a interrogé avec beaucoup de pertinence sur le problème des ressources propres de l'Union et de son financement.

La Commission européenne alimente le dilemme auquel les Etats sont confrontés. D'un côté, elle exige des Etats qu'ils respectent strictement le retour à l'équilibre budgétaire au travers du semestre européen et du « six pack ». De l'autre, elle plaide pour un budget européen ambitieux et donc une hausse des contributions nationales

Tout d'abord, il faut être clair, notre contribution ne peut pas augmenter de 18 à 25 milliards d'euros. L'équilibre budgétaire ne le supporterait pas.

En revanche, nous sommes ouverts à l'idée d'affecter à l'Union une partie des recettes de la future taxe sur les transactions financières. L'objection selon laquelle une taxe prélevée dans quelques Etats membres ne peut pas alimenter le budget des 27 ne nous paraît pas insurmontable. Plusieurs solutions sont en cours d'expertise.

La première, certes complexe, consisterait à substituer les recettes de la TTF à une partie des contributions nationales. Certes, cela n'augmente pas les crédits globaux de l'Union, mais cela atténue la corrélation des variations des contributions nationales avec celles du budget de l'Union.

Une autre piste sérieuse consisterait à créer un fonds européen pour la croissance, sur le modèle du FED, qui ne reposerait pas sur une clef de répartition classique.

Notre attachement au Conseil de l'Europe est total, je m'y suis d'ailleurs rendu après ma prise de fonctions et j'ai pu rencontrer le Secrétaire général. Nous souhaitons collaborer ensemble dans le cadre des trois thématiques que sont l'Etat de droit, la démocratie, et le respect des valeurs de paix et de concorde, multiplier les initiatives communes. Un forum sur la démocratie doit se tenir à Strasbourg en octobre, le Ministère des affaires étrangères contribuera à son financement à hauteur de 200 000 euros. Nous sommes prêts à approfondir nos relations avec le Conseil de l'Europe, car au-delà des mesures économiques et monétaires, l'Europe est aussi un ensemble de valeurs communes.

Pour ce qui concerne l'Europe de la défense, dans le cadre du traité de Lancaster House, nous souhaitons, au terme de la mission confiée à M. Hubert Védrine sur l'avenir de l'OTAN et du lien transatlantique, procéder à des réorientations et redéfinitions pour relancer l'Europe de la défense de façon pragmatique, en matière de planification des opérations, conduite des opérations, et confortement de l'industrie de défense.

Concernant les RUP, lors des réunions du conseil affaires générales, dans le cadre des réorientations budgétaires, nous avons réaffirmé notre engagement en soutien du financement dont elles bénéficient. Cela est vrai pour celles qui existent déjà, qui doivent pouvoir bénéficier de ces fonds en les utilisant au mieux et qui souhaitent pouvoir les utiliser de façon plus souple pour des projets vecteurs de croissance sur leur territoire, le PIB moyen des RUP étant en deçà du PIB moyen des autres régions de l'Union européenne. Cela est vrai également pour les régions accédant prochainement au statut de RUP. Je pense en particulier à Mayotte, pour laquelle nous avons demandé à la présidence chypriote que le sort qui lui sera réservé prenne en compte son impossibilité à intégrer spontanément et en une seule fois tout l'acquis communautaire.

La question de l'octroi de mer est difficile, délicate et dérogatoire. Un travail est actuellement en cours au sein du Parlement européen sur ce thème. Je vous propose d'attendre l'issue de sa réflexion avant de voir devant vous quelles sont les marges de manoeuvre, certainement très étroites, pour maintenir ce dispositif très spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je voudrais être rassuré sur plusieurs points. Le premier est la PAC. C'est un dossier d'avenir, selon les rapports de l'OCDE et de la FAO. Néanmoins, les alliances semblent aujourd'hui plus difficiles à trouver, d'autant plus que l'identité de vue avec les Allemands semblent s'estomper. Quelles alliances allez-vous créer pour conserver une PAC importante ? Le précédent Président de la République souhaitait un maintien du budget alloué à l'euro près, le nouveau Président, quant à lui, a promis une part importante des moyens pour la PAC.

Le deuxième point est la question des fonds de cohésion. Comme Simon Sutour et Yann Gaillard, j'insiste sur la pertinence de la création de régions intermédiaires et de l'optimisation de la gestion au plus près du territoire des fonds structurels, à l'image des fonds leader via le canal des régions, pour mieux les utiliser. Pouvez-vous nous éclairer sur le mode de fonctionnement futur des fonds de cohésion ?

Ensuite, je vous avoue mon inquiétude quant à la mise en place d'une Europe politique. Nos prédécesseurs ont mis en place l'Europe monétaire, puis budgétaire, il est temps maintenant de conforter l'Europe politique ! Nous avons besoin d'un pouvoir européen à hauteur des problèmes de l'heure, et parallèlement d'une lisibilité de nos territoires, de nos régions, lieux d'enracinement local. Je suis très sensible à la formulation de Jacques Delors « une fédération d'etats-nations ». Les citoyens ne sont peut-être pas prêts à faire ce pas qualitatif, néanmoins il faut tendre vers cet objectif. Quelle est la volonté du gouvernement de nous engager dans cette voie ? J'espère que les résultats du conseil européen ne présagent pas d'une Allemagne chef de file des Etats du Nord et d'une France chef de file des Etats du Sud. Le couple franco-allemand est primordial, il doit être novateur et dynamique. En ce qui me concerne, j'appuierai la ratification du TSCG, néanmoins plus nous aurons de lisibilité sur les réformes structurelles que vous engagerez pour restaurer notre compétitivité, plus vous trouverez des avocats au sein de nos familles politiques pour soutenir cette ratification.

Enfin, un dernier mot sur les brevets, car nous avons beaucoup travaillé dans cette maison pour faire émerger un brevet unitaire. Des progrès ont été effectués, malgré le soubresaut du Parlement européen dernièrement. Il conviendrait de traiter également la question des certificats d'obtention végétale. C'est un sujet technique, mais il mérite d'être examiné avec attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Je suis inquiet de l'évolution politique de la Hongrie. Le Premier ministre actuel est porté par une majorité des 2/3, une nouvelle Constitution a été rédigée, qui entre en conflit avec le TUE. Ceci a été soumis aux autorités européennes, la Commission de Venise a émis un avis, néanmoins les réactions européennes sont trop lentes. Comment pouvons-nous agir pour accélérer ce processus et faire respecter les traités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Un leader libyen souhaite rétablir la charia dans ce pays. Nous devons veiller au développement de la démocratie dans ces pays que nous avons aidés !

Ensuite, concernant les taxes sur les transactions financières, pouvez-vous confirmer que seuls 9 pays sur les 27 ont donné leur accord ?

Enfin, quelles sanctions pourraient être mises en application contre la Hongrie si celle-ci refusait de se conformer aux demandes européennes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Le programme européen d'aide alimentaire aux populations les plus démunies (PEAD) est assuré jusqu'à fin 2013. Quid de l'avenir ? Il est vital pour les associations qui aident les plus démunis, et ne représente que 500 millions d'euros, soit 1 euro par européen. Quels éléments pouvez-vous nous apporter ?

Sur la politique de cohésion, l'article 174 du traité de Lisbonne prévoit de porter une attention particulière aux zones de handicap naturel ou démographique. A cet égard, je voulais attirer votre attention sur une initiative exemplaire et unique en Europe : la convention interrégionale du Massif Central, signée pour la période 2007-2013. Six régions françaises, l'Europe et l'Etat travaillent ensemble dans ce cadre, l'initiative pourrait être reconduite, c'est en tout cas ce que souhaitent les six régions, au titre du cadre stratégique plurifonds.

Enfin, pour revenir sur les concurrences avec le Conseil de l'Europe, je rappelle la résolution adoptée le 1er mars 2012 au Sénat portant sur la création d'un fonds européen pour la démocratie, dont les objectifs sont poursuivis par plusieurs instruments de l'Union européenne, et qui entre en concurrence avec ce que fait le Conseil de l'Europe. Or, c'est une initiative coûteuse ; en période de pénurie financière, il me semble inutile de créer un organe supplémentaire.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes

Le Président Sarkozy a dit avoir obtenu qu'il n'y ait pas un euro de moins au budget de la PAC. Or, nous n'avons pas senti lors des conseils affaires générales une sanctuarisation de ce budget, au contraire ! Nous avons dû présenter des amendements à la boîte de négociation sur ce dossier. Nous sommes déterminés à faire en sorte que le budget et que le niveau des aides directes dont bénéficient les agriculteurs ne soient pas remis en causes et que la situation des exploitants agricoles ne soit pas plus fragilisée qu'elle ne l'est déjà. Néanmoins des réflexions sur les perspectives budgétaires souhaitées par nos partenaires se feront jour, nous devrons donc nous déterminer quant à l'issue à donner, par exemple sur le verdissement de la PAC, dont nous souhaitons qu'il soit mis en oeuvre progressivement afin de ne pas déstabiliser les exploitations. Également, les conditions d'affectation des sommes entre les piliers 1 et 2 de la PAC doivent être précisées, pour garantir, par-delà l'activité agricole, notre contribution au confortement du monde rural.

Pour les fonds de cohésion, une gestion au plus près est préférable. Autant le Président de la République que le Premier ministre ont confirmé que les conditions dans lesquelles une optimisation de leur gestion sur le territoire pourrait être mise en oeuvre seront regardées.

Ensuite, concernant l'Europe politique et la relation franco-allemande, vous pouvez être rassuré. La relation franco-allemande est forte lorsqu'elle est équilibrée, ce qui ne signifie pas que nous ne devons pas avoir de désaccord. On ne construit de bons compromis solides sur la durée que sur des choses clairement énoncées, nous leur avons fait part de notre vision et avons effectué un inventaire de nos divergences pour essayer de les surmonter ensemble. J'ai rencontré la semaine dernière Valéry Giscard d'Estaing, qui m'a dit que ce n'était pas parce que Helmut Schmidt et lui n'avaient jamais exprimé de désaccords en public qu'il n'y en avait pas. L'idée que l'absence de consensus au début compromet le résultat à la fin est fausse. La relation franco-allemande n'est jamais aussi forte et équilibrée que lorsqu'elle est franche. Lorsque nous allons au contact des Espagnols et des Italiens à Rome, à la veille d'un sommet européen, pour faire en sorte que la relation confortée ne soit pas exclusive de nos autres partenaires, ce ne signifie pas l'affaiblissement de notre relation avec l'Allemagne, bien au contraire !

Quant à l'Europe politique, beaucoup de parlementaires de l'opposition pensent qu'il faut la faire au sens fédéral. Autrement dit nous serions souverainistes. La question ne se pose pas en ces termes. Nous sommes ambitieux pour l'Europe. L'urgence à laquelle nous sommes confrontés, c'est notamment celle des marchés, qui nous demandent de relever des défis, de prendre des décisions urgentes, de renforcer la solidarité monétaire et financière, de nous doter d'outils qui permettent de résister aux marchés, de prendre des décisions urgentes et en anticipation sur l'actualité pour pouvoir être plus efficaces. Et la réponse à ces attentes ce n'est pas, après des années, une convention suivie d'un référendum.

Il faut agir sur trois points : un projet qui mobilise tout le monde au sein de l'Union européenne autour de valeurs comme la solidarité et la croissance pour pouvoir avancer ensemble, des réponses urgentes comme le MES, et enfin un processus d'intégration politique. Ces trois projets vont ensemble, c'est ce que le Président de la République a appelé l'intégration solidaire.

Concernant la Hongrie, la Commission européenne a engagé des procédures en raison des manquements qu'elle a constatés. Divers types de sanctions peuvent être mobilisés si besoin, et la Cour de Justice peut intervenir par le biais d'astreintes ou d'amendes après avoir statué sur ces manquements. Notre démarche s'inscrit dans la croyance en l'efficacité de la pression politique. Il est important de faire évoluer la Hongrie.

Quant à la taxe sur les transactions financières, la coopération renforcée n'est possible que dès lors que 9 pays sont d'accord, ce qui est le cas : l'Allemagne, l'Autriche, la France, le Portugal, la Grèce, l'Espagne, l'Italie, la Slovénie et la Belgique sont les pays qui pourraient lancer cette coopération renforcée.

S'agissant du programme européen d'aide aux plus démunis, le compromis obtenu l'année dernière avec l'Allemagne n'est pas satisfaisant. La prolongation du PEAD pour deux ans n'est pas une réponse à la hauteur des enjeux. Surtout, ce type de controverse mine l'adhésion des citoyens au projet européen. Le gouvernement français apportera bien sûr son soutien aux banques alimentaires. Mais une action européenne nouvelle doit être inventée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

En matière d'industries de défense, il me semble que les règles de la concurrence de droit commun sont inadaptées. Ce n'est pas un marché comme les autres. C'est le sens du récent rapport d'information de notre commission des affaires étrangères et de la défense sur les capacités industrielles militaires critiques. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Pourriez-vous nous dire comment le Gouvernement organise la voix de la France pour porter notre vision d'une politique européenne du numérique ? Au Sénat, ces enjeux de civilisation sont au coeur de notre action, par exemple sur le prix unique du livre et le livre numérique. Comment faire valoir, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, une logique qui ne soit pas uniquement concurrentielle ? Ces questions rejoignent d'ailleurs celles exprimées en matière de protection des données personnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a marqué sa volonté d'intensifier les liens entre l'université, la Recherche et les entreprises. Cette volonté se concrétisera-t-elle par un soutien au programme de recherche-innovation 2014-2020 de l'Union qui prévoit 87 milliards d'euros de crédits sur cette période ? Ou bien le Gouvernement proposera-t-il une baisse de ces montants ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes

Sur la Recherche, le Gouvernement défendra l'attribution de moyens suffisants. Il faut surtout mettre l'accent sur la sélection des projets d'excellence.

Sur le numérique, la question est très vaste et complexe. La position du Gouvernement s'organise autour de trois axes :

- faire en sorte que la numérisation soit un facteur de croissance ;

- défendre la spécificité de la politique culturelle ;

- être vigilant face aux atteintes potentielles aux libertés et à la vie privée.