Commission des affaires économiques

Réunion du 23 janvier 2018 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

En préambule, je souhaite la bienvenue à Yves Bouloux, élu le 17 décembre sénateur de la Vienne, en remplacement de M. Jean-Pierre Raffarin. Notre commission est désormais au complet et compte 51 membres.

Madame la directrice générale, la commission des affaires économiques, en commun avec la commission des affaires sociales, a souhaité lancer un cycle d'auditions afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce que les medias appellent désormais « l'affaire Lactalis », c'est-à-dire la commercialisation de laits infantiles infectés par des salmonelles.

Il ne s'agit pas, ce faisant, de transformer le Sénat en tribunal. Des actions devant les juridictions pénales ont d'ores et déjà été initiées par les parents de nouveau-nés et nourrissons contaminés. Notre démarche vise à mieux cerner la nature des dysfonctionnements qui seraient intervenus dans la gestion de ce dossier. Il s'agira ensuite d'envisager des mesures qui permettront, à l'avenir, d'éviter de telles situations. En France, en 2018, les consommateurs sont en effet en droit d'attendre une sécurité alimentaire effective, notamment pour les produits industriels destinés à des publics fragiles comme les très jeunes enfants.

Notre cycle d'auditions nous conduira ainsi à entendre non seulement l'entreprise Lactalis, mais également les grands acteurs de la distribution, les représentants des consommateurs, ainsi que différents services de l'État. Ceux-ci, en effet, ont été très vite mis en cause aux côtés du producteur, notamment dans la presse, pour n'avoir d'abord pas procédé aux contrôles suffisants du site de production de Craon, à l'origine de la contamination, puis pour n'avoir pas engagé la procédure de suspension de commercialisation et de retrait des produits dans des conditions de nature à endiguer totalement la dissémination des produits contaminés.

C'est donc naturellement que nous vous avons sollicitée, madame la directrice générale. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, est chargée, parmi ses nombreuses missions, de la protection de la sécurité des consommateurs, mission qui se décline, s'agissant des produits alimentaires, d'une part en l'établissement d'une réglementation, d'autre part en la mise en place de contrôles relatifs à la composition, à l'étiquetage général et nutritionnel, aux allégations, à l'hygiène et au respect de la chaîne du froid.

Aux termes du code de la consommation, la responsabilité première en matière de sécurité des produits repose sur les producteurs, mais l'autorité administrative, lorsqu'elle a connaissance d'un danger de santé publique, a compétence pour suspendre leur mise sur le marché et ordonner le retrait, le rappel, voire la destruction d'un produit. L'autorité administrative peut également ordonner la diffusion de mises en garde aux consommateurs.

La chronologie des faits, telle qu'elle a été présentée par la presse notamment, indique que l'autorité administrative a certes agi, mais la question se pose de savoir si elle a pris les bonnes mesures au bon moment.

Madame la directrice générale, pourriez-vous nous rappeler comment s'exercent, sur le terrain, les contrôles de sécurité des produits alimentaires, à partir de quel moment l'autorité décide de prononcer une mesure de protection des consommateurs et, en pratique, comment est mise en oeuvre une mesure de retrait une fois qu'elle a été prononcée ?

Ensuite, pourrez-vous nous indiquer précisément les actions menées par la DGCCRF à l'égard des produits Lactalis incriminés et justifier le choix fait par le ministre de retirer certains lots seulement de la commercialisation ?

Enfin, selon vous, à quoi sont dues les défaillances constatées et quelles actions entreprendre pour qu'elles ne se reproduisent à l'avenir ?

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me permettre de vous présenter le rôle de la DGCCRF et de répondre à vos questions.

En réponse aux questions de Mme la présidente, mon intervention portera sur trois points : les responsabilités des différents acteurs dans ce type de crise, la chronologie des faits et la procédure de retrait-rappel.

En matière de sécurité sanitaire, la responsabilité première revient aux producteurs et aux distributeurs des produits. Le fabricant a l'obligation de mettre sur le marché des produits sûrs. Par ailleurs, lorsqu'il sait qu'il a mis sur le marché des produits qui ne respectent pas cette obligation de sécurité, il est de sa responsabilité d'engager l'ensemble des actions nécessaires pour protéger les consommateurs, conformément à un règlement européen et à différents textes d'application.

Les distributeurs ont une obligation semblable. Lorsqu'ils sont informés, en général par le fabricant, que l'un des produits qu'ils commercialisent est dangereux, ils doivent engager l'ensemble des actions nécessaires pour protéger leurs clients. Le fabricant informe les distributeurs, qui, eux, informent les consommateurs directs.

De son côté, l'État contrôle que ces différents acteurs respectent leurs obligations.

La DGCCRF est chargée de la régulation et du bon fonctionnement des marchés. Elle veille au respect et à la loyauté de la concurrence, à la protection économique des consommateurs, ainsi qu'à la sécurité et à la conformité des produits de consommation et des services. Son action de contrôle est menée au bénéfice des consommateurs, mais aussi, on l'oublie souvent, des entreprises vertueuses, celles qui respectent la totalité de leurs obligations.

La DGCCRF fait partie du ministère de l'économie. Elle est représentée à l'échelon régional dans les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et à l'échelon départemental par les DDPP, les directions départementales de la protection des populations, ou, dans les départements de plus petite taille, par les DDCSPP, les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations. Les DDPP regroupent des agents des services de la DGCCRF et des services vétérinaires. Les DDCSPP comprennent également les services du ministère de la solidarité et de la santé, de la jeunesse et des sports. Pour ce qui concerne la sécurité sanitaire de l'alimentation, la compétence des services de l'État est partagée avec les ministères de la santé et de l'agriculture. Les missions de contrôle sont exercées en articulation avec le ministère de l'agriculture.

Habituellement, les produits alimentaires d'origine animale relèvent plutôt de la compétence des services vétérinaires. Pour ce qui concerne les laits de nutrition infantile, s'agissant d'une denrée d'origine animale, le ministère de l'agriculture est en charge du suivi des usines de fabrication qui disposent d'agréments sanitaires délivrés par ses services. C'était le cas de l'usine de Craon. Cet agrément vise à encadrer la production de denrées animales ou d'origine animale, denrées considérées comme sensibles, notamment sur le plan de l'hygiène. Les entreprises qui transforment de tels produits doivent être agréées.

La gestion des alertes sur les denrées alimentaires est une compétence partagée entre la DGCCRF et la direction générale de l'alimentation, la DGAL, qui relève du ministère de l'agriculture. La répartition des notifications initiales des alertes alimentaires est définie dans un protocole de coopération, de coordination et de gestion applicable à la direction générale de la santé du ministère de la santé, la DGAL, et à la DGCCRF. La gestion des alertes concernant les aliments destinés à une alimentation particulière, comme les laits infantiles et les compléments alimentaires, relève de la DGCCRF, ce qui explique qu'elle ait été en première ligne dans la gestion de cette crise.

En complément, la DGCCRF réalise des contrôles dit « contrôles des premiers metteurs sur le marché », ou CP2M, dans ces usines. Ces contrôles diffèrent selon qu'il s'agit d'entreprises dans le secteur de l'alimentation animale, qui relèvent d'un agrément sanitaire, ou d'entreprises du secteur industriel. Les CP2M sont des contrôles sur le fonctionnement général de l'entreprise. Ils visent à s'assurer du respect par cette dernière de l'ensemble des réglementations auxquelles elle est soumise en matière de protection du consommateur et dont la DGCCRF pilote les contrôles. Cela porte notamment sur les règles d'étiquetage, la composition des denrées alimentaires, ainsi que le respect des règles de facturation, de traçabilité ou de maîtrise de risques. Lorsque l'établissement contrôlé dispose d'agréments sanitaires, comme c'est le cas de l'usine de Craon, ce contrôle ne porte a priori pas sur la partie hygiène de l'entreprise pour éviter des redondances de compétences et de contrôle. Les moyens de l'État sont précieux, nous essayons donc de bien nous répartir les rôles. Des protocoles de contrôles pluriannuels sont définis à cette fin entre la DGCCRF et le ministère de l'agriculture.

Toutefois, il est évident que si des manquements aux règles d'hygiène sont mis en évidence au cours d'un contrôle, les agents de la DGCCRF prennent les mesures conservatoires nécessaires pour les faire cesser ou signalent les manquements à leurs collègues des services vétérinaires.

Dans le cas de l'usine Lactalis de Craon, qui est soumise à agrément sanitaire, les CP2M sont réalisés tous les trois ans. Un contrôle avait eu lieu en 2014, un nouveau contrôle était prévu le 5 décembre 2017.

Je vais maintenant vous décrire la chronologie des faits.

Le 1er décembre 2017, les services de la DGCCRF sont alertés par Santé publique France, établissement public en charge de missions de veille sanitaire, d'un nombre anormalement élevé de cas de salmonelloses, dont le sérotype est Salmonella agona, chez des enfants en bas-âge. Des questionnaires adressés par Santé publique France aux parents d'une vingtaine de nourrissons malades signalés à cette date ont permis de mettre en évidence que ces enfants avaient en commun la consommation exclusive de lait infantile des marques Picot et Milumel du groupe Lactalis. Les premiers cas ayant été isolés dès la mi-août, on pouvait craindre que des lots contaminés aient été mis sur le marché dès la mi-juillet 2017 et qu'ils soient encore sur le marché. Nous n'avons été informés de ces cas que le 1er décembre, le temps qu'une anomalie statistique soit constatée.

Les services de la DGCCRF ont immédiatement contacté la DDCSPP de la Mayenne, où est situé le siège de Lactalis Nutrition Santé, l'entreprise qui a fabriqué ces produits. Les premiers contacts sont pris le soir même avec l'entreprise et permettent d'identifier que les trois références impliquées sont fabriquées sur un même site, à Craon.

Le 2 décembre 2017, des investigations complémentaires sont réalisées sur ce site. Il est demandé à l'entreprise de mettre en place des mesures conservatoires, comme le blocage à la commercialisation de tous ses stocks.

Lactalis annonce enfin retirer de la commercialisation et rappeler 12 lots de produits de nutrition infantile. Il s'agit des lots de trois références mis sur le marché à partir de la mi-juillet. Cette information est relayée par un communiqué de presse des ministères de l'économie et de la santé. Environ vingt-quatre heures se seront écoulées entre l'information de la DGCCRF par Santé publique France et la première mesure de gestion décidée par Lactalis.

À partir du 4 décembre 2017, des investigations complémentaires sont menées sur site par la DDCSPP de Mayenne, puis par le service national des enquêtes de la DGCCRF, le SNE, service spécialisé dans les enquêtes lourdes. Ces contrôles visaient à vérifier que Lactalis avait mis en oeuvre des mesures appropriées de gestion du risque afin de garantir que les produits encore sur le marché étaient sûrs. Le fabricant a décidé de mesures. Il revient aux services de l'Etat de contrôler leur suffisance. Ces contrôles de l'administration ont consisté en une soixantaine de prélèvements pour analyse, en des contrôles documentaires et à l'audition de responsables de l'entreprise.

Le 8 décembre, la DGCCRF a été informée de cinq nouveaux cas de salmonellose, dont celui d'un enfant ayant consommé un produit du groupe Lactalis autre que ceux ayant déjà été identifiés au début du mois de décembre. Par ailleurs, les résultats des prélèvements réalisés par Lactalis et par les autorités de contrôle à proximité de la chaîne de production, concrètement dans l'environnement de la tour de séchage n° 1, ont montré la présence dans l'usine de Craon de salmonelles du même sérotype que celles ayant conduit à la contamination des nourrissons. À ce stade, les premières conclusions de l'enquête menée par les agents du SNE sur site conduisent la DGCCRF à considérer que les mesures prises par l'entreprise le 4 décembre ne sont pas de nature à maîtriser le risque de contamination. Lactalis est informé de ces conclusions.

Le 9 décembre 2017, après un contact direct entre les dirigeants de l'entreprise et le cabinet du ministre de l'économie et des finances, faute d'une démarche volontaire de l'entreprise permettant une gestion satisfaisante du risque de contamination des produits, Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, compétent en matière de sécurité des produits infantiles, a décidé d'ordonner la suspension de la commercialisation et de l'exportation, ainsi que le retrait et le rappel des fabrications ayant transité par la tour de séchage n° 1 du site de Craon depuis le 15 février 2017. Cela représente plus de 600 lots de produits de nutrition infantile, soit plus de 11 000 tonnes de produits, dont environ 7 000 tonnes destinées au marché national.

La date retenue du 15 février correspond, moyennant une période de sécurité d'un mois liée à un possible stockage par les parents, à la date de fabrication du lot de lait le plus ancien suspecté d'avoir conduit à la contamination d'un nourrisson parmi les cas connus à cette date.

Le 13 décembre 2017, cinq nouveaux lots issus de la tour de séchage n° 1 qui auraient dû être couverts par l'arrêté, mais qui n'apparaissaient pas dans les documents de traçabilité transmis par Lactalis au moment de la rédaction de celui-ci, sont rappelés par le fabricant, qui a constaté une erreur dans les informations qu'il nous a données.

Le 20 décembre 2017 ont été organisées deux réunions pour informer les parties prenantes des mesures prises par l'administration : l'une avec les organisations de consommateurs agréées, l'autre avec les professionnels de la filière. Une telle mesure s'impose en cas d'arrêté de retrait-rappel. Ces réunions permettent la mise à disposition de produits alternatifs.

Le 21 décembre 2017, suite à la détection de la bactérie dans l'environnement de la tour n° 2, le groupe Lactalis annonce généraliser le retrait-rappel à l'ensemble des produits fabriqués ou conditionnés sur la partie du site Lactalis Nutrition Santé depuis le 15 février 2017. Il s'agit de laits et céréales infantiles, ainsi que de produits de nutrition spécialisés. Le ministère de l'économie publie un communiqué de presse pour prendre acte de cette décision.

Le 22 décembre 2017, le SNE est saisi par le pôle santé publique du parquet de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire, notamment sur le fondement du rapport d'enquête du SNE et à la suite de plaintes de parents de nourrissons victimes de cette contamination. De ce fait, de nombreux sujets ne peuvent plus être évoqués.

J'évoquerai maintenant les procédures de retrait et de rappel.

Le 2 décembre, le 10 décembre, le 13 décembre puis le 21 décembre, des mesures de retrait-rappel ont ainsi été annoncées. Ces différentes procédures ont concerné un nombre très important de produits : ce sont des dizaines de millions de boîtes de produits infantiles, commercialisées dans des dizaines de milliers de points de vente - supermarchés, hypermarchés, pharmacies - ou diffusées dans des crèches, des hôpitaux, des maternités, en France et dans une soixantaine de pays, qui ont dû être rappelées.

Comme je l'ai indiqué en introduction, lors d'une opération de retrait-rappel de produits, menée de manière volontaire ou en application d'une décision du ministre, le fabricant est responsable de sa mise en oeuvre. Il lui revient de déterminer les moyens nécessaires pour assurer l'efficacité des opérations - information directe de ses clients, communiqués de presse. Tout au long de la chaîne de distribution, chaque maillon est responsable, d'une part, de cesser la commercialisation des produits concernés et, d'autre part, d'informer ses clients de la procédure de retrait-rappel. Le distributeur final a une obligation d'information des consommateurs de l'existence d'une procédure de rappel pour les produits qu'il a déjà commercialisés. Tous ces opérateurs ont une obligation de résultat. Ils doivent utiliser tous les moyens à leur disposition : affichage, information directe chaque fois qu'ils ont les coordonnées des consommateurs - grâce aux cartes de fidélité ou en cas de paiement par chèque. Les pouvoirs publics accompagnent ces opérateurs avec des communiqués de presse, afin que l'information soit la plus large possible et qu'elle soit reprise par les medias.

Pour contrôler l'effectivité des mesures de retrait-rappel, la DGCCRF a demandé à l'ensemble de ses services départementaux d'intervenir à tous les maillons de la chaîne de distribution afin de vérifier que les produits concernés n'étaient plus commercialisés. Des contrôles par sondage dans les différents points de vente, mais également auprès des sièges des centrales d'achat des grandes enseignes de distribution, chez les grossistes, dans les hôpitaux et les crèches, mais aussi sur les sites internet de vente de produits alimentaires ont été réalisés sur la base des listings clients obtenus auprès de Lactalis.

Entre le 26 décembre et le 5 janvier, environ 2 500 contrôles ont été effectués. Au cours de ces contrôles, s'il était avéré que des produits rappelés continuaient à être commercialisés, les agents de la DGCCRF demandaient le retrait immédiat des rayons des produits incriminés. Par ailleurs, au-delà de cette mesure d'urgence, des constatations ont été établies et les suites appropriées pourront être données ultérieurement. Elles dépendront des causes et des conditions dans lesquelles ces manquements ont été commis. En tout état de cause, le fait de poursuivre la vente de produits concernés par une opération de retrait-rappel est susceptible de constituer une tromperie aggravée, qui est un délit pénal.

Ces contrôles, dont les conclusions ont été annoncées le 11 janvier 2018 par Bruno Le Maire, ont mis en évidence des non-conformités dans environ 5 % des établissements contrôlés. Ce chiffre est bien trop élevé compte tenu du danger que peuvent présenter ces produits. Ces contrôles ont notamment concerné 1 300 pharmacies, 600 grandes et moyennes surfaces et 300 hôpitaux et crèches. Dans 91 établissements, des produits couverts par l'opération de retrait-rappel étaient encore commercialisés. La présence de plus de 500 boîtes de produits de nutrition infantiles a été mise en évidence dans 30 grandes et moyennes surfaces. Pour faire cesser le risque, les agents ont demandé que les produits concernés soient immédiatement retirés des rayons. Par ailleurs, des produits rappelés étaient encore en vente dans 44 pharmacies. Dans de nombreuses pharmacies, enfin, les clients n'étaient pas informés de l'opération de retrait par un affichage adapté.

Une nouvelle opération de contrôle a été engagée lorsque ces résultats ont été connus. A la demande du ministre, plus de 2 500 contrôles supplémentaires étaient prévus, dont les résultats, en cours de consolidation, seront annoncés d'ici à la fin de la semaine.

Comme vous le voyez, il s'agit d'une opération très lourde, dans laquelle la DGCCRF s'est fortement impliquée. Je tiens à cet égard à rendre un hommage public aux agents qui se sont mobilisés, y compris pendant les fêtes.

Évidemment, un retour d'expérience, impliquant l'ensemble des acteurs, sera nécessaire. Il faudra également réfléchir à la manière de fiabiliser la procédure de retrait-rappel, car il y aura évidemment d'autres crises sanitaires, le risque zéro n'existant pas. Les industriels seront eux aussi amenés à tirer les conséquences de cette crise.

Il est à noter que le retrait-rappel de Lactalis est probablement l'un des plus importants effectués ces dix dernières années, compte tenu des volumes que j'ai évoqués.

Lorsqu'une procédure de retrait et de rappel est décidée, deux objectifs sont visés. Il convient tout d'abord de faire en sorte que plus aucun produit susceptible d'être dangereux ne soit commercialisé. Il faut aussi informer les consommateurs le plus tôt, le plus rapidement et le plus précisément possible pour les produits déjà vendus ; s'ils ont été consommés, il faut les alerter pour qu'ils puissent éventuellement consulter un médecin. Nous travaillons activement sur ces alertes.

Il est impératif que des avancées concrètes soient proposées par la grande distribution et les fabricants en termes d'information et pour fiabiliser les procédures de traçabilité internes aux entreprises comme entre fournisseurs et clients.

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF

Le 11 janvier 2018, convoqués par le ministre Bruno Le Maire, les acteurs de la grande distribution ont indiqué pouvoir mettre en oeuvre des méthodes de blocage en caisse en cas de rappel des produits. Cela a commencé à être réalisé dans certaines enseignes : toutes se sont engagées, mais elles devront résoudre quelques problèmes techniques mineurs. Cette piste est très sérieuse pour l'avenir.

Le 16 janvier dernier, le ministre a présidé une réunion plénière du Conseil national de la consommation, réunissant à la fois des représentants des professionnels et des associations de consommateurs. Il a demandé au Conseil de mettre en place très vite un groupe de travail pour proposer des pistes d'amélioration de l'information des consommateurs.

Il faudrait étudier les canaux de communication susceptibles d'être mis à profit par les entreprises pour contacter leurs clients : carte de fidélité ou carte bancaire, car les affichettes dans les magasins ne suffisent pas pour de tels produits.

Une autre piste est celle des réseaux sociaux. Le ministre a demandé au groupe de travail de remettre ses conclusions dans un délai assez bref de trois mois, c'est-à-dire pour la fin avril.

Autre piste évoquée par le ministre pour une communication plus large, à côté des sites internet des enseignes et des fabricants, un site internet unique recenserait l'ensemble des produits concernés par une procédure de retrait-rappel. Il a aussi envisagé une application interactive pour que les consommateurs signalent aux autorités compétentes, par exemple avec une photo à l'appui, les anomalies constatées sur un produit qui serait encore en rayon alors qu'il aurait dû être retiré. Il ne s'agit pas de décharger les uns ou les autres de leurs responsabilités ; il s'agit de démultiplier les possibilités d'action rapide.

Par ailleurs, le ministre a demandé à la DGCCRF de formuler des propositions pour améliorer le contrôle des procédures de retrait et de rappel, notamment par une harmonisation et un renforcement des sanctions en cas de mise sur le marché ou de commercialisation de produits retirés ou rappelés. Cela rendrait les sanctions plus efficaces et plus systématiques en cas de manquement, étant toutefois entendu que celles-ci ne sont pas toujours adéquates et, sont de ce fait, inappliquées. Nous réfléchirons à cette question avec la Chancellerie.

D'autres mesures visent à renforcer la traçabilité des opérations mises en oeuvre aux différents maillons de la chaine. Toutefois, ces propositions doivent plutôt émaner des opérateurs eux-mêmes.

Le 12 janvier, à la suite d'une rencontre entre le ministre Bruno Le Maire et le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, l'entreprise a annoncé, dans un objectif de simplification des mesures de retrait-rappel et de précaution, qu'elle rappelait l'intégralité des laits infantiles en poudre, des céréales infantiles et des produits nutritionnels fabriqués sur le site de Craon. C'est la dernière mesure qui a clôturé cette opération.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Vos propos nous ont fourni beaucoup d'informations, mais j'espère que la procédure judiciaire en cours ne sera pas un prétexte pour que d'autres interlocuteurs ne s'expriment pas. Pour notre part, nous espérons maintenir au maximum la transparence.

De nombreuses interrogations portent sur l'information en elle-même, qui contient de nombreuses pistes de progrès. Mais soyons attentifs à ne pas incriminer directement la grande distribution, où la traçabilité via les cartes de fidélité est plus simple à réaliser, car si j'ai bien compris vos propos, beaucoup de défaillances ne lui sont pas imputables.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame, je vous remercie de cet exposé, mais il ne me satisfait pas complètement. Dans la chronologie, on a oublié l'épisode de 2005, où 141 nourrissons ont été malades de salmonellose à cause de produits issus de cette usine. Comment se fait-il que, de 2005 à 2017, les contrôles n'y aient pas été renforcés, alors que la situation était déjà préoccupante ? Je rappelle de surcroît que, selon l'Institut Pasteur, c'est la même souche de salmonellose qui a été retrouvée en 2017.

Je suis d'accord avec vous, madame la présidente : il est hors de question de faire le procès de la DGCCRF et de ses agents, qui ont été extraordinaires, malgré une situation de sous-effectifs pendant les fêtes. Néanmoins, six semaines se sont écoulées après l'alerte, qui a d'ailleurs été donnée, non pas lors d'un contrôle, mais par une consommatrice ayant acheté le produit chez Leclerc - cette enseigne a diligenté un audit sur cette affaire - avant une autre alerte à Intermarché.

Il faut entrer dans le vif du sujet : je m'interroge sur les effectifs dont vous disposez. À la suite de la RGPP, entre 700 et 1 000 emplois ont été supprimés, empêchant les inspecteurs de réaliser les contrôles dans les meilleures conditions et les obligeant à tailler à coups de serpe... Aujourd'hui, ce sont les autocontrôles des entreprises que l'on contrôle. J'ai lu dans la presse que Lactalis avait trouvé des souches de salmonellose dès le mois d'août, puis au mois de novembre. L'entreprise était-elle au courant à ce moment-là ? La justice va faire son travail, mais il faudra que la vérité sorte un jour.

Cette affaire est le procès d'un système : elle scandalise, car il s'agit de nourrissons. La rentabilité financière prime-t-elle sur tout ? Pour un certain nombre de syndicalistes, le lean management mis en avant depuis cinq ans a cette conséquence que les salariés font eux-mêmes le travail de nettoyage, alors qu'ils ne sont pas formés pour cela. L'hygiène se dégrade sur de nombreux sites. Comment pouvons-nous agir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

La loi Consommation a ajouté beaucoup de missions à la DGCCRF. Des 3 700 agents présents en 2005, il ne reste plus que 3 000. Cela gêne obligatoirement votre travail de contrôle, d'autant que 48 suppressions de postes sont confirmées dans la loi de finances pour 2018. L'affaire Lactalis est très grave, et la justice est saisie. Mais l'Allemagne a connu une situation plus dramatique encore, puisque les graines de fenugrec importées d'Égypte ont fait onze morts.

De telles difficultés sanitaires se reproduiront à l'avenir, avec pour conséquence des crises majeures. Comme l'a dit M. Gay, on savait que les problèmes étaient récurrents dans cette entreprise. Ne fallait-il pas mettre en place une prévention pour empêcher le pire ? Comment pouvez-vous gérer vos missions avec quatre agents sur place entre Noël et le Nouvel An ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

La DGCCRF, bras armé de l'État dans la protection des consommateurs, veille à la sécurité des produits, mais il est également des aspects économiques et juridiques sur lesquels vous avez insisté. Après les lasagnes à la viande de cheval et les oeufs au fipronil, nous voilà confrontés à l'affaire Lactalis. Pourquoi ces fraudes ne sont-elles pas mieux identifiées en amont, afin d'éviter ces crises majeures ? En l'espèce, on a retrouvé des produits, pourtant retirés à la vente, en promotion à moins 40 % !

La DGCCRF dispose-t-elle aujourd'hui des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, notamment en termes de personnels - 3 000 agents et 1 000 contrôleurs - et de réglementation, pour fiabiliser ces retraits-rappels ? Sur ce sujet, votre explication est d'un autre temps, car, vous l'avez dit vous-même, il existe aujourd'hui des applications informatiques qui permettraient une traçabilité sanitaire beaucoup plus fine et le blocage direct de ces produits, afin que de telles opérations ne soient pas laissées au bon vouloir de la grande distribution.

La DGCCRF doit apporter une vraie garantie sanitaire. Mais force est de constater que la confiance a été altérée, pour ne pas dire plus...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je rends hommage, tout d'abord, aux agents des organismes de contrôle. Quelles leçons tirez-vous personnellement, madame la directrice, de la situation actuelle ? Il est peut-être un peu tôt pour avoir un retour d'expérience, mais, comme l'a dit M. Gay, depuis 2005, on aurait dû tenir compte des expériences passées. Bref, comment éviter, en intervenant le plus en amont possible, que de telles situations ne se reproduisent ? Enfin, au-delà de la responsabilité, pleine et entière, de Lactalis, pensez-vous que les effectifs des organismes de contrôle soient suffisants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Ayant travaillé vingt-cinq ans dans une entreprise de l'industrie laitière, et compte tenu des contrôles journaliers réguliers, je ne crois absolument pas que Lactalis pouvait ignorer le problème, pas plus que la DDCSPP. Sinon, il ne sert à rien du tout de procéder à des contrôles ! Le souci d'un fabricant est de garantir sa marchandise ; en cas de problème, il doit en rechercher aussitôt la source. C'est pourquoi j'ai tendance à accuser plus sévèrement le fabricant que les contrôleurs. Lorsque des cas de listériose ont été mis au jour, la fabrication de munster a été stoppée. Pourquoi, alors que le problème a déjà été soulevé en 2016, vos services n'ont-ils pas imposé au fabricant un dispositif de contrôle plus important qu'avant ? Heureusement qu'aucun décès n'est à déplorer !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Comment en arrive-t-on à ce que des produits, dont on sait qu'ils sont nocifs pour des nourrissons, ne soient pas retirés de la vente, et même mis en promotion ! Je pense à l'affaire des prothèses mammaires contenant de l'huile de vidange et posées, entre autres, sur des femmes ayant recours à la reconstruction après un cancer du sein. Aujourd'hui, le problème se pose à nouveau, car les contrôles ne sont pas suffisants. En outre, je ne comprends pas pourquoi les fabricants ne sont pas astreints aux mêmes obligations que tout un chacun. Il devrait être possible d'imposer le retrait de ces produits à la vente, y compris dans les pharmacies, et de prendre des sanctions beaucoup plus en amont. Ces aberrations risquent d'avoir des conséquences majeures sur la population, qui se méfiera de tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Pourriez-vous établir le bilan des victimes et le diagnostic pour chacune d'entre elles ? Je m'interroge, comme mes collègues, sur la connaissance qu'avait ou non l'entreprise du problème avant qu'il ne vienne sur la place publique. Connaissant bien l'industrie agroalimentaire, je partage l'avis de Jackie Pierre : la taille d'un établissement comme celui de Lactalis à Craon implique obligatoirement un nombre journalier de mesures, d'études et de points de contrôle, qui sont ensuite notifiés et archivés électroniquement, avec un historique remontant très loin en cas de problème antérieur. Quels sont les enseignements de cet historique, que vous devez connaître ? Enfin, nous devrons régler le problème légal. Quelle est la peine encourue par la grande distribution quand elle continue de vendre un produit qui devrait normalement être retiré ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Ne peut-on soupçonner, derrière certaines pratiques de la grande distribution, l'opportunité de continuer à vendre un produit tout en réclamant le remboursement au fabricant ? En l'occurrence, Lactalis s'est engagée à indemniser non seulement les victimes, mais aussi les magasins revendeurs. On peut s'interroger, car les sanctions attachées à l'incrimination ne sont pas très lourdes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Ce sujet interpelle le législateur que nous sommes. Qui ne serait ému par ces affaires qui touchent des enfants et sont également très traumatisantes pour les parents ? On pourrait être tenté de légiférer pour mettre en place de nouveaux dispositifs, tout en reconnaissant que l'inflation des normes devient ingérable, entraînant parfois de réelles contradictions. Je ne vous ai pas entendue sur les effectifs, mais je me doute qu'il vous sera compliqué de répondre franchement. Voter une loi de circonstance serait à mes yeux la pire des choses. En revanche, nous devons mettre chaque acteur devant ses responsabilités. Pensez-vous, en tant que praticienne, que les sanctions prévues par la loi sont à la hauteur des risques encourus et de pratiques, hélas trop fréquentes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Madame la directrice, vous avez proposé quelques pistes de travail concernant le retrait des produits. C'est une bonne chose, mais je me tourne plutôt vers ce qui se passe en amont. Comment une entreprise comme Lactalis peut-elle avoir des stocks contaminés aussi importants ? Sachant que 11 000 tonnes ont été retirées, il faut croire que l'entreprise a produit ce volume énorme sans contrôle ; ou alors, si des vérifications ont été effectuées, un manquement est à déplorer ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Je rebondis sur l'interrogation de Marc Daunis concernant les normes. La DGCCRF est chargée du contrôle du résultat. Or ce qui y conduit, c'est aussi la manière dont on s'organise et dont l'entreprise alloue ses ressources internes, notamment dans les processus de fabrication. Tout cela concourt à une qualité dont bénéficie le client final. Les événements qui se sont produits témoignent de défaillances que les enquêtes mettront, je l'espère, en évidence. N'aurions-nous pas intérêt à réfléchir à la manière dont l'État peut non seulement inciter, mais obliger à utiliser les normes ISO, qui ne sont pas obligatoires aujourd'hui et relèvent des politiques délibérées des entreprises ? Toutes ces grandes entreprises travaillent à l'aune de certifications comme ISO 9001 ou autres normes alimentaires. Une réflexion pourrait nous permettre, au lieu de légiférer, de nous appuyer sur des référentiels qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

De nombreuses questions vous ont été posées, madame la directrice, sur les moyens dont dispose la DGCCRF, sur le rôle de Lactalis - que savait l'entreprise au regard des contrôles réalisés par ses soins ? - mais également sur le renforcement, probablement nécessaire, du contrôle des outils industriels sensibles, en particulier lorsqu'ils ont, par le passé, connu des incidents. À mon sens, les difficultés rencontrées en matière de communication proviennent davantage de l'absence d'exhaustivité des numéros de lots fournis par l'industriel que des informations diffusées par les circuits de distribution. J'insiste également pour rappeler que la grande distribution n'est pas seule concernée par le maintien en rayons de produits qui auraient dû en être retirés - quoique les campagnes de promotion, si elles sont avérées, aggravent néanmoins leur faute : les crèches, les hôpitaux et les pharmacies ont également leur part de responsabilité.

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

S'agissant des mesures prises en matière de prévention qui auraient pu être mises en oeuvre après les incidents observés en 2005, je suis au regret de ne pouvoir vous apporter les précisions souhaitées. Les contrôles des sites de production relèvent, en effet, des services vétérinaires de la direction générale de l'alimentation, qui travaillent en lien avec la DGCCRF au sein des directions départementales de la protection des populations. Nous avons en charge, pour notre part, la gestion des alertes et la réalisation des contrôles préalables à la mise sur le marché, lesquels demeurent très généraux puisqu'ils concernent la loyauté de l'information fournie, en particulier par l'étiquetage. Dans ce cadre, certains éléments peuvent évidemment être relatifs à la sécurité sanitaire, mais cela n'est a priori pas le cas des produits distribués par les entreprises titulaires de l'agrément sanitaire, qui font l'objet de contrôles spécifiques et réguliers. Lactalis pouvait-il ignorer l'existence d'une contamination ? Avait-il réalisé les autocontrôles nécessaires et, dans ce cas, quel usage a-t-il fait de leurs conclusions ? L'industriel est contraint à une obligation de résultat : celle de mettre sur le marché des produits sûrs pour les populations, obligation au titre de laquelle il se doit de vérifier régulièrement la qualité de sa production. L'enquête judiciaire précisera les responsabilités de Lactalis dans ce dossier, notamment en matière de respect de l'obligation d'information des services compétents de l'État si un autocontrôle a fait apparaître un risque sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Sans préjuger de leurs résultats, qui relèvent de l'enquête en cours, nous aimerions savoir si les contrôles obligatoires ont été effectivement réalisés par l'industriel. Disposez-vous de cette information ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

L'entreprise décide en réalité elle-même de mener ces contrôles, afin de garantir la qualité des produits distribués, et en définit les outils.

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Effectivement, monsieur Pierre, il s'agit là d'autocontrôles. En cas d'anomalie constatée sur un produit, l'entreprise a alors l'obligation d'en informer l'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Vous avez indiqué précédemment avoir eu accès aux résultats de ces contrôles.

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

La DGCCRF a effectivement eu connaissance de ces données, monsieur Daunis, mais uniquement parce qu'une enquête a été ouverte. Le service national d'enquête est intervenu dans l'entreprise à partir du 2 décembre et son rapport a été transmis à la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Dois-je comprendre qu'en l'absence d'enquête, le résultat des autocontrôles ne vous parvient pas ?

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Le résultat des contrôles menés en interne ne nous est effectivement transmis qu'en cas d'anomalie. Je le répète : il n'existe une obligation d'informer les services de l'État qu'en cas de contamination observée sur un produit. Nous n'avons, en conséquence, pas accès en temps normal à l'ensemble des données.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Les lots contaminés ont été découverts fin décembre, avez-vous dit.

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Non, monsieur Duplomp, j'ai mentionné le 2 décembre et les dates sont importantes dans ce type de dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Au mois de décembre, dirons-nous alors. Quoi qu'il en soit, les lots de produits incriminés ont, pour certains, été produits au mois d'août, ce qui explique que 11 000 tonnes de boîtes aient dû être rappelées. Pendant un temps non négligeable, l'usine a donc fonctionné en fabriquant des produits potentiellement contaminés. Or, j'imagine qu'en interne des contrôles ont été réalisés pendant ce délai de quatre mois. En connaît-on les résultats ?

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Je vous rappelle qu'à ce stade, nous ignorons toujours l'origine de la contamination. La salmonelle n'a d'abord pas été détectée directement dans les laits en poudre. Provient-elle alors de l'environnement ou uniquement de la tour de séchage ? Si l'enquête montre qu'une anomalie a été détectée sur un produit lors d'un autocontrôle mais que les autorités compétentes n'en ont pas été informées, l'entreprise sera dans son tort. S'il apparait, en revanche, que la contamination provient de l'environnement, au sens large, du produit, il n'existait pour Lactalis aucune obligation d'information. La seule certitude que nous ayons à ce jour est que des enfants ont été contaminés par une souche identique provenant de boîtes de lait infantile contaminées. Ce n'est cependant pas parce que, par précaution, nous avons exigé le retrait de 11 000 tonnes de ces laits que l'ensemble des boîtes était contaminé.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Si des analyses sont réalisées chaque fois qu'une certaine quantité de lait est produite, la salmonelle aurait dû être détectée, compte tenu des tonnages incriminés.

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

En réalité, les contrôles sont aléatoires. En conséquence, rien ne permet d'affirmer que Lactalis ait eu connaissance, en amont, d'une contamination de certains de ses laits en poudre. Peut-être les produits en cause n'ont-ils jamais été contrôlés. Il vous faudrait sur ce point interroger directement l'entreprise.

Certains d'entre vous m'ont également interpellée sur le nombre de victimes. Si cette information relève du ministère de la santé, je puis néanmoins vous indiquer qu'à ma connaissance, trente-sept nourrissons ont été contaminés après avoir consommé un lait produit par Lactalis et que tous sont désormais sortis de l'hôpital.

S'agissant de l'attitude de la grande distribution lors de cette crise, je rejoins Mme Primas : elle est loin d'être seule responsable des manquements constatés en matière de retrait des laits infantiles Lactalis de la vente. Pour autant, des sanctions existent en cas de faute avérée, que le retrait des produits ait été imposé par un arrêté ministériel ou qu'il soit le fait du fabricant. Elles varient d'une situation à l'autre - nous travaillons d'ailleurs, à la demande du ministre, à les harmoniser - mais, dans tous les cas, lorsque qu'un délit de tromperie aggravée est constitué, il est passible d'une peine maximale de 3,75 millions d'euros d'amende, de sept ans de prison ou 10 % du chiffre d'affaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Ces sanctions sont-elles fréquemment appliquées ?

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Nous réfléchissons avec la Chancellerie à des sanctions moins lourdes, qui pourraient plus souvent être mises en oeuvre. Parfois, une contravention peut d'ailleurs se révéler plus dissuasive car elle peut s'appliquer par produit. Imaginez l'effet multiplicateur, même d'une contravention de cinquième classe, au regard du nombre de boîtes en rayons ! Vous entendez prochainement, je crois, les représentants de la grande distribution. Ils ont fait amende honorable dans l'affaire des laits contaminés Lactalis et vont certainement mettre en oeuvre des mesures pour que cela ne se reproduise pas. L'ensemble des grandes enseignes ont été contrôlées, sur ce dossier, par la DGCCRF.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Des sanctions seront-elles prises en conséquence ?

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Nous transmettons les procès-verbaux de nos contrôles à la justice, à qui revient la responsabilité de prononcer des sanctions. Les représentants de la grande distribution arguent toutefois qu'une erreur humaine est possible, même avec les procédures de traçabilité les plus efficaces. Est-ce pour autant acceptable ? Les salariés étaient-ils suffisamment formés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

La DGCCRF contrôle-t-elle également les pharmacies ?

Debut de section - Permalien
Virginie Beaumenier

Parfaitement. Le ministre a été en contact avec la présidente de l'Ordre des pharmaciens, qui a annoncé que des mesures disciplinaires seraient très probablement prises à l'encontre des pharmaciens mis en cause. En tout état de cause, nos procès-verbaux de contrôle sont valables de la même manière pour les pharmacies, puisque les laits infantiles sont vendus sans prescription médicale.

Vous avez également évoqué la nécessaire amélioration de l'information des consommateurs : c'est l'un des objectifs du Conseil national de la consommation, qui réfléchit aux moyens à mettre en oeuvre à cet effet.

Vous m'avez enfin interrogée sur les moyens dont dispose la DGCCRF. Nous faisons au mieux avec les agents mis à notre disposition et, du reste, jamais il ne sera possible, même en renforçant les effectifs, d'être présents dans chaque usine ou chaque magasin. La mise en oeuvre du projet Action publique 2022 contribuera, dans un contexte budgétaire néanmoins contraint, à mieux hiérarchiser les objectifs de notre direction et, partant, à renforcer la présence des agents sur le terrain grâce à des gains de productivité sur les fonctions support.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je vous remercie, madame la directrice, pour les précisions que vous nous avez apportées sur ce dossier complexe. Nous poursuivrons nos travaux en entendant demain matin M. Michel Nalet, directeur de la communication et des relations extérieures du groupe Lactalis, auquel nous aurons certainement de nombreuses questions à poser.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

A la demande insistante de plusieurs d'entre vous, notre commission va constituer un groupe de travail sur les enjeux du tourisme. Je remercie ceux que cela intéresse de se faire connaître auprès du secrétariat, afin que le groupe puisse commencer à travailler dans les semaines à venir. Par ailleurs, je vous ai informés, à la fin du mois de décembre, d'une proposition de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) de sensibiliser et de former des parlementaires aux questions d'espionnage. Plusieurs collègues ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt. Je vous invite à vous rapprocher, là encore, du secrétariat, afin que nous puissions répondre à la DGSI. J'ai eu la chance de suivre une telle formation par le passé et puis vous dire que le sujet est aussi important qu'intéressant.

La réunion est close à 19 h 15.