Dans la perspective de l'examen, sans doute au mois de juin, par le Sénat du projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dit « ELAN », il m'a semblé utile d'approfondir dès à présent notre réflexion autour de la protection du patrimoine et de la qualité architecturale.
C'est pourquoi j'ai souhaité que nous puissions bénéficier de l'éclairage de l'association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF), du conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), de l'association des maires de France (AMF) et de trois personnalités éminentes dans le domaine du patrimoine :
- Yves Dauge, président de l'association des biens français du patrimoine mondial et président d'honneur de Sites et cités remarquables,
- Alain de La Bretesche, président de Patrimoine-environnement,
- et Philippe Toussaint, président de Vieilles maisons françaises.
Présenté en Conseil des ministres il y a tout juste deux semaines, le projet de loi ELAN comporte plusieurs dispositions préoccupantes au regard des enjeux que nous défendons au sein de notre commission.
Son article 15 entend accélérer et faciliter les demandes d'urbanisme en transformant l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France (ABF) en avis consultatif pour les opérations de traitement de l'habitat indigne dans les secteurs protégés au titre du patrimoine et pour les travaux d'installation de pylônes de téléphonie mobile. Il prévoit également de faciliter les recours de la collectivité auprès du préfet contre les avis des ABF en instituant un « silence vaut accord », c'est à dire une acceptation tacite de la demande d'urbanisme en l'absence de réponse à l'issue d'un délai de deux mois. Il s'agit d'une modification que nous avions rejetée il y a deux ans lorsque nous avions examiné la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP).
Ces premières brèches dans l'avis conforme pourraient encourager certains à aller au-delà. À cet égard, je signale que le groupe de travail sénatorial sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs est en passe de rendre ses conclusions. Le 19 avril, la proposition de loi résultant de ses travaux sera officiellement présentée et elle pourrait être prochainement examinée en séance. C'est dire si nous devons être vigilants sur ces propositions.
Les associations de défense du patrimoine sont montées au créneau dès le mois de décembre pour alerter le président de la République sur les conséquences d'une suppression de l'avis conforme de l'ABF en termes de conflits et de dérapages. Ces propositions témoignent d'un climat de défiance à l'égard des ABF qui paraît peu cohérent, à la fois avec la politique de revitalisation des centres anciens en cours d'élaboration et avec le travail en cours au sein du ministère de la culture pour faire évoluer le travail d'ABF vers davantage de conseil en amont des projets patrimoniaux. Peut-être l'ANABF pourra-t-elle nous dire quelques mots sur les propositions qui ressortent du groupe de travail mis en place par Françoise Nyssen composé d'élus et d'ABF, dont les travaux sont tout juste en train de s'achever.
Le deuxième article du projet de loi ELAN qui pose question, cette fois-ci au regard de la qualité architecturale, est l'article 28. Au motif d'accompagner l'évolution du secteur du logement social, il autorise les bailleurs sociaux à déroger à certaines obligations relatives à la maîtrise d'ouvrage publique et à l'obligation de recourir au concours d'architecture. Vous vous souvenez que l'un des objectifs de la LCAP avait été, au contraire, de remettre l'architecture et l'architecte au coeur de la qualité de vie des citoyens. Il nous appartient de veiller à ce que les équilibres ne soient pas remis en cause.
Je laisse la parole sans plus attendre à nos intervenants, afin qu'ils nous donnent leur appréciation sur ce projet de loi et sur le climat actuel.
L'ANABF a la caractéristique de rassembler des fonctionnaires d'État. Cinq de nos confrères ont participé au groupe de travail mis en place par la ministre de la culture et qui a formulé des propositions qui vont dans le sens d'une meilleure collaboration entre élus et architectes des bâtiments de France (ABF) :
- renforcer les conditions d'une vision partagée en matière d'architecture et de patrimoine (avec notamment le développement, dans une perspective de long terme, de l'éducation artistique et culturelle) ;
- développer la planification des enjeux de valorisation de l'architecture et du patrimoine pour assurer la prévisibilité des règles et des prescriptions ;
- renforcer le rôle de conseil et la qualité du dialogue (avec notamment la mise en commun d'outils d'analyse du patrimoine développés par les ABF) ;
- organiser la co-construction et la collégialité des avis pour les projets les plus importants ; en Seine-Saint-Denis, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain, une nouvelle méthode de diagnostic patrimonial a été développée pour améliorer la prise en compte et la valorisation du patrimoine récent (le plus souvent de la seconde moitié du XXe siècle) au stade des étapes pré-opérationnelles des grands projets d'aménagement ;
- favoriser la médiation dans le cadre des recours, en cas de désaccords.
S'agissant du passage d'un avis conforme de l'ABF à un avis consultatif simple pour les immeubles insalubres ou en péril (qui sont bien souvent les derniers immeubles patrimoniaux non réhabilités en secteur protégé), je crains que nous ne revenions soixante-dix ans en arrière, avant la loi Malraux qui a pourtant permis de sauver d'innombrables immeubles patrimoniaux, avec le bel exemple du quartier du Marais à Paris. Je pense également qu'il faut préserver la mixité ancien/récent du patrimoine en centre-ville et, comme l'avait fait la loi Malraux en son temps, favoriser les acteurs, notamment privés, qui savent restaurer et réhabiliter avec finesse. Quant aux questions de téléphonie mobile, je crains qu'un avis simple de l'ABF ne laisse désormais les élus très démunis face à l'installation de nouvelles antennes-relais.
S'agissant enfin de la facilitation des recours des collectivités auprès du préfet, je crains l'utilisation très politique qui peut en être faite.
Le recours par les élus n'est pas un outil de politique politicienne mais un instrument de défense de leur territoire !
Je l'entends bien ainsi. Mais il faudrait à tout le moins prévoir une réunion de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) pour examiner le recours.
La LCAP, dans la lignée de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, a constitué une belle avancée en termes de qualité des paysages et des territoires. La Stratégie nationale pour l'architecture présentée en octobre 2015 a confirmé cette dynamique.
Malheureusement, le projet de loi ELAN renonce à toute ambition en matière de qualité urbaine en mêlant urbanisme (grandes opérations d'urbanisme, dérogations possibles à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée - dite loi MOP - et disparition des concours d'architecture dans certains cas de figure), logement social (avec une moindre prise en compte des habitants et des élus du territoire alors qu'il nous faut désormais « co-construire » avec eux) et revitalisation des centres-bourgs. Les lotissements et les centres commerciaux ne constituent pas le patrimoine de demain et nous devons protéger les centres-bourgs en privilégiant la réhabilitation à la construction neuve de mauvaise qualité ; pour relever ce défi, les ABF sont pour nous des partenaires, des architectes de proximité qui connaissent leur territoire.
Les collectivités territoriales sont très sensibles aux sujets de préservation du patrimoine et l'ABF est parfois perçu comme « l'empêcheur de tourner en rond ». L'AMF a beaucoup travaillé sur ces questions, notamment Pierre Jarlier, et elle a fait part de ses principaux sujets de préoccupation : qu'il y ait plus de collégialité en amont dans la prise en compte du patrimoine historique de nos centres-bourgs (comme nous le faisons sur les projets de développement économique ou touristique) ; que les ABF soient associés aux procédures le plus en amont possible (tout particulièrement si l'avis conforme devait disparaître) ; que les savoir-faire de nos artisans soient préservés (en privilégiant la réhabilitation sur la reconstruction) ; que les questions de santé publique liées à la multiplication des antennes-relais dans le cadre du passage de la 4G à la 5G soient prises en compte ; que nos centres-villes restent des centres de vie, notamment par l'adaptation intelligente des logements au vieillissement de la population tout en préservant la lisibilité historique des façades.
Si la LCAP porte, incontestablement, la marque du Sénat, elle est aussi le fruit du travail de nos associations et nous ne souhaitons pas que cette loi, équilibrée et solide, soit détricotée à la faveur du nouveau projet de loi.
Je regrette qu'aucune association de défense du patrimoine n'ait été invitée à la soi-disant conférence de consensus, au sein de laquelle la voix des bailleurs sociaux s'est trouvée rapidement prépondérante.
Nos associations ont adressé une « lettre ouverte aux Français et à leurs élus sur le patrimoine » dans laquelle elles formulent notamment des propositions en matière de gouvernance car plus de trois ministères sont en concurrence sur les questions liées au patrimoine ! Nous comptons aujourd'hui sur le Parlement pour reprendre ces propositions.
Le Sénat a beaucoup oeuvré pour les ABF, leur créant un corps de fonctionnaires d'État et sauvant même cette profession un temps menacée. Mais il faudrait aller plus loin et compléter leur statut en prenant en compte leur formation, leur carrière et la question de leurs collaborateurs. La LCAP a remis l'État dans le jeu : il faut donner aux ABF les moyens d'assurer leur mission.
Il y a eu, indubitablement, des difficultés entre ABF et élus. Mais est-ce encore une réalité aujourd'hui ?
D'indéniables progrès ont été accomplis. Considérons les faits : les décisions d'urbanisme font globalement l'objet d'un taux de recours de 1 à 1,6 % et les avis des ABF, d'un taux encore plus faible (0,6 %). Comme pour les températures hivernales, il y a le ressenti - l'impression que les difficultés entre élus et ABF sont immenses - et la réalité - un très faible taux de recours...
Une difficulté particulière apparaît avec la volonté d'installer des pylônes de téléphonie mobile dans les clochers des églises. Outre le nombre des antennes, il y a aussi les armoires techniques qui peuvent fragiliser ces clochers, sans même évoquer les aspects esthétiques. Les associations de défense du patrimoine ne sont pas opposées par nature à ces équipements mais elles souhaitent que lorsqu'il existe d'autres possibilités, celles-ci soient également envisagées.
L'ABF constitue un conseil gratuit pour le maire.
La deuxième question concerne les démolitions. C'est un sujet très technique et la rédaction du projet de loi ne nous paraît pas très solide d'un point de vue juridique puisque les immeubles insalubres visés (soit parce qu'ils font l'objet d'un arrêté de péril, soit parce qu'ils sont tellement insalubres qu'il n'y a aucune possibilité d'amélioration) sont de toute façon voués à la démolition. Il nous semblerait souhaitable de préciser que ces modifications législatives ne s'appliqueront pas aux immeubles situés sur le périmètre d'un espace protégé ou identifiés pour leur valeur patrimoniale dans le plan local d'urbanisme (PLU).
Il convient d'indiquer que les ABF sont aujourd'hui dans l'impossibilité de traiter l'ensemble des dossiers qui leur sont adressés. Cela nous amène à proposer la création d'une « réserve » comme cela peut exister au ministère de la défense et de l'intérieur afin de permettre à des retraités ou à tout autre volontaire de venir épauler les ABF dans le suivi des dossiers.
Par ailleurs, les ABF qui sortent aujourd'hui de l'école n'ont pas fait « acte de bâtir ». C'est pourquoi, sur le modèle des obligations faites à certains corps de la fonction publique, une obligation de mobilité de deux ans pourrait leur être imposée, afin de les inciter, par exemple, à travailler dans des cabinets d'architecte à un moment de leur carrière.
J'interviens au nom d'une association qui compte 18 000 adhérents, mais j'ai aussi le regard de l'élu local du fait de mon mandat de maire.
Avec les ABF, nous partageons la conviction que le patrimoine est aussi une affaire d'éducation et qu'il convient de réconcilier l'enseignement de l'histoire avec le patrimoine.
Dans notre pays, seul l'État peut imposer des règles de protection du patrimoine afin de limiter le rôle du code de l'urbanisme qui donne la main aux maires pour construire. Nous sommes très vigilants et nous regrettons de ne jamais être consultés malgré nos courriers adressés au président de la République. Le projet de loi tel qu'il est rédigé aujourd'hui semble considérer que toute maison insalubre a vocation à être supprimée. Ainsi, certains petits bourgs en Normandie qui comprennent de nombreuses maisons abandonnées qui ne sont pas rénovées dans l'attente de pouvoir les détruire. J'ai sollicité les services départementaux afin qu'une réhabilitation soit conduite pour sauver ces centres-bourgs. Un dialogue doit s'instaurer et, dans ce cadre, l'avis de l'ABF constitue un soutien. Notre pays gagnerait à s'inspirer de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne où le petit patrimoine est mieux reconnu. En Allemagne, par exemple, 1,3 million de bâtiments font l'objet d'une identification. En France, le petit patrimoine est ignoré, méconnu et laissé à l'abandon. Nous sommes révoltés par ce projet de loi qui constitue le contraire de ce qu'il faudrait faire.
Le Sénat va se retrouver à nouveau en première ligne, avec la possibilité de faire bouger les choses. Au moment de la discussion de la LCAP, nous avions néanmoins des alliés à l'Assemblée nationale, notamment en la personne du président Bloche. Force est de constater que nos partenaires actuels n'ont pas cette culture et défendent l'idée qu'il faut construire plus vite, moins cher, pour un meilleur résultat. Cette doctrine est contraire à la réalité car il faut du temps pour avoir de la qualité. La loi Malraux, il y a 50 ans, a permis de sauver les centres historiques. Mais les autres territoires sont laissés à l'abandon, ce qui a amené le développement d'une insalubrité. Dans de nombreux territoires nous savons que tout est à vendre. Je regrette que les organismes HLM soient aujourd'hui les alliés de l'État pour détricoter les mécanismes de protection et participer à la destruction du patrimoine. Le risque est grand que se poursuivent les constructions médiocres et non durables comme les grands ensembles et certaines zones pavillonnaires périphériques. Les grands groupes de BTP poussent dans ce sens et le Gouvernement ne nous aide pas. Il y a un problème de gouvernance, car les architectes ne sont pas assez présents au sein des services de l'Etat et ne peuvent y faire valoir leur expérience.
Je me garderais bien d'exprimer dès maintenant un avis sur le texte qui mérite d'être expertisé de manière approfondie. J'ai cependant une question technique pour les ABF : quel bilan peut-on faire de la mise en place du périmètre intelligent des abords par la LCAP ?
Je dois dire que la situation actuelle me rappelle celle des années 60 : il y a ceux qui veulent protéger le patrimoine et ceux qui veulent aller vite dans la construction. L'article 15 du projet de loi porte un risque majeur de destruction des immeubles insalubres : si on avait mis en oeuvre de telles dispositions dans les années 60, il n'y aurait plus de centres-villes ! Il faut donc être pragmatique. Les contentieux entre l'ABF et les collectivités territoriales sont en réalité très rares et ils ont évolué. Il existait dans le passé un pouvoir « exorbitant » des ABF mais la possibilité de recours a changé les relations qu'ils entretiennent avec les élus. D'une posture d'autorité, les ABF sont devenus un appui à l'autorité locale pour préserver le patrimoine.
Même si l'article 15 est inutile et dangereux, le supprimer serait voué à l'échec. Il faut « limiter les dégâts » en amendant le texte pour éviter que la réponse à l'insalubrité soit systématiquement la démolition. Je recommande à nos invités de faire connaître plus largement leur position qui est partagée par notre commission.
Un travail considérable a, en effet, été effectué lors de l'examen de la LCAP pour faire valoir les préoccupations patrimoniales.
Il faut effectivement être vigilant à la proposition de loi sur les centres-villes et les centres-bourgs qui sera présentée demain. Le débat peut caricaturalement se résumer par : tout casser ou tout conserver. On oppose ainsi des intérêts publics, revitaliser les centres-villes et centres-bourgs d'un côté, préserver le paysage urbain, la qualité de vie et l'histoire commune de l'autre. La LCAP avait amené des éléments positifs en créant un cadre favorable à la conciliation des intérêts. Il est cependant difficile de les hiérarchiser et je dois dire que la possibilité de recours a permis une meilleure concertation en amont. L'avis d'un ABF est un secours pour le maire qui peut s'appuyer sur lui pour protéger son patrimoine. Il faudrait plus s'appuyer sur des outils comme les sites patrimoniaux remarquables (SPR) qui encouragent le dialogue entre les différentes parties prenantes. N'oublions pas que d'autres intérêts sont en jeu, à commencer par les questions environnementales et de mise aux normes énergétiques. Il faut faire avancer l'idée que construire vite constitue une « vulgarisation » de nos territoires. Il faut utiliser les compétences en architecture sur le territoire. Cela suppose que les métiers évoluent pour mieux prendre en compte la qualité du paysage urbain alors que la focalisation se fait aujourd'hui sur le projet, au risque d'oublier son insertion dans son environnement. En résumé, la LCAP avait amené de bons éléments, il faut en maintenir les grandes orientations.
La création des ABF, en 1946, a permis de faire de la France un territoire reconnu dans le monde entier pour la protection de son patrimoine. Un avis conforme de l'ABF est donc nécessaire. J'en veux pour preuve le passage à l'avis simple pour les sites inscrits, qui s'est traduit par une dégradation irréversible de ces espaces. Je m'interroge donc sur l'article 15, en particulier sur le silence de l'ABF qui vaudrait accord. Qu'en pensez-vous ? Le souci du texte est d'accélérer la procédure d'urbanisme. Or, je note qu'il y a finalement très peu de recours et que le meilleur moyen de réduire les délais, c'est aussi de travailler davantage en amont des projets. Je m'associe à la question de notre collègue Philippe Nachbar sur le bilan des nouvelles règles en matière de délimitation des abords.
Je tiens à rendre hommage à Yves Dauge pour la qualité de son travail et pour sa volonté transpartisane que le patrimoine devienne un vrai outil de revitalisation de nos villes. Je m'interroge sur l'insertion du projet de loi ELAN dans la stratégie pluriannuelle présentée par la ministre de la culture au mois de décembre, tout en notant que les relations entre les élus et les ABF n'ont pas toujours été harmonieuses. Il y aurait une grande différence entre l'avis simple et l'avis conforme. Je suis très attachée à la prise en compte de notre passé dans les opérations d'aménagement urbain.
Je veux faire part de mon expérience de conservateur du patrimoine dans un service d'archéologie. Nous ne disposions pas de l'avis conforme et nous étions donc amenés à travailler en lien étroit avec les ABF. Il me paraît important de souligner que la politique patrimoniale est d'autant mieux prise en compte qu'elle n'est pas découverte tardivement au moment du dépôt. L'affaiblissement des services de l'État sur le terrain, en particulier des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), a considérablement dégradé la situation et les possibilités de travail en amont. Les services de l'inventaire ont été confiés aux régions avec des résultats très inégaux.
Je partage la colère des ABF. Nous voici revenus plus de deux ans en arrière à devoir de nouveau les défendre, ainsi que l'architecture. Le postulat de départ à savoir que l'on va construire plus, mieux et moins cher en se passant des ABF et des architectes me paraît très contestable. Au niveau symbolique, la suppression du concours d'architecture pour construire des logements sociaux est très grave comme le sont les dérogations aux règles résultant du titre II de la loi MOP, et il faudra chercher à amender le texte. Il me paraît tout aussi symbolique d'abandonner l'avis conforme, alors même que l'on connaît tout l'intérêt de nos concitoyens pour la qualité de vie et la préservation du patrimoine. La question des recours est complexe et nous devons chercher à trouver un accord avec l'Assemblée nationale car, en l'état, l'article 15 du projet de loi ne me paraît pas satisfaisant. J'ajoute que la question de l'environnement est également très importante. Nous parlons là de ce que je qualifierais de « nouveau mode d'habiter ». Revenir aux années 60 sera particulièrement préjudiciable pour les quartiers les plus fragiles. Nous serons donc obligés de faire des propositions à partir des enjeux tant symboliques que politiques. Cette responsabilité est d'autant plus celle du Sénat que nous nous étions particulièrement impliqués sur ces sujets lors de l'examen de la LCAP.
Nous avons tous la volonté de valoriser le patrimoine. Aucun élu local ne souhaite défigurer son centre-ville. Les taux de recours ne sont pas représentatifs de la situation vécue par les élus et leur faible pourcentage ne doit pas nous aveugler : les élus sont confrontés à de véritables difficultés mais ils n'osent pas entreprendre de recours en raison de l'inégalité des rapports de force. Je souhaiterais revenir sur les propos de mon ami Jean-Lucien Guénoun, représentant des ABF, qui fait un travail formidable dans l'Oise depuis des années. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est parce que l'article 15 pose de réels problèmes. Je rappellerai que lors de l'assemblée générale de l'Union des maires de l'Oise qui s'est tenue fin 2017, M. Guénoun a été fortement pris à parti, notamment par les élus locaux des petites communes, qui n'ont pas de service d'urbanisme pour monter les dossiers. Il existe donc une réelle incompréhension entre certains maires des petites communes et les ABF. En dépit des efforts de ces derniers pour traiter les dossiers, ils restent submergés. Pour sortir du dilemme avis simple ou avis conforme, il faut développer ce que l'AMF a appelé la « collégialité en amont ». Élus et ABF doivent « coconstruire » les projets. Le savoir-faire des architectes est indispensable, mais les élus se sentent souvent pieds et poings liés à ce qu'ils considèrent comme des oukases de la part des services de l'État. L'article 15 du projet de loi, qui rend consultatif l'avis des architectes des bâtiments de France pour certaines opérations d'urbanisme, n'est pas proposé par hasard. Ne nous voilons donc pas la face. Les citoyens et les élus portent un grand attachement au patrimoine. Mais il y a des blocages qu'il ne faut pas nier.
Je souhaiterais moins poser des questions que formuler quelques remarques. D'abord, le temps du politique n'est pas celui de la protection du patrimoine et de l'aménagement du territoire. Le temps donné aux élus pour valoriser le territoire et créer des logements est très court. Il est même désormais difficile de réaliser un projet sur un mandat. Le temps du patrimoine est au contraire un temps long. Il s'agit donc de concilier ces deux temps. Par ailleurs, quelle vision avons-nous aujourd'hui de l'architecture, du patrimoine, de l'environnement ? Nous avons tendance à n'en retenir que les contraintes : contraintes d'accessibilité, de stationnement, de bétonisation, de zonage, de pourcentage d'espaces verts, de gestion des déchets. L'aménagement du territoire et l'urbanisme ne sont pas considérés comme des moyens d'améliorer notre qualité de vie, mais comme des contraintes à surmonter. Il y a donc un réel travail pédagogique à réaliser. Ensuite, je note qu'à l'instar de la mer, l'aménagement du territoire est géré par plusieurs ministères : l'économie, l'environnement, l'agriculture et les contraintes freinent l'avancement des projets. Pour autant, la volonté de faire vite, construire plus et moins cher risque de conduire à des catastrophes en matière d'urbanisme. Dans ce domaine, il me semble également important de simplifier les procédures, dans la mesure où les contraintes imposées n'ont pas abouti au développement d'un meilleur habitat. Enfin, il faut vulgariser l'architecture et le patrimoine, en utilisant des mots plus simples, compréhensibles par tous.
La situation et le ressenti vis-à-vis des ABF varient selon les territoires, d'où l'importance du dialogue. Les recours se font actuellement auprès des préfets de région. Ne faudrait-il pas permettre un recours au niveau des préfets de département, qui ont une connaissance plus grande de la réalité du terrain ? Concernant la construction de pylônes, Orange avait évalué les besoins pour les années à venir. L'État a repris les chiffres tels quels et les a imposés à Orange sous peine d'intérêts de retard. Or, Orange avait l'habitude de se concerter avec les ABF pour arrêter le lieu d'installation des pylônes. Compte tenu de la contrainte de temps imposée par l'État, Orange risque de choisir les emplacements les plus faciles d'accès et les meilleurs marché, sans que les ABF ne puissent s'y opposer puisqu'ils ne disposeraient que d'un simple avis. Il faudrait donc revenir à un avis conforme, d'autant que cela ne concerne qu'une trentaine de pylônes selon les informations dont je dispose. Enfin, je rappelle que Richard Ferrand, lorsqu'il occupait les fonctions de ministre de la cohésion des territoires, s'était engagé à ne pas toucher aux logements. Si l'idée de construire plus vite et moins cher est séduisante en théorie, l'allégement des procédures risque de soulever de nombreuses difficultés.
Je voudrais aborder trois sujets. D'abord, la question des relations humaines entre les élus et les ABF. La tonalité de la loi laisse penser que son auteur a été confronté à un architecte arrogant et dictatorial. Il en existe, hélas, mais la situation est très variable et dépend de la personnalité de l'architecte.
Ensuite, j'attire votre attention sur le coût de la conservation et de la réhabilitation du patrimoine. Le label « sites patrimoniaux remarquables » permet la défiscalisation des travaux engagés par les particuliers. Il faudrait donc faciliter la reconnaissance de ces sites. Pour autant, cela reste une procédure compliquée. Ainsi la direction des affaires culturelles dont dépend ma commune m'a indiqué ne pas pouvoir entamer les discussions avant 2020, pour éventuellement créer un site patrimonial remarquable en 2026. De tels délais sont préjudiciables alors que cet outil pourrait jouer un rôle utile dans la réhabilitation des centres-bourgs et centres-villes.
Dernier sujet, le coût des concours d'architecture. Il est légitime de rémunérer les architectes qui travaillent sur un appel à projet. Néanmoins, les sommes en jeu peuvent être considérables. Ainsi, un million d'euros a été consacré à ce poste lors de la construction de la salle de spectacles d'Issy-les-Moulineaux.
Il existe une réelle disparité entre le ressenti et la réalité. Certes, on peut insister sur les moyennes, mais elles n'évacuent pas le ressenti. Il est regrettable qu'il n'existe aucune doctrine nationale au sujet des ABF. Par conséquent, en fonction des départements, les élus sont confrontés à des personnalités - parfois très arrogantes - et des avis très différents. Les maires doivent concilier d'une part les exigences de l'État en matière de construction de logements sociaux conformément à l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain et, d'autre part, les contraintes imposées par les ABF. Je ne connais pas un maire ou un citoyen qui ait envie de défigurer sa commune, mais il faut disposer de moyens d'action. C'est en amont que des discussions doivent se nouer pour concilier les intérêts. À cet égard, je sors d'un petit déjeuner organisé à l'Assemblée nationale sur l'aménagement du très haut débit. Le président de l'agence du numérique, M. Antoine Darodes, était présent et a eu des mots très tendres à l'égard des ABF.
Je tiens à souligner les sous-effectifs dont souffrent les services de l'État, notamment en raison du manque d'attractivité financière des carrières. Dans les Yvelines, 30 % des postes ne sont pas pourvus, ce qui explique l'incapacité à traiter les 11 000 dossiers en suspens. Sinon, voici rapidement un retour d'expérience. Lorsque j'étais à la tête d'une agence départementale d'ingénierie, j'ai souhaité - avec 170 communes de mon département - réunir les maires de communes rurales et l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine. Cette réunion a permis d'apaiser les relations entre les élus locaux et les ABF et d'aplanir nombre de problèmes.
J'ai conscience de la nécessité de redynamiser les centres-villes à la fois à travers le développement de commerces et d'habitations. Néanmoins, je m'interroge sur le rôle des ABF à travers l'exemple suivant : à Besançon, ville dans laquelle les fortifications sont classées au patrimoine mondial de l'UNESCO, la simple construction d'un abri de jardin peut soulever des problèmes s'il est situé aux abords d'un monument historique. Les services de l'État ne devraient-ils pas se concentrer sur des problématiques plus importantes ? Il faut avancer sur la délimitation du périmètre des abords. En effet, le risque est fort que la seule réponse apportée in fine soit le principe selon lequel le silence de l'administration vaut refus tacite, ce qui n'est pas acceptable pour nos concitoyens.
Certains aspects très importants ne sont pas du domaine de la loi. La question de l'insalubrité est loin d'être anodine. On n'a pas vu que des centres-bourgs entiers étaient abandonnés. Il faut remettre du paysage, de l'architecture et du patrimoine dans la loi, qui ont disparu sous la pression des organismes d'habitations à loyer modéré. On ne peut pas se contenter de construire plus et à moindre coût. Le Sénat a donc un véritable rôle à jouer pour réhabiliter et protéger l'urbanisme et les paysages.
Outre le nombre de postes vacants, il y a également le scandale des architectes contractuels, qui sont payés au SMIC et dont le contrat est renouvelé tous les trois mois.
Une autre difficulté réside dans l'absence de coopération entre les deux services concernés par les problématiques d'aménagement du territoire, qui dépendent de deux ministères différents : le service du patrimoine d'une part, qui relève du ministère de la culture et le service en charge de l'urbanisme d'autre part, qui relève du ministère de la cohésion des territoires, sans compter le ministère de la transition écologique et solidaire. Mais c'est un secteur qui n'intéresse pas Nicolas Hulot. En outre, les relations entre les services départementaux de l'architecture et du patrimoine et les régions ne sont pas bonnes. Par conséquent, les ABF sont laissés à leur propre sort, alors qu'ils auraient besoin d'instructions claires. L'État n'a défini aucune stratégie, n'a arrêté aucune priorité, n'a aucune vision.
La situation a beaucoup évolué avec le rôle croissant joué en matière d'urbanisme par les établissements publics de coopération intercommunale, qui n'ont pas encore forcément une culture solide d'appréhension du patrimoine. Je trouverais intéressant que les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) comportent un volet relatif au patrimoine, compte tenu de l'importance de cet enjeu. Il me paraît également nécessaire de rétablir la compatibilité et la cohérence entre les différents documents d'urbanisme : le projet de loi ELAN peut en donner l'occasion, puisqu'il mentionne l'ensemble de ces documents.
S'agissant de l'avis conforme, je ne crois pas que les maires de petites communes y soient opposés en tant que tel, mais il est important que la position de l'ABF soit comprise et coordonnée avec le reste de la politique d'aménagement, ce qui plaide pour un renforcement de la collaboration le plus en amont des projets.
Le CNOA a identifié huit articles du projet de loi qui appellent des modifications pour porter une ambition en matière de qualité du cadre de vie. Ce qui est regrettable, c'est qu'il n'y a non seulement aucun dialogue entre le ministère de la culture et le ministère de la cohésion des territoires, mais qu'aucun des deux ne discute davantage avec nous. Comment alors exposer une position d'intérêt public ? Gardons à l'esprit que la réhabilitation peut être un formidable levier pour l'emploi local. Je pense à la filière du chanvre, compte tenu de l'usage qui peut être fait de ce matériau dans la construction. Pourquoi ne pas formuler des propositions sur le développement des filières courtes ? Pourquoi aussi ne pas s'appuyer davantage sur tous les formidables outils dont nous disposons pour venir en aide aux élus : les architectes-conseils de l'État, les commissions régionales du patrimoine et de l'architecture (CRPA), les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ou encore les unités départementales de l'architecture et du patrimoine ? Tout le service public de l'architecture a été laissé en déshérence et la situation s'aggrave sans cesse, en l'absence d'instruction ou de vision claire de l'État.
C'est une idée reçue de penser qu'un concours d'architecture coûte cher. Son coût s'établit généralement entre 0,35 % et 0,45 % du montant de l'opération, rémunération du candidat incluse ! Cela dit, seulement 4 % des opérations de construction de logements sociaux sont concernés par les concours. D'où l'inquiétude suscitée par ce projet de loi qui, non seulement dispense les bailleurs sociaux de l'obligation de recourir à ces concours, mais leur permet aussi de déroger aux obligations résultant du titre II de la loi MOP parmi lesquelles figurent le plan type ou le suivi de chantier par un architecte. La qualité architecturale va en pâtir à coup sûr, et très rapidement.
Nous disposons, depuis 2015, d'une stratégie nationale pour l'architecture, qui pose un certain nombre de principes en matière de sensibilisation des acteurs publics et privés de la construction, de formation, de rôle des services publics de l'État, d'expérimentation : servons-nous en !
Nous sommes confrontés à des problèmes d'effectifs, particulièrement forts depuis la réorganisation des services déconcentrés en 2010. Il est indispensable que des moyens supplémentaires nous soient alloués pour que nous puissions nous engager dans le dialogue et la concertation. Il faudrait aussi veiller à ce qu'un traitement égal soit accordé aux différentes UDAP sur l'ensemble du territoire.
En matière d'immeubles insalubres, une solution pourrait être d'étendre le bénéfice du dispositif « Malraux » aux opérations de restauration portant sur des immeubles situés dans les centres-bourgs qui ne sont pas classés comme SPR, dès lors qu'une procédure permettrait au préalable à l'ABF de confirmer l'intérêt patrimonial de l'immeuble. Cela permettrait d'attirer des investisseurs privés qui auraient, à la différence des organismes HLM, de réelles compétences pour restaurer le bâti ancien.
La mise en place d'un mécanisme permettant d'associer ou d'alerter l'ABF à l'adoption d'un arrêté d'insalubrité serait également utile. Aujourd'hui, nous découvrons qu'un immeuble va être détruit au moment où le permis de démolir est affiché. Il est alors trop tard pour proposer des solutions alternatives à la démolition lorsque l'immeuble présente un intérêt patrimonial manifeste. En étant prévenu en amont, nous pourrions travailler avec le maire et aurions la possibilité de lui soumettre des propositions.
Deux arguments me paraissent plaider contre la remise en cause de l'avis conforme. D'une part, le coût que représenterait pour l'État le fait de payer des cadres supérieurs de la fonction publique à dispenser des conseils qui ne seront pas suivis d'effet me paraîtrait assez déraisonnable. D'autre part, la généralisation de l'avis simple réduirait grandement la possibilité d'un dialogue en amont. Pourquoi un maire voudrait-il dialoguer en amont avec nous d'un projet s'il sait qu'il ne sera pas lié, en tout état de cause, par l'avis que nous donnerons sur ledit projet ? C'est parce qu'il y a un avis conforme qu'il y a un intérêt à ce que nous soyons consultés au préalable. Or, cette phase de dialogue préalable est fondamentale en ce qu'elle garantit que tous les enjeux, y compris patrimoniaux, soient pris en compte dans la conception du projet et que la solution retenue permette de tous les concilier. Nous sommes conscients que les promoteurs immobiliers ont des impératifs financiers qui doivent être respectés. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui explique que les exigences en matière de qualité architecturale fassent généralement plus peur encore aux promoteurs que celles en matière de patrimoine, car ils craignent qu'elles ne conduisent à une explosion des coûts.
Le périmètre délimité des abords (PDA) est l'un des documents de protection à l'élaboration duquel nous travaillons en étroite collaboration avec les élus. Au titre de ces documents figurent également les SPR couverts par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) - sans doute le document le plus exigeant puisqu'il comporte également des prescriptions relatives aux intérieurs des immeubles - et ceux couverts par un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP). Le PDA délimite les espaces qui sont co-sensibles avec un monument historique afin de garantir que la cohérence de l'ensemble sera préservée. Les espaces compris dans le PDA font l'objet d'une protection : ainsi, élus et citoyens savent à l'avance à quoi s'attendre. C'est bien plus clair dans leur esprit que le périmètre automatique des abords, qui s'applique aux seuls immeubles situés dans un rayon de 500 mètres autour du monument historique et en co-visibilité avec lui, et qui varie nécessairement selon le degré de dénivelé de l'espace, etc. En revanche, j'ignore exactement combien ont été créés depuis l'entrée en vigueur de la LCAP.
Les questions de qualité architecturale soulevées par ce texte nous préoccupent au même titre que celles relatives aux ABF car il est dans la mission de notre association de faire en sorte que le patrimoine de demain revête un intérêt équivalent au patrimoine d'hier - Jean Giraudoux et Paul Claudel, qui comptent parmi nos fondateurs, ont laissé des textes en ce sens. Or, rien n'a véritablement avancé en matière d'architecture depuis la loi de 1977. Pourquoi les personnes les plus fragiles financièrement n'auraient-elles pas droit à une architecture de qualité ? Pensons que le patrimoine vernaculaire que nous valorisons aujourd'hui comprend bon nombre d'habitations qui étaient celles de ces personnes, telles les maisons en pisé.
Je voudrais reconnaître à Jacques Mézard le mérite d'avoir confié, à son arrivée au ministère, à Christine Maugüé, conseillère d'État, une mission d'évaluation des dispositions existantes pour lutter contre les recours abusifs dans le champ de l'urbanisme. Le rapport qu'elle lui a remis en janvier souligne le nombre limité des contentieux et conclut à la nécessité de ne pas restreindre l'accès au juge ou de ne pas limiter l'intérêt à agir des associations. L'une de ses propositions pour améliorer la procédure de référé en matière d'autorisation d'urbanisme me paraît très intéressante : il s'agirait d'inscrire dans la loi une présomption d'urgence en matière d'autorisation d'urbanisme, dès l'octroi de l'autorisation, pour que celle-ci n'ait plus à être démontrée et que l'on en vienne immédiatement à l'examen de droit de la légalité de l'autorisation contestée.
Je formulerai deux propositions : mettre en place un système de médiation en matière administrative, à l'instar de ce qui se pratique depuis longtemps dans les juridictions civiles et faire vraiment fonctionner le recours préalable, en ce sens qu'il doit donner lieu à un véritable échange avec le préfet ou le maire.
Je suis plus réservé sur la cristallisation des moyens car j'ai le sentiment qu'au final le juge fait ce qu'il veut.
Enfin, il faut laisser les commissions nationale et régionales du patrimoine et de l'architecture jouer leur rôle éminemment démocratique et conciliateur. Nous tenons beaucoup à leur bon fonctionnement et au fait qu'elles soient présidées par des élus. La mise en oeuvre de l'accord tacite prévu à l'article 15 du projet de loi ELAN remettrait en cause toute la construction élaborée dans le cadre de la loi LCAP. Il faut supprimer cette disposition !
Je précise que dans le cadre du toilettage qui est envisagé concernant la participation des parlementaires au sein des organismes extra-parlementaires, nos collègues de l'Assemblée nationale avaient proposé d'exclure les parlementaires de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture. Je m'y suis bien évidemment opposée.
J'ai sous les yeux le courrier que le président de la République a adressé à notre association en réponse aux préoccupations que nous lui avons exprimées. Je suis heureux de constater à l'écoute de nos débats de ce matin que vous ne partagez pas la vision du président de la République. Pour celui-ci, c'est un point de détail qui ne doit pas inquiéter. En réalité, c'est bien le dispositif d'ensemble de la protection du patrimoine qui est mis en jeu par l'article 15 du projet de loi et je suis inquiet de la passivité du ministère de la culture en la matière.
Les maires ne sont pas opposés à la préservation du patrimoine, loin de là. Ils sont simplement désemparés devant la situation des centres-bourgs et beaucoup ne voient pas une maison en déshérence comme un bien à préserver. Une prise de conscience est nécessaire. C'est pourquoi les protections globales comme les SPR sont fondamentales. L'idée évoquée ce matin d'un dispositif de protection globale qui ne s'appliquerait pas à un monument, mais bien à un espace, et dont le fonctionnement serait moins lourd qu'un SPR me semble par ailleurs importante.
Enfin, il faut nous efforcer de lier la préservation du patrimoine au développement économique. Car sur le terrain, les maires ont le souci d'empêcher la fermeture de leurs écoles, de faire venir des jeunes, de développer le tourisme... La protection du patrimoine peut recouvrir par conséquent des enjeux plus vastes.
Merci à l'ensemble des participants. Nous allons rester mobilisés car nous avons à coeur de défendre les acquis de la loi LCAP, d'autant que les effets commencent tout juste à se faire sentir, puisque les décrets d'application ont été publiés en 2017.
Il nous faut procéder, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, à la proposition de candidats à la nomination du Sénat pour siéger au sein d'organismes extraparlementaires.
La commission propose à la nomination du Sénat :
Marie-Pierre Monier, comme candidate titulaire, à la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
Vivette Lopez, comme candidate titulaire, et M. Max Brisson, comme candidat suppléant, au conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
La réunion est close à 12 h 25.