Délégation sénatoriale aux outre-mer

Réunion du 11 avril 2018 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Mes chers collègues, je souhaite tout d'abord excuser le président qui, souffrant, m'a demandé de le remplacer aujourd'hui.

Grâce à la visioconférence, nous partons cet après-midi en Guyane pour poursuivre nos investigations sur l'étude relative aux risques naturels majeurs, dont le premier volet est consacré à la prévention et à la gestion de crise. Je rappelle que notre collègue Guillaume Arnell est rapporteur coordonnateur de l'ensemble de l'étude qui comprendra deux volets, le second traitant des questions de reconstruction et d'organisation de la résilience des territoires. Victoire Jasmin, sénatrice de la Guadeloupe, et Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche, sont co-rapporteur du premier volet. Le sénateur de Guyane, Antoine Karam, ainsi que Catherine Procaccia, sénatrice du Val-de-Marne, Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, sont également parmi nous.

Pour recueillir les informations nécessaires à dresser un état des lieux de la situation de l'ensemble des territoires au regard des risques naturels majeurs, nous avons entrepris un cycle de visioconférences qui nous a permis, jusqu'à présent, d'être à l'écoute de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna, de La Réunion et de la Nouvelle-Calédonie. Un déplacement aux Antilles fin avril permettra de faire le point pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Guadeloupe et la Martinique. Il nous faudra encore entendre Mayotte, ce que les événements en cours nous ont conduit à différer.

Pour l'heure, je salue au nom de la délégation nos interlocuteurs de Guyane qui se sont rendus disponibles pour faire le point avec nous. Si la Guyane n'est pas exposée au risque cyclonique comme la plupart des autres territoires ultramarins situés en zone tropicale, ni même au risque sismique, elle est néanmoins sous la menace d'autres aléas tels que les inondations, la submersion marine du littoral, les glissements de terrain ou encore les invasions de sargasses comme c'est le cas de façon massive ces derniers jours. Sur le plus long terme, la montée des eaux et l'érosion du trait de côte impacte également de plein fouet le territoire. Nous avons donc souhaité recueillir au plus près du terrain les observations et suggestions des acteurs en charge de la gestion des risques, étant entendu que nous traitons plus précisément aujourd'hui des questions de prévention et de gestion de crise, conformément à la trame de cadrage qui a été transmise à la préfecture à l'attention des intervenants.

Je vous propose maintenant que chacun se présente et vous remercie tous, j'y insiste, de rappeler vos nom et qualité à chaque prise de parole pour les besoins du compte rendu. C'est à vous !

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Je tiens à remercier l'ensemble des partenaires réunis à la collectivité territoriale, pépinière innovante du territoire. Je profite de cette occasion pour remercier la vice-présidente de nous accueillir dans ses locaux. Le directeur adjoint de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), M. Didier Renard, dressera l'état des lieux des risques naturels majeurs en Guyane avant de laisser la parole aux acteurs de la prévention de ces risques que sont l'état-major de zone, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS), la gendarmerie et la police.

Le sujet qui nous intéresse aujourd'hui est d'actualité puisque la Guyane est frappée de plein fouet par l'échouage des sargasses. Les acteurs de la prévention des risques naturels tiennent cet après-midi même une visioconférence avec la direction générale des outre-mer et le cabinet de la ministre des outre-mer afin d'évaluer l'impact de cette crise sur l'activité économique et notamment sur la pêche. Si la Guyane n'est pas touchée par les ouragans, les cyclones et les aléas sismiques, elle n'est pas immunisée contre tous les risques naturels majeurs. Ces sujets ont été abordés lors du dernier comité départemental de prévention des risques naturels majeurs, présidé par moi-même et M. Didier Renard. Cette réunion a permis de dégager des axes clairs en termes de prévention et de planification des risques. Les acteurs étatiques sont tous mobilisés sur ces sujets, de même que les élus locaux. Pour autant, je me permettrai de signaler que l'implication des communes est très hétérogène. Rémire-Montjoly et Matoury, par exemple, sont très engagées sur ces sujets puisque, situées sur le littoral, elles sont particulièrement exposées aux risques naturels majeurs. Les autres communes, en revanche, ne s'inscrivent pas dans une démarche proactive, comme le montre le taux de réalisation des plans communaux de sauvegarde, parmi les plus faibles de France. Cet élément doit donc être pris en compte pour évaluer l'efficacité de la gestion et de la prévention des risques. Ce message ne s'adresse évidemment pas aux acteurs présents aujourd'hui, très mobilisés sur le sujets, mais aux autres communes qui doivent davantage s'impliquer aux côtés de l'État dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Didier Renard, directeur adjoint de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL)

La Guyane est essentiellement soumise à deux aléas, en dehors des épisodes ponctuels d'invasion par les sargasses : les inondations dues à la submersion marine et au débordement des cours d'eaux et les glissements de terrain. Ce premier risque est bien connu puisque tous les plans de prévention du risque inondation (PPRI) sont aujourd'hui approuvés, à l'exception d'une commune. Les modèles numériques de terrain sont régulièrement actualisés pour garantir une connaissance optimale de cet aléa. En outre, la transposition de la directive européenne sur ce sujet a permis l'élaboration d'une stratégie locale de la gestion du risque inondation. Ce phénomène, qui frappe régulièrement le territoire, ne fait que des dégâts matériels. En revanche, les mouvements de terrains, qui sont moins connus, ont déjà provoqué des pertes humaines avec le glissement du mont Cabassou en 2000, dernier événement naturel meurtrier que la Guyane ait connu.

La DEAL intervient essentiellement en matière de prévention des risques en apportant son soutien à l'élaboration des PPRI et des plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Nous avons également développé des outils tels que des plaquettes d'information et un site internet afin d'améliorer l'information des acquéreurs-locataires (IAL) sur l'exposition de leur habitation aux risques. Nous cherchons par ailleurs à intensifier notre collaboration avec les collectivités pour les aider dans la rédaction des PCS et documents d'information communaux sur les risques naturels majeurs (DICRIM). Il s'agit d'un enjeu important puisqu'à l'heure actuelle seule la commune de Sinnamary dispose d'un DICRIM. Enfin, nous mettons à jour le dossier départemental sur les risques naturels majeurs (DDRM). Le système de prévention des risques en Guyane est globalement satisfaisant, même si des moyens supplémentaires sont nécessaires pour maintenir son niveau d'efficacité.

La DEAL abrite par ailleurs une cellule de veille hydrologique collectant des données à l'échelle de la Guyane sur la pluviométrie et la hauteur des cours d'eau. Ces informations nous permettent d'émettre des bulletins d'alerte en cas de sécheresse ou d'inondations.

Mme Hélène Sirder, 1ère vice-présidente de la Collectivité territoriale de Guyane. - J'insiste sur le fait que la connaissance du territoire demeure encore insuffisante, en particulier en ce qui concerne le sous-sol. J'ai eu l'occasion de le rappeler hier à l'occasion d'une réunion avec une délégation interministérielle en déplacement sur le territoire et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Les risques naturels majeurs sont multiples et protéiformes. En Guyane, l'anticipation et la réponse aux inondations transfrontalières et les inondations de plaines ne peuvent être envisagées de la même manière. Or, notre capacité à gérer ces différents aléas dépend directement de notre connaissance du terrain.

Lieutenant-colonel Daniel Polinacci, adjoint de l'état-major interministériel de zone (EMIZ). - Je suis chargé de la préparation et de la gestion des crises au sein du bureau de la sécurité civile de l'état-major interministériel de zone (EMIZ). Une crise s'anticipe non seulement par le travail de préparation présenté par la DEAL, mais aussi grâce à un système de veille et à l'information régulière des populations. Les dispositifs d'alerte et de gestion de crise jouent par ailleurs un rôle essentiel en matière de sécurité civile.

La veille météorologique est assurée par Météo France qui surveille notamment le risque de submersion au niveau du fleuve du Maroni en partenariat avec la DEAL et l'EMIZ. L'observatoire régional de l'air de Guyane (ORA) nous renseigne également sur la qualité de l'air au quotidien. Cette vigilance nous permet par exemple d'anticiper l'arrivée massive de poussières du Sahara qui peut produire une pollution aussi nocive que celle des grandes villes de France. À cela s'ajoute un dispositif de contrôle des niveaux d'eau en période de sécheresse car une baisse significative peut affecter négativement les stations de pompage et donc la qualité de l'eau distribuée à la population. Ce phénomène, appelé « biseau salé », s'est manifesté en 2009 lorsque la baisse du niveau des fleuves et des rivières a généré une intrusion d'eau saumâtre due aux marées dans les stations de pompage. Les principaux fleuves - le Maroni à l'ouest et l'Oyapock à l'est - sont donc doublement surveillés par la DEAL pour s'assurer que leur niveau ne soit ni trop bas ni trop élevé.

Pour exploiter cette veille, une astreinte téléphonique a été mise en place au sein de l'EMIZ qui reçoit de façon quotidienne tous les bulletins de vigilance. Nous informons l'ensemble des acteurs concernés par la gestion de crise ainsi que les communes exposées aux risques lorsque le seuil de vigilance verte est dépassé. Nous relayons l'alerte jaune produite par Météo France. À partir de l'alerte orange, les informations sont également relayées par les médias par le biais de la cellule d'information de la préfecture. En vigilance rouge, les messages de prévention sont assortis de recommandations, voire de consignes.

En ce qui concerne la gestion de crise, celle-ci repose sur l'organisation de la réponse de sécurité civile (plan ORSEC) déclinée en un dispositif générique et des dispositions spécifiques couvrant les aléas qui vous ont été présentés. La préfecture est le lieu de la coordination de la gestion de crise, le préfet étant le directeur des opérations de secours. Pour cela, le représentant de l'État s'appuie sur tous les moyens étatiques mais aussi sur les ressources des communes, y compris lorsque celles-ci ne disposent pas d'un plan communal de sauvegarde.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Je me permets d'indiquer que le premier directeur des opérations de secours sur le périmètre de sa commune est le maire.

Commandant Jean-Albert Lama, chef du groupement opérationnel du service départemental d'incendie et de secours (SDIS). - Dès que l'alerte nous est transmise, nous renforçons les centres de secours dans les secteurs impactés par l'événement à l'aide de moyens matériels supplémentaires. En cas d'inondations, par exemple, nous équipons ces centres de kits d'épuisement afin d'évacuer l'eau. Nous disposons également d'une section spécialisée sur le risque d'éboulement qui est intervenue récemment à Saint-Martin et à la Dominique. 43 sauveteurs-déblaiement peuvent ainsi être mobilisés en temps réel sur demande de la préfecture pour prodiguer les premiers gestes de secours en attendant les renforts éventuels en provenance des Antilles ou de l'hexagone. Nous organisons des exercices réguliers pour nous assurer que nos moyens d'intervention restent opérationnels.

Debut de section - Permalien
Thierry Guiguet-Doron, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP 973)

Le périmètre d'action de la police se limite à Cayenne, la gendarmerie étant compétente sur le reste du territoire. Nous sommes donc principalement confrontés aux risques d'inondation du littoral et de glissement de terrain qui peuvent nécessiter d'organiser les opérations d'évacuation préventive ou de confinement des populations, en collaboration avec le BRGM.

En termes de moyens humains, notre direction compte 370 agents chargés d'assurer la sécurité de Cayenne et peut bénéficier de l'appui d'un demi-escadron de gendarmerie mobile en cas de nécessité.

Capitaine Frédéric Thobois, adjoint au chef du bureau des opérations et de l'emploi, commandement de la gendarmerie (COMGEND). - Le centre opérationnel de la gendarmerie assure une veille continue. Nous sommes en capacité de projeter, outre les gendarmes départementaux, 7 escadrons de gendarmerie mobile. Au niveau des moyens logistiques, la gendarmerie est dotée de 2 hélicoptères qui peuvent être mobilisés en cas d'événement naturel majeur, de même que des véhicules blindés équipés de lames pour participer au déblaiement des routes.

La gendarmerie est également en capacité de monter un réseau de communication complémentaire en s'appuyant sur sa réserve de téléphones satellitaires. En cas de rupture des réseaux traditionnels publics, nous pouvons également déployer la bande latérale unique (BLU), c'est-à-dire la radio hertzienne.

Après le passage d'Irma, nous avons pu rapidement projeter un escadron de gendarmerie aux Îles du Nord pour installer des transmetteurs et remettre en état les moyens de communication et les systèmes informatiques. Nous avons également envoyé du personnel de soutien de l'état-major pour faire le lien entre la Guadeloupe et Saint-Martin.

Dr Gérald Egmann, conseiller médical à l'observatoire régional des urgences et des situations sanitaires exceptionnelles - direction de l'offre de soins et de l'autonomie (DOSA) à l'agence régionale de santé (ARS). - Nous souhaiterions que les épidémies soient intégrées à la problématique des risques naturels majeurs puisqu'il s'agit d'une véritable spécificité ultramarine. La Guyane est particulièrement exposée à ces phénomènes du fait de son isolement géographique et numérique, comme nous l'a récemment montré la rupture du câble Americas-II. Cette situation se traduit par des contraintes opérationnelles particulières qui bloquent l'action des services de l'État, notamment celle des services de secours. En outre, le système de santé guyanais est particulièrement vulnérable. Nous travaillons à l'élaboration de plans qui, bien souvent, restent théoriques et demandent une bonne connaissance de nos capacités de réaction en local. La Guyane dispose de 3 hôpitaux avec des services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) et des services d'urgence. Néanmoins, la situation est critique du point de vue des ressources humaines compte tenu du taux élevé de remplacement des effectifs de santé. Les Antilles, situées à 1 400 kilomètres, qui sont sinistrées depuis le passage d'Irma et l'incendie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe, ne peuvent pas venir en renfort en cas de crise majeure.

Nous travaillons également sur les problématiques de dotation en matériel de médecine de catastrophe spécifique aux outre-mer. À ce titre, un plan d'organisation de la réponse du système de santé (ORSAN) spécifique aux départements d'outre-mer est en cours d'élaboration. Des lots de postes sanitaires mobiles (PSM) devraient également être implantés dans ces territoires. Nous plaidons pour que la Guyane puisse bénéficier d'une dotation exceptionnelle à ce titre. Le matériel supplémentaire destiné à toute la région devrait alors être pré-positionné en Guyane, zone moins exposée que les Antilles aux risques naturels majeurs.

J'ajoute que toutes ces problématiques de gestion de risques ont été intégrées au sein du programme régional de santé récemment finalisé.

Debut de section - Permalien
Jean Ganty, maire de Rémire-Montjoly

L'expérience en matière de risques naturels majeurs de Rémire-Montjoly, commune de 24 000 habitants et de 41 kilomètres carrés, est assez édifiante. En 1999, trois plans de prévention des risques (PPR) ont été élaborés pour faire face aux inondations, aux mouvements de terrain et aux risques littoraux, en plus d'un quatrième document consacré aux risques technologiques. Ces plans ont été considérablement modifiés après l'effondrement du mont Cabassou en 2000 qui a causé la mort de 11 personnes. Je me permets d'ailleurs de souligner que cette catastrophe est d'origine anthropique. En conséquence, le nouveau PPR consacré aux mouvements de terrain a défini un cadre juridique beaucoup plus exigeant, affectant considérablement l'occupation des sols. Nous avons demandé qu'une étude soit menée pour actualiser la connaissance de ce phénomène et réviser le plan correspondant, sans succès. À l'heure actuelle, des habitants occupent toujours les zones à risque et sont donc en danger. Or, les pouvoirs publics peinent à maîtriser cette urbanisation sauvage.

En ce qui concerne les inondations, la commune de Rémire-Montjoly a souhaité se doter d'un plan d'exposition aux risques après la catastrophe de Vaison-la-Romaine en 1992, qui s'est par la suite transformé en PPR. Ces zones inondables doivent être prises en compte dans l'organisation de notre urbanisation, mais nous pensons qu'une évaluation pertinente et objective du dispositif actuel nous permettrait d'assouplir légèrement les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur le foncier.

Enfin, le plan de prévention des risques littoraux (PPRL) revêt une importance particulière puisque la commune de Rémire-Montjoly accueille la plage la plus longue de Guyane et est donc concernée au premier chef par l'érosion du littoral. Ce phénomène freine considérablement notre capacité à valoriser le littoral et limite donc le développement économique de la commune. Par ailleurs, les habitants du littoral tentent, par leurs propres moyens, de lutter contre la disparition du trait de côte par différents moyens tels que l'enrochement. Ce PPR doit donc être conforté par une politique préventive ambitieuse. Or, il convient pour cela de renforcer les moyens humains et matériels des services météorologiques capables de fournir les informations nécessaires à l'anticipation de ce phénomène. Dans cette perspective, nous avons lancé deux études qui nous ont permis d'améliorer la connaissance de l'érosion côtière et d'identifier les moyens à mobiliser pour limiter son ampleur. Ces solutions doivent être mises en oeuvre par toutes les communes du littoral et non pas seulement à l'échelle de Rémire-Montjoly pour freiner significativement ce phénomène. En partenariat avec l'État et la collectivité territoriale de Guyane, nous avons lancé une expérimentation qui consiste notamment à améliorer l'utilisation du « stabiplage », ce coussin rempli de sable destiné à freiner la disparition du sable sur les plages. Les premiers tests ont en effet été peu concluants, car le stabiplage utilisé en Bretagne n'était pas adapté à l'environnement guyanais. La nouvelle version de cet outil, installée en décembre 2017, semble aujourd'hui fonctionner pour limiter l'érosion côtière. Si le succès de cette méthode est définitivement confirmé, nous chercherons à la généraliser à tout le littoral guyanais.

Au-delà de ces constatations, une réflexion globale doit être menée sur la situation du littoral guyanais. Il est en effet nécessaire d'imaginer une vraie politique de libération du foncier vers les terres intérieures car le niveau de densité humaine sur le littoral n'est pas soutenable au regard de l'élévation future du niveau de la mer. En tout état de cause, des moyens importants devront être dégagés pour financer des équipements lourds afin de maintenir l'habitat actuel des populations et d'espèces menacées comme les tortues.

Je conclurai en vous donnant quelques pistes d'améliorations possibles. Certaines communes comme Cayenne et Rémire-Montjoly appellent de leurs voeux depuis longtemps la création d'un observatoire des risques naturels en Guyane. De même, un dispositif réglementaire plus réactif et plus efficient doit être mis en oeuvre pour assurer la gestion volontariste du foncier occupé de manière illégale car la multiplication des habitats précaires en zones à risque identifiées par les PPR cause un enjeu majeur de sécurité des populations. En parallèle, Rémire-Montjoly se voit imposer la création de couloirs écologiques sur les monts, où la construction est donc interdite, et qui permettent en réalité aux immigrés clandestins de s'installer en montagne. Je me permets par ailleurs de répéter que les moyens des organismes de prévision météorologique devraient être significativement augmentés tant sur le plan humain que matériel. Enfin, l'État et les collectivités devraient encourager les propriétaires à se réapproprier leurs terrains. Tous ces enjeux, qui peuvent paraître indépendants les uns des autres, sont en réalité directement liés à l'amélioration de la prévention et de la gestion des risques naturels majeurs.

Debut de section - Permalien
Éric Théolade, directeur des services techniques de la mairie de Cayenne

Je tiens tout d'abord à excuser Madame le maire, en déplacement hors du département. Je me permets également de faire quelques rectifications. J'ai entendu le directeur de cabinet du préfet déplorer le manque d'implication général des communes guyanaises sur les risques naturels majeurs. Or, la ville de Cayenne est très active sur ces questions puisque nous travaillons en collaboration avec les services de l'État, par exemple sur la démolition des constructions illégales du mont Baduel. Par ailleurs, Cayenne est la première commune à s'être équipée d'un plan communal de sauvegarde. Ce document, ainsi que le DICRIM, sont actuellement en cours de révision.

J'approuve par ailleurs totalement les propos du maire de Rémire-Montjoly et me permettrai, en complément, d'attirer votre attention sur le plan de prévention du risque inondation (PPRI) de Cayenne. Ce plan a été élaboré à partir de la situation topographique de la ville en 1996 et ne correspond donc plus à la réalité de terrain actuelle. Nous sollicitons depuis plusieurs années la révision du PPRI qui devrait être finalisée en 2018. En parallèle, le processus d'identification des territoires à risque important d'inondation (TRI) n'est pas satisfaisant. En effet, compte tenu de la prise en compte de la montée des eaux, certains territoires ne sont plus classés TRI mais sont tout de même soumis aux mêmes contraintes que les zones à risque désignées par le PPRI. Ainsi, la demande de révision du PPRI visant à permettre l'autorisation de l'utilisation des sols sur certains fonciers pourrait s'avérer inutile puisque de nouvelles contraintes hors PPRI ont été ajoutées. Nous comprenons tout à fait qu'il faudrait se baser sur la topologie des TRI dont l'analyse topographique est plus fine que celle du PPRI. Nous ne comprenons pas, en revanche, que les obligations réglementaires continuent à s'imposer sur des zones qui ne sont pas classées TRI.

Par ailleurs, en termes de moyens humains, la police municipale de la ville de Cayenne est disponible à toute heure pour gérer les crises de sécurité civile à travers sa direction de la sécurité publique qui gère le plan communal de sauvegarde.

En outre, nous intégrons l'approche environnementale de la montée des eaux dans notre plan local d'urbanisme (PLU) qui est également en cours de révision. Une enquête publique a été récemment lancée sur ce sujet. Les opérations d'aménagement menées par la ville prennent à la fois en compte le projet d'aménagement du territoire et la stratégie de développement durable de la commune visant à reconquérir le front de mer. Ces opérations sont menées dans un cadre géographique particulièrement contraint puisque la ville de Cayenne, dont la superficie est de 24 kilomètres carrés, ne peut pas s'étendre davantage.

Debut de section - Permalien
Hélène Sirder

J'aimerais revenir un instant sur le problème fondamental du manque de connaissance de notre territoire. Il est urgent d'améliorer notre compréhension des sols guyanais mais aussi du sous-sol pour nous permettre d'envisager un développement durable du territoire qui prenne en compte les risques naturels majeurs. Comme cela a été indiqué auparavant, les expertises qui ont été menées pour la Cour de cassation après la catastrophe de Cabassou ont révélé que l'éboulement survenu après de fortes pluies était au moins en partie dû à l'action humaine. Cette crise majeure a provoqué une prise de conscience à l'échelle du territoire en faveur de l'environnement.

En l'absence d'une étude scientifique, complète et détaillée sur le sujet, nous ne sommes pas en mesure de définir les solutions efficaces et adaptées à déployer pour faire face aux risques naturels majeurs. Ainsi, le PPRI élaboré dans l'urgence à la suite de l'effondrement du mont Cabassou s'est avéré trop restrictif et freine aujourd'hui l'aménagement du territoire en raison des contraintes fortes qui pèsent sur la construction. A contrario, les habitats sauvages en zones à risque se multiplient, comme l'a rappelé le maire de Rémire-Montjoly.

J'ajouterai que des grondements se font entendre régulièrement en Guyane, sans que personne ne sache d'où proviennent ces bruits inquiétants. De même, des tornades se forment parfois près de Maripasoula, mais ces phénomènes restent inexpliqués.

Je finirai en évoquant les évolutions climatiques qui sont intimement liées à notre sujet puisque certains mouvements de terrain sont causés par l'alternance de périodes de sécheresse et de réhydratation trop rapide des sols. Là encore, notre connaissance de ces phénomènes doit être améliorée.

Debut de section - Permalien
Jean Ganty, maire de Rémire-Montjoly

La question de l'érosion marine, à mon sens, est intimement liée à la situation environnementale au Brésil. Nous savons en effet que certains phénomènes naturels comme les sargasses envahissent la Guyane par l'Amazone, en provenance du Brésil. Il est donc urgent de définir une stratégie nationale et internationale, en collaboration avec notre voisin et s'appuyant sur une meilleure connaissance de la géomorphologie du littoral pour permettre une action coordonnée entre l'État, le conservatoire du littoral, les collectivités territoriales et les organismes scientifiques.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Je me permets de rappeler qu'il n'a jamais été question, pour les services de l'État, de remettre en cause l'implication de la ville de Cayenne en matière de gestion des risques naturels. Je salue à ce titre l'action conjointe menée au mont Baduel qui s'inscrit dans une démarche de prévention. Les collectivités présentes aujourd'hui pour cette visioconférence sont les plus impliquées dans ce domaine, et je ne peux que regretter le manque d'investissement de la part des autres collectivités concernées. La plupart des collectivités n'envoient que des techniciens sans pouvoir décisionnel assister au comité départemental des risques naturels majeurs qui se tient une fois par an. Cette instance doit pourtant permettre de discuter, avec les élus, de l'élaboration et de la révision des plans de prévention des risques. Nous devons donc rétablir le dialogue avec les élus sur ces problématiques importantes sur lesquelles l'État et les collectivités doivent travailler en collaboration.

En ce qui concerne les grondements évoqués par la vice-présidente de la collectivité territoriale, un bruit anormal a effectivement été entendu au moment du décollage d'une fusée Ariane sur la plage de Rémire-Montjoly. Des rumeurs ont rapidement circulé sur l'origine de ce bruit. Les services de l'État sont mobilisés sur cette question, mais nous ne sommes pas en mesure, à l'heure actuelle, d'expliquer de manière scientifique ce phénomène.

Enfin, sur la question de l'habitat illégal, nous nous inscrivons dans une démarche préventive avec l'évacuation du mont Baduel précédemment évoquée. Cette opération devrait monter en puissance dans les jours qui viennent, mais nous avons là encore besoin de l'appui des parlementaires pour trouver les voies et moyens juridiques et administratifs pour traiter ces procédures plus rapidement.

Debut de section - Permalien
Jean Ganty, maire de Rémire-Montjoly

Je suis obligé de réagir à vos propos concernant l'absence des élus locaux aux réunions que vous organisez. Il convient de rappeler que lorsque les PPR ont causé des difficultés majeures, les élus se sont mobilisés pour demander la révision de ces plans. À Rémire-Montjoly, nous attendons toujours certaines de ces révisions et devons faire face à des riverains mécontents dont les terrains sont gelés depuis des années. Cela explique sans doute la faible participation des élus à vos réunions. Il y a une semaine, par exemple, j'ai reçu une administrée qui réclame depuis 10 ans au préfet la révision du PPR concernant la route de Suzini. Son terrain se situe dans une zone qui ne semble pas menacée par les risques naturels majeurs mais elle se voit tout de même privée de la capacité d'y construire. Les élus sont prêts à s'investir dans ces réunions, mais il faut pour cela qu'ils aient l'assurance d'obtenir des résultats concrets.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Je comprends que la dynamique de révision des PPR n'allait sans doute pas dans votre sens. En restant factuel et objectif, je constate que nous aurions pu engager des chantiers en faveur d'une révision de ces plans si les élus s'étaient rendus au comité départemental. Le préfet et moi-même sommes très ouverts à la discussion et nous vous encourageons donc à nous expliquer les raisons de votre absence.

Debut de section - Permalien
Geoffrey Aertgeerts, géologue régional, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM intervient dans la caractérisation des aléas, en particulier les mouvements de terrain et les risques littoraux. Nous travaillons en étroite collaboration avec la DEAL avec qui nous co-pilotons l'observatoire de la dynamique côtière. Cette instance est chargée du suivi et de l'amélioration de notre connaissance du littoral par l'accumulation de données d'observation. Nous travaillons également avec la DEAL sur les mouvements de terrain et notamment les chutes de blocs. Nous sommes également confrontés dans ce domaine à un manque de connaissance sur le comportement hydro-géotechnique des sols. À l'heure actuelle, nous ne sommes donc pas en capacité de modéliser ce type d'aléa particulier. Il nous faut améliorer en particulier notre connaissance de la partie superficielle du sous-sol sur laquelle les aménagements sont réalisés.

Debut de section - Permalien
Yves Clémenceau, responsable du service Météo France

Météo France participe au dispositif de vigilance des événements météorologiques de la zone Antilles-Guyane qui diffère légèrement de celui en vigueur dans l'hexagone. Si le département de la Guyane n'est pas soumis au risque cyclonique, très présent aux Antilles, il est cependant exposé aux risques tels que les inondations et l'érosion côtière, comme cela a été rappelé.

Le système de vigilance est décliné selon un code couleur connu des populations : vert, jaune, orange et rouge, dont les critères sont adaptés au territoire. Les prévisionnistes de Météo France expertisent ces seuils et transmettent des bulletins de suivi à l'EMIZ de Guyane qui relaye l'information aux acteurs de la sécurité civile. Nous fournissons également des données observées et des prévisions de pluie à la cellule de veille hydrologique (CVH) qui les exploite pour anticiper les crues.

En ce qui concerne l'érosion côtière, je le rappelle, Météo France participe, avec le BRGM, à l'observatoire de l'érosion côtière. Dans cette perspective, la DEAL a chargé notre établissement de mener des études afin de connaître les durées de retour sur les événements de submersion marine côtière. Par ailleurs, de nouveaux produits tels que des modèles à mailles très fines devraient arriver sous peu afin de nous permettre de mieux quantifier les vagues à la côte et les surcotes. J'ajouterai que, malgré les progrès techniques en termes de modélisation, les moyens matériels d'observation restent limités. Jusqu'à récemment, la Guyane n'était dotée d'aucun houlographe et la DEAL a procédé en 2016 à l'implantation de deux houlographes au large de Kourou et de Cayenne qui ont connu quelques déboires. Ce manque de moyens limite considérablement notre connaissance du territoire. À l'heure actuelle, le Centre spatial guyanais dispose du seul radar météorologique du territoire et met ses données à disposition de Météo France. Il devrait être remplacé prochainement par un radar plus performant, mais ce nouvel outil ne sera tout de même pas en mesure de couvrir le territoire au-delà de la région Cayenne-Kourou. Ainsi, nous ne sommes pas en capacité d'apprécier les lames d'eau dans la zone entourant le fleuve du Maroni qui connaît pourtant une forte progression démographique.

Debut de section - Permalien
Éric Théolade, directeur des services techniques de la mairie de Cayenne

Il nous manque surtout de la donnée sur le temps long, puisque la dynamique côtière se caractérise par une alternance à long terme entre périodes de progradation et périodes de bancs de vase, provoquant des évolutions de la bathymétrie. Il convient de replacer les observations dans ce contexte pour en apprécier les effets sur le territoire.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Vous aurez compris, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous vous avons parlé avec passion de la situation que nous connaissons en Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Je vous adresse un salue particulier et fraternel. J'ai eu le privilège de découvrir les nombreux atouts de votre territoire lors de ma visite avec le Conservatoire du littoral. J'ai alors pu me rendre compte de la soudaineté des phénomènes orageux et des pluies diluviennes qui s'abattent brutalement sur les sols.

Je vous remercie d'avoir bien voulu nous exposer la situation avec une telle liberté de ton. Cela traduit votre volonté de faire progresser les choses en faveur de la population. Je me permets d'indiquer que je comprends la frustration des élus qui viennent parfois de loin pour faire part de leurs préoccupations mais ne trouvent pas d'interlocuteurs réceptifs.

Ma première série de questions porte sur l'information des populations. Quels moyens de communication mobilisez-vous pour informer le public avant et durant un événement naturel majeur ? Quelles difficultés rencontrez-vous dans ce domaine ? Au regard de l'immensité du territoire, parvenez-vous à toucher l'ensemble de la population ?

En outre, coopérez-vous avec le Brésil et le Suriname en matière de prévention et de gestion des risques naturels majeurs ?

Enfin, envisagez-vous le pré-positionnement de matériel de secours en Guyane pour améliorer la réponse opérationnelle en cas de catastrophe naturelle dans les Caraïbes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Je tiens à féliciter le SDIS pour son implication et son efficacité dans la gestion des risques naturels majeurs, ainsi que la police et la gendarmerie dont j'ai noté la forte disponibilité. Je salue la présence de certains maires avec nous aujourd'hui mais regrette cependant l'absence des représentants de la ville de Kourou qui accueille un centre spatial de renommée internationale et est donc concernée au premier chef par les sujets que nous abordons ensemble.

J'ai noté, de la part des intervenants, une volonté de mieux faire, souvent freinée par un manque de moyens et d'accompagnement.

Au regard des risques de submersion marine et d'érosion côtière que vous nous avez décrits, et compte tenu du développement de l'habitat sur des zones exposées, le PLU peut-il être un outil pour mieux prendre en compte les zones habitables et les zones agricoles ? Le cas échéant, quelles mesures envisagez-vous de prendre, en tant que maires, pour assurer la sécurité des biens et des personnes ? J'ai par exemple noté que très peu de communes étaient dotées de DICRIM.

Un consensus semble se dégager autour du manque de données sur le foncier et la nappe phréatique ainsi que la nécessité de réviser le cadastre. Une réflexion est-elle lancée sur ces sujets ? Des solutions concrètes sont-elles envisagées ?

Le risque inondation a été longuement évoqué mais personne n'a soulevé le problème de la contamination par le mercure des eaux des fleuves en crue. Existe-t-il un risque de contamination pour la population ? Si oui, quels sont les dispositifs de prévention qui sont ou seront mis en place ? Les maires sont-ils associés à cette réflexion ?

Je finirai en vous remerciant pour votre présence nombreuse qui témoigne de l'importance que vous accordez à ces sujets. Notre rapport n'en sera que plus fidèle à la situation sur le terrain et à vos attentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Ma première interrogation rejoint celle de mon collègue le sénateur Guillaume Arnell en ce qui concerne la coopération régionale. Une réflexion commune est-elle lancée avec les pays voisins sur la question de la gestion du littoral et, plus généralement, sur la prévention des risques naturels majeurs ? À l'instar de ce qui se fait dans d'autres territoires ultramarins, existe-t-il des conventions en matière d'organisation des moyens de secours avec des pays de la région ?

J'aimerais par ailleurs revenir sur la question des moyens matériels à votre disposition pour faire face à un événement naturel majeur. Votre arsenal de secours doit-il être complété pour être parfaitement efficace ?

Le matériel d'observation météorologique semble également insuffisant pour couvrir l'ensemble du territoire. Quels outils devraient être déployés en Guyane pour remédier à cette situation ?

Enfin, quelles difficultés rencontrez-vous dans le processus d'élaboration des PCS et des DICRIM ? À quelle échéance ces documents devraient-ils être publiés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je souhaite prendre la parole en tant que sénateur mais aussi en tant que président de l'association des élus du littoral. Vous saluerez de ma part Madame le maire de Cayenne qui est actuellement en métropole pour rencontrer, avec une délégation d'élus ultramarins, la ministre des outre-mer. Cette rencontre, prévue hier, n'a finalement pas pu se tenir. L'association a tout de même fait en sorte que la délégation soit reçue au Secrétariat général de la mer. Cette anecdote montre la motivation des élus venus de loin pour échanger sur des problématiques importantes malgré les difficultés rencontrées.

Mon intervention s'adresse au maire de Rémire-Montjoly. Nous entrerons bientôt dans une phase de discussion avec l'État sur la qualification de l'érosion côtière. Vous avez dit, Monsieur le maire, que l'érosion côtière était un risque. Pourriez-vous me confirmer cela ? Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire que l'érosion côtière n'est pas un risque mais qu'elle est au fondement d'un nouvel aménagement du territoire. Votre avis sur cette question, en tant que maire d'une commune particulière touchée par l'érosion côtière, est important. Je considère qu'il est essentiel de maintenir cette qualification de « risque ».

J'aimerais par ailleurs insister sur l'importance de la dimension sanitaire des risques naturels majeurs qui a été rapidement abordée. Je crois que, dans ce domaine, une politique préventive ambitieuse doit être déployée, et il convient, dans cette perspective, de s'interroger sur la manière dont le plan de service sanitaire porté par la ministre des solidarités et de la santé pourra s'appliquer en outre-mer, véritables territoires d'expérimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Je me réjouis de participer à ce moment d'échange important avec l'ensemble des acteurs concernés par les risques naturels majeurs. Cette réunion est d'autant plus importante que d'aucuns considèrent, à tort, que la Guyane n'est pas soumise à ces menaces. Au contraire, ces événements se multiplient sous l'effet, notamment, de la dégradation environnementale causée par l'homme et il convient donc de prendre les mesures nécessaires pour protéger ce vaste territoire de près de 84 000 kilomètres carrés qui compte 300 000 habitants. Le grondement entendu à Rémire-Montjoly, par exemple, pourrait avoir été causé par une micro-secousse sismique, ce qui montre que la Guyane, là encore, est pleinement concernée par la problématique des risques naturels majeurs.

En tant que membre de la délégation, je serai particulièrement attentif à ce que toutes les attentes dont vous nous avez fait part aujourd'hui soient reprises fidèlement dans le rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

J'aimerais revenir un instant sur l'information de la population, et en particulier sur le problème des zones blanches. L'ensemble du territoire est-il couvert par les moyens de communication que vous mobilisez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Ce point particulier a fait l'objet d'une question que j'ai récemment adressée au Gouvernement. La Guyane est une terre de paradoxe : les satellites lancés depuis Kourou inondent d'information toute la planète mais toute la population guyanaise n'a pas accès à l'eau courante, à l'électricité ni à internet. Ainsi, près de 30 % des Guyanais ne disposent pas de l'électricité. Des zones blanches existent à quelques dizaines de kilomètres seulement de la station spatiale et sur l'île de Cayenne, sans parler des vallées du Maroni et de l'Oyapock. Cette situation est particulièrement préoccupante pour la prévention et la gestion des risques naturels majeurs.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

J'abonde dans le sens du sénateur Antoine Karam : la Guyane est une terre de paradoxe. Il y a quelques jours encore, le territoire s'est retrouvé coupé du reste du monde lorsqu'un navire de pêche a arraché sur son passage le câble Americas-II. Nous avons dû mobiliser toute une ingénierie collective et innovante pour rétablir les réseaux. Cette fragilité s'explique notamment par la domination de l'opérateur historique implanté sur tout le littoral. Les communications de radiotéléphonie sont particulièrement fragiles et peuvent causer des failles dans le dispositif d'alerte aux populations, même si, en cas de rupture des réseaux, les services de l'État et les collectivités sont évidemment pleinement mobilisés pour rétablir la situation le plus rapidement possible.

Les radiocommunications posent également problème puisque le réseau analogique est ancien, non sécurisé et peu fiable. Il ne permet donc pas aux services de l'État, au SDIS, aux forces de l'ordre, aux opérateurs de l'État et aux collectivités de communiquer entre eux de manière satisfaisante pour gérer la crise. Grâce au soutien de la gendarmerie, nous devrions bientôt être équipés d'un réseau TETRAPOL numérique, fiable et robuste, couvrant l'ensemble du littoral et au-delà grâce à un système de relais satellites. La Guyane devrait être entièrement couverte par ce réseau à l'horizon 2020 si les travaux débutent à la fin de l'année 2018.

Pour répondre à vos questions sur les relations avec nos voisins, l'accord de coopération en matière de secours, qui s'applique sur une bande de 150 kilomètres de large entre la Guyane et le Brésil de part et d'autre du fleuve Oyapock, a été publié au journal officiel le 6 avril 2018. Un accord sanitaire avec le Brésil et le Suriname est également en cours de réactivation, même si le processus est aujourd'hui balbutiant. Les services de l'État, l'ARS, l'EMIZ et les collectivités limitrophes sont engagés auprès de nos partenaires régionaux pour s'assurer que ce projet voie le jour.

Je pense par ailleurs que tous les acteurs réunis pour cette visioconférence sont favorables au pré-positionnement de moyens matériels en Guyane pour répondre à une catastrophe naturelle aux Antilles. Le territoire apparaît en effet comme une base arrière idéale puisqu'il est moins soumis aux risques naturels et dispose de moyens militaires conséquents avec une forte capacité de projection. Nous avons besoin de votre soutien dans cette perspective afin d'appuyer la création d'un état-major interministériel de zone Antilles-Guyane et d'un secrétariat général pour les affaires du ministère de l'intérieur (SGAMI) avec un prisme Antilles-Guyane pour gérer tous les matériels et moyens dont disposent ces territoires.

J'ai également pris note, grâce à nos échanges, de la nécessité de fluidifier la communication entre les services de l'État et les élus locaux en prenant en compte les contraintes de déplacement dues à l'immensité du territoire.

Je terminerai en vous disant que la ville de Kourou n'est pas représentée aujourd'hui car la salle est limitée en nombre de places mais nous pourrons bien sûr, si vous le souhaitez, organiser un échange avec Kourou et Sinnamary sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Marie-Christine Zeymes, responsable de l'état-major interministériel de zone (EMIZ)

Il existe effectivement une carence en termes d'information des populations puisque le système d'alerte n'est pas moderne et peu adapté aux crises à cinétique rapide telles que les inondations qui ont frappé Cayenne en avril 2017. Nous ne sommes pas en mesure d'alerter la population par SMS comme cela peut se faire dans l'hexagone. Nos messages sont donc diffusés par les stations de radio et de télévision du territoire. L'EMIZ travaille à l'élaboration d'un nouveau système d'alerte dont le coût reste encore à déterminer.

En matière de coopération transfrontalière, l'EMIZ est en charge des dossiers relatifs à l'organisation des secours et des soins d'urgence. Depuis septembre 2017, deux ateliers ont été mis en place avec le Suriname et le Brésil. Nous avons également lancé une réflexion commune avec les autorités surinamaises sur le risque inondation. Dans cette optique, l'EMIZ se rendra le 20 avril au conseil du fleuve pour échanger sur l'avancée des travaux.

Debut de section - Permalien
Didier Renard, directeur adjoint de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL)

Pour répondre à la question du sénateur M. Mathieu Darnaud, nous sommes actuellement en phase de démarrage du processus d'élaboration des DICRIM et des PCS. Nous constatons d'ores et déjà une certaine hétérogénéité entre les communes qui disposent d'une ingénierie technique solide et d'autres totalement démunies de ce point de vue. La DEAL apporte son soutien technique en accompagnant prioritairement les communes les moins dotées. La création de ces documents devrait pouvoir se faire dans un délai assez court.

J'aimerais également vous donner un exemple concret de projet de coopération régionale en matière de veille hydrologique. La DEAL travaille en collaboration avec le Suriname pour équiper l'un des principaux affluents du Maroni, la Tapanahoni, d'une cellule de mesure de débit et de hauteur d'eau. Nous espérons ainsi alimenter les riverains du Maroni des deux côtés du fleuve.

Debut de section - Permalien
Jean Ganty, maire de Rémire-Montjoly

Je réaffirme que le risque d'érosion côtière existe et se manifeste de manière cyclique. Je constate qu'au cours des 40 dernières années, nous avons perdu entre 100 et 200 mètres de plage et que certaines habitations sont emportées par la mer. La dangerosité de ce phénomène dépend de la conjonction de deux facteurs : la houle et les bancs de vase. Les différentes actions qui ont été prises par les riverains telles que l'installation de palplanches, les enrochements et quelques modestes digues n'ont pas pu stopper la disparition du sable. La dénivellation entre la plage et le reste du territoire s'élève aujourd'hui à près de 2 mètres. Le risque est certain, et il est prouvé par les observations à long terme.

Dr Gérald Egmann. - Le retour d'expérience des outre-mer en ce qui concerne les épidémies est intéressant à étudier car ces phénomènes sont susceptibles de se manifester en hexagone avec le réchauffement climatique. Les épidémies sont plus nombreuses en outre-mer et nous permettent de développer une expertise scientifique sur ces sujets. Tous les acteurs sont mobilisés sur le terrain pour faire face à ces crises. À titre d'exemple, les services de veille sanitaire, de démoustication et les hôpitaux sont très vigilants sur l'éventuel retour d'une épidémie de dengue.

Pour en revenir à la coopération régionale, nous nous réjouissons qu'un décret d'application ait enfin été pris pour officialiser le plan d'assistance mutuelle à la frontière, 6 ans après son élaboration. Nous espérons que cela se traduira par une coopération plus opérationnelle avec nos voisins, même si nous fonctionnons toujours dans un cadre asymétrique où nos partenaires n'ont pas toujours les moyens de leurs ambitions.

Enfin, la déclinaison outre-mer du plan d'organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles (ORSAN) a été intégrée au plan régional de santé. Nous réfléchissons actuellement, avec nos collègues des Antilles, à une déclinaison plus large, à l'échelle de toute la région, des mesures préconisées par la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Geoffrey Aertgeerts, géologue régional, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Je souhaite apporter quelques compléments au sujet de l'érosion côtière. Un risque correspond à la multiplication d'un aléa par un enjeu. Le littoral guyanais est particulièrement impacté par l'érosion des côtes, à Rémire-Montjoly mais aussi, depuis quelques années, à Kourou. Il s'agit d'un aléa cyclique indéniable et démontré. L'enjeu est également démontré, ce qui permet de qualifier l'érosion côtière de « risque naturel » au plan scientifique.

Commandant Jean-Albert Lama. - J'ajouterai que le SDIS a mené de nombreux exercices communs avec le Suriname concernant les opérations de sauvetage et de déblaiement. Nous nous ainsi pu intervenir conjointement sur l'effondrement d'une digue sur l'Oyapock. Nos échanges sont donc matériels - nous leur avons fourni quelques engins pour l'épuisement - mais aussi humains puisque nous participons à la formation de leurs équipes pour que nous puissions faire face ensemble à un événement majeur d'un côté ou de l'autre de la frontière. L'EMIZ est toujours informée de nos déplacements à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Hélène Sirder

Je conclus de nos échanges que nous devrions élaborer un plan de prévention des risques adapté au contexte particulier de la Guyane. Je soutiens la proposition de l'ARS d'inclure dans ce plan les risques sanitaires inhérents aux catastrophes naturelles.

Comme vous avez pu le constater, la coopération régionale est une dimension importante de la prévention et de la gestion des risques naturels majeurs compte tenu de la continuité géographique et écologique entre la Guyane, le Brésil et le Suriname. Nous apportons à nos voisins de la technicité sur ces sujets et tentons de renforcer progressivement cette coopération.

J'abonde également dans le sens du directeur de cabinet du préfet en ce qui concerne le projet de faire de la Guyane une base arrière pour secourir les Antilles. Le passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin et les menaces qu'ont fait peser Maria et José à sa suite nous ont rappelé la nécessité d'une telle entreprise en démontrant que le pré-positionnement du matériel en Martinique n'était pas une solution pérenne.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Pour répondre à la question de la sénatrice Mme Victoire Jasmin sur les plans communaux de sauvegarde, j'aimerais rappeler que nous nous appuyons essentiellement sur les bases légales et réglementaires prévues par les plans de prévention des risques pour procéder aux opérations d'expulsion et de démolition. Pour autant, pour satisfaire les contraintes en matière de relogement des populations déplacées, nous devons mettre en oeuvre une réelle politique d'accompagnement social et y consacrer les moyens nécessaires. Le PPR est donc l'un des outils pour lutter contre la prolifération de l'habitat spontané, mais ces opérations s'inscrivent dans le temps long.

Nous ne disposons pas, par ailleurs, de plan cadastral informatique (PCI) consultable par les opérateurs de l'État. L'absence de connaissance fine du sol limite notre capacité à combattre le fléau de l'habitat illégal qui prolifère si rapidement que nous devons régulièrement recourir à des prises de vue aériennes et satellitaires pour mesurer l'ampleur du phénomène et son développement sur les zones à risque. Nous avons donc besoin de moyens et de matériels pour pouvoir contrôler en permanence l'évolution de notre sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

De nombreuses personnes empruntent régulièrement les voies fluviales pour se déplacer, notamment des enfants. Dans ce contexte, existe-t-il des plans particuliers de mise en sûreté (PPMS) adaptés pour chaque école ?

En outre, la Guyane, dont vous venez de nous exposer la situation particulière, me paraît être un territoire idéal pour mettre en place le contrat local de santé afin de résoudre les problématiques de santé publique.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

Nous nous efforçons de décliner les PPMS dans tous les établissements scolaires, mais, sur le fond, notre capacité de contrôler les flux fluviaux, y compris le transport des jeunes enfants, reste très limitée.

Debut de section - Permalien
Didier Renard, directeur adjoint de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL)

Je ne partage pas ce constat car, au contraire, nous avons fait des progrès significatifs en termes de contrôle du ramassage scolaire fluvial. Les pirogues transportant des enfants sont aujourd'hui homologuées et équipées de gilets de sauvetage. Le système est sans doute perfectible mais il a fait ses preuves puisqu'aucun accident n'est à déplorer à ce jour.

Debut de section - Permalien
Marie-Christine Zeymes, responsable de l'état-major interministériel de zone (EMIZ)

Les PPMS relèvent de la compétence du rectorat. À l'heure actuelle, peu de PPMS prennent en compte les risques naturels puisqu'ils se focalisent davantage sur les menaces d'attentats et d'intrusion. Les documents en cours d'élaboration et les documents déjà en vigueur, lors de leur révision, devront effectivement intégrer cette dimension.

Debut de section - Permalien
Olivier Ginez, directeur de cabinet du préfet de Guyane

En ce qui concerne les contrats locaux de santé, nous ne pouvons qu'abonder dans votre sens, Madame la sénatrice, car c'est un très bon outil pour répondre aux problématiques de relogement et d'accompagnement des populations. J'ai eu l'occasion d'en signer un récemment avec la commune de Macouria, et je pense que nous devons faire la promotion de ces contrats auprès de toutes les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Je vous remercie d'avoir participé si nombreux à cette visioconférence. Si le système de prévention et gestion des risques naturels n'est pas parfait, tant du point de vue des relations entre les acteurs impliqués que de la connaissance du territoire, je salue tout de même les efforts que vous déployez ainsi que l'ingéniosité et la détermination dont vous faites preuve au quotidien pour améliorer la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Nous sommes très heureux d'avoir pu passer deux heures en votre compagnie sur des sujets majeurs pour la Guyane. Je vous remercie de nous avoir livré avec franchise vos craintes, vos difficultés, vos forces et vos faiblesses. Comme vous avez pu le constater, nos collègues hexagonaux se sont pris de passion pour les outre-mer et sont des amplificateurs pour relayer au plus haut niveau les préoccupations des territoires ultramarins.

Cette réunion s'inscrit dans un cycle long d'auditions, de visioconférences avec les territoires et de déplacements au cours desquels nous avons pu, par exemple, échanger avec Météo France et le BRGM. Les compléments d'information très utiles qui nous ont été donnés par les représentants locaux de ces établissements corroborent ainsi le tableau général qui nous avait été brossé. Nous avons également auditionné les forces militaires qui nous ont fait part de la nécessité d'acter le renouvellement urgent du matériel de la zone Antilles-Guyane.

Enfin, à l'issue de cet entretien, je vous saurais gré de nous faire parvenir toutes les précisions que vous jugerez nécessaires à l'élaboration du rapport. La Délégation sénatoriale aux outre-mer a produit des travaux dont les propositions ont été reprises, et qui ont permis de défendre les intérêts des ultramarins, trop souvent isolés. Ce rapport sur les risques naturels majeurs, très attendu, ne fera pas exception.

Il ne vous a pas échappé que les risques sanitaires se sont spontanément greffés aux risques naturels majeurs au cours de cette audition. Nous sommes heureux d'avoir pu échanger avec vous sur ce sujet.

Je vous remercie pour la qualité de ces échanges et me permets d'indiquer que vous aurez bientôt l'occasion de rencontrer la délégation puisque les rapporteures de l'étude sur la jeunesse et le sport se rendront en Guyane du 3 au 6 mai prochain.