Entretien avec la direction générale de l'INSEP
Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), vaisseau amiral du sport français et du haut niveau. C'est un honneur et une responsabilité de recevoir un nombre aussi important d'élus de la République. La thématique de la jeunesse en outre-mer et du sport m'est chère, au regard de mon passé de directeur technique national de l'athlétisme français.
Je commencerai par vous donner quelques chiffres clefs sur notre institut. L'INSEP compte 810 sportifs de haut niveau répartis dans 26 pôles gérés par autant de fédérations. 360 internes sont hébergés à l'INSEP, dont 150 mineurs, ce qui représente une lourde responsabilité pour l'équipe encadrante très investie dans l'accompagnement des sportifs.
En prenant mes fonctions il y a onze mois, j'ai pris conscience de l'importance de cette mission d'accompagnement qui leur permet de bénéficier des conditions de vie et d'entraînement nécessaires pour atteindre la haute performance. C'est la raison pour laquelle nous accordons tant d'importance au double projet de nos jeunes, à la fois sportif et scolaire. La diversité des 300 agents témoigne de notre capacité à les aider dans toutes ces dimensions. L'INSEP compte en effet dans ses effectifs aussi bien des formateurs que des médecins, des chercheurs ou encore du personnel administratif. Nous mettons tout en oeuvre pour faciliter le quotidien de nos athlètes. Ainsi, 520 cadres fédéraux, dont 350 permanents, sont mis à disposition par les fédérations pour entraîner les sportifs dans nos locaux.
Ce travail porte ses fruits puisque nos sportifs ont obtenu 50 % des médailles françaises aux Jeux olympiques de Londres et de Rio. Notre objectif pour les prochaines échéances olympiques et paralympiques est plus ambitieux, puisque nous voulons que l'INSEP et le Grand INSEP - projet essentiel pour notre maillage territorial - accompagnent 80 % des médaillés aux Jeux de Paris 2024. À cet égard, les résultats obtenus en 2020 nous serviront d'indicateur pour mesurer l'efficacité de notre politique.
Il me semble important, à ce stade, de vous donner des précisions sur l'INSEP à travers les objectifs qui m'ont été fixés dans ma lettre de mission signée par la ministre des sports. L'INSEP est un centre olympique et paralympique, opérateur de l'État au service des sportifs de haut niveau et de leur encadrement dans leur projet de performance. Nous ne sélectionnons pas les sportifs qui s'entraînent dans nos locaux. Ceux-ci sont repérés par leur fédération sportive, via les directeurs techniques nationaux et les cadres techniques, et peuvent intégrer notre établissement s'ils respectent certains critères de performance. L'INSEP est à la fois un lieu d'excellence avec des installations sportives exceptionnelles et un centre de formation de référence pour les sportifs de haut niveau avec un service de scolarité sur site. La formation des entraîneurs est un axe stratégique majeur pour l'établissement qui peut se targuer d'être une école des cadres renommée. J'ai coutume de dire que l'entraîneur est le fournisseur de conscience pour l'athlète, qu'il lui donne l'envie de se sublimer. Garantir une formation de qualité aux encadrants est donc un axe stratégique de la politique du sport de haut niveau.
L'INSEP est également un centre d'expertise reconnu grâce à ses deux laboratoires agréés et à son centre médical en cours de labellisation par le Comité international olympique (CIO). Nous avons développé des collaborations internationales et engagé des moyens financiers considérables pour que ce projet, inédit en Europe, aboutisse.
Par ailleurs, la renommée internationale du campus n'est plus à faire, l'INSEP étant signataires de 18 conventions de coopération. L'une d'elles, qui nous tient particulièrement à coeur, a été signée avec la Nouvelle-Calédonie.
Je me permets d'insister à nouveau sur la prise en compte de l'aspect humain au sein de notre établissement, qui est essentiel car chaque sportif est unique. L'univers du sport de haut niveau néglige souvent cette dimension en considérant que les athlètes sont des machines. À l'INSEP, le personnel et les sportifs échangent constamment de manière à prendre en compte les singularités de chacun, des athlètes au plus haut niveau jusqu'aux plus jeunes qui construisent leur carrière olympique. Je suis très attaché, de par mon parcours personnel, à cette philosophie. Enfant d'immigré, c'est la France qui m'a accueilli et l'INSEP qui m'a permis de m'épanouir dans mon sport. Le sport est, de manière générale, un vecteur de promotion de la diversité, à l'image des villages olympiques où toutes les nationalités se mélangent.
La situation sociale et familiale de nos athlètes ainsi que leur projet scolaire, universitaire ou professionnel sont également pris en compte. Dans cette perspective, nous portons une attention marquée à la problématique de l'éloignement du domicile familial qui se pose avec une acuité particulière pour nos jeunes ultramarins.
J'aimerais également évoquer le problème de la banalisation de nos champions. Les outre-mer ont connu une génération de sportifs aux palmarès impressionnants comme Marie-José Pérec, Christine Arron ou Muriel Hurtis. Ces athlètes ont fait des carrières brillantes, ce qui a, paradoxalement, endormi notre vigilance pour repérer les jeunes talents. C'est la raison pour laquelle l'ancien président de la Fédération française d'athlétisme et moi-même avons souhaité créer des postes d'ambassadeurs aux Antilles. Ce système a permis à la fédération d'être à l'écoute de ces jeunes et de leurs problématiques, car nous avons conscience de la difficulté, pour un jeune ultramarin, de quitter son territoire et sa famille. Certains y arrivent et font une belle carrière, mais beaucoup abandonnent en cours de route. À titre d'exemple, Wilhem Belocian a été repéré dans le cadre du projet Caraïbes de la Fédération française d'athlétisme durant les Caribbean Games organisés aux Antilles françaises. Ce jeune de 22 ans présente un fort potentiel, démontré par un titre de champion du monde et une performance historique lors des derniers championnats d'Europe. Nous avons proposé à Wilhem Belocian un programme « cousu main » afin de développer au mieux son talent unique. Il s'entraîne ainsi à l'INSEP, où il bénéficie d'un accompagnement scolaire, quatre mois dans l'année, et vit en Guadeloupe le reste du temps. Par ailleurs, un cadre technique national a été désigné pour fluidifier les échanges entre la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et l'hexagone afin de lutter contre la banalisation de nos champions et s'assurer d'une détection des talents performante.
Je terminerai en vous rappelant que nous sommes très heureux de vous accueillir pour cette journée et que nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Je vous remercie.
Existe-t-il toujours une filière Sport de Haut Niveau (SHN) au lycée Hector Berlioz ?
J'attache de l'importance à cultiver les relations de bon voisinage et je vous confirme que le lycée Berlioz fait bien partie des trois lycées partenaires de l'INSEP.
Je vous remercie pour ces mots chaleureux et pour l'accueil que vous nous réservez. Nous découvrons l'INSEP avec une certaine humilité au regard du niveau de performance des sportifs qui sont passés par cet institut et de leur contribution au rayonnement de la France.
Je commencerai par vous présenter brièvement notre instance. La Délégation sénatoriale aux outre-mer, désormais dotée d'un fondement législatif, est constituée à parité des sénateurs ultramarins, membres de droit, et de sénateurs de l'hexagone. Reflétant la composition politique du Sénat, elle oeuvre à la promotion des outre-mer.
Nous menons cette année une mission sur la jeunesse des outre-mer et le sport conduite par quatre rapporteures, Mme Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, Mme Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, Mme Lana Tetuanui, sénatrice de Polynésie française et Mme Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique. Nous avons également la chance de compter parmi nous, aujourd'hui, M. Thani Mohammed Soilihi, vice-président du Sénat et sénateur de Mayotte, ainsi que de nombreux collègues.
Le périmètre de l'étude ne se limite pas au sport de haut niveau puisqu'il englobe tous les enjeux liés à la pratique sportive outre-mer, y compris dans leur dimension sanitaire et sociale. Pour autant, cette question est essentielle car les jeunes ultramarins occupent une place éminente dans le sport de haut niveau français, qu'ils soient sportifs ou encadrants. L'objectif de ce déplacement à l'INSEP est de comprendre les parcours et la formation de ces jeunes afin de formuler, dans le rapport, des préconisations pour améliorer le système en place car le sport participe au rayonnement des territoires ultramarins et à leur épanouissement économique.
Je vous remercie pour votre accueil. Sachez, Monsieur le directeur, que j'ai été très touchée par votre propos. Au moment où la xénophobie s'installe dans nos sociétés, vous nous démontrez, vous le fils d'immigré, que le sport peut être un élément fédérateur et un outil de promotion de tous les peuples.
Je salue également votre démarche de singularisation des parcours, en particulier pour les ultramarins qui subissent très jeunes l'épreuve du déracinement et doivent s'adapter à un environnement radicalement différent. L'accompagnement de ces sportifs est nécessaire car un tel choc peut compromettre des talents. Faire du « cousu main » dans un tel contexte revient à jongler entre le respect de l'attachement familial et les exigences de la haute performance, ce qui n'est pas chose aisée. Il est important de faire la promotion de cette démarche dans les outre-mer car je suis persuadée que cela pourra rassurer les sportifs qui craignent l'éloignement. Ceci n'est pas évident, car les talents émergent souvent des quartiers populaires et des familles en difficulté contraintes de faire des sacrifices pour assurer l'avenir de leurs enfants.
Quelles stratégies ont-elles été mises en place concernant les ultramarins, et quels sont vos liens avec ces territoires, en particulier avec les acteurs du mouvement sportif ?
Pour vous répondre, il convient d'abord de s'interroger sur la manière de définir un sportif ultramarin. Les statistiques peuvent être différentes, selon les critères retenus pour définir cette population tels que le lieu de naissance, la licenciation ou encore le domicile familial. En cumulant ces trois critères, sur la saison sportive 2017-2018, l'INSEP compte 43 sportifs de haut niveau ultramarins, dont 34 sportifs qui sont nés en outre-mer, 9 licenciés sur ces territoires et 19 mineurs dont le responsable légal est domicilié outre-mer. Il s'agit donc d'une petite population sur site, à laquelle s'ajoutent les sportifs que nous accueillons quelques semaines ou quelques mois dans l'année dans le cadre de stages.
Je rappelle que nous travaillons au service des fédérations sportives, nos principaux partenaires, et que rien ne peut se faire sans elles. Dans cette perspective, nous organisons chaque année, avec les fédérations accueillies sur site, un état des lieux de la situation des sportifs et de leurs perspectives d'avenir. Les fédérations ont ensuite la charge de nous proposer, aux alentours de mai-juin, la liste des sportifs ayant vocation à intégrer l'INSEP à la rentrée suivante. Des critères de performance précis, qui servent à arrêter la liste ministérielle des sportifs de haut niveau, sont pris en compte par les fédérations dans leur choix. Les jeunes sélectionnés doivent répondre à une double exigence, celle du potentiel sportif, puisque nous avons fait de l'excellence notre coeur de métier, mais aussi celle du projet scolaire, universitaire ou professionnel. Les équipes de l'INSEP sont ainsi mobilisées pour accompagner le sportif sur son projet de vie, en dehors de sa carrière sportive. Chaque projet est différent, adapté en fonction du calendrier des compétitions internationales et du potentiel sportif du jeune. Nous offrons des aménagements différents selon que le jeune présente une chance sérieuse de médaille ou, au contraire, qu'il est encore en construction de son avenir olympique et doit se concentrer sur sa scolarité. Il s'agit donc d'un travail individualisé, mené en collaboration avec l'athlète et son encadrement, c'est-à-dire la fédération. Pour les jeunes sportifs, et particulièrement pour les ultramarins, il est essentiel que ce projet soit défini en amont avec sa fédération afin de faciliter son arrivée sur site et son adaptation à ce nouvel environnement. Les équipes de l'INSEP travaillent régulièrement à sensibiliser les fédérations sur ce sujet, car une bonne préparation permet une meilleure prise en charge au sein de notre établissement.
Au cours de votre visite, vous aurez l'occasion de rencontrer les responsables pôles France qui font le lien entre les athlètes, les fédérations et l'INSEP. Leur rôle est essentiel car il permet de mieux appréhender la situation des sportifs sur site. Vous pourrez également échanger avec les responsables des deux internats, pour majeurs et pour mineurs. Elles travaillent au quotidien à créer du lien social au sein de l'INSEP et à améliorer le bien-être de nos résidents qui n'hésitent pas à se confier à elles en cas de difficulté. Elles peuvent donc alerter l'établissement afin que nous trouvions les solutions adaptées, y compris pour nos jeunes ultramarins comme cela s'est déjà produit par le passé. Enfin, vous disposerez d'un temps de discussion avec des sportifs aux profils variés, issus de différents territoires d'outre-mer, et leurs responsables de pôle. Vous aurez ainsi l'occasion d'entendre la parole des premiers concernés qui vous expliqueront leur parcours, leur ressenti et les pistes d'amélioration possibles.
En ce qui concerne nos liens avec les territoires, je laisserai la parole à Mme Anne-Marie Vansteene, cheffe de mission Grand INSEP qui vous expliquera l'importance de l'animation de réseau et notre stratégie de coordination. La mission Grand INSEP touche à bien d'autres enjeux, mais la performance reste notre coeur de métier. À ce titre, nous sommes particulièrement fiers d'avoir signé une convention, en 2017, avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui prévoit une mutualisation des compétences dédiées à la performance. Cette convention permettra d'améliorer la détection et l'accompagnement des jeunes talents mais aussi la formation des cadres, notamment des entraîneurs. Quatre ans de travail avec nos partenaires, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et le comité territorial olympique et sportif (CTOS), ont été nécessaires pour formaliser une collaboration de ce type. Cette convention a été honorée cette année puisque quatre préparateurs physiques de l'INSEP, spécialistes de la réathlétisation, se sont rendus pendant 10 jours au Centre international sport et expertise (CISE) à Nouméa afin d'animer une formation au bénéfice des entraîneurs locaux. Nous accueillerons par ailleurs des jeunes sportifs néo-calédoniens dès l'année prochaine dans le cadre de cette collaboration. Nous tenons à votre disposition cette convention. Ce système ne pourrait être généralisé à tous les outre-mer, car il existe déjà en Guadeloupe - et la Martinique peut en profiter compte tenu de sa proximité géographique - et à La Réunion des centres de ressources, d'expertise et de la performance sportive (CREPS) qui sont notre bras armé dans ces territoires. Les CREPS sont donc des opérateurs de la haute performance et nous nous appuyons sur ce réseau pour améliorer la sélection, l'accompagnement des sportifs et la formation des cadres. Avec la Guyane et la Polynésie française, en revanche, nous pourrions tout à fait envisager d'engager une collaboration concrète sur le modèle de ce qui a été mis en place avec la Nouvelle-Calédonie.
Sur la saison 2017-2018, notre plus jeune sportive a 14 ans, elle est championne d'Europe de gymnastique.
Il s'agit du vice-champion d'Europe d'athlétisme en saut en longueur. À 38 ans, il peut transmettre son savoir et perpétuer le devoir de mémoire sportif.
Avant de laisser la parole à Mme Anne-Marie Vansteene, j'aimerais rappeler qu'en tant qu'ancienne directrice technique nationale adjointe, celle-ci connaît très bien les problématiques ultramarines car elle a été missionnée à plusieurs reprises dans ces territoires pour entretenir les liens entre les présidents de ligue et la fédération française d'athlétisme.
Pour rappel, les fédérations organisent leurs actions de détection et proposent ensuite une liste de jeunes talents aux établissements tels que les CREPS ou l'INSEP. Les sportifs sont regroupés dans ces établissements qui disposent, au contraire des ligues, d'outils opérationnels importants en matière de détection. Les encadrants de ces établissements sont formés pour accompagner le plus longtemps possible les sportifs ultramarins sur leur territoire. Une fois que les sportifs ont été identifiés par les fédérations, par l'intermédiaire des ligues ou des directions techniques nationales, l'équipe réfléchit à la meilleure manière d'accompagner le sportif, sur place ou en métropole si nécessaire. Certains sportifs ultramarins sont parvenus à construire de belles carrières, mais de nombreux départs se sont malheureusement soldés par des demi-tours et des échecs.
Le Grand INSEP a donné l'occasion à notre cellule de responsables de haut niveau, à l'INSEP et dans les CREPS, de travailler ensemble pour formuler des préconisations dans le but de favoriser la réussite, même si l'échec fait partie du sport de haut niveau. Cette équipe projet a ainsi mis au point un guide pour mettre en confiance le jeune sportif et sa famille en expliquant que le Grand INSEP prévoit un accompagnement en amont du départ, pour penser le projet, mais aussi pendant le séjour en métropole et au moment de la reconversion, qu'elle se fasse en métropole ou sur le territoire d'origine. Nous prévoyons aussi d'accompagner le retour dans leur environnement familial de ceux qui n'ont pas réussi. Le Grand INSEP a publié un second guide à destination des référents haut niveau des CREPS d'outre-mer, qui orientent les jeunes, mais aussi de métropole, qui les accueillent, afin de garantir un suivi cohérent tout au long du parcours sportif.
Il existe depuis quelques années, au sein du Grand INSEP, une cellule permanente consacrée aux outre-mer afin de parfaire le dispositif existant, de maintenir un dialogue constant entre les acteurs et de garantir un accompagnement adapté à chaque sportif. Cette cellule a aussi vocation à anticiper les échecs car nous avons fait le constat que les difficultés étaient identifiées trop tardivement. Il s'agit d'une structure récente, qui peut être questionnée et améliorée. Nous sommes donc preneurs de tous les retours que la Délégation sénatoriale aux outre-mer, mais aussi les ligues et les fédérations, pourront nous faire pour nous permettre d'encourager la performance.
Enfin, je me permets de souligner que si j'ai évoqué rapidement le CREPS Antilles-Guyane et le CREPS de La Réunion, sur lesquels s'appuient le réseau Grand INSEP, nous voulons également prendre en compte les autres territoires.
Le dispositif Grand INSEP vise d'abord à reconnaître la qualité des prestations et des ressources offertes par les établissements publics nationaux tels que les CREPS et les écoles nationales, mais nous cherchons aujourd'hui à nous ouvrir à d'autres établissements qui accompagnent la performance sportive. Cela signifie que nous pourrions intégrer les structures qui, sur les territoires ultramarins non dotés d'un CREPS, répondent à nos critères d'exigence. Ce réseau permet à tous les acteurs d'être en contacts permanents, de mutualiser les informations et de faire remonter les interrogations. Il s'agit donc d'un outil de choix pour lutter contre l'isolement de ces territoires. Je reste à votre disposition pour toute question ou suggestion si vous connaissez, le cas échéant, des structures que ce système pourrait intéresser.
Nous nous interrogeons quotidiennement sur la manière dont nous pouvons intégrer les territoires ultramarins à ce réseau. Nous sommes cependant tributaires des moyens que l'État consent à nous donner, ce qui limite notre capacité à mettre en oeuvre des solutions.
Par ailleurs, j'ai conscience que les talents foisonnent en outre-mer et il est essentiel que nous puissions les accompagner. Nous comptons sur vous, mesdames et messieurs les sénateurs, pour faire passer ce message car nous avons besoin de votre soutien pour continuer notre travail au service de l'État et des athlètes français.
Pour vous donner un exemple concret, l'un des objectifs de la convention signée avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est de faire en sorte que le Comité territorial olympique et sportif (CTOS) soit labellisé Grand INSEP et puisse intégrer cette dynamique d'animation de réseau. Il s'agit donc d'inscrire le territoire dans une logique de mutualisation des compétences et d'acculturation des personnes ressources à la thématique de la performance, même s'il n'existe pas de CREPS en Nouvelle-Calédonie.
J'imagine qu'il est plus difficile pour les jeunes issus de territoires qui ne comptent pas de CREPS d'accéder au haut niveau, mais l'exemple de la basketteuse mahoraise Djoumoi Fayzat, qui s'entraîne actuellement à l'INSEP, montre que ce n'est pas impossible. Les spécialistes du haut niveau qui se rendent régulièrement dans ces territoires constatent tous qu'il existe un vivier de jeunes à fort potentiel. J'aimerais donc savoir quelles sont les solutions possibles pour faire en sorte qu'à l'avenir, malgré le manque d'infrastructures, ces sportifs ne soient pas handicapés par rapport aux jeunes issus d'autres territoires.
Je vous rejoins complètement car nous faisons également le constat d'un gaspillage de nombreux talents dans ces territoires. Nous sommes honorés de pouvoir échanger avec vous sur cette problématique qui nous est chère, car les solutions ne pourront venir que de l'unité et du partage.
C'est d'ailleurs sous le signe de ces valeurs que s'est tenue, la semaine dernière, la soirée des champions. Jusqu'ici, les malentendus se sont multipliés entre l'État, le mouvement olympique et le comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO), alors que Paris 2024 constitue un levier considérable pour les sportifs français, et notamment pour les ultramarins. Cette soirée inaugure une nouvelle ère d'unité et de partage, ce qui, je crois, correspond à la volonté de la ministre des sports exposée lors de son audition par votre délégation.
Monsieur le directeur général, nous partageons le même objectif. Si la délégation n'a pas le pouvoir d'imposer sa volonté au Gouvernement, les préconisations qu'elle formule dans ses rapports sont des outils au service de l'État, du Parlement, des collectivités territoriales et de tous les acteurs concernés car nous avons intérêt à travailler ensemble.
En préambule, je me permets, au nom de la Polynésie française, de saluer chaleureusement l'équipe qui nous accueille et formule le voeu que l'année 2018 permette des avancées.
J'abonde dans le sens de ce que mes collègues ont déjà dit. Mon intervention se veut pragmatique car, en tant que parlementaire ultramarine, je suis là pour défendre les intérêts des sportifs issus de ces territoires. Je suis contrariée de voir que nos athlètes sont les porte-drapeaux de la France lors de grandes manifestations sportives sans pour autant bénéficier d'un accompagnement satisfaisant le reste de l'année. J'aimerais pouvoir apporter des réponses concrètes aux jeunes polynésiens qui cherchent à atteindre le haut niveau. Quelques-uns ont réussi à intégrer l'INSEP, ce qui témoigne du vivier de talents qu'offrent nos collectivités, mais des obstacles empêchent toujours bon nombre d'entre eux de réussir. Il est vrai que les divergences de statuts - le sport est, par exemple, une compétence entièrement dévolue à la Polynésie française - et la diversité des acteurs du mouvement sportif compliquent le développement d'une politique sportive cohérente dans l'intérêt du sportif. En ce qui concerne la réinsertion, par exemple, il n'est pas acceptable que nous ne puissions pas offrir un avenir aux athlètes qui ont fait rayonner la France et, à travers elle, nos territoires.
Je vous rejoins parfaitement. En tant que directeur technique national (DTN) de l'athlétisme, j'ai mobilisé un cadre permanent de la fédération en Polynésie française afin de garantir un suivi pointu des sportifs. Cette personne est chargée de créer du lien entre le niveau local et le niveau national et d'animer la pratique de l'athlétisme sur le territoire.
Vous avez eu l'occasion d'auditionner la ministre des sports, et je pense que c'est d'abord à elle que s'adresse votre question. Je vous remercie d'avoir soulevé le problème de la réinsertion des sportifs, qui m'attriste autant que vous. L'athlétisme, par exemple, est une école de la vie universelle où se forment des jeunes issus de tous les milieux socio-économiques et de parcours scolaires variés. Mon rôle, en tant que DTN, n'était pas de rééduquer ces jeunes et de me substituer à leurs parents, mais de leur inculquer des valeurs. J'entends donc parfaitement vos revendications en matière de réinsertion professionnelle des sportifs. Une réflexion doit être menée en ce sens, y compris au niveau territorial.
Je me joins également à votre propos sur le paradoxe du sort réservé aux athlètes ultramarins, encensés lors des compétitions internationales et laissés pour compte le reste de l'année, car le sport de haut niveau m'a appris que la gloire a plusieurs pères et la défaite est orpheline.
Pour répondre précisément à votre question, Madame la sénatrice, je vous informe qu'une instruction ministérielle est en cours sur les projets de performance fédéraux (PPF). Ces projets comportent des parties spécifiques sur les outre-mer dans l'optique de favoriser l'accès au haut niveau des jeunes issus de ces territoires et d'améliorer la formation des cadres locaux. Ces PPF ont été validés. Les fédérations, en lien avec les collectivités, ont donc désormais la charge de mettre en oeuvre cette synergie.
La reconversion est une problématique majeure et nous aurons l'occasion de vous présenter tous les dispositifs d'accompagnement prévus à cet effet.
En ce qui concerne la question du développement de la haute performance dans tous les territoires posée par M. Thani Mohamed Soilihi, je commencerai par vous donner quelques éléments d'information sur la mission d'optimisation de la performance (MOP). Le suivi des potentiels à médaille de la dernière olympiade a montré que l'immense majorité des sportifs ultramarins s'entraînaient en métropole, mais que certains avaient effectué leur préparation en Martinique comme Wilhem Belocian ou Ludwig Vaillant. Nous avions pour mission de faciliter l'accès aux installations sportives de tous les athlètes avec une chance de médaille, partout sur le territoire national, y compris aux CREPS Antilles-Guyane et de La Réunion.
Je vous remercie, Monsieur le directeur général ainsi que toute votre équipe, de nous accueillir aujourd'hui. J'ai été particulièrement sensible à l'intérêt que vous portez à l'accueil des sportifs ultramarins, et à votre volonté de créer un accompagnement « cousu main » pour s'adapter au parcours de chacun d'entre eux.
Je me réjouis que le directeur général ait parlé à plusieurs reprises de La Réunion, et je constate qu'un sportif réunionnais, Elliot Micha, figure sur la brochure d'accompagnement des jeunes ultramarins qui nous a été distribuée. J'ai eu l'occasion de rencontrer Elliot Micha, je sais qu'il a fait de gros sacrifices pour atteindre le haut niveau puisqu'il est arrivé en métropole à l'âge de 14 ans et n'a pas pu rentrer dans son île pendant deux ans. Son souhait est de participer aux prochains Jeux olympiques, mais il rencontre des difficultés pour financer ses équipements. L'INSEP accompagne-t-il les sportifs dans leur projet, y compris dans la recherche de financements ?
La fédération est le premier interlocuteur du sportif. Une loi de 2015 a d'ailleurs rendu obligatoire la désignation d'un référent du suivi socio-professionnel pour chaque sportif de haut niveau. Cet agent a pour mission de faire le lien entre le sportif et l'encadrement général et de faire remonter, le cas échéant, les difficultés du quotidien de l'athlète, y compris les obstacles financiers qui l'empêchent d'accomplir son projet de performance.
Il existe par ailleurs des dispositifs nationaux qui prévoient une aide financière pour les sportifs de haut niveau. En voile, par exemple, le ministère des sports participe, dans le cadre de la convention d'objectifs contractualisée avec la Fédération française de voile, au « plan bateau ». L'État finance ainsi une part importante de la politique fédérale en matière d'acquisition d'équipements car il n'est pas normal qu'un sportif engage de telles sommes de sa poche.
Les fédérations dont les besoins en équipements sont importants s'appuient également sur des partenariats, portés par les fédérations ou les sportifs eux-mêmes, pour financer le matériel via le sponsoring. Si le sportif est identifié comme présentant un potentiel olympique, le financement de ses équipements devrait être une priorité pour sa fédération au regard de son parcours de performance. Aujourd'hui, le panel de dispositifs existants doit permettre au sportif de ne pas se trouver en difficulté.
Enfin, les collectivités territoriales peuvent également lui venir en aide. Dans le cas d'Elliot Micha, licencié à Marseille et originaire de La Réunion, plusieurs collectivités peuvent être sollicitées. Les services déconcentrés de l'État comme la direction jeunesse, sport et cohésion sociale (DJSCS) sont également des interlocuteurs privilégiés vers lesquels il peut se tourner.
J'insiste à nouveau, cependant, sur la nécessité de s'entretenir en premier lieu avec sa fédération dont l'accompagnement des sportifs est le coeur de métier.
Je me suis rendu à l'INSEP il y a 52 ans, et j'ai eu l'occasion d'y revenir 3 ans plus tard dans le cadre de mon engagement pour le développement du football et de l'athlétisme. J'ai assisté à l'évolution de l'INSEP, où se sont entraînés des champions olympiques guyanais comme Lucie Décosse et Malia Metella, la première femme noire à remporter une médaille olympique en natation. C'est donc avec beaucoup d'émotion que j'ai répondu à votre invitation.
Je commencerai par jeter un pavé dans la mare : la « métropole » est un concept fondamentalement idéologique, ce n'est pas le nom d'un pays, comme vous semblez le laisser penser sur votre brochure. À l'avenir, vous devriez préférer l'expression « France hexagonale » à celle de « métropole ».
J'entends votre remarque, Monsieur le sénateur. Il s'agit d'un débat particulièrement complexe.
Cette confusion persiste depuis longtemps. Or, sur les planisphères, c'est bien la France qui est figurée, et non la métropole, et les outre-mer donnent à la France hexagonale sa dimension mondiale : la Polynésie française est aussi vaste que l'Europe, et la Guyane est aussi vaste que l'Autriche.
Pour en revenir aux relations entre l'INSEP et les outre-mer, je me suis personnellement battu pour le renforcement des CREPS dans nos territoires car le déracinement perturbe nos athlètes et peut parfois se solder par un décrochage. Il est donc nécessaire de créer des passerelles entre l'INSEP, les CREPS et l'IFAS (institut de formation et d'accès au sport) pour améliorer la préparation des jeunes en amont de leur départ. Ceux-ci, s'ils veulent atteindre l'excellence, n'ont pas d'autre choix que de quitter leur territoire, et nous devons les accompagner dans cette démarche difficile. Certains jeunes antillais et guyanais se préparent à Cuba, aux États-Unis, au Canada et à Trinidad pour ne pas être déconnectés de leur environnement régional.
J'appelle donc de mes voeux un renforcement de nos relations, et je suis prêt à être l'interface entre l'INSEP et la collectivité territoriale de Guyane afin que nous puissions signer une convention, dans l'intérêt de nos jeunes.
Nous notons votre remarque, Monsieur le sénateur, et nous ne manquerons pas de corriger notre brochure.
Je vous remercie, mesdames et messieurs, de nous consacrer autant de votre temps si précieux. Vous nous avez donné l'âge du plus jeune et du plus âgé de vos athlètes. Quel est donc le pourcentage de filles ? Les sportifs doivent-ils obligatoirement être internes ? Certains d'entre eux, en fin de carrière, demeurent-ils sur site pour former d'autres jeunes ?
En outre, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, disposez-vous des structures adéquates pour former les sportifs du handisport ?
J'ai également retenu que 26 fédérations étaient présentes à l'INSEP. Toutes les disciplines olympiques sont-elles représentées ?
Enfin, l'astronaute Thomas Pesquet a dû subir un entraînement physique important avant de partir en mission. A-t-il effectué tout ou partie de sa préparation à l'INSEP ?
Nous avons quasiment atteint la parité, car il existe des pôles exclusivement féminins tels que le pôle de football, même si la proportion fluctue d'une année sur l'autre.
Par ailleurs, l'INSEP compte 360 pensionnaires. Les mineurs sont quasiment tous logés en internat, de même que la plupart des sportifs ultramarins. Certains d'entre eux, plus âgés, vivent auprès de leur famille dans des logements alentours.
L'INSEP est l'un des rares endroits où la République accompagne les jeunes gens qui ont un rêve. Or, il existe toujours un écart entre le rêve qu'un sportif s'est construit en regardant la télévision et la réalité du travail et des sacrifices que cela exige. Cet écart est encore plus important pour les ultramarins qui doivent s'adapter à un environnement radicalement nouveau, même si cette sensation de déracinement peut être vécue par chacun de nos nouveaux arrivants. Le travail du pôle haut niveau est de faire en sorte, en gérant les détails de la vie quotidienne, que ces jeunes puissent accomplir leur rêve dans les meilleures conditions possibles.
Le choc de l'arrivée à l'INSEP est tout de même moins violent pour un jeune métropolitain que pour un sportif d'outre-mer.
Certes, mais cela reste une affaire très individuelle. Nous apportons une aide personnalisée aux sportifs car leur vécu diffère selon leur personnalité, leur origine et leur discipline. Dans cette perspective, j'aimerais aborder avec vous un problème majeur pour nos sportifs, celui de l'accès à la sécurité sociale pour les ressortissants de certains territoires ultramarins.
Les systèmes de sécurité sociale et de mutuelle ne sont pas les mêmes en France hexagonale et dans les territoires français du Pacifique. Chaque année, nous avons des difficultés à résoudre ce problème extrêmement complexe. Cette spécificité prouve qu'il ne faut pas traiter les outre-mer comme un ensemble homogène car les autres départements et collectivités ne sont pas concernés par ce problème.
J'abonde dans votre sens, et c'est la raison pour laquelle j'avais rappelé, dans ma première intervention, les spécificités statutaires des collectivités ultramarines. Pour autant, nous avons décidé, à la lumière de nos difficultés partagées, de faire front commun pour défendre les intérêts de nos populations, y compris de nos sportifs de haut niveau.
Pour en revenir à la sécurité sociale, j'ai conscience que la coexistence de deux systèmes distincts cause des difficultés majeures à chaque rentrée scolaire. Les fonctionnaires locaux qui se rendent dans l'hexagone pour un ou deux ans de formation, par exemple, se lancent dans un véritable parcours du combattant pour obtenir une couverture sociale. Je dénonce l'hypocrisie de l'État dans ce domaine car la caisse de prévoyance sociale (CPS) a signé une convention avec la sécurité sociale pour trouver des solutions pérennes, sans que cela se soit soldé par une amélioration de la situation de nos concitoyens. Il s'agit d'un problème récurrent qui aurait dû être réglé il y a bien longtemps.
Cette question est fondamentale. Mais les solutions à apporter ne pourront être, par définition, que temporaires et ciblées, pour les sportifs de haut niveau qui viennent s'entraîner en hexagone. En effet, il n'est pas question de revenir sur les compétences transférées à certaines collectivités au statut unique.
En ce qui concerne le handisport, nous considérons que des Jeux olympiques sont réussis lorsque les Jeux paralympiques sont réussis. En prenant mes fonctions, je m'étais d'ailleurs engagé à faire du handisport une priorité pour l'INSEP. La France enregistre un retard important dans ce domaine, alors que de nombreux pays ont déjà développé des centres à la fois olympiques et paralympiques. L'INSEP doit donc s'inscrire dans cette dynamique pour conserver sa légitimité.
En 2017, nous avons envoyé un signal fort en invitant le Comité paralympique et sportif français (CPSF) à prendre ses quartiers à l'INSEP. Le chemin est encore long pour rejoindre le niveau de développement du handisport dans les pays anglo-saxons, mais nous sommes en bonne voie. Hier, par exemple, nous avons reçu un inspecteur pour réfléchir à l'adaptation de nos installations, en collaboration avec le conseil régional d'Île-de-France, dans le cadre de la préparation terminale des Jeux paralympiques. Ces efforts sont à saluer, mais il convient d'aller encore plus vite pour s'assurer d'être au niveau pour les échéances de 2024.
Je me permets de revenir une fois encore à l'athlétisme, car le handisport a toujours fait partie de la culture de cette discipline. Ainsi, chaque cadre technique était tenu, dans sa lettre de mission, de consacrer 10 % de son temps à l'entraînement paralympique.
Pour répondre à la question de Madame la sénatrice Vivette Lopez, nous n'hébergeons pas sur site, au sens physique du terme et de manière permanente, l'intégralité des disciplines olympiques. Pour autant, nous accueillons toutes les équipes de France dans le cadre de stages de préparation et d'accompagnement personnalisé ou collectif. À l'approche des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver, par exemple, nous accueillons des skieurs en stage, mais l'INSEP ne possède pas de pôle France de ski. En revanche, nous travaillons avec les communes avoisinantes pour offrir des conditions d'entraînement optimales pour les sports de glace comme le patinage artistique. Nous accueillons régulièrement sur site, en dehors des structures de pôles, les équipes de France. À titre d'exemple, il n'existe pas de pôle France de volleyball à l'INSEP. Pour autant, la délégation française s'est rendue dans notre établissement l'année dernière pour s'entraîner en vue des mondiaux de juillet 2017. De même, les meilleurs nageurs français et l'équipe de France de handball effectuent régulièrement des stages de préparation à l'INSEP à l'approche des compétitions internationales. Ils bénéficient alors de l'ensemble de nos infrastructures et de nos services.
Pour vous donner un exemple concret, Allison Pineau, championne du monde de handball avec l'équipe de France, s'est rendue à l'INSEP l'année dernière pour un suivi médical et un programme de réathlétisation après avoir été blessée. À force d'acharnement et avec un accompagnement « cousu main », Allison Pineau a pu disputer les championnats du monde. Les équipes médicales et encadrantes consacrent du temps à définir des programmes spécifiques pour répondre aux besoins de chaque athlète. Le suivi médical a fortement progressé ces dernières années à l'INSEP et nous cherchons constamment à nous améliorer. Ainsi, nous travaillons sur un projet visant à compenser notre retard en matière de préparation mentale car nous avons besoin de psychologues sportifs compétents pour être à l'écoute de nos jeunes athlètes.
Je souhaite revenir un instant sur la question de la reconversion professionnelle. La plupart des entraîneurs sont d'anciens sportifs de haut niveau mais tous ces champions ne deviennent pas nécessairement entraîneurs. L'INSEP revendique cette politique d'ouverture professionnelle en prenant en compte le projet scolaire, universitaire et professionnel de chaque jeune. Nous pensons qu'un sportif de haut niveau doit pouvoir inscrire son parcours dans un vaste horizon professionnel, en fonction de ses appétences et de ses compétences et, le cas échéant, au-delà du sport. Notre rôle consiste donc à l'accompagner en lui proposant une formation en adéquation avec son projet de vie.
Je vous remercie de nous accueillir et de porter ces éléments d'information à notre connaissance. Je souhaite aborder plus en profondeur cette question de l'après-carrière sportive mais aussi de la gestion de l'échec pour ces jeunes ultramarins qui ont quitté leur territoire mais finissent par renoncer à leur rêve de sportif de haut niveau. Cet échec peut s'expliquer par plusieurs facteurs, aussi bien le degré d'exigence nécessaire pour atteindre l'excellence que l'éloignement et la rupture avec l'environnement familial. À mon sens, l'accompagnement ne doit pas être le même selon qu'il s'agit d'une reconversion ou d'une réorientation. J'entends que vous prévoyez des parcours individualisés d'aide à la reconversion pour ceux qui ont fait une brillante carrière sportive. Qu'en est-il de l'accompagnement de ces jeunes en situation d'échec ?
Par ailleurs, j'ai noté que vous aviez la possibilité de délivrer des titres et des diplômes spécifiques. Pourrions-nous avoir davantage de précisions sur ce point ? Ces diplômes peuvent-ils servir d'outil de réorientation pour ceux qui n'ont pas réussi un parcours d'excellence sportive et rentrent dans leur territoire d'origine ?
Enfin, vous avez longuement évoqué les Jeux olympiques et paralympiques. Dans cette perspective, comment les jeunes en situation de handicap et qui ont un projet sportif peuvent-ils intégrer les filières d'excellence, en outre-mer et dans l'hexagone ? Bénéficient-ils d'un accompagnement particulier ?
La reconversion ne s'entend pas, pour nous, au moment où la carrière s'arrête mais au moment où elle commence. Plus le double projet est construit en amont et plus la reconversion est facile. Plusieurs collaborateurs du pôle haut niveau ont pour mission d'aider les sportifs à monter leur parcours de performance mais aussi leur parcours de développement personnel. Les débouchés professionnels pour les sportifs de haut niveau sont aujourd'hui plus diversifiés qu'ils ne l'étaient auparavant car nous mobilisons des moyens pour accompagner le sportif et lui proposer la meilleure formation en accord avec ses centres d'intérêt et ses compétences. En outre, les instituts de formation ont la tâche de créer des parcours de formation qui s'adaptent au mieux aux conditions d'entraînement. Par exemple, bon nombre de sportifs deviennent kinésithérapeutes, et nous sommes en mesure de leur proposer un parcours en 8 ans au lieu de 4 ans, chaque année étant dédoublée pour leur permettre de gérer de front l'entraînement et les cours.
Dans l'immense majorité des cas, les jeunes qui intègrent l'INSEP parviennent à construire un projet cohérent, suivent une formation et obtiennent une certification qui leur permet de trouver un débouché professionnel après avoir mis un terme à leur carrière sportive, de manière volontaire ou à cause d'une blessure. Un agent, dont le périmètre d'action est national et non pas circonscrit à l'INSEP, est spécialement dédié à cette mission d'accompagnement. Toutefois, cet agent se consacre aux sportifs de haut niveau qui figurent sur la liste ministérielle et sont dans le giron de notre activité olympique, et non pas aux sportifs professionnels, en football et en rugby notamment, qui évoluent dans des clubs et nous échappent totalement.
Il arrive parfois que des sportifs changent plusieurs fois de formation et peinent à construire un projet professionnel cohérent, ce qui se traduit par une reconversion difficile malgré les efforts déployés par l'État pour les accompagner.
Dans tous les cas, l'INSEP continue d'accompagner les athlètes longtemps après la fin de leur carrière sportive. Certains d'entre eux nous sollicitent des années après leur départ pour bénéficier d'un accompagnement dans le cadre de leur reconversion, et nous mettons un point d'honneur à les aider à trouver une formation adaptée. Certains quittent le monde du sport avec un peu d'amertume, d'autres prennent de la distance en rentrant dans leur territoire d'origine pour débuter une nouvelle carrière. Dans ces situations, les anciens sportifs peuvent se sentir démunis et quand ils oublient qu'ils peuvent toujours compter sur « l'équipe derrière l'équipe » qu'est le pôle haut niveau.
Par ailleurs, nous sommes très attentifs à ne pas certifier trop tôt les diplômes professionnels car les jeunes doivent continuer à faire fructifier les compétences acquises dans le cadre de leur formation tout au long de leur séjour à l'INSEP. Si la certification intervient trop tôt et que le jeune n'a pas continué à se former, la valeur du diplôme ainsi acquis et l'employabilité du sportif s'en trouvent amoindris. Nous veillons donc à ce que chacun puisse intégrer l'INSEP et en sortir à tout moment en ayant en poche un diplôme valorisé.
Les parcours scolaires et professionnels de nos sportifs sont extrêmement variés. L'année dernière, l'un d'entre eux a intégré l'École Polytechnique, alors que d'autres, éloignés des structures scolaires depuis longtemps ou récemment naturalisés, suivent des cours de français langue étrangère. Nous venons également en aide à certains jeunes qui confondent le créole et le français et dont l'expression ne permet pas de répondre aux conditions d'exigence d'un diplôme. Enfin, nous aidons les jeunes en situation d'échec scolaire à acquérir les compétences minimales pour pouvoir rentrer dans une formation qui leur permettra d'obtenir un diplôme professionnel.
En ce qui concerne le handisport, la France est très en retard par rapport à d'autres pays, même si des progrès ont été faits ces dernières années. Les soldats français blessés sur les théâtres d'opération extérieurs, par exemple, étaient jusqu'à présent considérés comme des invalides de guerre, et l'armée française les gardaient en son sein. La création des Invictus Games, à l'initiative du Royaume-Uni, a changé le regard que l'on porte sur les vétérans, qui ne sont plus considérés comme des invalides de guerre. Ce changement de perspective a fait qu'aujourd'hui l'armée française encourage ces militaires à intégrer des programmes sportifs pour se reconstruire et retrouver un statut social. Ce travail sur la représentation du handicap est primordial car le handisport a émergé tardivement en France, grâce à la mobilisation d'associations familiales.
Ma question n'était pas innocente puisque j'étais moi-même présidente d'une association d'aide aux personnes en situation de handicap. J'ai ainsi travaillé au développement du sport pour tous et à l'amélioration de l'accès aux filières d'excellence qui ne doit pas leur être interdit.
L'apport des associations familiales, qui se sont structurées pour combler une carence de l'État, est primordial puisqu'il a permis la structuration du handisport français. Le ministère des sports a ensuite donné davantage de portée à cette initiative en créant la Fédération française handisport. Aujourd'hui, de plus en plus de handisports intègrent le champ des fédérations délégataires des disciplines sportives. À titre d'exemple, aux Pays-Bas, le président de la fédération handisport a dissout sa fédération en intégrant l'ensemble des disciplines handisports dans les différentes fédérations délégataires. Les sports olympiques et paralympiques sont donc désormais représentés au sein des mêmes entités.
Nous devons travailler en France à une meilleure reconnaissance des projets sportifs de jeunes athlètes en handisport. Pour cela, il convient de cesser de percevoir la personne en situation de handicap comme un patient et de la considérer comme un individu capable de construire un projet de performance. C'est donc avant tout le regard que notre société porte sur le handicap qu'il faut changer. Les ligues nous aident dans cette démarche, progressivement, tout comme la médiatisation des Jeux paralympiques. Toutefois, les fédérations doivent se restructurer pour mieux appréhender cette problématique spécifique.
Je vous remercie pour votre accueil et de m'offrir l'opportunité de visiter ce lieu que je ne connaissais que de nom. Avez-vous un exemple de sportif de haut niveau qui a réussi sans être jamais passé par l'INSEP ?
Il y a bien sûr des athlètes de toute la France, y compris en outre-mer, qui ont fait de belles carrières sans avoir intégré notre établissement, car l'INSEP n'a pas le monopole de la performance. J'ai déjà évoqué le cas de Wilhem Belocian, et je pourrais également vous citer l'exemple de Christophe Lemaître. Nous avons pris en compte les spécificités de ce sprinter médaillé olympique, profondément attaché à son village d'origine, en lui évitant le déracinement qui aurait découlé d'une installation à l'INSEP. Christophe Lemaître possède aujourd'hui le meilleur palmarès de tous les sprinters européens sans s'être entraîné dans notre établissement. Quoi qu'il en soit, tous les sportifs de haut niveau peuvent bénéficier des infrastructures et des services du réseau Grand INSEP, notamment en cas de problème de santé.
J'ai coutume de dire que la plus belle des générosités, c'est de prendre du temps, et c'est un principe que je m'efforce de suivre au quotidien dans le cadre de mes fonctions, afin d'accompagner de manière optimale nos athlètes.
Les sénateurs n'ont pas manqué de vous rappeler que les superficies de la Polynésie française et de la Guyane étaient comparables à celle d'immenses pays, mais les outre-mer comptent également de petits territoires de quelques kilomètres carrés comme Saint-Barthélemy. Nous avons conscience que ces territoires n'auront jamais d'infrastructures ou de moyens comparables aux autres. Malgré toutes nos différences, nos handicaps et nos atouts, nous sommes tous confrontés au problème du déracinement de nos jeunes qui n'ont pas d'autre choix que de partir pour poursuivre leurs études ou construire leur carrière sportive. Notre travail, en tant qu'élus, consiste donc à faire en sorte que tous les talents soient détectés et que chaque jeune puisse réussir son projet de vie, au niveau personnel et professionnel. Je ne peux donc que saluer votre démarche qui consiste à viser l'excellence dans tous les domaines et à offrir un accompagnement de qualité pour y parvenir.
Au terme de cet entretien, je constate qu'une bonne coordination entre les fédérations françaises mères et les fédérations dans les collectivités territoriales constitue la condition sine qua non pour que l'accueil de nos jeunes dans des établissements comme l'INSEP, tout en haut de la pyramide de l'excellence sportive, soit possible. Cela signifie qu'il faut se concentrer sur le travail en amont, dans nos territoires, à la fois en ce qui concerne la préparation de nos sportifs mais aussi la remise aux normes de nos infrastructures. Or, nous avons besoin du nerf de la guerre, l'argent, pour mener à bien une politique sportive ambitieuse. Nos collectivités participent à différents niveaux dans l'aide au financement des projets sportifs de nos jeunes les plus talentueux. Existe-t-il des dispositifs similaires prévus par l'État pour soulager les familles de ce fardeau financier ?
J'ajouterai que la Polynésie française se bat pour que le va'a, qui n'est malheureusement pas représenté à l'INSEP, figure sur la liste des disciplines olympiques.
Vous avez entièrement raison, Madame la sénatrice. La politique du sport de haut niveau reste une politique publique dans laquelle les collectivités territoriales jouent un rôle important. Ce sont elles qui apportent les premiers financements au sport français de manière générale, et au sport de haut niveau en particulier. L'accompagnement du sportif est une dimension indispensable de cette politique car il permet d'augmenter considérablement les chances de succès de nos jeunes talents, en particulier pour ceux issus de situations sociales difficiles.
La loi relative au statut du sportif de haut niveau de 2015, citée précédemment, est issue de nombreux rapports, dont celui de Jean-Pierre Karaquillo qui a mis en lumière la nécessité de reconnaître ce statut. Ce texte prévoit plusieurs dispositions qui protègent le sportif de haut niveau telles que l'obtention d'un contrat de travail prévoyant une rémunération à 100 % du sportif dont le temps d'activité varie en fonction du calendrier des compétitions. Des avancées en matière de protection sociale sont également à souligner avec la création d'un régime de sécurité sociale permettant aux sportifs de bénéficier d'une retraite quels que soient leurs revenus et d'un régime assurantiel prenant en compte les accidents durant les entraînements comme des accidents du travail. Enfin, des aides personnalisées permettent aux athlètes de haut niveau de financer leur projet de formation. À ces dispositifs s'ajoutent l'accompagnement des collectivités territoriales qui délivrent des bourses à titre individuel à leurs sportifs.
La ministre a exprimé à plusieurs reprises sa volonté d'aller plus loin sur l'accompagnement et la protection du statut du sportif, notamment dans la perspective des Jeux de Paris 2024, en créant des bourses olympiques et paralympiques. D'autres dispositifs devraient donc voir le jour dans les mois à venir. Des progrès restent à faire, mais nous pouvons être fiers de la manière dont nous prenons en charge nos sportifs. À l'heure actuelle, la France est le pays qui propose à ses athlètes le service public le plus riche et le plus varié dans le souci de sécuriser les parcours avant, pendant et après la carrière de haut niveau. Le Royaume-Uni, par exemple, a fait le choix de salarier ses sportifs, mais ceux-ci ne bénéficient plus d'aucune protection lorsqu'ils cessent d'être des sportifs de haut niveau et que leur contrat de travail avec l'État est, de fait, rompu.
Monsieur le directeur général, je vous remercie à nouveau pour la qualité de votre accueil. Nous nous retrouvons dans votre philosophie de travail qui vise l'excellence et doit continuer de faire rêver les jeunes sportifs. À ce titre, je me permets de vous offrir la médaille de la Délégation sénatoriale aux outre-mer.
J'ajouterai qu'au mois de novembre se tiendra la 40e édition de la Route du rhum. Dans cette perspective, j'ai été sollicitée par le directeur du CREPS Antilles-Guyane pour tenter de regrouper tous les responsables du haut niveau du réseau Grand INSEP en Guadeloupe. Si nous parvenons à mener à bien ce projet, nous serions heureux d'accorder un temps d'échange à la Délégation sénatoriale aux outre-mer avec tous les responsables de haut niveau de nos territoires pour approfondir encore cet échange.
Visite des sites d'entraînement où évoluent des sportifs de haut niveau ultramarins
Au sein du complexe Christian d'Oriola, la délégation va à la rencontre des sportifs et de leurs entraîneurs.
Dans la salle dédiée au taekwondo, M. Mehdi Bensafi, entraîneur du groupe de préparation olympique, explique à la délégation les règles du taekwondo et affirme que le nouveau dispositif électronique de comptabilisation des points par capteurs témoigne de la capacité d'évolution de cette jeune discipline olympique. Le taekwondo est l'une des disciplines olympiques les plus répandues dans le monde et certains pays, qui ne disposent pas du même niveau d'infrastructure et d'encadrement que la France, parviennent à décrocher des médailles aux championnats du monde. Le taekwondo est, en ce sens, victime de sa popularité, puisque la concurrence à l'international s'est fortement accrue ces dernières années. La France compte environ 60 000 licenciés en taekwondo, ce qui correspond à la moyenne mondiale en proportion de sa population.
Dans la salle dédiée à la lutte, M. Franck Abrial, responsable du pôle France de lutte, explique que les athlètes s'entraînent intensivement en vue des prochains championnats de France qui se dérouleront à Schiltigheim, en Alsace, du 17 au 18 février 2018. Il souligne la qualité de l'encadrement sportif du club de lutte de Saint-Joseph, à La Réunion, qui fournit à l'INSEP de nombreux athlètes tels que Valentin Damour, étudiant en sport et communication, Charles Afa, préparant un baccalauréat professionnel commerce et Julie Guillaume, titulaire d'un diplôme de kinésithérapeute. Une délégation du club de Saint-Joseph s'est d'ailleurs récemment rendue à l'INSEP afin de se préparer pour la Cristo Lutte à Créteil. Après leur séjour à Paris, les sportifs se sont rendus à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales) où s'entraînent de jeunes lutteurs réunionnais repérés par le pôle Espoir. Des centres d'entraînement similaires existent à Ceyrat (Auvergne) et à Dijon qui compte deux lutteurs d'origine réunionnaise.
Détaillant le fonctionnement du pôle lutte, M. Abrial explique qu'il s'agit d'un pôle olympique accueillant des athlètes entre 18 et 35 ans. Cependant, compte tenu de la durée restreinte des carrières sportives, l'INSEP encourage les sportifs à envisager très en amont leur reconversion en suivant, en parallèle de leurs entraînements, une formation diplômante. La kinésithérapie et le professorat sont des débouchés professionnels plébiscités par les lutteurs de l'INSEP.
Dans les trois salles d'escrime dédiées à l'épée, au fleuret et au sabre, M. Stéphane Riboud, responsable du pôle France d'escrime, explique que dans ces trois salles d'entraînement mises à la disposition de la Fédération française d'escrime, 70 athlètes s'entraînent en permanence, sous la direction de 12 entraîneurs. La majorité des territoires d'outre-mer est représentée au sein du pôle France, les ultramarins comptant pour environ 20 % des effectifs, soit une quinzaine de sportifs, même si les statistiques sont difficiles à établir compte tenu de la forte mobilité des sportifs. La plupart des escrimeurs ultramarins doivent en effet quitter leur territoire pour s'entraîner au CREPS de Wattignies (Hauts-de-France), d'Aix-en-Provence ou de Châtenay-Malabry (Île-de-France).
Stéphane Riboud indique aux sénateurs la présence dans la salle d'Aymeric Gally, originaire de Nouvelle-Calédonie, et de l'escrimeur guadeloupéen Enzo Lefort, champion du monde et médaillé d'argent aux Jeux olympiques. Les outre-mer ont ainsi contribué au rayonnement sportif de la France, notamment grâce à Fabrice et Jérôme Jeannet ainsi que Jean-Michel Lucenay, champions olympiques originaires de la Martinique, ou encore Yannick Borel, de Guadeloupe.
Dans la salle de gymnastique artistique, les sénateurs ont ensuite pu assister à l'entraînement de jeunes gymnastes.
Les sénateurs se sont rendus à la Halle Joseph Maigrot où M. Ghani Yalouz a détaillé les équipements de cette structure qui offre aux athlètes des conditions d'entraînement exceptionnelles : une piste de 340 m, un anneau avec virages relevés, deux pistes de vitesse, deux sautoirs en hauteur, deux sautoirs en perche, une fosse à sable pour le saut en longueur et le triple saut...
Les sénateurs ont pu assister à l'entraînement de saut de haies de certains athlètes, sous l'égide de leur entraîneur, M. Olivier Vallaeys.
Puis les sénateurs ont déjeuné en compagnie de l'équipe de la direction générale et de trois sportifs de haut niveau issus des outre-mer , Mme Lucie Décosse (Guyane-judo), M. Yannick Borel (Guadeloupe-escrime) et M. Chin Raihau (Polynésie française-taekwondo).
Entretien bilatéral avec la responsable pôle France de tennis de table et un jeune sportif guadeloupéen
La délégation a rencontré Mme Rozenn Jacquet-Yquel, responsable pôle France, et M. Alexandre Cassin, jeune pongiste guadeloupéen.
Alexandre Cassin explique aux sénateurs que son arrivée précoce dans l'hexagone lui a permis de gagner en expérience et d'améliorer considérablement son niveau sportif, tout en bénéficiant d'un encadrement de qualité et d'une bonne dynamique de groupe. L'intensité du rythme de travail, avec deux entraînements de 3 heures par jour, oblige les sportifs à respecter une hygiène de vie très stricte. M. Cassin estime qu'il bénéfice du meilleur cadre de vie possible pour atteindre ses objectifs de long terme, un titre olympique ou un titre de champion du monde. M. Cassin rappelle qu'il considère l'INSEP comme sa maison et s'estime chanceux d'évoluer dans une telle structure.
Rozenn Jacquet-Yquel, ancienne sportive de haut niveau et entraîneur, explique que son rôle consiste à aider M. Cassin dans la construction de son parcours de vie, à la fois scolaire et sportif. Cela nécessite d'être constamment à l'écoute du sportif, en répondant à ses besoins spécifiques. Pour M. Cassin, cela s'est traduit par la mise en place d'un tutorat qui lui a permis, à force de travail, d'obtenir son baccalauréat. Mme Jacquet-Yquel considère que la réussite scolaire est essentielle en ce qu'elle contribue autant que la réussite sportive à améliorer l'estime de soi des jeunes.
Entretien avec les responsables des internats des sportifs mineurs et des sportifs majeurs
Afin de vous communiquer des éléments de contexte, je souhaiterais rappeler le rôle du pôle de haut niveau et la place des collègues qui m'accompagnent. Le pôle de haut niveau regroupe l'ensemble des services proposés aux sportifs : les internats, le lycée de l'INSEP, les formations hors les murs grâce aux conventions passées avec d'autres établissements, les formations professionnelles organisées sur site, l'accès à l'emploi, la reconversion, les relations avec les pôles France et les conditions d'entraînement. Cette structure, qui compte une cinquantaine de personnes, constitue ainsi le premier cercle d'accompagnement du sportif.
Chers sénateurs, je suis conseillère d'éducation populaire et de jeunesse, responsable de l'internat pour mineurs depuis 16 ans et travaille à l'INSEP depuis près de 30 ans.
Chers sénateurs, ma mission au sein de l'INSEP est double, puisque je suis à la fois responsable des majeurs (externes, demi-pensionnaires ou internes) et de l'accueil des stages fédéraux et institutionnels.
Je suppose qu'au-delà de l'internat destiné aux résidents à l'année, l'INSEP propose également des solutions d'hébergement pour des visiteurs temporaires. Pouvez-vous nous en détailler le fonctionnement ?
Nous disposons de trois bâtiments pour les résidents permanents majeurs et d'un quatrième bâtiment, d'une capacité de 100 lits, consacré aux hébergements ponctuels de sportifs et d'entraîneurs en stage à l'INSEP.
Je souhaiterais connaître le taux d'occupation des chambres, ainsi que les conditions de vie et d'organisation au sein de l'INSEP. De l'extérieur, en effet, le personnel, les entraîneurs et les sportifs semblent cohabiter dans une harmonie extraordinaire. Comment réussissez-vous cela et rencontrez-vous, par ailleurs, des difficultés dans la gestion des internats ?
Les places vacantes pour les résidents permanents sont rares. En ce qui concerne l'hébergement temporaire, l'INSEP n'est pas en mesure d'accepter toutes les demandes de logement temporaire en période de forte activité.
Sur la question de l'atmosphère générale à l'INSEP, le pôle de haut niveau ne transige pas sur certaines valeurs, notamment le respect de l'origine et de la discipline pratiquée, condition sine qua non pour que la structure puisse fonctionner correctement. Toutefois, les tensions sont inévitables lorsqu'il s'agit de gérer 150 adolescents. L'équipe accorde donc une attention particulière à leur vie personnelle, dimension souvent niée dans ce genre d'institution et qui, pourtant, s'avère déterminante dans la construction de tout un chacun. L'INSEP est donc confronté aux mêmes problèmes que ceux qui frappent la jeunesse de notre société. La radicalisation religieuse, par exemple, est une problématique qui nous préoccupe particulièrement car nous avons assisté à une montée en puissance de comportements jusque-là inhabituels. Nous travaillons ainsi en collaboration avec la région Île-de-France pour former notre personnel à ces nouvelles difficultés.
L'internat de l'INSEP est très particulier. Au fil des années, nous avons cherché à construire un lieu à la fois sécurisant, encadrant, mais dans lequel l'individu peut prendre toute sa place au plan sportif, scolaire et personnel. Nous proposons ainsi des ateliers et des journées d'intégration au sein de la structure pour que personne ne soit désorienté. Pour ancrer ces repères, nous insistons également sur la présence d'adultes référents autour des jeunes : l'internat pour majeurs compte ainsi 6 surveillants contre 10 à l'internat pour mineurs, avec une permanence qui fonctionne 24 heures sur 24.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe aujourd'hui, les jeunes ultramarins font l'objet d'une vigilance particulière du fait des problèmes liés au déracinement. Pour autant, il me semble essentiel pour leur intégration de ne pas traiter ces jeunes différemment. Pendant les vacances scolaires, les ultramarins ont rarement la possibilité de rentrer chez eux. Dans ce cas, nous les accompagnons pour qu'ils puissent se rendre dans leur famille s'ils en ont dans l'hexagone, ou dans la famille de leurs camarades. S'ils restent à l'internat, nous nous rendons disponibles de manière à ce qu'ils ne se sentent pas délaissés.
Même s'il existe un règlement d'établissement, mon approche vis-à-vis des majeurs est différente, car je ne peux pas bénéficier du soutien des parents. Je dois donc faire preuve d'écoute et de patience pour que nous puissions passer ensemble un pacte de confiance. Là encore, je ne déroge pas à certaines règles. Toutefois, nous nous assurons que chacun puisse s'exprimer sans être jugé sur ses études ou sur son sport. Pour cela, nous laissons par exemple nos internes personnaliser leur chambre.
Paradoxalement, les majeurs sont plus pudiques et plus renfermés, en particulier lorsqu'ils viennent de loin. Je pourrais citer le cas de ce jeune sportif guyanais qui hébergeait sa femme et son fils dans sa chambre le week-end alors que celle-ci n'est conçue que pour une personne. Il s'agit alors de déployer des trésors d'ingéniosité, tout en discrétion pour ne pas perdre leur confiance, afin de remédier à ce genre de problème. L'exemple de M. Chin Raihau me vient également à l'esprit. Ce sportif, originaire de Polynésie française, ne pouvait pas rester en contact avec sa famille car l'accès à internet était coupé dans tout le bâtiment à partir de 22 h 30, alors même que le décalage horaire ne lui permettait pas de les joindre plus tôt. Nous nous sommes adaptés en conséquence, dès lors que nous avons eu connaissance de cette situation.
Mme Authier, M. Roult et moi-même habitons sur le site, ce qui nous permet de cultiver cette proximité avec les jeunes de l'INSEP.
L'INSEP est un monde de grande exigence, mais aussi de grande indulgence.
Je souhaiterais d'abord savoir s'il existe un pôle psychologique pour épauler les sportifs à l'INSEP et repérer tous les problèmes que vous venez d'énumérer. Ma seconde question concerne ces sportifs ultramarins, repérés par les fédérations, qui ne parviennent pas à se faire à la vie dans l'hexagone et reviennent dans leur territoire d'origine. Connaissez-vous le taux d'abandon des sportifs ultramarins à l'INSEP ? Ces situations m'interpellent car j'imagine qu'une prise en charge plus fine permettrait de détecter les jeunes dont le sport n'est pas une véritable vocation et qui s'engagent dans cette voie par défaut.
Ma question porte sur la scolarité des sportifs. Je comprends qu'il s'agit ici d'emplois du temps individualisés, pouvez-vous ainsi m'indiquer le nombre d'enfants par classe ?
Ma deuxième remarque concerne l'encadrement des jeunes. J'ai peine à croire que cette présence constante des adultes autour d'eux soit toujours bien acceptée, même si l'équipe agit dans leur intérêt, étant donné le degré d'exigence de l'institution. Les adolescents ne peuvent pas être sollicités en permanence, ils ont besoin de liberté, de temps pour réfléchir et rêver. Même si les problèmes de discipline sont rares, rencontrez-vous des difficultés à ce niveau ?
Je souhaiterais pour ma part aborder la question du suivi de santé des jeunes, que nous n'avons fait qu'effleurer jusque-là. Comment est organisée l'équipe médicale ? Comment gérez-vous les interventions médicales ? Les procédures sont-elles différentes selon que le jeune est majeur ou mineur ?
À partir de votre expérience professionnelle, comment qualifieriez-vous l'évolution de la jeunesse, en particulier de la jeunesse sportive au fil des générations ?
Nous vous fournirons toutes les statistiques dont nous disposons. Notre contingent de sportifs ultramarins, relativement modeste, est surtout constitué de jeunes issus de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion. Toutefois, le nombre d'ultramarins du Pacifique est en progression constante puisque nous avons doublé les effectifs en une décennie.
Les fédérations maillent le territoire pour essayer de repérer les talents de demain. Cette tâche, difficile, nécessite de faire des paris sur l'avenir qui ne sont pas toujours couronnés de succès. À l'inverse, nous assistons parfois à des phénomènes étonnants : Mme Mathilde Gros, par exemple, ancienne basketteuse dont le potentiel en cyclisme a été repéré par hasard par un entraîneur. Après être passée par l'INSEP, elle est aujourd'hui championne du monde au bout de trois années d'entraînement seulement. Cet exemple souligne l'importance de la formation des entraîneurs au plan local afin de faire émerger les talents dans tous nos territoires.
Sur la question du soutien psychologique, l'INSEP possède un pôle intervenant à plusieurs niveaux. L'équipe est constituée de psychologues cliniques, de psychologues de la performance, de chercheurs et de psychologues spécialisés dans l'accompagnement. Ainsi, nous formons régulièrement, au travers de l'executive master délivré par l'INSEP et ouvert aux agents comme aux personnes extérieures, des spécialistes du coaching des sportifs de haut niveau.
En ce qui concerne la scolarité, l'éducation nationale met à notre disposition des moyens et des enseignants qui dispensent leurs cours dans nos locaux, ce qui nous permet d'avoir notre propre lycée. Il s'agit d'une situation unique en France.
Il n'existe pas de collège à l'INSEP. Pour autant, nous gérons une petite classe de troisième qui travaille avec le Centre national pour l'enseignement à distance (CNED).
Au lycée, les classes sont de taille variable, pour un effectif total de 160 élèves. Lorsque nous manquons de place, nous intégrons les élèves non pas en fonction de leur niveau scolaire mais de leur efficience sportive. Notre travail consiste ainsi à créer les conditions optimales pour que les élèves obtiennent leur baccalauréat, y compris en déployant des moyens considérables pour aider des sportifs de haut niveau en difficulté scolaire. Des études du soir et des colles sont organisées, et la scolarité s'effectue du lundi au samedi soir pour s'adapter au mieux au rythme des sportifs, ce qui représente à l'année 1 600 heures supplémentaires de présence des enseignants. Nous comptons également renforcer nos accords avec des institutions comme l'École normale supérieure (ENS) qui, chaque année, nous fournit des étudiants pour assurer le tutorat scolaire.
Les diplômes qui peuvent être préparés au lycée de l'INSEP sont le baccalauréat scientifique (S) et le baccalauréat économique et social (ES) pour les filières générales, le baccalauréat sciences et technologies du management et de la gestion (STMG) et le baccalauréat professionnel commerce ainsi qu'un brevet de technicien supérieur (BTS) en management des unités commerciales. Cette dernière formation a été créée en collaboration avec l'éducation nationale pour correspondre spécifiquement aux sportifs de haut niveau.
Nos résultats parlent d'eux-mêmes, puisque nous affichons un taux de réussite de 100 % au baccalauréat, et 70 % de diplômés avec mention.
Pour entrer davantage dans le détail du déroulement de la scolarité, il existe un cadre commun, avec trois séquences de cours d'environ 55 minutes le matin et deux séquences l'après-midi. Nous escomptons, en négociant avec l'éducation nationale, raccourcir les séquences de 5 minutes en améliorant notre matériel vidéo notamment afin de gagner, au total, 30 minutes de repos supplémentaire : l'objectif est d'aménager un temps de sieste et d'aménager la récupération pendant cette pause méridienne. À terme, nous espérons être en mesure d'offrir des cours tous les jours et d'étaler la scolarité sur toute l'année, indépendamment des périodes ordinaires de vacances, pour permettre un entraînement plus long l'après-midi. L'INSEP met ainsi un point d'honneur à optimiser les conditions de scolarité et d'entraînement de ses sportifs. Cette dynamique se retrouve à la tête du lycée puisque le proviseur est issu du ministère des sports et son adjoint de l'éducation nationale.
Je me permets de saluer les résultats de l'INSEP puisqu'il y a 15 ans, le taux d'échec au baccalauréat des sportifs de haut niveau étudiant au lycée Berlioz était de 55 %.
En effet, l'inspection générale de l'éducation nationale observe l'INSEP avec attention, en particulier en ce qui concerne l'organisation singulière de notre BTS.
Je souhaiterais rappeler que ces aménagements et expérimentations sont possibles parce que nous travaillons avec des effectifs réduits. La classe de troisième, à titre d'exemple, n'accueille que 5 élèves, ce qui permet d'offrir à chacun d'entre eux un accompagnement personnalisé. La limite est fixée à 24 élèves par classe, y compris avec nos lycées partenaires. C'est ce qui nous permet d'amener jusqu'au baccalauréat des élèves en situation de décrochage scolaire à leur arrivée.
L'autre force de notre dispositif réside dans le fait que toute la communauté éducative autour du sportif est impliquée dans le suivi de sa scolarité. Ainsi, les entraîneurs, les responsables de pôles et moi-même participons au conseil de classe car il est essentiel que les professionnels se tiennent informés de l'évolution sportive et scolaire du jeune afin de lui garantir un accompagnement personnalisé et efficace, sans que cela soit perçu comme une intrusion dans sa vie. Or, ce système génère des difficultés particulières car les jeunes, habitués à ce que l'organisation des entraînements soit prise en charge à leur place, ont des difficultés à gagner en autonomie dans leur vie courante, et nous devons les aider à franchir cette étape.
J'ajouterais qu'en ce qui concerne les majeurs, mon travail d'assistance consiste surtout à aider les jeunes dans leurs démarches administratives. J'ai d'ailleurs pu constater que, dans ce domaine, les jeunes adultes d'aujourd'hui sont moins autonomes. L'internat est plus calme qu'il a pu l'être avec les générations précédentes. Ainsi, l'enjeu principal consiste à s'assurer qu'ils communiquent entre eux. Même s'ils bénéficient d'espaces communs comme un salon comprenant un billard, un babyfoot et des jeux vidéo, les jeunes peinent à sortir de leur chambre. Avec l'arrivée des réseaux sociaux, certains se persuadent d'avoir une vie sociale riche, alors qu'ils se sentent très seuls. En outre, l'instantanéité d'internet rend les jeunes, à mon sens, plus impatients, y compris dans leur carrière sportive. Les entraîneurs doivent ainsi leur inculquer les valeurs du travail et de la patience.
Pour les ultramarins, la difficulté principale demeure l'accession à la sécurité sociale, en particulier pour les jeunes issus du Pacifique où il est difficile de faire le lien avec les organismes de sécurité sociale locaux. Certains sportifs ont des contrats d'image avec des entreprises ou dans le cadre du pacte de performance, ce qui entraîne un basculement du statut d'étudiant vers celui de salarié. Ces démarches sont très complexes, et certains jeunes prennent le risque de ne pas être couverts, ce qui demande une vigilance particulière de notre part.
Je ne peux qu'abonder dans votre sens, Madame, puisque dans nos propres foyers, les parents et les enfants ne se parlent plus. Les jeunes, rivés à leurs écrans, ne sont pas aussi responsabilisés qu'ils l'étaient auparavant. Cette évolution sociétale préoccupante engendre les problèmes que vous avez soulevés. Je souhaite ainsi vous remercier pour votre dévotion, en particulier à l'égard des enfants ultramarins que vous accompagnez si bien.
Certains jeunes abandonnent-ils l'INSEP, faute de s'adapter à la vie en internat ?
Nous ne disposons pas de statistique sur les départs en cours d'année des ultramarins. Pour autant, en internat des mineurs, ce cas de figure se présente environ tous les 3 ou 4 ans. Ces abandons concernent majoritairement des jeunes sportifs polynésiens. Il me semble ainsi essentiel d'insister sur la préparation du projet en amont car, dans les moments de doute, les sportifs ont besoin de se raccrocher aux objectifs qu'ils se sont fixés. Il convient donc de définir au préalable ces objectifs, mais aussi les moyens que le sportif, la fédération et la famille sont prêts à engager pour réaliser ce projet.
Dans cette perspective, la Fédération française de basketball organise deux fois par an des stages en immersion d'une ou deux semaines. Tous les jeunes qui y participent ne sont pas repérés, mais cela leur offre au moins la possibilité de se confronter à la réalité du monde sportif et à la vie en métropole. Ce genre de dispositifs devrait se démocratiser au sein des fédérations sportives afin de limiter les abandons a posteriori.
À certains égards, l'INSEP et le CREPS Antilles-Guyane se substituent aux fédérations en faisant en sorte que les meilleurs sportifs du CREPS puissent venir s'entraîner quelques jours à l'INSEP. Ces déplacements s'organisent en dehors des vacances scolaires pour que les jeunes puissent suivre l'enseignement dispensé dans notre lycée. Cela permet aussi de se rendre compte du niveau d'exigence sportive attendu, parfois sous-estimé par des jeunes peu habitués à ce degré de concurrence. En effet, certains ont des difficultés à réaliser qu'ils ne sont plus les champions de leur quartier lorsqu'ils intègrent l'INSEP entourés d'autres jeunes du même niveau.
Pour en revenir à la vie sociale de nos résidents, le fait qu'ils sortent peu de leur chambre pose souci, car l'équipe identifie plus difficilement les signes d'une dépression. Les surveillants sont donc particulièrement attentifs à l'isolement de certains jeunes et alertent discrètement leur encadrement pour rompre le plus tôt possible la spirale infernale de l'enfermement.
Cela me permet ainsi d'évoquer la question du suivi médical des sportifs de haut niveau, assuré au sein de l'INSEP par des médecins, un pédiatre et une gynécologue. Dans ce domaine, nous répondons à des exigences plus strictes que celles définies par la règlementation applicable. L'équipe médicale est particulièrement attentive aux problèmes d'aménorrhées ou de plancher pelvien des jeunes filles, souvent tus dans le monde du sport et qui, pourtant, peuvent avoir de graves conséquences sur la santé tout comme l'ostéoporose. La permanence médicale est assurée par une ligne téléphonique ouverte en continu. Le centre de soins, qui compte 80 personnels médicaux et paramédicaux, est ouvert au public mais garantit aux sportifs une prise en charge prioritaire. En cas de problème grave, nous n'hésitons pas à emmener nos résidents aux services d'urgence en hôpital.
Je conclurai en indiquant que le pôle de haut niveau intervient au quotidien auprès des sportifs par des actions modestes mais qui, sur le long terme, permettent de créer les conditions optimales d'une réussite sportive, scolaire et sociale. D'aucuns pourraient ainsi considérer que la présence permanente d'adultes autour de nos sportifs crée, pour eux, une atmosphère pesante. Vivre dans un espace aussi confiné, selon des règles strictes, peut paraître difficile. Pour autant, il me semble que c'est une question de distance. Lorsqu'un jeune va mal, nous sommes à ses côtés, puis nous nous éloignons pour lui donner l'espace personnel nécessaire à son développement. Ce jeu tout en subtilité nécessite que nos professionnels aient une grande connaissance de la jeunesse et du monde sportif.
Quant à l'évolution de la jeunesse, enfin, nous accompagnons aujourd'hui une génération de « zappeurs », plus susceptibles d'abandonner face à l'échec par manque de patience et de volonté. Aussi assiste-t-on à une augmentation continue du pourcentage d'abandon sans signe précurseur de démotivation.
Pour rebondir sur votre intervention, je souhaiterais savoir s'il existe une différence statistique de ce point en vue entre les ultramarins et les jeunes issus de l'hexagone.
Je crois que le ratio d'abandon est légèrement plus faible chez les ultramarins.
Cela peut sans doute s'expliquer par le fait que le projet sportif est plus construit chez ces jeunes.
Je souhaite attirer l'attention de mes collègues sur l'importance de ces données qui nous permettront de transmettre des messages dans nos territoires. Nos jeunes électeurs nous reprochent souvent de ne pas leur donner les moyens de réussir, et cette visite m'a permis de réaliser qu'il est nécessaire d'agir en amont, au moment du départ, car je suis convaincue qu'ils bénéficient au sein de l'INSEP des meilleures conditions pour développer leur potentiel sportif. Or, agir en amont du processus de repérage revient à s'attaquer aux difficultés structurelles auxquelles les territoires d'outre-mer font face comme la remise à niveau des infrastructures sportives ou la simplification des procédures d'attribution de la sécurité sociale. J'aimerais donc vous remercier pour cette journée très enrichissante.
S'agissant de l'internat, je pense que votre réussite tient aussi au fait que les résidents ont choisi d'intégrer l'INSEP, avec un projet sportif et scolaire solide. Même si le parcours est jalonné de moments difficiles, je crois que ces jeunes ont conscience de la nécessité de faire ce choix de vie pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés.
En ce qui concerne la réussite scolaire, je ne peux que vous féliciter au vu de vos résultats. Vous avez su développer vos atouts pour y parvenir : des effectifs restreints, un suivi personnalisé, l'aménagement des emplois du temps, l'intégration des besoins physiologiques des adolescents, la coopération entre les membres de l'équipe éducative, tous passionnés de sport. Je rappellerai à ce titre la règle d'or de la pédagogie : on ne peut pas faire aimer aux autres ce que l'on n'aime pas soi-même.
J'ajouterai que notre objectif n'est pas seulement de former de grands sportifs, mais aussi de bons citoyens. Pour élargir le propos, je signale que l'INSEP accueille de nombreux sportifs naturalisés que nous accompagnons dans la construction de leur identité citoyenne. Je citerai notamment le cas de Zelimkhan Khadjiev, jeune lutteur tchétchène, arrivé en France dans des conditions difficiles. Il a trouvé dans l'INSEP un refuge où il a pu apprendre à lire et à écrire le français. Il est aujourd'hui titulaire d'un baccalauréat professionnel, et cette réussite et toute aussi importante pour lui qu'une sélection en équipe de France pour les Jeux olympiques de Rio.
Je souhaite vous remercier et conclure en soulignant l'importance, pour les jeunes, de préparer l'après-carrière sportive. Malheureusement, certains d'entre eux n'anticipent pas le choc du retour à la vie normale après la gloire, d'autant plus brutal qu'ils peinent à trouver des opportunités professionnelles. La double mission de l'INSEP, qui permet au sportif de mener de front la scolarité et la carrière sportive, est en cela essentielle.
J'abonde dans le sens de Monsieur Antoine Karam et rappelle que nous sommes preneurs, pour mener à bien notre mission, de toute suggestion que vous pourriez nous faire. Je vous invite à nous signaler vos difficultés également, puisque nous avons d'excellentes relations avec le monde du sport dans nos territoires. Je souhaite que nous puissions, par la réussite sportive, redonner de l'espoir à nos jeunes et les rendre fiers de défiler non seulement sous les couleurs de la France mais aussi de celles de nos territoires. Il s'agit d'un enjeu majeur pour l'attractivité des outre-mer. Je suis persuadée que le sport peut nous permettre d'attirer des investisseurs et de changer le regard porté sur les outre-mer.
Entretien bilatéral avec le responsable pôle France de basket et une jeune sportive mahoraise
La délégation a rencontré M. Tahar Assed-Liégeon, responsable pôle France, ainsi que Mme Djoumoi Fayzat, jeune basketteuse mahoraise.
Les sénateurs comprennent, avec le témoignage de Mme Djoumoi Fayzat, la difficulté pour les joueurs de basketball de l'INSEP de concilier leur double projet sportif et scolaire, avec l'ambition de préparer les Jeux olympiques de 2024.
Philippe Roult rappelle qu'à l'INSEP, les sports collectifs pratiqués sont le football féminin, le basketball et le hockey sur gazon. Seuls le centre fédéral de basketball et le pôle France de football offrent des débouchés professionnels.
Tahar Assed-Liégeon explique par ailleurs aux sénateurs que la Fédération française de basketball a mis en place des pôles espoirs dans chaque région, à l'exception de Mayotte et La Réunion. Ce dispositif a été pensé dans le but d'éviter les déracinements précoces en offrant aux joueurs la possibilité de s'entraîner près de chez eux. Dans cette perspective, le centre fédéral, une association support créée par la fédération, se rend chaque année aux Antilles avec un préparateur physique et des joueurs pour former les cadres locaux, leur apprendre à repérer les jeunes talents et organiser des rencontres sportives. Les outre-mer, qui fournissent de nombreux joueurs de haut niveau, représentent donc un enjeu majeur pour la fédération.
Entretien bilatéral basket avec le responsable pôle France d'escrime et un jeune sportif calédonien
La délégation a rencontré M. Stéphane Riboud, responsable pôle France ainsi que M. Aymeric Gally, jeune escrimeur calédonien.
Les sénateurs apprennent avec le témoignage de M. Aymeric Gally que les aides financières pour les jeunes sportifs ne présentant pas de projet olympique sont limitées et qu'il est difficile de s'engager dans une carrière sportive sans le soutien financier de son club et de sa famille.
Stéphane Riboud encourage la Nouvelle-Calédonie et les autres territoires à développer les infrastructures sportives et l'encadrement pour permettre aux jeunes de s'entraîner le plus longtemps possible près de chez eux. Il explique que les escrimeurs ultramarins à l'INSEP finissent tous par rejoindre la métropole, faute de pouvoir supporter le coût des déplacements depuis leur territoire d'origine.
Lana Tetuanui, rapporteure, propose ainsi d'étendre la continuité territoriale aux sportifs de haut niveau. Afin d'accompagner au mieux les sportifs, la Polynésie française a voté cette année une loi de pays relative à la reconnaissance officielle du statut de sportif de haut niveau.